Pospectiv.be, le projet
Création d’une ressourcerie autour de l’animation à la prospective.
Animer des ateliers de prospective n’est pas évident. Les contextualiser selon les publics et rester dans les réalités du terrain (ce qui adviendra avec certitude) l’est encore moins.
Cette plateforme ressourcerie à destination des animateurices de territoire contiendra
- des déroulés d’animation ;
- des méthodes d’animation,
- des fiches concepts
- des kits de communication,
- des fiches techniques sur les impacts attendus d’ici 2050 (biodversité, climat, démocratie...)
Le tout contextualisé par types de publics
Coconstruite en 2023 entre acteurs de terrain et expert.e.s en pédagogie et en prospective, elle sera à disposition de tous et toutes sous licence libre pour une diffusion large.
Un atelier de prospective ?
Durant la préparation de votre animation ou lors de l’introduction de celle-ci devant votre public, gardez en tête que :
- Ce jeu cherche d’abord à sensibiliser à la prospective. Il est conçu pour que vous puissiez « travailler sur le futur » sans nécessairement vous y connaître, n’y avoir à respecter l’intégralité d’une démarche de prospective.
- Ce jeu s’inscrit dans une logique d’éducation populaire : rendre visible nos outils, méthodes, techniques pour que chacun.e puisse ensuite s’en emparer, les adapter, les utiliser dans ses propres animations et démontrer que « penser le futur » est accessible à tous.tes.
- Ce jeu cherche à faire émerger des visions désirables du futur sans tomber dans le techno-solutionnisme ou l’effondrisme mais sans cacher la réalité de la situation actuelle.
Bienvenue dans l’anthropocène
Reconnaître l’anthropocène est, selon nous, un préalable à toute animation d’un atelier de prospective. Cette reconnaissance permet d’intégrer les faits actuels ou attendus avec certitude, dans son approche et éviter de laisser l’imagination, certes bien nécessaire, partir dans des espaces d’ores et déjà perdus
Anthropocène est un néologisme construit en référence à une nouvelle période où l’activité humaine est devenue la contrainte géologique dominante devant toutes les autres forces géologiques et naturelles qui avaient prévalu jusque-là.
Cette période se résume aussi parfois à celle où l’humain prend conscience qu’il dépend des choses qui dépendent de lui ou il réalise qu’il se comporte comme un parasite en train de tuer son hôte (mais qui mourra avant lui faute d’avoir pu gérer l’effondrement de son système social).
L’anthropocène est aussi le moment où sa volonté de maitrise sur « tout » s’efface au profit d’une période où il ne contrôle plus rien parce que des seuils sont franchis et compromettent les conditions favorables à la vie.
Des limites déjà dépassées
Les limites planétaires sont les seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer et pour pouvoir durablement vivre dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l’environnement planétaire.
Ce concept a été proposé par une équipe internationale de vingt- six chercheurs et publié en 2009. Il a depuis été mis à jour par des publications régulières.
Il consiste en neuf limites planétaires, dont huit sont chiffrées par les chercheurs et six sont déjà franchies. Neuf processus sont retenus comme limites, car ensemble ils remettent en cause la stabilité de la biosphère :
- le changement climatique,
- l’érosion de la biodiversité,
- la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore,
- les changements d’utilisation des sols,
- l’acidification des océans,
- l’utilisation mondiale de l’eau,
- l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique,
- l’introduction d’entités nouvelles dans l’environnement (pollution chimique)
- l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère
Risques géopolitiques
Et si la démocratie et notre pacte social venait à s’effondrer bien plus tôt que la biodiversité ou le climat ? Cette perspective n’est plus contestée aujourd’hui et il est utile d’en tenir compte lorsque l’on anime des ateliers de prospective.*
Mis sous pression par le franchissement des limites planétaires, nos démocraties vacillent. Le risque de conflits, y compris de conflits interétatiques, va augmenter dans les vingt prochaines années. Les intérêts divergents entre grandes puissances, les menaces terroristes, l’instabilité des États faibles, ajoutés à « la propagation de technologies disruptives et mortelles », constituent le terreau de ces menaces.
La théorie du Donut, cadre de pensées pour nos prospectives
Le Donut est un cadre visuel pour la durabilité de l’économie — présenté sous forme de beignet — combinant le concept de limites planétaires avec celui, complémentaire, de frontières sociales.
Ce modèle propose de considérer la performance d’une économie par la mesure dans laquelle les besoins des gens sont satisfaits sans dépasser le plafond écologique de la Terre. Le nom dérive de la forme du diagramme, c’est-à-dire un disque avec un trou au milieu.
