Un article repris du Campus de la Transition, une publication sous licence CC by sa
Le monde des éco-lieux a connu une véritable floraison ces dernières années. Ces habitats partagés, qui cherchent à expérimenter des modes de vie sobres, solidaires et respectueux du vivant, attirent de plus en plus celles et ceux qui veulent œuvrer au service de la transition écologique et sociale. Dès lors, quels liens entretiennent-ils avec les territoires sur lesquels ils s’implantent ? C’est la thématique que le Campus de la Transition a mis sur la table lors de sa « Rencontre de Forges » du samedi 8 octobre dernier.
« Les éco-lieux pourraient être de formidables lieux d’expérimentation pour le territoire »
Plus de soixante personnes ont fait le déplacement pour décrypter les enjeux des relations entre éco-lieux et territoire. Dans la chaleur inespérée d’un soleil automnal, les participants et participantes se sont laissés guider dans une visite déambulatoire de l’éco-campus. Une articulation autour de cinq dimensions du vivre ensemble qui offrait un avant goût du projet sur l’Indicateur de Capacité Relationnelle en éco-lieux, présenté dans la suite de l’événement. Une conférence-débat croisait les regards des invités : Anne-Laure Nicolas, fondatrice de l’écolieu du Bois du Barde en Bretagne ; Lise Miniussi de la Bergerie de Villarceaux dans le Val d’Oise ; Alexis Seng habitant du Campus de la Transition en charge de l’économie bio-régionale ; Célia Brange avec sa double casquette de salariée en charge de la voirie à la communauté de communes du Pays de Montereau et résidente de l’éco-lieu ; ainsi que Blandine de Lassus, maraîchère voisine à Forges et membre du Campus. Si l’importance de favoriser un maillage de proximité et d’éviter l’entre-soi est unanimement reconnue, la difficulté de mise en œuvre l’est également. Ceci peut s’expliquer aussi bien parce que le développement de l’éco-lieu capte les ressources de ses habitants, que par le fait que les acteurs locaux comme les membres des éco-lieux ne savent pas toujours comment favoriser des synergies. Lise Miniussi décrit combien ces éco-lieux peuvent être « de formidables lieux d’expérimentation et d’inspiration pour le territoire : apprendre de ce qu’ils font déjà et travailler avec eux à de nouvelles solutions. » L’expérience de modes de vie frugaux et conviviaux expérimentés dans les éco-lieux peut faire image et donner envie de choisir des formes de sobriété solidaire. Réciproquement, chaque territoire est unique. La transition ne se fera pas en appliquant des recettes magiques : il s’agit pour les acteurs locaux, dans chaque projet (énergie, mobilité, transition agricole, rénovation des bâtiments anciens, etc.) de chercher les façons appropriées d’honorer les traditions et particularités des milieux vivants.
L’Indicateur de Capacité Relationnelle en éco-lieux : résultat de plusieurs années d’études
Revenons un instant sur l’Indicateur de Capacité Relationnelle appliqué aux éco-lieux. Ces habitats incarnent un mode de vie durable, favorisant la transition écologique et le vivre-ensemble. Leur impact écologique a déjà été mis en évidence via une étude de leur bilan carbone réalisée par le cabinet Carbone 4. Jusqu’à présent, aucun outil ne permettait d’en mesurer les impacts sociaux. Dans le sillage des enquêtes menées depuis 15 ans par le programme de recherche Codev de l’ESSEC Business School, une équipe de recherche (composée de Fanny Argoux, Cécile Ezvan, Hélène Lhuillier, Pierre-Jean Cottalorda, Juliette Raynal, et Cécile Renouard), a prolongé ses recherches antérieures sur l’évaluation du lien social dans les pays du Sud, dans les entreprises et territoires, en les transposant aux éco-lieux, en lien avec la Coopérative Oasis. Fruit de deux années de recherche dans dix éco-lieux, financée par l’Ademe et le FSE, une nouvelle version de l’Indicateur de Capacité Relationnelle est née. Celle-ci « porte sur 5 dimensions : la relation à soi, les relations à l’intérieur de l’éco-lieu, les relations à l’extérieur de l’éco-lieu, la relation de l’éco-lieu à la société et à son environnement » explique Fanny Argoud, cheffe du projet.
Quel ancrage territorial pour l’éco-lieu du Campus de la Transition ?
En lien étroit avec les cinq dimensions de cet indicateur, l’aspect territorial apparaît comme un enjeu central. Dans cette optique, une démarche de développement de l’économie bio-régionale est en route au sein du Campus de la Transition. Alexis Seng, qui anime le déploiement de ces activités, le souligne : des liens se tissent avec les acteurs locaux, avec des structures associatives, des entreprises, des institutions scolaires ou universitaires, auprès de qui la confiance s’est peu à peu installée. Sur le terrain, les actions se caractérisent par un tour d’horizon du tissu local : rencontres événementielles, visites réciproques d’associations et de personnes engagées (comme la venue, pour un stage de trois jours, de jeunes de la mission locale de Montereau), accueil de personnalités politiques du territoire, visites scolaires, journées ouvertes au public sur l’éco-campus…
A l’image de l’événement qui se clôture sur d’intenses discussions, les projets d’économie bio-régionale et d’évaluation de la qualité relationnelle dans les territoires ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin ! Pour le projet de recherche, l’objectif est d’élargir l’usage de l’indicateur afin de faciliter son appropriation par un panel plus large d’organisations. Dans l’éco-lieu de Forges, la toile des connexions avec les acteurs du territoire continue de se tisser, avec la volonté d’amplifier les échanges et collaborations.
Pour aller plus loin :
Sur l’indicateur de capacité relationnelle, voir :
Pierre-Jean Cottalorda, Cécile Ezvan, Hélène L’huillier, Cécile Renouard : « Vit-on mieux dans les écolieux qu’ailleurs ? », The Conversation, 18 février 2021.
Sur les travaux initiaux sur le RCI, voir :
Gaël Giraud, Cécile Renouard, Hélène L’huillier, Raphaële de la Martinière, Camille Sutter, (2013). Relational Capability : A Multidimensional Approach, ESSEC Working Paper 1306.
Cécile Ezvan, Hélène L’huillier, Cécile Renouard (2018). Measuring and enhancing relational capabilities : in defense of a relational view of the firm. Engaging With Stakeholders. Routledge, 83-100.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |