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Quand l’on picore dans un MOOC : retour sur la question de l’échantillonnage

9 février 2017 par Matthieu Cisel Numérique pédagogique 1304 visites 0 commentaire

Un article repris de https://numpedago.hypotheses.org/101

Vous vous en doutiez sûrement un petit peu, mais ce n’est pas parce que l’on obtient le certificat d’un MOOC que l’on a réalisé toutes les tâches prescrites, c’est ce que je nomme l’échantillonnage. A défaut de vous présenter des résultats chiffrés (il faudra attendre la publication des mes articles pour cela), je vous propose de réfléchir au moins aujourd’hui à quelques interprétations de la chose.

Alors que la question de la catégorisation des non-certifiés sur la base de leurs usages observables revient régulièrement dans les rapports et les articles scientifiques, celle de l’échantillonnage reste quant à elle largement sous-investie par la communauté scientifique. Les auteurs du rapport sur les six MOOC de l’INRIA (Mariais et al., 2016) soulignent qu’il existe un écart non négligeable entre le nombre de certifiés et le nombre de participants ayant rendu le quiz final, les premiers étant plus nombreux que les second. Un certain nombre de rapports de cours sur l’ensemble des cours de HarvardX (Ho et al., 2014) montrent qu’une partie conséquente des certifiés, y compris avec une note supérieure à 80% de la note maximale, ont accédé à moins de la moitié des chapitres du cours. La quantification précise de ce phénomène a fait en revanche l’objet d’une attention moindre. Sur la base des données d’un cours d’électronique du MIT, Breslow et al. (2013) constatent que les certifiés ne suivent pas l’ensemble des activités prescrites dès lors qu’elles ne sont pas obligatoires pour l’obtention du certificat, et cherchent à quantifier l’importance du phénomène à l’échelle de l’ensemble des certifiés au travers d’une procédure sur laquelle nous reviendrons.

Certaines formes extrêmes du comportement d’échantillonnage sont révélées par Anderson et al. (2014). Sur la base d’un échantillon d’une demi-douzaine de cours, les auteurs classifient les participants selon les types d’activité qu’ils favorisent, et montrent l’existence de certains types de participants, qualifiés de solvers. Ces derniers se contentent de réaliser les activités nécessaires à l’obtention du certificat, et ignorent toutes les autres activités possibles, en particulier le visionnage de vidéos. Enfin, je me suis penché sur la question de l’échantillonnage (Cisel & Bachelet, 2013 ; Cisel et al., 2014) des certifiés sur des activités autres que le visionnage de vidéos, comme l’évaluation par les pairs. Nous avions montré avec Rémi Bachelet, pour les deux premières itérations du MOOC Gestion de Projet, qu’une partie considérable des participants négligeaient cette activité pourtant obligatoire. Maintenant que nous avons rappelé quelques-uns des principaux travaux de recherche sur l’activité des non-certifiés et sur l’échantillonnage des certifiés, il est temps de présenter quelques éléments d’interprétations.

On ne peut interpréter l’échantillonnage sans mener une réflexion sur la question de l’ouverture du dispositif. Il nous faut distinguer alors deux cas de figure, les cours où le participant est invité à faire des choix personnels, ce qui constitue notamment une caractéristique des MOOC connectivistes, et le cas, plus fréquent au sein des xMOOC, où l’ouverture du dispositif en termes d’objectifs pédagogiques est faible. Dans ce dernier cas, l’autonomie de l’apprenant n’est pas mise en avant ; l’enseignant détermine seul les objectifs pédagogiques et laisse peu de place à l’autodétermination du participant. L’échantillonnage des certifiés n’a pas la même signification selon que l’on se situe dans un contexte de contrôle pédagogique (Long, 1989) faible ou fort.

Il arrive que le choix des vidéos à visionner fasse explicitement partie des prérogatives laissées à l’apprenant. L’échantillonnage est ainsi parfois encouragé dans la page de présentation du cours, comme c’est le cas pour le MOOC Enseigner et Former avec le Supérieur : « Ce MOOC étant conçu comme un journal, chacun pourra regarder les rubriques qui l’intéressent et éventuellement participer aux débats, faire quelques quiz de réflexion ou de positionnement. » (EFSUP, 2015). C’est également le cas du MOOC Monter un MOOC de A à Z, dispositif qui délivre des certificats, mais où il est précisé sur la page de présentation que « L’objectif n’est pas de tout regarder, mais de choisir les ressources qui vous intéressent » (MOOCAZ, 2014). Nous parlerons d’échantillonnage encouragé lorsque le dispositif est ouvert sur le plan de la séquence et des objectifs dans la mesure où les concepteurs encouragent ce type de pratique, et parlerons d’échantillonnage découragé dans le cas contraire.

L’analyse des MOOC de FUN que j’ai réalisée sur la base des pages de présentation montre que seuls dans 82% des cas, un unique parcours est proposé aux participants, au sens où les futurs inscrits ne se voient proposer qu’une seule façon de suivre sur la page de présentation. Ce premier résultat suggère une faible ouverture des dispositifs, et il est vraisemblable que l’encouragement de l’échantillonnage n’explique que très minoritairement l’échantillonnage observé. A mon sens, il s’agit avant tout de stratégies pour minimiser l’investissement dans le cours tout en maximisant la chance d’obtenir le certificat convoité. Néanmoins, le billet se fait un peu long, et je vous propose donc de revenir sur la question dans un prochain article.

Licence : CC by-sa

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