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Faire pour apprendre : retour sur un projet, levier de motivation à Telecom Bretagne

21 juillet 2016 par Karmann, Kerouedan Retours d’expériences 1332 visites 0 commentaire

En tant que thématique d’interrogation centrale de l’enseignement supérieur, la question de la motivation des étudiants fait l’objet de nombreuses expérimentations et publications. Comment la susciter et l’entretenir ? Comment rendre intéressants certains enseignements dont les contenus peuvent sembler rébarbatifs, et ainsi donner aux étudiants, l’envie de s’y investir ? L’innovation pédagogique que nous présentons ici, allie de nombreux piliers de motivation (Viau) avec les principes de la pédagogie par projet, en donnant la priorité au " faire " comme soutien des apprentissages.

Un projet en ouverture de la formation d’ingénieur à Telecom Bretagne

Présentation du projet

Pour quels élèves ? Avec quels enseignants ?

Ce projet innovant s’est tenu sur le premier semestre de l’année 2015-2016 dans le cadre de l’UV de première année : « projet DECouvertes ». Il s’agit d’une Unité technique en électronique et informatique visant à développer les connaissances des étudiants en gestion de projets, ainsi que leurs compétences à travailler en groupe tout en les impliquant dans un projet concret.

Réponse à une problématique

Avant 2015, malgré une volonté de rendre le "projet DECouverte" concret et de l’intégrer dans une dynamique de mise en situation professionnelle. La motivation des étudiants pour le projet reste très limitée. Les enseignants analysent cette difficulté notamment du fait que le rendu principal est un dossier écrit présentant un projet de réalisation technique qui ne sera pas vraiment réalisé. Les enseignants décident donc d’intégrer d’avantage de pratique dans le projet à rendre et d’amener les étudiants à réaliser un objet technique du début à la fin après avoir découvert les méthodes de travail en groupe et de travail collaboratif.

Objectifs

1 – Proposer une approche interdisciplinaire des Sciences de l’ingénieur (introduction aux outils de gestion de projet, prix pour le design du meilleur véhicule, méthodes de travail en groupe)
2 – Proposer un apport technique réel et permettre le développement de compétences par rapport à ces apports techniques (langage informatique, programmation, fabrication robotique, la présence d’un Fablab sur le campus dont l’une des enseignante est responsable a été d’une grande aide).
3 – Valoriser les productions des élèves, entre eux et donner du sens aux apprentissages.

Modalités d’évaluations

Le dispositif comprend deux étapes d’évaluation, une première étape d’évaluation formative et une seconde étape d’évaluation certificative.
L’évaluation formative comprend un oral individuel à mi-parcours permettant à chaque étudiant de répondre à une question scientifique dans le contexte du prototype qu’il a conçu en groupe ainsi que son implication personnelle dans le projet. Ainsi qu’une évaluation par les pairs de la qualité des réalisations des autres groupes, à mi-parcours également.

Déroulement

Phase 1 - Mise en place – Dévolution par des mises en situation et création de lien entre les étudiants

Il s’agit d’un projet qui s’est déroulé sur le premier semestre de la première année. Entre septembre et octobre, les étudiants (au nombre de 147) vont apprendre à se connaitre, à travailler ensemble dans des groupes multiculturels. Dans cette première phase, l’accent est mis sur des missions courtes de mise en situation pour aider les groupes de 8 élèves qui ne se connaissent pas à commencer à s’organiser et à travailler ensemble.

Phase 2 – Prototypage

Durant cette deuxième phase qui constitue le démarrage de l’aspect technique et réalisation et qui se déroule en 6 séances entre novembre et décembre, les étudiants sont amenés à former des groupes de 3, librement choisis par eux, en fonction de leurs affinités respectives. En revanche, ils ne choisissent pas le prototype à réaliser. Il existe 3 prototypes différents, imposés aux groupes d’élèves par l’équipe enseignante afin qu’ils puissent encadrer plus facilement les réalisations. Une liste de questions scientifiques et techniques autour de chaque prototype permet aux élèves de prendre du recul sur la réalisation.


