En l’espace de quelques mois, le potager du Domaine de Forges s’est métamorphosé. A l’origine de ce coup de neuf : Timothée Vernier, le jardinier du Campus. Tel un extrait de carnet de voyage, il saisit sa plume et nous raconte les coulisses de cette création. Au travers de son récit vivant, imagé et poétique, revenons sur les raisons et le chemin d’évolution de cette parcelle du parc.
« Connaissez-vous le mythe de l’arbre et de la pirogue ? « De tous temps, les humains sont tiraillés entre deux besoins : celui de l’arbre, symbole d’enracinement, d’identité et celui de la pirogue, symbole d’évasion, d’exploration des possibles. Toute leur vie ils cèdent tantôt à l’un, tantôt à l’autre, jusqu’à ce qu’ils comprennent que c’est avec l’arbre que l’on fabrique la pirogue. »
Tranquille, je déambule en funambule entre les anciennes planches maraîchères du potager, en friche après deux années de soin par ses précédents cultivateurs, Jean-Noël d’abord, Vannak après lui. A mon tour, relais en main, je contemple cet héritage précieux : une terre fertile, débordante de vie. Le dilemme saute aux yeux : préserver l’existant et le magnifier ou décomposer une œuvre pour composer la mienne ? Vannak me donne son feu vert… ouf !
L’heure est au rêve sur le papier. Le Campus donne carte blanche à mes crayons, tant que mon plan respecte ces trois critères : esthétique, pédagogique et productif. Aussitôt, les trois piliers éthiques de la permaculture articulent ma pensée : prendre soin de la Nature, prendre soin des Humains et partager équitablement les ressources. La philosophie du Maraîchage sur Sol Vivant et les douze principes clés de la permaculture m’aident ainsi à concevoir cet écosystème naissant. Mon préféré c’est le treizième : « si c’est pas fun, c’est pas durable ». Un premier design du jardin jaillit sur le papier. Bof. Deuxième essai, yeah ! Ma proposition suscite l’enthousiasme de mes pairs qui le valident. C’est parti !
L’hiver, saison des grands travaux. Au potager se trame une sacrée surprise pour le réveil printanier de Dame Nature. Le mois de janvier voit défiler des centaines de fourmis bénévolement décongelées qui désherbent et nivellent pêle-mêle, déracinent et taillent les petits fruits, tondent le cuir chevelu de Gaïa et surtout acheminent au potager des brouettes et des brouettes de compost (trente-trois tonnes et des brouettes pour être précis). Et pas n’importe quel compost : du BRF composté ! Le Bois Raméal Fragmenté est la Rolls des fertilisants naturels. Il s’agit des rameaux de l’année en copeaux, particulièrement riches en minéraux et en nutriments. Mon ami Guy-Michel Desmartins, agriculteur bio du coin, me livre 55m3 d’humus frais confectionnés lui-même qui, tantôt jumelés au fumier du centre équestre voisin, tantôt aux feuilles mortes du parc, assureront aux futures planches de culture une fertilité exceptionnelle. Pour les allées du potager, trois allers-retours dans les poubelles de grands magasins ont suffi à disposer 300m2 de cartons recouverts de broyat de bois, destinés à limiter l’enherbement. Petit à petit, mon design prend forme en grandeur réelle. Je jubile.
En parallèle, la Journée Découverte de février fût l’occasion pour mon collègue Philippe de tailler les saules du ru. C’est autant de magnifiques rameaux dorés qui, plantés comme des boutures géantes et tressés en une haie vivante, cloisonneront le potager, ne laissant qu’une seule entrée pour le curieux chaland. Pourquoi cacher le potager, me direz-vous ? C’est bien simple : si vous vous laissez capturer par mon piège à regard – une ligne de fuite en perspective depuis le centre du château vers le portail historique – alors j’aurai gagné mon pari : vous faire pénétrer dans l’enceinte du potager. A partir de là, vous êtes libres de faire l’expérience vivante qui vous ressemble : observation de la faune, dégustation de la flore (ou l’inverse, c’est à vous de voir), jardinage à mes côtés, lecture des panneaux pédagogiques illustrés, flâneries, méditation ou déjeuner sur la scène circulaire. Inspirez la vie et souriez-lui ! Pour la suite, je fais déjà des plans sur la comète… don’t look up !
Merci à tous les groupes, visiteurs et visiteuses de passage au Campus pour l’aide inestimable offerte à ce rêve qui s’ancre progressivement dans la réalité. Merci Arthur et Blandine pour votre accompagnement précieux dans mes premiers pas de maraîcher, c‘est un plaisir de marcher sur vos traces. Enfin, un grand merci aux bénévoles qui font vivre ce jardin et son jardinier. Vos questions, vos sourires et vos fascinations en sont la raison d’être. »
Derniers mots de ce récit passionné, Timothée diffuse un dicton paysan à emporter : « Un mauvais temps, c’est juste un temps qui dure trop longtemps ». Fervent pédagogue, il dévoile le quotidien du jardin sur sa page Instagram : @tim_avencurieux, qu’on vous invite vivement à parcourir !
Crédit photo drone : Tanguy Painvin
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