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Optimiser les Apprentissages avec les Cartes Conceptuelles dans un Cours Hybridé - Evolution de la posture et des compétences

Optimiser les Apprentissages avec les Cartes Conceptuelles dans un Cours Hybridé

Evolution de la posture et des compétences

L’évolution des publics et des contraintes dans l’enseignement supérieur conduit à optimiser les dispositifs pédagogiques. La carte conceptuelle devient alors un outil parmi d’autres pour structurer les contenus, faciliter les apprentissages et développer les compétences transverses (collectif). Elément d’hybridation de la classe inversée, l’objectif ici est de dégager les bonnes pratiques et souligner l’intérêt de la démarche.

Mots-clés : Carte conceptuelle, apprentissage, classe inversée, interculturalité, gestion de projet.

Walter Nuninger

Polytech’Lille, Université de Lille 1, Villeneuve d’Ascq, France
walter.nuninger [at] polytech-lille.fr


Un article publié au VIIIe Colloque des Questions de Pédagogie dans l’Enseignement Supérieur, Brest, 17, 18 et 19 Juin 2015.


Pour citer cet article :

Walter Nuninger, Optimiser les Apprentissages avec les Cartes Conceptuelles dans un Cours Hybridé - Evolution de la posture et des compétences ;
http://www.innovation-pedagogique.fr/article518.html


Cliquer sur les figures pour les avoir en haute résolution.

I. INTRODUCTION

Les enjeux forts de l’enseignement supérieur qui s’expriment au travers des Standards and Guidelines de l’European Network of Quality Assurance requièrent une adaptation continue des organisations et des méthodes pédagogiques aux nouveaux contextes (accessibilité au plus grand nombre, hétérogénéité des parcours, orientation compétences, employabilité (formation tout au long de la vie) et efficience). Les contraintes des écoles d’ingénieurs (CTI, qualité...) et celles des universités (LRU 2007-1199, 2013-660 et -504 (sécurisation de emplois)) conduisent à des stratégies d’amélioration continue du processus de réalisation [Nuninger et al., 2015a], allant au-delà de la simple adaptation : innover pour optimiser le système formatif selon le triangle de performance opérationnelle (cf. figure 1) et garantir un compromis objectifs-résultats-moyens ; coût financier (heure formateur) mais aussi temporel (heure stagiaire) et énergétique (temps d’apprentissage et de formation des/par les acteurs). La transmission des notions doit être plus efficace (objectif/résultat : aider l’apprentissage, simplifier sans rendre simpliste), pertinente (moyens en adéquation) et efficiente (résultat/moyens). La conséquence est une évolution de posture de l’enseignant (il n’est plus seul détenteur du savoir) et de l’enseigné (acteur de son apprentissage) en interactions réciproques.
Ce dialogisme complexe [Morin et al, 1999] se traduit par le cercle dynamique d’apprentissage de Kolb (1984), le modèle à huit évènements de Leclercq et al. (1985) et les modèles systémiques et récursifs d’apprentissage (correction, adaptation au cadre et retour réflexif sur l’expérience [Bateson, 1995 ; McGills et al, 1992 ; Senge et al, 1994]. Les attendus dépassent les seules connaissances parcellaires pour focaliser sur leurs liens, sur les compétences (au-delà du domaine : compétences transversales comme les aptitudes à l’analyse, la résolution de problème, le collaboratif et l’interculturalité, l’autonomie…).

Figure 1 : Triangle de la performance opérationnelle inspiré de Gilbert (1980)

