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Travail collaboratif en ligne : des outils et (surtout) des hommes…

6 janvier 2014 par André Guyomar Retours d’expériences 12213 visites 0 commentaire

Dans un projet collaboratif, animateurs et collaborateurs jouent un rôle clé dans l’atteinte des objectifs et la réussite de l’action. Les outils sont également importants, ils vont permettre de s’organiser et d’organiser les contenus produits. Malgré tout ce que l’outil peut apporter, l’homme reste au centre de la collaboration, notamment grâce à son expérience, ses idées, son savoir-faire.
"Les hommes génèrent la collaboration, les outils la dynamisent. Quelles sont les aptitudes et les qualités requises pour collaborer efficacement ? "

Le contexte du travail collaboratif/coopératif

Le contexte de cet article est celui de l’élaboration d’un texte par un groupe de stagiaires de la formation Outils-Réseaux « Animer un réseau collaboratif » (Animacoop). Ce groupe est composé de six stagiaires, apprenant à se connaître depuis quelques mois. Il s’est constitué sur la base du volontariat lors du choix des sujets des articles à rédiger, les participants se rassemblant autour d’un intérêt commun.

La réflexion commune sur le sujet des qualités de la collaboration s’inscrit donc elle-même dans un projet collaboratif ou coopératif ? Mais quelle est la distinction entre collaboration et coopération ?

Dans un projet coopératif, la répartition des tâches entre les participants cigarette électronique est claire et concrète. Elle se fait suivant les compétences affichées ou identifiées de chacun de membres. Le résultat est l’assemblage des travaux réalisés individuellement par chacun, mais afin qu’il soit cohérent, les participants doivent interagir les uns avec les autres. Dans une démarche coopérative, chacun est responsable du travail qu’il a effectué.

Dans une démarche collaborative, les tâches ne sont pas réparties entre les participants. A chaque étape, ils travaillent ensemble à la réalisation du travail, et le résultat final ne permet pas d’identifier le travail fourni par chacun. Pour B.Charlier, J.Bonamy,et M.Saunders (2003), la collaboration est "une auberge espagnole où chacun apporte des ingrédients pour créer un menu commun original et intégrant les apports de chacun". Dans cette configuration, l’interaction est essentielle et requiert des qualités et des aptitudes particulières, que nous allons tenter de définir.

Ces deux modes de fonctionnement s’articulent autour de trois types d’actions principales : l’organisation du travail, la communication et le partage entre les acteurs. Ces actions visent l’atteinte d’objectifs communs mais n’excluent pas les objectifs individuels.

La distinction entre collaboration et coopération est visible lors des actions d’organisation pour l’association indépendante des utilisateurs de la cigarette électronique. Si certaines tâches sont attribuées aux acteurs uniquement en fonction de leurs compétences ou de leurs aptitudes, nous sommes là dans un esprit de production par assemblage des différentes tâches réalisées. Si les tâches sont menées par les acteurs, indépendamment de leurs compétences ou capacités initiales, nous nous trouvons dans un esprit de partage et d’apprentissage. Nous distinguons l’importance des relations entre les participants du groupe, et de la responsabilité de chaque membre.
Ces différents modes de travail impliquent des méthodes d’organisation du travail différentes et, à partir de ces définitions, on peut dire que l’organisationnel sera plus présent dans les méthodes coopératives que dans les méthodes collaboratives.

Nous reviendrons, plus tard, sur le fonctionnement de notre groupe dans la rédaction collaborative de cet article.

Quels acteurs, quels supports pour partager, produire et communiquer ?

Lorsqu’un acteur s’engage dans un projet, qu’il en soit l’initiateur ou membre invité à participer, il le fait souvent avec des idées préconçues de ce que sera ce projet, sur son déroulement, sur les engagements et la disponibilité des participants et, puisque nous parlons de collaboration en ligne, sur la disponibilité et la maîtrise des outils informatiques. La réalité est bien souvent différente, outre l’animateur et son professionnalisme, il faut remettre les pieds sur terre, et distinguer ce que l’on veut ou rêve de faire et ce qu’on réalise réellement. Cette différenciation incluant les comportements et les engagements humains ainsi que les outils, leur disponibilité, leur maniement, leurs fonctionnalités.

