Un déroulé et retour d’expérience d’une semaine de formation
Je propose ici un petit retour d’expérience sur ma participation à une semaine de formation pour découvrir les usages de l’IA Générative pour les sciences. Au travers de ce retour, nous cherchons à partager des réponses aux questions suivantes en trois billets : Quel cadre pédagogique pour tirer parti de cette technologie d’IA Générative ? Comment construire un programme de découverte d’une nouvelle technologie de l’information ? Est-ce que cette technologie peut être utilisée dans un cadre de recherche scientifique ? Dans ce billet, nous nous intéressons à la construction d’une telle semaine de formation.
J’ai participé à une formation intensive d’une semaine, dite d’inter semestre, d’exploration des usages possibles et pertinents de l’IA générative pour des étudiants de master, en tant que jeunes chercheurs. La formule des inter-semestres permet de faire un pas de coté dans la formation, et de proposer des sujets originaux et des formats pédagogiques plus ouverts. La proposition d’activités dynamiques qui emportent l’adhésion des étudiants fait partie des attendus de cette formule. Cela fait longtemps, que j’aime bien contribuer à ce type de formule (pour la programmation sur mobile ou le web2).
L’objectif de cette formation était donc d’explorer le sujet des Intelligences Artificielles Génératives (IAG) pour les sciences avec un œil critique. Les IAG sont clairement un vecteur de changement potentiellement important dans beaucoup de nos pratiques. La question ici porte sur les pratiques dans le futur métier de nos étudiants.
Pour construire un scénario pédagogiques pertinent, plusieurs dimensions sont donc à combiner :
- La conduite du changement autour de deux points : (1) pour une appropriation par les personnes, il est indispensable de leur donner un sentiment de contrôle sur les facteurs de changement et donc sur leur apprentissage ; (2) l’adoption d’une nouvelle technologie passe souvent par plusieurs étapes (sur le modèle du cycle de maturité de Gartner), commençant par des attentes très fortes (l’effet waouh très présent avec les IAG), suivies d’une certaine désillusion, puis d’une phase de consolidation. La question pour ce second point est de condenser ce cycle sur une semaine ;
- La mise en pratique, indispensable pour le sentiment de maîtrise ;
- L’apport de points de vue complémentaires pour prendre du recul sur la nouvelle technologie ;
- Le travail collectif pour la mise en débat, le développement d’une approche critique, le croisement des expériences, la dynamique du cours et l’analyse réflexive. Nous avons mis en place un document collaboratif qui a permis une prise de notes partagées, la coordination, l’échange de résultats du travail en petit groupe et individuel.
Un déroulé qui marche bien pour explorer une technologie de rupture est le suivant. Dans un premier temps, l’idée est de commencer par une découverte, puis d’alterner apports d’experts et activités d’appropriation les trois jours suivants. Le dernier jour est dédié à une production finale collective qui est partagée dans la communauté autour du cours (ici un guide de bonnes pratiques proposé à l’ensemble des participants aux différents inter-semestres). Détaillons tout cela.
Le premier jour vise à construire le groupe et à passer la première étape du cycle d’adoption. Il y a donc un temps pour faire connaissance, pour partager les attentes de chacun. Le reste de la journée se passe avec quelqu’un qui peut donner des exemples variés, inspirants, donner des pistes et premières règles d’usages, amener les participantes à des premières pratiques. Cette journée sert à démontrer les possibles et à donner aux participants la confiance suffisante pour démarrer. Un intervenant praticien (souvent extérieur au cadre universitaire) est le meilleur ambassadeur pour aborder cette étape.
Les trois jours suivants sont construits sur un modèle commun : présentation d’experts en matinée, atelier l’après midi et débriefing en fin de journée. Les experts permettent d’apporter de la connaissance avec souvent des aspects pratiques. Le débriefing de fin de journée s’avère essentiel pour bien faire le point sur l’avancée du groupe, les acquis et positionner les différentes activités.