L’expérience discutée par la suite s’intéresse à l’intégration de la carte (mapping) pour les modules d’Automatique et d’Informatique (dans les STIC) qui nécessitent pluridisciplinarité et transversalité. L’apprentissage complexe peut alors s’appréhender au travers d’un Environnement Intégré d’Apprentissage [Nuninger et al, 2015b] représentatif de l’hybridation du cours : apprentissage synchrone (présentiel) et asynchrone (via différents médias TIC et dispositifs pédagogiques), s’appuyant sur les acteurs (enseignant et apprenants) et leurs ressources pour co-construire les "savoirs" (Personnel Learning Environment [Downes, 2011]). La carte conceptuelle présentée dans la suite devient alors un outil qui clarifie le syllabus (attendus), éclaire la perception d’un module complexe interconnecté dans un curriculum et facilite l’appropriation des notions spécifiques et le développement de l’expertise transférable ; ceci dans un temps alloué limité et au sein d’un environnement contraint (ressources…). Initié par la mise en situation (projet), le processus renforce les apprentissages en suscitant le questionnement et l’échange coopératif. Le bilan de l’expérience sur 3 ans pour 2 groupes de formation ingénieur par alternance en filière "production" (apprenants de formation continue et apprentis) est discuté. La conclusion porte sur les pratiques utiles pour intégrer l’outil (soutien de la classe inversée) dans un cours hybridé intégrant les jeux sérieux, les cartes et un outil d’auto-formation guidée basé sur un LMS.

II. RETOUR SUR LES DIFFERENTES CARTES

La carte mentale (mindmap) dont le concept a été introduit dans les années 70 par Buzan (2010) est un outil graphique et synthétique de représentation cognitive d’un ensemble intégré de connaissances ; celles-ci étant assemblées et organisées car en relations signifiantes les unes aux autres [Novak, 2010]. La réalisation fait donc appel aux capacités de recherche d’information, d’analyse, de décision (dans un contexte), mais aussi aux capacités d’argumentation, de transfert et de travail en collectif ; la création de valeurs venant du partage des sources et connaissances individuelles. En ce sens, les cartes (mentale, sémantique ou conceptuelle) sont un outil d’approche de la complexité dialogique en forçant l’expression des liens. Implicitement, utiliser la carte conceptuelle requiert la prise en compte de l’organisation, de la mixité du groupe pour enrichir la production collective. Ce collectif repose sur l’équipe pédagogique mais aussi sur le groupe d’étudiants/stagiaires. Tout comme la carte permet d’unir les notions en apparence exclusives, sa réalisation permet de développer les capacités interculturelles par la co-création collective. Les objectifs de formation et le mode de réalisation requièrent une démarche gagnant-gagnant au travers d’une relation triangulaire : formateurs-étudiants-organisation. Comme l’a souligné Novak (2010) l’usage de l’outil relève de plusieurs directions : méthode de résolution de problème (collecte et structuration des concepts) et moyen de validation de l’appropriation des acquis mais aussi stratégies d’enseignement et d’apprentissage (intégration cognitive). Un enjeu qui demande une volonté initiatrice du processus de formation devant rendre le groupe acteur et co-créateur de son "savoir" grâce au brainstorming, à l’accompagnement et au feedback. La carte produite représente le point de vue du groupe ou de l’individu à un instant donné ; elle est évolutive et son évaluation n’a de sens que dans un contexte posé ou identifié qui justifie qu’elle ne soit pas acceptable. D’un point de vue pédagogique, la qualité d’une carte se mesure au regard des attendus exprimés (question centrale dans son contexte) mais aussi de son processus de création qui explique les choix et garantit la pertinence (PDCA : Plan-Do-Check-Act).

Sur la Carte Conceptuelle (le produit fini) Sur le processus de réalisation
Qualité Equilibrée, sémiologie graphique (différenciant), concepts expliquant car reliés avec des liens repérés Règles de conception respectées par rapport aux attendus.
Profitabilité Concepts génériques (transférables) organisés (hiérarchie, groupements). Liens de différentes natures (causale, subordination, exemple, conditionnels etc) Liste des concepts issue de recherches, d’échanges, de brainstorming collectif
Sécurité Concepts et liens pertinents (sans oublis) Concepts, liens validés collectivement
Réactivité Production numérique. Plusieurs versions disponibles ou décomposition par niveau Boucle d’amélioration de la carte (PDCA). Choix d’outils adaptés.