On pourrait résumer, ici, en parlant de la conception préalable qu’ont les animateurs et les collaborateurs lorsqu’ils s’inscrivent dans un projet collaboratif. De leurs idées préconçues sur le déroulement du projet et leur participation et engagements réels dans le projet et déterminer quelques aptitudes, capacités et compétences attendues des animateurs et collaborateurs :

  • Des aptitudes et des capacités à rechercher, à trouver la bonne information, à la traiter, à l’analyser, à l’évaluer et à la partager.
  • Une motivation, souvent dépendante du contexte et des objectifs généraux et individuels pour favoriser l’engagement et l’adhésion des acteurs et les retours qu’ils peuvent en espérer, c’est à dire la valeur ajoutée individuelle et collective. Cette valeur ajoutée peut être économique, sociale, politique, technique, intellectuelle. Elle peut aussi se traduire par une recherche de savoirs, de savoir-faire, de compétences dans des domaines précis.
  • Une dynamique de groupe traduite par des actions individuelles et collectives. Ces activités nécessitent des démarches d’auto-apprentissage mais aussi le partage et la mise en commun des compétences et des habiletés des membres du groupe vers les acteurs moins habiles.
  • Des aptitudes à communiquer, à interagir, à échanger, à partager entre les membres du groupe en vue d’une production, d’un objectif communs. Ces aptitudes font appel aux capacités de communication orales et écrites, aux relations humaines et aux facilités qu’ont les individus à exprimer leurs idées, à dépasser leur timidité, leur peur du jugement de l’autre ou du groupe.
  • L’importance des productions communes et l’appropriation par chacun des acteurs et leur fierté d’y avoir participé, en n’omettant pas de citer les conditions de production et les auteurs associés.

Dans le déroulement idéal d’un projet collaboratif, qu’ils soient animateurs ou collaborateurs, tous les acteurs posséderaient ces capacités et participeraient de manière égale à toutes les étapes d’organisation, de communication et de partage afin d’atteindre les objectifs. Or, nous savons que cette situation idéale n’existe pas. Nielsen (2006) a repris le principe du 90-9-1, aussi appelé la loi du 1%, au sujet de la participation inégale des membres d’un réseau collaboratif. Cet auteur nous indique que dans ces réseaux, 1% des acteurs sont réellement actifs, 9% sont des actifs occasionnels et 90% des suiveurs. Ce constat nous amène à nous questionner sur la production collaborative et sur les conditions qui pourraient pérenniser le réseau. Alter (2000) nous donne quelques pistes relevant tant des relations humaines, du respect des individus, que de leurs capacités à organiser, à communiquer, à partager en présentiel ou à distance via les technologies lorsque la collaboration se déroule en ligne.

Selon Alter (2000), l’efficacité et la pérennité d’un réseau collaboratif sont conditionnées par :

  • la liberté des acteurs dans leurs relations et dans leurs communications au sein du groupe
  • leurs capacités et leurs aptitudes à échanger et à partager
  • la diversité des origines et des compétences des acteurs permettant le brassage et la richesse des échanges et des partages
  • le respect de l’indépendance des acteurs et de leurs différences
  • les capacités du réseau à répondre aux objectifs et aux attentes collectives et individuelles de ses membres.

D’après Alter (2000), dans les réseaux collaboratifs, la compétence est informelle et collective. Elle repose sur une mise en commun et sur un partage des savoirs et non pas sur des règles de division du travail comme c’est le cas en mode coopératifs.

Dans un réseau collaboratif, chaque acteur peut entrer en relation avec tous les autres membres indépendamment d’une structure centrale. C’est une structure d’échange, centrée sur les objectifs poursuivis, qui échappe aux circuits ou conventions et qui dépasse le cadre institutionnel de la cigarette électronique Ego-c ou professionnel dans lequel le réseau est intégré. Un réseau est donc toujours plus ou moins clandestin et sa survie et sa pérennité dépendront de son efficacité, à répondre aux attentes et aux objectifs communs et individuels poursuivis par ses membres.

