Innovation Pédagogique et transition
Institut Mines-Telecom

Une initiative de l'Institut Mines-Télécom avec un réseau de partenaires

Interview d’Antoine Fricard, chargé de mission transition écologique à l’Institut Mines Télécom

18 avril 2024 par Michel Briand Transition 177 visites 0 commentaire

Antoine Fricard apporte ici un éclairage sur l’approche des enjeux de transition écologique dans le formation des ingénieurs et managers des écoles de l’IMT qui se développe au delà des actions de sensibilisation.

Bonjour, Antoine, pourrais-tu te présenter ainsi que ta mission au sein de l’IMT

Je m’appelle Antoine Fricard et je suis docteur en sciences de l’eau, avec une thèsemenée à l’IMT Mines Alès, de 2019 à 2022 sur la gestion de l’eau en contexte de changement climatique, j’ai ensuite été embauché à la Direction Générale de l’Institut Mines Télécom à la fin 2022, en tant que chargé de mission transition écologique.

Il s’agit d’œuvrer à la prise en compte , à l’échelle du groupe IMT, des enjeux de transition écologique et donc de transformation de nos sociétés pour relever les défis sociaux et environnementaux auxquels nous faisons face : comment les intégrer du mieux possible dans les différents enseignements pour former les ingénieurs et managers de demain ?

En juillet 2022 l’IMT organisait sa première école d’été des transition. Quelles ont été les étapes suivantes ?

Cette première école d’été de la transition écologique « Enseigner à l’heure des enjeux planétaires », ayant lieu à Brest en parallèle du Forum des usages Coopératifs sur la convergence des transitions, a été un moment fort d’échange pour rassembler les enseignants-chercheurs des différentes écoles de l’IMT, pour partager, se questionner, faire un point d’étape, sur où en étions-nous sur cette question de la transition écologique dans les enseignements des écoles.

Pourquoi l’école d’été ?

L’Institut Mines-Télécom poursuit sa transformation et souhaite se positionner collectivement comme un agent de changement pour répondre aux crises environnementales et sociétales qui ne cessent de s’accélérer. C’est pourquoi cette école d’été vise à renforcer la cohérence entre l’offre de formation de l’IMT avec les besoins de la société et la demande des parties prenantes.
Enseignants-chercheurs, directions de formation, étudiants… La transition écologique change nos manières de vivre la formation d‘ingénieur et de manager. Comment transformer son enseignement et les cursus de formation à l’heure de ces enjeux ?

 Retrouvez icitoutes les ressources de l‘école d’été

Cette école vous donne des pistes pour y parvenir.

À la suite de cette école d’été, un travail important d’inventaire a été réalisé pour recenser les initiatives et modules pédagogiques qui pouvaient exister dans les écoles de l’IMT. Pour continuer cette mise en action, nous avons organisé en 2023 autre événement, appelé « Camp d’été », cette fois pour faire un peu la distinction sémantique, puisque, dans le format, c’était un événement plus proche de la recherche action. On a souhaité faire vivre une expérience en immersion aux participants qui étaient plutôt des personnels liés à la pédagogique et aux enseignements dans nos différentes écoles IMT et partenaires. Cet événement là avait visé à inventer de nouvelles pratiques pédagogiques, en essayant de prendre appui, de s’inspirer du territoire, avec l’idée de faire ce lien avec les enjeux de transition écologique des territoires et la recherche de solutions à venir venant aussi d’une meilleure collaboration entre toutes les parties prenantes. En s’inspirant de deux problématiques de problème réellement vécus par par les acteurs locaux, cet événement s’est déroulé dans la région d’Aix-en-Provence, notamment à Gardanne où se trouve lecampus Georges Charpak de Mines St-Étienne et un tissu industriel en reconversion, terrain propice pour travailler sur ces questions.

En poursuivant le fil de nos actions, en 2024, nous renouvellerons l’expérience d’une
École d’été à grande échelle, avec entre soixante et soixante-dix participants attendus, comme celle de 2022. Elle est prévue fin juin à Alès, dans le sud de la France,

Comment sont organisés au fil de l’année et les échanges et la coopération entre les écoles sur la transition écologique ?