Tableau 1 : Indicateurs de performance sur la carte et sa réalisation

Les indicateurs du tableau 1 évaluent la qualité globale (visuelle, respect des règles…), le fond (concepts, liens) mais aussi la forme qui traduit la richesse des acquis au fil de l’appropriation (chaînée traduisant la causalité ; en étoile pour le cloisonnement des notions ou en réseau pour l’appropriation de la complexité). Les outils de production numérique des cartes sont nombreux, gratuits (Vue, FreeMind, …) ou sous licence (Xmind, Edraw MindMap, MindMaple Lite…), souples avec des interfaces Web2 (CReately, Bubbl, MindMester,…) mais ils demeurent peu adaptés à la phase de réflexion (sélection et agrégation des concepts, recherche de relations dans un but donné) qui doit s’affranchir des contraintes techniques relevant de compétences C2i niveau 1. Le paperboard, les post-it ou le tableau blanc sont bien plus efficaces car plus souples, mais la solution collaborative en ligne par Palesoft avec des vignettes virtuelles déplaçables est séduisante.

III. INTEGRATION DES CARTES DANS LE COURS

La motivation relève des constats observés au fil des années par l’enseignant-chercheur au cœur du dispositif et de l’évolution régulière de ses pratiques pédagogiques pour sensibiliser, dynamiser et faciliter les acquisitions (connaissances et compétences) des publics (formation continue et apprentis) dont les motivations changent ainsi que les pré-requis. La carte conceptuelle est un outil de résolution de problème utile aux ingénieurs formés (elle développe l’analyse et la perception de la complexité ; notamment sur les disciplines dont il est question) et s’avère un moyen de clarifier les attendus, le périmètre des modules (automatique, informatique) tout en les plaçant dans un contexte sociétal. La volonté est de développer les capacités d’apprentissage, de gestion de projet et d’interculturalité ; attendus explicites de la formation en alternance mais implicite pour les UE cités (aux solutions non uniques issues de démarches systématiques ou originales et de choix individuels). Un besoin renforcé puisque pour ces formations (centrées sur le stagiaire dans une relation gagnant-gagnant : école-public-entreprise) l’évaluation de type agrégat complexe s’appuie sur diverses activités individuelles et collectives relevant de 3 familles de compétences : efficacité personnelle/cognitif, analyse et réalisation/psychomoteur, management et influence/interpersonnel [Nuninger et al., 2011].

Figure 2 : Carte heuristique de l’expérimentation (2012-2015) en mode projet

L’expérimentation en 5 phases sur la période 2011-2014 est décrite par la carte heuristique de la figure 2. Les phases amont (1 et 2) ont clarifié le syllabus et validé l’intérêt pour les cours (faisabilité pour l’Automatique en FC et l’Informatique en apprentissage ; 2 groupes). Elles ont permis l’intégration des risques et l’identification des difficultés pour une adaptation immédiate : baisse de l’ambition et modification des scenarii. Les phases de mise en œuvre (3) et d’amélioration (4) sur 2 ans ont conduit à différencier la conduite de l’activité selon les publics du fait de l’âge, du temps alloué et des résultats observés (cf. tableau 2) : depuis 2014, les FC (dernière année du cycle ingénieur, effectif moyen de 12, 10% de femmes, 28 à 46 ans) bénéficient d’un véritable projet jalonné sur un semestre (asynchrone, accompagné) tandis que les apprentis (en 2ème année, effectif moyen de 18, 30% de femmes, <26 ans) découvrent l’outil en cours (synchrone, guidé). En 2015, la consolidation (5) de l’usage de la carte s’appuiera sur un outil d’auto-formation guidée sur les pré-requis [Nuninger et al, 2015b] pour un cours hybridé (classe inversée, mapping, mini jeu sérieux et auto-formation guidée). Le but n’était pas d’analyser les comportements (groupes, membres) mais, dans la volonté d’exploiter des cartes dans le cours, de valider cet usage en intégrant, dès le départ, le formateur et le public dans la démarche (à l’image des méthodes de développement agiles, cette proximité permet la prise en compte des retours avec le groupe pour améliorer les scénarii dans le cadre d’une co-création de l’activité ; bénéfique pour tous).