Les outils de la collaboration

Dans le cas où la conduite de projet collaboratif est supportée par les TIC, les outils en ligne prennent une place très importante dans la mise en œuvre et le suivi des échanges. Du choix et de l’usage des outils dépendront la bonne réalisation du projet. Quels sont les différents types d’outils existants pour chacun de ces usages ? Que peuvent-ils apporter à la collaboration ?
Les outils de la collaboration se classent en trois grandes fonctions (fig 1) : l’organisation, la communication et le partage des informations afin d’atteindre les objectifs de production et de réalisation des tâches.

Suivant les usages, certains outils peuvent être dédiés à une fonction précise, d’autres sont polyvalents. Les usages et les pratiques envisagés sont donc importants lorsque l’on veut sélectionner et mettre à disposition des outils dans un objectif de collaboration en ligne. Il faut également tenir compte de leur disponibilité, de leur utilité réelle et de leur utilisabilité*, cette dernière notion incluant l’ergonomie. Il ne suffit pas de sélectionner des outils pour leurs performances techniques ou leur caractère novateur, ils doivent rester au service des acteurs et être accessibles, disponibles et utilisables par tous.

Fig 1 : les outils de la collaboration, classement par fonctions (source : Université de Strasbourg)

* utilisabilité : « le degré selon lequel un produit peut être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié » (norme ISO 9241-11)

Synchrone ou asynchrone : quelle différence ?

Sachant que notre projet traite de collaboration en ligne, avec peu de regroupements, nous ne prendrons pas en compte la notion de localisation habituellement associée à celles de temps et d’action.

Les outils synchrones (même temps, même action) impliquent une connexion simultanée des acteurs pour produire et échanger :

  • chat texte
  • logiciels de webconférence (ex : Skype) et systèmes de visioconférences (la différence avec la webconférence porte sur les matériels et les salles dédiés à la visioconférence)

Les outils asynchrones (temps différé, même action) font appel à la notion de connexion différée :

  • courrier électronique
  • forum (avec ou sans abonnement. Cet outil permet de relayer les nouveaux messages sur les courriers électroniques des participants)
  • réseaux sociaux : microblogging (Twitter) mais aussi les SMS, MMS...

Les outils asynchrones posent quelquefois un problème à celui qui pose l’information : celle-ci a-t-elle été lue et comprise ? Ces outils imposent parfois une obligation d’échanger en synchrone.

Les critères d’une collaboration efficace

En reprenant les éléments théoriques donnés par des chercheurs, nous tentons, ici, d’évaluer la collaboration du groupe. Cet outil comprend sept entrées reprenant les critères principaux déclinés par ces chercheurs. Par cette représentation graphique, nous voulons donner aux différents acteurs, et aux groupes, une possibilité de se positionner, individuellement ou collectivement, afin de trouver des pistes d’amélioration dans leurs démarches collaboratives. Les entrées peuvent être déclinées et précisées en sous-critères. Ces derniers pourront, par exemple, traiter des outils : des équipements nécessaires, des capacités des acteurs à les utiliser ou de la disponibilité des intervenants, de leur charge de travail.

Dans l’idéal, le graphe du groupe indiquerait des marqueurs de niveau 5 sur les sept entrées, or, comme relevé en début de cet article, nous savons que cette situation idéale n’existe pas. Il est donc nécessaire d’améliorer individuellement et collectivement ces capacités et ces compétences collaboratives et, dans un premier temps, de déterminer sur quels critères doivent porter ces efforts.

Mise en application sur notre groupe de travail

Afin de vérifier la pertinence de cet outil, nous l’avons appliqué à notre groupe de travail. Chaque acteur a complété individuellement le graphe en notant chaque axe suivant une échelle de 0 à 5 suivant son degré d’accord. Une moyenne a ensuite été établie afin d’obtenir un graphe du groupe .