Sur les questions de formation, j’anime un groupe de travail constitué principalement d’enseignants-chercheurs, d’ingénieurs pédagogiques et également de personnes des directions de formation,, pour réfléchir autour de la question des compétences à développer en matière de transition écologique. C’est un groupe de travail qui a une certaine antériorité et qui existe déjà depuis quelques années avec l’idée de faire vivre régulièrement des échanges pour se questionner, avoir ce travail de fond collectif et se réinventer.

C’est aussi un groupe de travail qui permet de se mobiliser sur des actions plus spécifiques. On va organiser des forums, une école d’été, quand on est sur un événement d’une certaine ampleur, mais aussi des formats plus courts, sur une journée d’échange, des webinaires et également du partage d’informations. C’est très important à l’échelle d’un groupe comme l’IMT qui est composé de plusieurs écoles, de pouvoir avoir ces moments de partage d’informations, d’expériences, ces moments d’échanges par lesquels on apprend ce qui se fait ailleurs et on essaye ensuite de voir comment chacun peut le déployer dans son établissement. Ce sont des moments où l’on va discuter de choses comme les rentrées climat qui sont organisées chaque année dans les différents établissements. On va aussi discuter d’actualité s’il y a une participation à certains grands séminaires ou certaines grandes conférences à prévoir. Ce groupe de travail est l’axe principal par lequel on coordonne nos actions.

Et puis, bien entendu, après, il y a aussi un travail plus spécifique avec les différentes écoles où, je vais moi aussi me déplacer et où se mettent en place des actions plus locales comme des petits cycles de conférences, ou pour appuyer et accompagner le déploiement de certains cours
à destination des élèves ou des enseignants-chercheurs. Il faut bien prendre en compte cette dimension des formations à la fois sur les deux publics puisque face à de tels enjeux l’on apprend tous en permanence, élèves et enseignants. Il y a aussi ce travail, de prise de recul qui se fait un peu plus individuellement. Tout à l’heure, je parlais de l’importance du lien entre transition écologique et territoires et ce lien au territoire, est spécifique à chaque école qui a ses propres interactions avec le tissu local.

On a donc ces deux dimensions, de coordination globale, de partage, et d’action plus locale, spécifique, avec les écoles.

illustation du forum reprise de la communication par l’IMT

Pourrais-tu nous présenter un peu de ce temps fort qu’a été le Forum transition écologique cette année ?

Depuis quatre ans, l’Institut Mines-Télécom organise un Forum de la transition écologique à destination des élèves de toutes les écoles IMT et partenaires, dans un format hybride, qui articule en simultané une demi-journée en commun sous la forme d’une conférence interactive. Ce temps collectif qui concerne 2000 étudiants permet chaque année d’adresser une question spécifique qui va venir bousculer les élèves dans leur raisonnement et dans leur cursus.

En 2023 nous avions choisi le thème de l’ingénieur et du vivant, pour réfléchir autour des questions d’impact sur la biodiversité. Et cette année, a été interrogé la performance à l’aune de des urgences écologiques. C’est l’idée de compléter ce que les élèves peuvent voir dans leurs différentes formations, au fil de l’année, avec un moment fort partagé en commun et qui vient poser une question à laquelle ils n’auraient pas forcément pensé, pour qu’on puisse réfléchir ensemble au rôle de l’ingénieur de demain.

Le propos est de faire ce travail de projection, avec les élèves, face à ces défis à venir, pour les mettre en situation. Vous serez de futurs ingénieurs ou managers, comment allez-vous répondre à ces problématique là ? Sur quels leviers vous allez vous appuyer pour faire cette transformation de la société, des activités industrielles, économiques ? Ce sont des grandes questions et ces forums, rassemblent aujourd’hui chaque année plus de deux mille élèves. C’est un point phare dans l’année, que nous souhaitons le plus large possible, pour rassembler toutes les formations, toutes les disciplines, spécialités, puisque les enjeux de transition écologique imposent cette vision systémique. Ce forum est un véritable moment de réflexion qu’on propose en commun aux élèves.

Au-delà de la sensibilisation de tous les étudiants, via les fresques notamment, comment cette question de la transition commence à diffuser dans les enseignements scientifiques des écoles ?

