L’IA générative est un sujet qui est abordé à tous les niveaux dans l’éducation. L’IA générative reste une question vive en cette rentrée 2024. Après l’emballement médiatique, nombre d’enseignants en discutent régulièrement, et ont leur avis propre, éventuellement leurs usages. Les étudiants ont très majoritairement leur IA générative ouverte dans un onglet. Ce que je veux documenter ici, c’est que nous sommes encore au début d’un changement profond, et qu’il nous reste un long chemin pour intégrer ces transformations.
Factuellement, dans l’étude annuelle de 2024 « les 100 outils les plus utilisés pour l’apprentissage », établie par Jane Hart depuis 2007, on trouve chatGPT en seconde position (entré directement à la 4ème place en 2023). Seul Youtube reste plus utilisé en 2024. Deepl, formidable outil de traduction basé sur l’IA, est lui 13ème,
Copilot 20ème, Perplexity 47ème et Claude 50ème, Gemini 53ème sont tous des nouveaux entrants. Comme dit dans son analyse, l’IA générative a décollé. Fait intéressant, les réseaux sociaux sont eux en déclin. Un changement d’époque.
En termes plus institutionnels, de nombreux avis, comme celui du conseil de l’Europe pour la régulation de l’IA en éducation, le guide d’orientations de l’Unesco pour l’éducation et la recherche qui a déjà été revu, ou le travail de fond réalisé en Australie « Education for a changing World »démontre que des cadres se mettent en place.
En termes prospectifs, les rapports « Innovating pedagogy » donnent pour leur part des focus annuels de transformations pédagogiques qui devraient avoir un impact dans le futur. En 2023, les pédagogies qui utiliseront l’IA étaient leur premier sujet. En 2024, ce sont 4 analyses qui portent sur l’IA :
- Apprendre en conversant avec des IA génératives. L’apprentissage par la conversation est une approche revendiquée en Angleterre, et Mike Sharples a proposé récemment un point de vue (« Towards social generative AI for education : theory, practices and ethics ») sur la question
- Parler de l’éthique de l’IA avec les jeunes, pour vivre dans un monde numérique qui intègre l’IA.
- L’écriture multimodale permise par l’IA. L’utilisation de modalités multiples d’expression (texte, image, vidéo, voix, musique) est effectivement facilitée, permet de nouveeaux modes d’expression et pose de nouvelles questions ;
- Les manuels intelligents, qui avec l’aide de l’IA s’adaptent et proposent des parcours et des contenus personnalisés.
Pour donner une idée de l’équilibre du rapport 2024, les 3 premiers sujets sont plus sociétaux et écologiques (imaginer et concevoir des mondes pour un futur équitable, pédagogie de la paix, pédaogie d’action pour le climat), suivis de ces 4 sujets sur l’IA. Les 3 derniers focus sont plus orientés sur des technologies expérientielles (évaluation en réalité étendue, enseignement culturel immersif, par le jeu, et exploration de modèles de l’intérieur).
Si vous êtes un chercheur intéressé par le sujet, les articles sont très, voir trop, nombreux. Ma dernière lecture est « The promise and challenges of generative AI in education » qui fait un point intéressant, et donne des perspectives intéressantes, en croisant l’avis de 9 experts reconnus en technologie éducative. Utile en tout cas pour donner des grilles de lecture. Pour reprendre les titres des questions relevées dans cet article foisonnant, notons :
- La question de l’utilisation effective des IA génératives pour la conception de cours ;
- Le besoin de développer un cadre intégrant les IA génératives pour permettre le développement de la régulation des apprenants, en visant leur autonomie ;
- La difficulté de la génération automatique de contenu, qui pose à la fois des questions de droits et de globalisation de la connaissance ;
- Le développement de nouvelles compétences qui assurent le développement humain et non pas simplement savoir jouer avec les outils numériques ;
- La maîtrise des feedbacks et des évaluations, mais aussi en outillant l’enseignant pour ses interactions avec ses étudiants ;
- Les usages dans les différents domaines. En effet, il y a eu depuis longtemps des résultats dans le domaine de mathématiques, et plus récemment dans le domaine de la programmation informatique. Dans quelle mesure, ces résultats peuvent être transférés ? Et quels autres modèles développer (par exemple en synergie entre des IA et des enseignants) dans les autres cas ?
- Les dimensions éthiques, pour promouvoir les questions d’intégrité, de respect des personnes, de confiance et de fiabilité, d’équité, et pour s’assurer que les outils et les usages soutiennent bien le développement humain ;
Ces différentes questions ou pistes de recherche montrent bien à quel point tous les aspects de l’éducation sont touchés mais restent ouverts. Les travaux et les réponses seront à la fois au niveau théoriques (quels modèles), techniques (quels outils développer), usages (quelles pratiques adopter), organisationnels (cadre, réglementation, …).
Je ne résiste pas à retranscrire quatre remarques provocatrices émises par le premier auteur-expert de cet article, destinées à alimenter le débat :
- P1 : Les compétences requises dans un monde intégrant les technologies d’IA génératives seront différentes.
- P2 : L’enseignement et l’instruction seront impactés par les IA génératives et nécessiteront une transition pour rester pertinents.
- P3 : Les outils d’apprentissage actuels seront impactées par les IA génératives, et l’intégration des capacités des IA génératives sera essentielle pour que les technologies d’apprentissage restent pertinentes.
- P4 : Nous devons être prêts à ce que les IA génératives soient utilisées à mauvais escient dans le domaine de l’éducation.
De fait ces remarques sont déjà en parties vérifiées.
Comme les futurs développements se feront maintenant dans un cadre généralisé, il sera nécessaire : de bien maîtriser les dimensions éthiques, d’aborder ces questions dans des démarches de conception participative en intégrant les différentes parties prenantes, avec des exigences de science ouvertes (partage des cadres de référence, des cadres expérimentaux, des processus, des données anonymisées des résultats, … ) pour permettre des évaluations rigoureuses, voire reproductibles. C’est en tout cas ce qui est recommandé dans la première meta revue systématique sur ces questions , récemment publiée (A meta systematic review of artificial intelligence in higher education : a call for increased ethics, collaboration, and rigour).
Crédit Image : généré par l’outil proposé dans WordPress.
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