Former les étudiants en écoles de management recouvre dans les faits des objectifs multiples : développer leurs connaissances techniques et managériales, faire acquérir aux étudiants des méthodes de travail en présentiel ou à distance, de manière individuelle aussi bien qu’en groupe.
Former l’étudiant aux métiers de demain
Il s’agit aussi de leur apprendre à être agile selon Charbonnier et adaptable aux exigences d’un monde professionnel dans lequel l’employé établit un contrat psychologique avec son employeur (cf Dulac, 2005) dans un contexte concurrentiel mondial et très évolutif ; nous parlons ici de comportement et d’attitude, voire d’ouverture d’esprit. Enfin, il s’agit aussi de permettre aux étudiants de s’insérer dans un environnement « multiple » : local, régional, national et international, en sachant changer de langue de travail et d’environnement culturel.
Ce sont des objectifs ambitieux qui doivent répondre aux attentes du monde professionnel, de la TPE (très petite entreprise) au groupe multinational, tout en développant chez l’étudiant une culture entrepreneuriale (vers la création d’entreprise) ou intrapreneuriale (vers la gestion de projets au sein d’une entreprise).
Les écoles de management ont pleinement leur rôle à jouer, et notamment, elles doivent permettre à l’étudiant de développer une pensée critique pour devenir un étudiant réflexif, dans l’esprit développé par Philippe Perrenoud sur le praticien réflexif.
Vers un étudiant réflexif
De notre point de vue, l’insertion dans le monde professionnel de demain, mais plus largement l’insertion dans le monde tout court, nécessite de repenser le contexte d’enseignement en management d’un point de vue plus individuel et sociétal.
Dans un monde gagné par la vitesse et la culture de l’immédiateté, où les notions de consommation, d’accoutumance à la facilité d’accès et l’instantanéité de l’information via Internet génèrent des réflexes de dispersion, il semble nécessaire d’intégrer des temps de pause et de réflexion plus longs pour questionner l’étudiant sur lui-même, sur son rapport aux autres et au monde.
Introduire le questionnement personnel : quelles sont mes valeurs ? À quel type d’entreprises correspondent- elles ? Quelle place est-ce que je veux prendre dans l’évolution du contexte économique de demain ? Sont autant de questions que l’étudiant doit se poser, pour être acteur de sa formation, mais surtout, constructeur de son avenir et de son environnement.
Les écoles de management doivent jouer un rôle dans cette approche. Cela implique de nouvelles formes de pédagogie basées davantage sur l’écoute et le dialogue. Espaces d’écoute et de discussion banalisés et valorisés, coaching personnel aussi bien que professionnel doivent amener l’étudiant à une projection complète avant d’entrer sur le marché du travail.
Nous sommes en train de changer de paradigme économique, nous allons devoir relever des défis climatiques et humains, et pour autant, il n’a jamais semblé aussi nécessaire de revenir à des notions essentielles. Et cela autour de questions comme : comment vivre ensemble en société dans un monde si digitalisé qu’il en est devenu presque virtuel ? Ou encore : comprendre l’autre pour mieux travailler avec lui, n’est-ce pas un préalable nécessaire ?
Sans rentrer dans des questionnements religieux ni politiques, il est possible de travailler sur des valeurs affichées (par exemple, l’EM Normandie inscrit dans sa charte les valeurs de loyauté, d’audace et de courage qui peuvent interpeller l’étudiant sur ses propres valeurs).
Toutefois, l’évolution des sociétés, les enjeux actuels sur l’environnement, le résultat des récentes élections américaines, les tensions entre communautés, les menaces terroristes, montrent un environnement turbulent et malmené qui doit aussi poser question aux pédagogues des écoles de management. Les cours de management et de culture générale, les conférences, toutes formes d’intervention doivent amener l’étudiant à se questionner sur sa place dans son environnement : quel rôle veut-il jouer ? Plus généralement : quel monde veut-il ?
Prendre du temps pour réfléchir ! Voilà une dimension à redécouvrir pour les nouvelles générations…
Quelles pratiques pédagogiques pour cela ?
Pour répondre à ces objectifs multiples, les outils et méthodes de travail n’ont jamais été aussi nombreux et variés. Le cours magistral (l’étudiant écoute sagement le professeur qui délivre son savoir) est « mort ». Il est remplacé par des formes d’enseignement plus souples et surtout, plus interactives où l’étudiant est co-constructeur de son savoir. L’enseignant a davantage le rôle d’animateur et de « guide » (Alves et Hélène, 2016) pour que l’étudiant trouve la solution par lui-même.
Jeux d’entreprise, pédagogie inversée, mises en situation, travaux de groupe, missions tutorées de conseil en entreprise… un panel de pédagogies actives et innovantes qui interpellent l’étudiant pour s’appuyer sur ses savoirs et compétences afin de le stimuler à apprendre et surtout, comprendre. Le recours aux outils numériques (plates-formes de travail collaboratif, réseaux sociaux) permet en plus de faire le lien avec leur environnement quotidien, et améliore la perception de l’enseignement dispensé.
Ainsi, les enseignants doivent aussi réfléchir à de nouveaux dispositifs pour aider l’étudiant à repenser son rapport aux autres, inspirés du modèle des jeux de discussion évoqué ici même par R-E Eastes.
Cette forme de dialogue rencontre un fort succès dans le cadre de séances de codéveloppement organisées dans le cadre du Parcours Carrière au sein de l’EM Normandie. Le principe est le suivant : sous la responsabilité d’un coach professionnel, des séances de groupes composés de cinq étudiants dialoguent autour de leur recherche d’emploi : difficultés rencontrées, réseautage, réponses aux annonces, entretiens, tous font part de leurs expériences pour aider les autres dans leur insertion au sein du monde professionnel. Le coach a un rôle de modérateur parfois de conseil, mais le contenu des séances n’est pas connu d’avance, il est co-construit par les participants.
Nous pensons qu’il est aujourd’hui plus que nécessaire d’insister sur ces temps de réflexion sur soi et sur son rapport aux autres dans les écoles de management qui préparent les jeunes aux postes de décision de demain. Leur révéler leur conscience des actes engagés est avant tout une mission pédagogique qui doit intégrer leur environnement d’apprentissage. Cela ne doit pas être une utopie !
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.
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