Depuis quelques années, nous avons pérennisé les fresques du climat pour ce travail de sensibilisation en amont, à l’entrée de leur cursus dans les écoles d’ingénieur. C’est une première étape qui était nécessaire et aujourd’hui, on se rend compte, avec les retours d’expérience, du besoin d’aller plus loin et de dépasser ce stade de la sensibilisation, des constats, pour centrer nos efforts sur les solutions, le comment on va pouvoir changer les choses.

Juste avant on a parlé du Forum, les offres de formations sont complétées en proposant ainsi différentes activités, des ateliers qui permettent aux élèves d’être au cœur de la réflexion et de, surtout, agir en tant que futurs ingénieurs, où ils devront trouver des solutions. On utilise par exemple des méthodes de design fiction, ou de prospective, pour les faire travailler sur cette dimension du « Comment allons-nous faire ? Comment allez-vous faire ? ».

On a ensuite un travail qui est bien plus lourd, de transformation de tous les enseignements, de toutes les disciplines, puisqu’en fait la transition écologique a cette particularité de ne pas être une discipline en tant que telle, mais plutôt une approche systémique, avec ce besoin de transformation qui est aussi systémique.

C’est là où les écoles d’été que nous organisons ont leur importance, pour une montée en compétences de l’ensemble du groupe IMT, des enseignants-chercheurs, des personnels pédagogiques, pour que l’on puisse, dans l’idéal avoir dans chaque cours, un chapeau transition écologique, une lecture par le prisme des enjeux de transition écologique de toutes les disciplines et donc avoir un critère supplémentaire sur nos exigences, pour pouvoir avoir ce recul.

Il y a des disciplines où c’est plus simple que pour d’autres, comme celles liées à l’énergie. L’idée, c’est de travailler aussi, sur des notions d’économie circulaire, d’économie de la fonctionnalité, dans une approche qui se décentre de plus en plus du produit, pour aussi réfléchir sur les questions d’usage, par exemple de réemploi, de réutilisation.

Et puis on va avoir d’autres enseignements, où la tâche peut paraître plus complexe, pour pouvoir faire ce lien avec la transition écologique. Une des particularités de l’Institut Mines-Télécom, comme son nom l’indique, c’est avoir des écoles historiques, plutôt des mines et d’autres des télécoms, avec dans ces dernières la question du numérique qui est plus prégnante, invitant à un travail à faire sur le poids des activités numériques ; je parlais de ce basculement produit/usage et aussi sur la manière dont on utilise ces différents outils du numérique.

Ndlr : voir dans la rubrique IMTdu magazine Innovation Pédagogique et Transition plusieurs articles qui rendent compte de ces initiatives pédagogiques

Quelle place est donnée aux étudiants dans l’évolution des programmes et des modalités pédagogiques ?

C’est un point très important et nous essayons d’être dans la co-construction, cela peut paraître un mot un peu à la mode, mais qu’on ne veut pas du tout galvauder. Pour la transition écologique, en fait, on doit tous apprendre. Il faut qu’on ait une certaine humilité, ici dans une réflexion collective qui concerne toute la société, au-delà de la question des écoles d’ingénieur, ou de l’Institut Mines-Télécom ce sont des questions de société.

Et on a besoin de prendre en compte les élèves et leurs besoins, ceux des jeunes générations qui vivent plus intensément que les générations précédentes ces défis. Donc être dans la co-construction c’est pouvoir être en adéquation avec les attentes des élèves. Pour cela on s’appuie sur un collectif qui s’appelle Transitions et formations citoyennes (TforC), des élèves qui se mobilisent sur des questions de transition écologique. Notre idée, c’est à la fois d’avoir une coordination à l’échelle de toutes les écoles pour, par exemple, les impliquer sur l’organisation d’événements, dont le Forum où on travaille le contenu même de l’événement avec les élèves, et à la fois avoir un travail au niveau du conseil d’administration de l’Institut Mines-Télécom, avec des élèves élus qui portent également par conviction personnelle et engagement collectif ces questions de transition écologique. Et puis, il y a aussi des actions, de soutien, j’allais dire de ce qui peut se passer dans les écoles, puisque toutes les écoles de l’enseignement supérieur possèdent de nombreuses associations engagées pour la transition écologique. Et on tient alors ce rôle d’aider à développer, à mûrir ces nombreuses initiatives locales ou en partage, je pense par exemple à un événement qui s’appelle IMT for Good, un festival organisé par élèves de différentes écoles faisant le lien entre plusieurs types d’acteurs (entreprises, population étudiante, associations, institutions publiques...).

 la plaquette du mouvement TforC

Une dernière question sur le volet numérique : le numérique a une place importante dans la formation d’ingénieurs. Comment ces questions de numérique, éthique responsable ou en sobriété sont développées ?