Le trou central du modèle représente la proportion de personnes qui n’ont pas accès aux éléments essentiels de la vie (soins de santé, éducation, équité, etc.) tandis que le bord extérieur représente les plafonds écologiques (limites planétaires) dont dépend la vie et qui ne doivent pas être dépassés.
Par conséquent, une économie est considérée comme prospère lorsque les douze fondements sociaux sont réunis sans dépasser aucun des neuf plafonds écologiques.
Cette situation est représentée par la zone entre les deux anneaux, à savoir l’espace sûr et juste pour l’humanité.
Tous plans d’actions issus de prospective qui s’inscriraient en dehors du donut et des limites planétaires mériteraient-ils vraiment d’être débattus ?
Construire son intervention avec nos ingrédients, étapes et fiches d’animation
Comme dans toute bonne recette, le résultat est meilleur quand on respecte les étapes et qu’on y utilise tous les ingrédients. Toutefois, il existe une large tolérance. L’objectif étant avant tout de sensibiliser à la prospective.
Ce jeu comporte
- 6 ingrédients : à savoir 6 points d’attention que l’on retrouve classiquement dans les démarches de prospective
- 9 étapes : à savoir une certaine logique qui facilite une démarche de prospective réussie mais dont on peut facilement se détacher pour créer « sa recette »
- 38 Fiches d’animation : pour nourrir ces ingrédients et étapes en fonction de son public, de son aisance, du temps disponible
- 6 récits d’expérience : réalisés par des non professionnels pour se rassurer sur la faisabilité d’animer des démarches de prospective.
C’est le moment d’y aller
- Étalez les cartes ingrédients et étapes devant vous
- Formulez l’intention de votre intervention, le public cible et le temps dont vous disposez
- Choisissez au minimum 3 ingrédients et 3 étapes (sans quoi on ne peut pas vraiment parler de prospective)
- Parcourez les fiches d’animation qui nourrissent ces ingrédients et étapes et opérez votre choix en fonction de votre intention, public et temps disponible
- Créez votre déroulé pédagogique en plaçant les fiches d’animation dans l’ordre voulu et lisez le détail de chacune d’elle
Et si on vous questionne
Ne soyez pas surpris que l’on cherche à questionner votre posture, votre légitimité dans ces démarches de prospective. Il est vrai qu’elles sont souvent "captées" par les consultant.e.s. Vous trouverez quelques idées de réponses sur la page "Mode d’emploi" de www.prospectiv.be
LA PROSPECTIVE C’EST Une démarche qui vise à se préparer aujourd’hui à demain. La prospective ne consiste pas à prévoir l’avenir (ce qui relevait de la divination) mais à élaborer des scénarios possibles et impossibles dans leurs perceptions du moment sur la base de l’analyse des données disponibles.
La prospective n’est pas
– PRÉDICTION La « prédiction » renvoie au fait de savoir ce qu’il va se passer à l’avenir grâce à son instinct, à son flair, à une conjecture, ou à une inspiration surnaturelle, et de le dire. Les prédictions de ce qu’on appelle en langue française la « futurologie » donnent parfois l’impression de s’inscrire dans une démarche proche de la prophétie.
– PRÉVISION La « prévision » renvoie au fait d’essayer de connaître à l’avance l’évolution d’un phénomène dans un futur proche en se fondant sur des calculs, des raisonnements, des modèles. On parle le plus souvent de prévisions météorologiques, de prévisions économiques, budgétaires, volcanologiques, des crues, etc.
– PROJECTION Une projection est une technique visant à la prévision de valeurs futures basées sur des courbes d’évolution de données passées et sur un modèle mathématique reliant ces données.
Comment clôturer votre intervention
Pour éviter l’effet soufflet (encore une chouette expérience de laquelle il ne sortira rien de concret), il peut être utile de préparer l’atterissage.
En effet, l’exercice pourrait aboutir à des pistes d’actions floues ou trop larges pour permettre aux participant.e.s de poursuivre la dynamique.
Ce qui serait frustrant pour les participant.e.s et triste pour cette énergie disponible mais non activée.
Voici quelques pistes et réflexions qui peuvent être proposées en ortie d’un atelier de prospective. Même si l’atelier n’a pas engendré de pistes concrètes et immédiates, il a mis en mouvement et c’est déjà une forme d’action
Ce mouvement peut être entretenu et amplifié de multiples façons :
- Quelle est ma zone de responsabilité personnelle face à cet enjeu ?
- Puis-je m’associer avec d’autres personnes pour continuer la réflexion ?
- Et s’il fallait prendre juste un des points de l’atelier et le transformer en pistes d’actions immédiates, ce serait lequel et comment ?