Apprentissage par la recherche et simplification des apports techniques pour permettre la finalisation de l’objet

Les étudiants disposent de ressources (tutoriels et liens divers) sur leur espace cours Moodle, qu’ils peuvent consulter pour se former à la programmation de leurs véhicules. Encore une fois le Fablab de l’école et les outils de fabrication numériques sont d’une grande aide. Pour une initiation à la programmation (premier semestre de première année), les outils choisis par l’équipe enseignante sont simples (Appinventor pour le développement sur Android par exemple).

Le rôle de l’équipe enseignante : garant du cadre de réalisation et conseillers techniques

Les tuteurs (au nombre de 5) fournissent un cahier des charges simplifié et une fiche recette pour la validation du prototype ainsi qu’une découpe en différentes tâches et un cahier d’expérimentation pour tester les réalisations et introduire l’outil « cahier de laboratoire » auquel étudiants auront l’occasion d’être confrontés en situation professionnelle. Les étudiants rencontrent ensuite des difficultés qu’ils doivent apprendre résoudre en s’organisant à plusieurs et parfois en sollicitant l’aide d’un enseignant.

Modalités d’évaluations de la phase 2 – Évaluations formatives et individualisées

Lors de cette deuxième phase, les étudiants passent chacun deux oraux de 10 minutes pour présenter une question scientifique dans le contexte de leur projet ainsi que leur implication dans le travail du groupe auquel il appartient. Le premier entretien a une vocation formative, il permet à l’étudiant de se situer dans son travail, de prendre conscience de certaines failles et de les amender ensuite. Le second oral participe de l’évaluation finale et permet également d’individualiser la notation en fonction de l’implication réelle de l’étudiant dans le groupe de travail.

Phase 3 : Intégration – Préparation d’une compétition sur une semaine de travail intensive

Jusque-là, les séances de travail sur le prototypage étaient intégrées dans l’emploi du temps « normal » des étudiants. Pour cette troisième phase de travail intervenant début janvier, une semaine entière est banalisée (à raison de 21h de cours) pour permettre aux étudiants de travailler de manière privilégiée et concentrée sur la réalisation d’un véhicule autonome pilotable par smartphone android et capable de lire et écrire des informations dans les tags RFID.

Modification de l’organisation des groupes : échanges de pratiques et conflits socio-cognitifs

Durant cette phase, les étudiants voient également leur zone de confort quelque peu chamboulée, notamment par le passage de groupe 3 à 9. En effet, l’équipe enseignante réunit trois groupes de trois étudiants ayant travaillé en phase 2 sur des prototypes différents et leur demande de passer à la réalisation du véhicule final de manière collaborative en partageant leurs compétences et connaissances. Cette phase assez difficile est cependant l’occasion d’échanges de pratiques fructueux entre les étudiants ainsi que de conflits socio-cognitifs (les groupes ne sont plus constitués par affinités) à l’origine de nombreux apprentissages. Au sein de chaque groupe, les étudiants sont laissés libre de définir les tâches à réaliser, de s’organiser et de se répartir le travail.

Voici une courte vidéo réalisée par l’équipe enseignante, retraçant les différentes étapes du projet, de la phase 2 la fin de la phase 3 :


Rôle de l’équipe enseignante

Encore une fois dans cette phase de travail, l’équipe enseignante fournit le cadre de réalisation en distribuant une fiche d’homologation du véhicule, ainsi qu’un règlement de la compétition pour laquelle les groupes se préparent. Ils proposent également un soutien technique lorsque les groupes sont en difficulté.
Modalités d’évaluation de la phase 3 : Oraux de groupes et échanges
Comme lors de la deuxième phase, l’évaluation s’effectue essentiellement à l’oral. Chaque groupe passe une soutenance de présentation de leurs prototypes de 20 minutes devant un jury, s’ensuivent 10 minutes de questions et une démonstration suivant les critères d’homologation du véhicule.
À la fin de la semaine, les véhicules sont homologués ou non, et la compétition a lieu. Il s’agit de diriger les véhicules avec les smartphones de chaque équipe pour aller lire une série de balises RFID contenant des énigmes à résoudre. Des prix sont ensuite remis aux différents vainqueurs, un prix du design est également accordé. Ce temps convivial n’est pas noté mais est en revanche obligatoire pour tous les étudiants.