Le travail important sur le numérique aujourd’hui c’est de pouvoir mettre en lumière ce qu’on peut appeler la « matérialité » du numérique. On imagine souvent le numérique à travers juste nos usages : internet, certains outils, sans se rendre compte de ce que ça peut impliquer derrière, en termes d’extraction, de fabrication, notamment, ou de consommation de gaz à effet de serre. On va parler des datacenters, de l’ancrage territorial du numérique, avec tout un réseau et un cycle de vie de ce numérique. Dans les formations aujourd’hui, c’est par là que ça passe.

Et puis y a aussi une activité intéressante : les fresques du numérique que l’on déploie de plus en plus avec l’idée d’analyser ce cycle de vie du numérique pour partir de l’exploitation de la ressource des terres rares, par exemple, jusqu’à l’ordinateur sur lequel on se parle, on envoie nos mails, pour comprendre toute cette chaîne. Au niveau de la sensibilisation, c’est un premier pas intéressant complété ensuite par des enseignements plus spécifiques. La particularité ou difficulté étant que, certaines disciplines, certaines formations, sont plus matures, plus avancées, sur ces sujets là et notre ambition, c’est de travailler autour du numérique ensemble, à l’échelle de l’IMT , et d’arriver à faire cette prise de recul nécessaire. Si je prends un exemple qui est un peu lié, on observe, depuis quelques mois, l’explosion de l’utilisation de l’intelligence artificielle. qui vient un peu bousculer les enseignements traditionnels et un des points sur lesquels on essaye d’être vigilants c’est sur l’usage de cette IA, les implications que ça peut avoir en termes écologiques, de savoir ce que peut représenter la consommation des outils de ce type ? Et on essaye d’aborder ces questions autour du numérique, avec ce filtre : pourquoi s’en servir ? Quels impacts ? Et ainsi de ne pas tomber dans un recours systématique à ces outils et de bien, corréler le numérique à sa matérialité et les réalités que cela peut recouvrir.

Quelques liens
- La rubrique IMT d’Innovation pédagogique et transition :
https://www.innovation-pedagogique.fr/rubrique73.html ?
 École d’été 2022 : « Enseigner à l’heure des enjeux planétaires » https://www.imt.fr/ecole-dete-transition-ecologique/
 Forum 2023 : « L’ingénieur et le vivant » https://www.calameo.com/read/001576277a6569fc92864
 Forum 2024 : « Être ingénieur.e d’un monde en métamorphose face aux urgences écologiques que signifie désormais la performance ? »
https://www.imt.fr/forum-imt-2024-de-la-transition-ecologique-le-25-janvier-2024/
 Plaquette du mouvement pour les transitions et formations citoyennes (TforC) : https://www.imt.fr/wp-content/uploads/2022/07/Plaquette-TforC.pdf
 NuméRisk : Ateliers de la Fresque du Numérique : https://ecportail.wp.imt.fr/2022/05/02/numerisk/
 Référentiel de compétences pour l’ingénieur responsable de l’Institut Mines-Télécom : démarche commune et mise en œuvre - Interview d’Anne Monnier et webinaire du 24 novembre : https://www.innovation-pedagogique.fr/article10625.html
 Compétences et formation pour la transition écologique et sociale rapport intermédiaire d’activités septembre 2020 – avril 2021 « Former des ingénieurs et managers d’excellence, conscients, outillés et compétents pour accompagner une société en pleine mutation » https://www.imt.fr/wp-content/uploads/2022/07/Rapport_intermediaire_COMFORTES_IMT_Mai-2021.pdf

Licence : CC by-sa

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