Conduite de l’activité Automatique (FC) Informatique (apprentis)
2013
(2h)
Réflexion amont individuelle
Réalisation synchrone collective
Conceptualisation difficile
Survol des notions clefs
Concepts peu précis
Difficulté pour relier
2014
(1 semestre)
Réflexion amont, Présentation des cartes, Réalisation asynchrone (projet avec jalons et feedbacks) Focale sur les notions clefs, carte améliorée (en réseau) et production numérique Implication hétérogène du groupe (du fait de conflits internes)

Tableau 2 : Evolution de l’activité et observation sur les résultats des groupes

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IV. RETOUR D’EXPERIENCE

Lors des activités, l’objectif de la carte était pour le formateur de fixer le cadre, le périmètre du module et de disposer d’un outil pouvant illustrer l’interconnexion des "notions" du cours. Pour les publics, il s’agit d’aborder la complexité des modules en découvrant un nouvel outil (plus de 70% le jugent utile bien qu’inconnu au départ (cf. Figure 3)). L’outil est adapté puisqu’il force à identifier les concepts importants (bulles de la carte), à les comprendre pour pouvoir les mettre en relation (liens expliquant de nature variée : caractérisant, classifiant, décomposant, impliquant des sujets secondaires…). Il force à regrouper ce qui semblait exclusif, à donner du sens. Une carte en réseau sera alors représentative de la complexité perçue par le groupe (cf. figure 4-bas) ; par opposition, un graphique en étoile ou chaîne traduira respectivement une perception de notions qui demeurent cloisonnées ou séquentielles et causales (cf. Figure 4-haut) soit une appropriation moindre dans ce contexte. La carte mesure le niveau d’apprentissage (surface, profondeur). Celle du formateur n’est alors qu’un support complémentaire lors des feedbacks.

Figure 3 : Synthèse des enquêtes après l’activité en 2013-2014

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Figure 4 : Travail collectif en 2013 synchrone (haut) et asynchrone (bas)

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Public 2013 2014
Apprentis "Faire ça en classe, en groupe et de la présenter à la fin de l’exercice à tout le monde m’a paru bien et utile afin de comprendre et de connaître cette notion nouvelle pour la plupart d’entre nous" "Cela m’a vraiment permis de mieux comprendre les composants et leurs utilisations dans l’informatique."
"Cet exercice a vraiment été très enrichissant et pédagogique car je ne connaissais pas du tout l’utilisation de la carte conceptuelle"
Formation continue "Je ne suis pas fan de la conceptualisation"
" Il faut arrêter les cartes"
" J’ai trouvé très bien l’exercice de réalisation de notre propre carte par contre je pense qu’on n’a pas passé assez de temps sur l’explication de ta carte qui avait quelques différences."
"On voit les évolutions à chaque regroupement, cela me convient bien"
"Initier le travail en présentiel pour s’assurer des orientations"
"Un tutoriel sur les cartes serait bien"
"Mode d’apprentissage innovant mais il faut bien comprendre les attendus"

Tableau 3 : exemples de réponses aux questions ouvertes (2013-14 ; 2 publics)