Retours des élèves

D’une manière générale, d’après les enseignants, les retours des élèves sont positifs, l’indicateur principal étant le taux de réussite à l’UV beaucoup plus élevé que les années précédentes. Les commentaires des élèves des promotions précédentes n’ayant pas bénéficiés du dispositif semblent également signifiants, ils déclarent notamment qu’ils auraient aimé participer à ce projet et qu’il leur semble plus pertinent que le dossier écrit qu’ils avaient eu à rendre en première année.
Par ailleurs, on peut noter le développement des activités du Fablab suite à la conduite de cette UV. En effet, certains étudiants ayant bénéficié du dispositif se sont présentés au Fablab pour proposer et réaliser de nouveaux projets.

Retours des enseignants et perspectives

Les retours des enseignants sont également très positifs, même si quelque difficultés apparaissent dans la perspective d’une reconduite du projet.
Premièrement, le nombre de tuteurs doit être plus conséquent (évoluant de 4 à 15 suivant les phases et les séances pour cette édition, d’après l’équipe enseignante, une vingtaine pour la phase 2 et une petite dizaine pour la phase 3 serait nécessaire pour que le projet se déroule correctement). Ensuite, les enseignants-concepteurs remarquent un investissement fort en temps de travail de leur part, se soldant par une certaine fatigue en fin de parcours, peut être que l’augmentation du nombre de tuteurs permettrait de régler ce problème. Enfin, des éléments de contrainte technique peuvent conduire à rencontrer des difficultés, ainsi, une solide connexion Wi-fi est recommandée pour conduire ce travail.
Par ailleurs, une bonne logistique du matériel électronique est à prévoir, certains composants ont disparu sur la session précédente et il sera important à l’avenir de procéder à un inventaire précis du matériel (nommer des responsables du matériel dans chaque groupe par exemple).
Il semble également important que les étudiants aient accès rapidement et assez en avance au règlement de la compétition afin de ne pas commettre d’impair dans le développement et la programmation de leurs prototypes.

Évaluations : résultats

Équipe pédagogique

Les concepteurs du projet sont :
Sylvie Kerouédan, Jacky Ménard et Maria Teresa Segarra

Les tuteurs et évaluateurs de la session 2015-2016 ont été :
Pascale Ménard, Paul Chollet, Camilla Karnfelt, Pierre-Henri Horrein, Laurent Brisson, Sébastien Houcke, Frédéric Guilloud,Patrice Pajusco, Mai Nguyen, François Gallée, Fabrice Seguin, Issam Rebai, Charbel Abdel Nour, Amer Baghdadi, Gérald Ouvradou, Charlotte Langlais, Matthieu Arzel, Pascal Pagani, Jean-Marie Gilliot

Conclusions

Si l’on en croit Rolland Viau, les enseignants du supérieur doivent réunir 10 conditions dans leurs enseignements pour pouvoir susciter et maintenir durablement la motivation, l’enseignement ou la tâche à effectuer doit être :
1 - Signifiante aux yeux des élèves.
2 - Être diversifiée et s’intégrer aux autres activités.
3 - Représenter un défi pour l’élève.
4 - Être authentique.
5 - Exiger un engagement cognitif de l’élève.
6 - Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix.
7 - Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres.
8 - Avoir un caractère interdisciplinaire
9 - Comporter des consignes claires.
10 - Se dérouler dans une période de temps suffisante.
Il semble que tous les critères de Viau soient remplis (à des degrés différents) par le dispositif que nous venons de présenter. Face à une situation constatée comme problématique du point de vue de la motivation des étudiants, le changement paradigmatique effectué sur cet enseignement semble avoir porté ses fruits, aussi bien en terme d’investissement des étudiants que de réussite aux examens. Ainsi, on peut imaginer reconduire et transférer cette innovation dans d’autres domaines que les sciences de l’ingénieur. Le maître mot de ce travail étant " faire " il peut s’adapter à de nombreuses disciplines universitaires.


 Voir aussi pour les innovations pédagogiques à Telecom Bretagne :
Une soixantaine d’articles autour de la pédagogie et des innovations mises en oeuvre à Télécom Bretagne

Licence : CC by-sa

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