L’atelier de la deuxième journée doit nous permettre de passer l’étape de la désillusion. Les premières mises en pratique doivent permettre d’obtenir des résultats, mais ceux-ci risquent fortement d’être en retrait par rapport aux attentes surdimensionnées des participants. Une analyse réflexive collective permet de faire le point et de réajuster les objectifs et les pratiques.
Dans notre cas, nous avons demandé d’utiliser les IA génératives pour construire une présentation sur un sujet de controverse qu’ils devaient ensuite présenter. Les outils de construction de diaporamas ont permis d’obtenir très rapidement un résultat visuellement attractif. Par contre, les IA génératives ont l’art de ne pas prendre parti. Elles proposent des points pertinents, mais de manière à équilibrer le discours, voire de le rendre le plus neutre possible. De plus, comme nous avions contraint le temps, la présentation arrive très rapidement, et la question de l’appropriation du discours par l’orateur est apparue comme cruciale. En analysant lors du débriefing les limites de l’exercice, les participants ont pu repositionner leurs attentes, mieux comprendre comment dialoguer avec les IA génératives et intégrer la nécessité d’analyser et de s’approprier les résultats.
L’atelier de la troisième journée vise à construire une première solution concrète satisfaisante. Nous avons donc décomposé le processus de rédaction d’un article, et demandé de se positionner sur une étape précise du processus pour explorer des outils d’IA générative dédiés à la recherche, d’en identifier les potentialités, de tester les bonnes manières de les utiliser et de proposer un retour d’expérience. Cela a permis de décomposer différentes étapes et d’affiner les recommandations pour bien interagir avec ces outils.
L’atelier de la quatrième journée a permis de continuer cette appropriation, et de permettre à chacun d’aller à son rythme. Certains ont souhaité aller plus loin dans leur appropriation des outils, d’autres ont ressenti le besoin de faire le point sur les différents apports des experts. Les questions plus controversées des IA ont peu mobilisé, si ce n’est la question de l’impact écologique. Nos étudiants ont ressenti le besoin de travailler individuellement, tout en continuant à produire sur le document collaboratif du cours. La fin de la séance a permis de proposer un premier plan pour le guide de bonnes pratiques pour l’utilisation d’IA génératives en sciences, qui était l’objectif final du cours.
La dernière matinée a permis la rédaction de ce guide sous forme d’un sprint d’écriture. Pour permettre une revue du plan et des idées que les étudiants comptaient intégrer, notre animatrice (Riwalenn Ruault) a proposé plusieurs modalités d’animation : D’abord quelques questions pour mieux préciser la nature du livrable (objectif, public visé, …), un portrait chinois de l’IA générative (et si l’IA était un animal, une fleur, une musique…) et la méthode des chapeaux de Bono, ce qui a poussé à apporter au plan des éléments complémentaires et d’esquisser une cohérence au guide visé. Ces différentes modalités ont permis aux étudiants de prendre du recul sur leur production en un temps record et d’en améliorer notablement le contenu. L’IA générative a permis le lissage de la rédaction pour un résultat impressionnant en 3 heures à 17 participants.
En termes de bilan, les retours de nos étudiants ont été très positifs sur l’approche. Leur positionnement par rapport à la technologie a également évolué tant en termes d’appréciation, d’analyse critique que d’usage.
Pour information, ce cours a été monté dans le cadre d’une semaine d’inter-semestre organisée par IsBlue, une école universitaire de recherche dédiée aux sciences et technologies de la mer. L’interdisciplinarité était du coté des étudiants qui venaient de formations variées, mais aussi de l’équipe pédagogique. La préparation s’est faite avec des chercheurs en sciences physiques et des ingénieurs pédagogiques, et mon apport entre IA générative et pédagogie, qui a permis d’élargir le cadre interdisciplinaire de l’équipe. La maturité préalable des étudiants par rapport à l’approche scientifique a clairement facilité la mise en place de la dynamique du cours et d’aller plus loin dans les échanges. En conclusion, ce type de cours permet des interactions riches avec les étudiants, et un plaisir partagé entre étudiants et intervenants.
Crédit graphique : image générée par les étudiants du cours à l’aide d’une IA générative
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