Les résultats présentés s’appuient donc sur le ressenti qualitatif de l’intervenant et des publics (cf. tableau 3) ainsi que sur leurs résultats d’évaluation semestriels et le suivi de leurs productions lors de l’activité (avec autoévaluation et évaluation croisée par les groupes et notation par le formateur). La satisfaction globale du module et de ses activités est évaluée au travers de sondages avant (obligatoires, via le Learning Management System (Moodle)) pour caractériser le groupe et préparer la classe inversée (parcours antérieurs, attendus, auto-évaluation sur les TIC, expérience en gestion de projet, questions), mais aussi pendant l’activité pour l’ajuster (difficultés individuelles, compréhension de la méthode d’apprentissage, motivation, implication, collaboration) et surtout après (questionnaire papier avec retour libre) pour identifier les pistes d’amélioration (dispositif, pratiques, intérêt). Chaque sollicitation propose des questions ouvertes (18.6% des 275 questions posées (24% concernent les cartes) au travers de 10 questionnaires sur 2 ans (3 ciblés sur les cartes)) pour disposer d’un retour sur les ressentis (impacts des activités, perception du module, maîtrise des acquis). En tout, ce sont 186 réponses exploitées (89% de retours) et plus de 3250 données. Au final quel que soit le groupe, l’activité est jugée utile, intéressante et motivante à quelques exceptions près. Tous groupes confondus, 79% trouvent l’activité adaptée en 2014. Ils se sont sentis impliqués, actifs (malgré une attente toute relative avant l’activité) et sont majoritairement satisfaits de leurs résultats en ayant une certaine confiance dans leur expertise (71% des apprentis et 92% en FC). Enfin, 64% du groupe FC estiment que l’activité a fait évoluer leur perception de l’UE au regard de leurs certitudes ("à chaud" et pour 8%, leurs a priori sont renforcés). Dans une moindre mesure, les deux groupes souhaitent une évaluation (25% en FC, 11% en apprentissage). Des ressentis en corrélation avec la qualité croissante des cartes produites et qui s’expriment clairement par les commentaires aux questions ouvertes en 2014 : "Cet échange avec les collègues de carte m’a permis de mieux appréhender l’automatique" (FC) et "Cet exercice a vraiment été très enrichissant et pédagogique car je ne connaissais pas du tout les cartes conceptuelles." (Apprenti). En 2013, les avis étaient plus partagés pour les apprentis comme : "je n’ai pas vu le lien entre la carte et le cours (mais) c’est intéressant" (Apprenti) et "J’ai trouvé que la carte était un bon outil de compréhension de système. Je l’ai utilisée lors de ma présentation (de soutenance) pour expliquer le contexte de ma mission formative".
Globalement l’évolution de l’activité dans sa forme pour les deux publics a un impact positif en soulignant l’importance de l’initialisation et les retours notamment pour l’activité en autonomie (les apprentis étant guidés en présentiel, ils identifient moins ce point, sinon pour un besoin individuel en lien avec la relation au groupe). On note ainsi en 2014 : "Comme très souvent dans les projets en groupe, une partie du groupe travaille et l’autre attend que cela se passe" (Apprenti) et "Je ne suis pas convaincu que la carte conceptuelle soit un outil pertinent car trop brouillon, difficile à lire" (FC) ; des commentaires qui traduisent une posture inadéquate corrélée avec la non-identification du potentiel pour l’apprentissage et qui conduit à des attitudes "scolaires" (manque de responsabilité des plus jeunes ou choix stratégiques basés sur un ratio gain/énergie sans s’intéresser aux acquis et encore moins aux compétences ; 66% des groupes ne se sont pas investis dans l’évaluation croisée des cartes en 2013 en FC (ce qui n’est plus le cas en 2014) : un constat surprenant à l’époque pour une formation disposant d’un référentiel adapté, une expérience même courte en entreprise et disposant d’une mise en situation formative sur le lieu de travail). Après 3 ans, ces exceptions qui relèvent de points de vigilance et de parades en termes d’usage de l’outil (initialisation, tutoriel, explication, soutien, guidage) ne remettent pas en cause celui-ci, puisque le groupe FC reconnaît (en 2014) que l’activité a partiellement modifié leurs certitudes sur le module. On constate alors que pour une filière "production", seuls 13% des apprentis et 41% des apprenants ont un attendu clairement exprimé sur ces modules (automatique, informatique) pourtant au cœur de la formation (respectivement 87% et 46% les considèrent difficiles et en attendent peu ; 56% de ces derniers l’estiment "culturel"). La dynamisation est donc bien au cœur de la stratégie d’apprentissage. L’usage des cartes au travers d’une activité guidée ou accompagnée permet au public d’être acteur au sein d’un collectif, ce qui demande une évolution personnelle donc une remise en cause de ses propres pratiques (et non de soi).