Un aspect qualitatif, issu des appréciations et des commentaires des membres du groupe :

 Aptitude du groupe à s’organiser :

Chacun des membres a toujours eu à cœur de se mettre à la disposition du groupe mais des contraintes fortes, liées aux activités professionnelles et/ou associatives ou au temps que l’on a pu lui accorder, ont perturbé ces intentions. L’amélioration à apporter sur ces aspects passerait par une meilleure disponibilité des acteurs et un dégagement horaire dans leurs agendas afin de participer réellement et de collaborer efficacement

 Aptitudes du groupe à communiquer :

Si tous les membres du groupe ne se sont pas exprimés, tous en avaient la possibilité. Ceux qui se sont exprimés l’ont fait sans arrière-pensée et en toute liberté, apportant ainsi une richesse aux échanges et permettant ainsi d’exprimer leurs inquiétudes, d’aborder certaines questions, de suggérer des pistes de travail. Nous pouvons souligner, ici, des difficultés liées aux fonctionnements des outils de webconférence, lors des rencontres en ligne, des problèmes de connexion, des problèmes de disponibilité des matériels (caméra, microphone…). Les séances de regroupement en présentiel ont été beaucoup plus riches et plus productives…Est-ce uniquement le fait de la technique, serait-elle intimidante, ou est-ce que les échanges, les discussions argumentées et/ou critiques seraient facilitées en faces à faces réels ? La communication non-verbale entre t’elle en jeu ici ?

 Aptitudes du groupe à partager :

Le groupe a eu une grande aptitude à partager l’information glanée sur internet, la presse spécialisée ou la littérature, même si ce partage aurait mérité une plus large diffusion via les outils (wiki, blog du groupe…)

 Capacités du groupe à répondre aux attentes individuelles et collectives :

Même si l’objectif fixé par le groupe a été atteint, les attentes de chacun ont été contrariées par un manque de disponibilité, une baisse de la motivation et une mauvaise visibilité du travail de chacun des membres

 Brassage et richesse des échanges :

Les échanges et leurs richesses ont été une cerise sur le gâteau. Les acteurs viennent d’horizons très différents et leurs parcours professionnels, associatifs et familiaux ont donné une grande force à nos échanges.

 Respect de l’indépendance et des différences des acteurs :

Le respect des différences de chacun a été un élément naturel. Il a permis à tous de trouver sa place au sein du groupe.

 Degré d’autonomie des acteurs :

L’autonomie des membres a été l’enfant pauvre de notre groupe. Si nous n’avons pas tous la même facilité à utiliser les outils réseaux, il en va de même pour l’appréciation de travail à réaliser. .

Conclusion

L’évaluation que nous avons faite de notre travail collectif a mis en lumière l’importance de l’humain dans un projet collaboratif. Nous avons rencontré des problèmes liés à l’organisation (dégagement de temps, difficultés en distanciel via les outils), au degré d’autonomie des acteurs (ce qui se traduit par des niveaux de contributions différents dans le travail final), à la capacité du groupe à répondre aux attentes individuelles et collectives (par manque de visibilité des activités des autres membres – occupations professionnelles, familiales, associatives, etc...),… Cela indiquerait que le facteur humain (l’émotion, l’empathie, la connaissance de l’autre...) est primordial dans la collaboration. Cela pourrait-il expliquer que ces réseaux prennent du temps à être réellement fonctionnels ? Et qu’ils ne peuvent être réellement efficaces que lorsque ces rapports humains sont établis (des rapports de confiance, de compréhension mutuelle...) ? Cela mériterait une analyse plus complète et si cela s’avérait exact, cela démontrerait que l’humain est au centre, ce qui est rassurant. Ainsi, suite à cette expérience d’écriture collective, nous pouvons affirmer que la collaboration ce sont des outils, mais surtout et avant tout des hommes…
Auteurs : I.Brulé, D.Cardinal, A.Guyomar, D.Le Guen, E.Payen, F.Saint-Georges - Juin 2012


Bibliographie :

  • B.Charlier, J.Bonamy et M.Saunders (2003), Apprivoiser l’innovation, Technologie et innovation en pédagogie : dispositifs innovants pour l’enseignement supérieur, De Boeck, Bruxelles
  • J.Nielsen (2006), La loi de Jakob NIELSEN
  • Alter (2000), L’innovation ordinaire
  • Mallein et Toussaint (1994), L’intégration sociale des TIC : une sociologie des usages, Technologies de l’Information et Société
  • O. Devillard (2005), La dynamique des équipes, Editions d’Organisation

Licence : CC by-nc-sa

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