V. IDENTIFICATION DES BONNES PRATIQUES

Les 3 ans d’expérimentations montrent que l’outil est d’intérêt à la conduite des modules et au développement des compétences transversales notamment pour un public d’alternants ; les risques sont levés dès lors que les bonnes pratiques proposées au tableau 4 sont respectées. La démarche d’intégration des cartes dans le cours repose alors sur la map proposée à la figure 5 qui vise la dynamisation des acteurs (équipe pédagogique, groupe formé) ; une pratique qui permet une intégration raisonnée et naturelle pour générer implication et autonomie.

Id Quoi Motivation
1 clarifier les attendus de l’activité quoi, pourquoi et pourquoi
2 scénariser l’activité dans le cours progressivité pour donner les pré-requis
3 initier le processus en cours et apporter les ressources qui (quand, comment), tutoriel, logiciels
4 guider, suivre et accompagner (LMS etc.) rassurer, soutenir, cibler les améliorations
5 valoriser les productions par les retours évaluer, adapter l’activité et l’améliorer

Tableau 4 : Clarification des bonnes pratiques pour l’usage intégré de cartes

Figure 5 : Hybridation du cours par les cartes (en temps synchrone et asynchrone)

Elle permet de s’appuyer sur l’intelligence collective pour répondre aux enjeux complexes de la formation en lien étroit avec l’entreprise donc la société et nécessite de fait un changement de paradigme des parties prenantes (communauté de pratiques : carte contrôlée par un collègue d’une autre composante ; orientation compétence, pédagogie active...). L’intérêt de la carte en termes d’apprentissage se fait donc au travers de sa conception et co-construction (profitabilité, réactivité) plus que par son résultat (qualité) qui n’est que l’élément de preuve de l’acquis (sécurité) pour une pédagogie centrée sur l’apprenant. L’activité doit donc être une mise en situation sécurisée dans le temps et l’alternance, guidée et appuyée par des outils TIC dédiés (LMS ou autre). Dans ce cadre, des indicateurs (de différentes natures) sont mis en place comme : "l’outil est connu, exploité" et "la thématique reliée aux autres attendus de la formation" (qualité), "moins d’a priori" et "autonomie plus grande" (profitabilité), "évolution de la posture" et "aptitude au collectif" (sécurité), "réponses du formateur au regard des points bloquants identifiés" (réactivité). Les enquêtes au début, à la fin de l’activité et à la fin du module montrent une évolution positive des indicateurs. L’outil était inconnu mais à la fin, les groupes considèrent être aptes à l’utiliser et perçoivent l’intérêt de l’outil et sont sensibles aux enjeux du module (sur une échelle de satisfaction croissante 1 à 5, 100% des réponses sont au-dessus de 3.5, voir 4 pour les FC). Pour ces derniers, on peut citer les réponses "à froid" à la fin du semestre : "je ne connaissais pas les cartes conceptuelles. Je pense que je pourrai utiliser l’outil pour une présentation et expliquer", "J’ai pris conscience que l’automatique fait partie intégrante du monde industriel actuel et le module m’a permis d’enrichir mes connaissances générales"
L’apport est de motiver le questionnement et d’amorcer les changements de postures pour tirer bénéfice de la formation et de l’interculturalité du groupe ce qui est profitable à l’intervenant en optimisant le ratio de son triangle d’efficience opérationnelle. Malgré la globalisation des médias, on note la faiblesse des pré-requis en TIC qui devraient rendre adaptables aux environnements hétérogènes : l’objectif est l’accessibilité en autonomie, l’enjeu étant la maîtrise de son Personal Learning Environment. L’activité peut les conduire à concevoir leur propre univers d’apprentissage de manière à affronter la complexité de leur environnement (entreprise, école, privé) en aidant la perception de la multiplicité et transversalité de leurs compétences. Les deux modules d’expérimentation se prêtent bien à cette mise en situation car ils requièrent une vision systémique. Le côté innovant et créateur de la démarche est le risque principal pour le formateur au regard des environnements contraints des organisations et l’incertitude des publics : le cours n’est plus un déroulé mais une véritable confrontation des acteurs soumis à la complexité des probables. Le risque relève de la résistance à quitter sa zone de confort (certitude de l’expertise) avec pour conséquences le rejet (repli sur soi plutôt que la remise en cause de ses pratiques et croyances, la confiance et l’ouverture) ou le survol (évitement des difficultés pour obtenir néanmoins la note plutôt qu’augmenter son expertise au prix d’un effort). Le processus doit et ne peut donc qu’être régulé par le formateur, sauf supposer une grande maturité des publics sur ces pédagogies. Quand alors former aux outils de résolution de problème, aux TIC et sensibiliser au PLE…

VI. CONCLUSION

L’amélioration repose sur 3 directions : l’initialisation, l’accompagnement et la valorisation individuelle et de groupe. Ainsi, l’introduction à l’outil se fera au travers d’un mini-jeu sérieux présentiel pour les apprentis et le maintien de l’activité sous forme de projet pour les formations continues en alternance. Pour les deux publics, les acquis seront consolidés par un tutoriel numérique (sous forme de vidéo pour comprendre ce qu’est une carte) ajouté comme "niveau" de l’Outil Numérique d’Apprentissage Autoguidé développé en 2014 [Nuninger al, 2015b]. La valeur ajoutée sera valorisée par une évaluation des livrables (synthèse du groupe) et le feedback régulier (ce qui est déjà le cas pour le projet). On répond ainsi aux interrogations de Basque et al. (2003). L’analyse souligne la nécessité de l’accompagnement du processus d’apprentissage pour que le groupe en tire le meilleur parti et ceci quel que soit l’âge. La carte est un outil d’hybridation du cours. Son appropriation se renforce en parallèle du travail collectif et de l’appropriation de son Personal Learning Environment par les stagiaires (ils citent Skype pour échanger, les choix de logiciels nouveaux comme "La liste des logiciels permettant de réaliser une carte conceptuelle nous permettant de faire un choix a été une bonne chose" (FC)). En effet le mixe entre activités synchrone et asynchrone, l’échange nécessaire intergroupe hors présentiel et les feedbacks confortent les capacités d’apprentissage : "Learning to learn" [Smith, 1983] ; telle est la clef de voûte.

REFERENCES

Basque J., Pudelko B., Legros D. (2003). Une expérience de construction de cartes conceptuelles dans un contexte de téléapprentissage univ.. "EIAH", strasbourg
Bateson, G. (1995). Vers une écologie de l’esprit. Paris : Seuil (coll. Points)
McGill, M.E., Slocum, J.W. & Lei, D. (1992). "Management practices in learning organizations". Organizational Dynamics, pp. 5-17.
Buzan, T. (2010). The mind map book. Unlock your creativity, boost your memory, change your life. New York : Pearson BBC Active.
Morin, E., Le Moigne, (1999). Lʹintelligence de la Complexité. Paris : LʹHarmattan
Novak, J. D. (2010). Learning, creating, and using knowledge. Concept maps as facilitative tools in schools and corporations. Coop. Paperback, Routledge (2nd)
Nuninger W., Chatelet J-M (2015a), "From Quality Assurance to Value Management to improve training and increase all actors’ competencies", chapter in Impact of Economic Crisis on Education and the Next-Generation Workforce, IGI Global.
Nuninger W., Châtelet J-M., (2015b), "Hybridization-based courses consolidated through LMS and PLE", chapter in Handbook of Research on Applied E-Learning in Engineering and Architecture Education, IGI Global.
Nuninger, W., & Chatelet J-M (2011), "Work-Integrated Learning for engineers in coordination with industries", Chapter 5 in IJQAETE, ISBN13 : 9781609605476
Senge, P. & al. (1994). The 5th discipline field. London : Nicolas Brealey Publishing.
Smith, R.M. (1983). Learning How to Learn. U.K. : Buckingham Op. Univ. Press.

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