- Vous pouvez inviter chaque participant.e à s’écrire en fin d’atelier une lettre à elle.lui-même en écrivant sur celle-ci les actions qu’il-elle souhaite mener en sortie de cet atelier. Reprenez ces lettres scellées et envoyez-leur dans quelques mois (effet garanti ! ). Une version numérique existe sur www.futureme.org
- Vous pouvez inviter chacun.e à écrire à son élu (bourgmestre, échevin, maire, adjoint...) pour lui faire part de cette expérience et du souhait de voir des dynamiques similaires se mettre en place sur son territoire ou lui faire parvenir les réflexions du terrain pour lui signifier que « le terrain » aussi réfléchi à son avenir.
Reprendre du pouvoir sur le futur à travers des ateliers de prospective c’est déjà agir :
- Vous pouvez continuer à vous former, à lire sur « la prospective »
- Vous pouvez continuer à participer à d’autres ateliers car jouer, c’est monter en compétences et ça permettra à chacun.e de plus facilement intervenir quand il s’agira de travailler sur des sujets à enjeux forts. Plus nous serons nombreux à comprendre les logiques d’animations de la prospective, plus nous pourrons peser dans les débats ou processus de participation qui seront mis en place.
Si votre atelier de prospective débouche sur un plan d’actions, il pourrait être utile de faire passer « quelques tests » à ces envies pour éviter les « fausses bonnes idées »
Ces quelques concepts pourraient vous y aider (voir le dépliant concepts et notions pour les détails) :
- Nos actions prennent-elles en compte l’héritage des choix passés et les obligations qu’ils nous imposées (déchets nucléaires par ex) ?
- Nos actions engendrent-elles pour les générations futures des héritages compliqués à gérer ?
- Nos actions peuvent-elles fonctionner dans un monde toujours plus incertain ? Passent-elles le test de robustesse ?
- Nos actions innovent-elles aussi dans le « social » ou misent-elles tout sur des innovations technologiques (techno-solutionnisme) ?
- Nos actions visent-elles aussi à « soustraire » (renoncer) ou uniquement à ajouter sur l’existant ?
- Nos actions peuvent-elles être reformulées, requestionnées tranquillement pour éviter la fausse bonne idée (maladaptation) ?
Et si on analysait nos résultats d’ateliers de prospective sous ces quelques notions ?
La robustesse plutôt que la performance
Le culte de la performance n’a cessé de se développer depuis le néolithique et a conduit notre société à mettre en avant les valeurs de la réussite et de l’optimisation permanente dans tous les domaines.
Généralement vue comme quelque chose de très positif, elle est pourtant très réductionniste par construction et elle devient contreproductive aujourd’hui.
La performance c’est
Efficacité (atteindre son but
+
Efficience (avec le moins de moyens)
Elle porte pourtant plusieurs écueils qui sont de plus en plus visibles aujourd’hui.
Pour augmenter la performance, nous découpons toute action en petites étapes à optimaliser au mieux sans plus avoir de vue globale sur le système global. Ce travail sans vision globale finit le plus souvent par bloquer le système, le rendre « moins résilient » face aux changements
L’augmentation de la performance finit souvent par devenir l’objectif au détriment de la raison (c’est comme ça qu’un système bancaire se met à « faire de l’argent » pour faire de l’argent avant d’être au service de l’économie)
La performance ignore les effets rebonds. Ceux-ci, pourtant bien réels, desservent l’objectif initial (des lampes led plus performantes qui augmentent la consommation électrique globale car placées partout puisqu’elles ne consomment rien...)
Enfin, la performance ne s’encombre pas des externalités qu’elles engendrent et qui deviennent pourtant de plus en plus criantes (environnement en burn-out, humains en burn-out).
La performance, c’est l’absence de « jeu » (dans les rouages pour qu’ils restent adaptables) et trop de « je » (l’absence de vue systémique et à long terme).
Dans un système fluctuant, imprévisible (ce qui est la définition de l’anthropocène), la performance échoue.
La Robustesse un incontournable des futurs souhaitables ?
La robustesse, c’est la capacité de maintenir la stabilité d’un système confronté à de fortes instabilités. Elle ménage des marges de manœuvre et mobilise le groupe pour assurer la survie des individus. C’est la voie que le vivant emprunte depuis des milliards d’années et qu’il a validée.
La robustesse va certainement déterminer le progrès au XXIe siècle, confronté à de fortes instabilités. Dans un monde turbulent, nous devrons basculer de la performance (une voie étroite et rigide) vers la robustesse (une voie large construisant l’adaptabilité). Ne soyons pas naïfs. Avec les guerres, les lobbies, les politiques court-termistes, nos biais cognitifs… cela prendra du temps.
Mais il est quasiment certain que les futurs à inventer incluront :
- LA ROBUSTESSE : abandon de la performance comme seul compas
- LA COOPÉRATION : faire et partager avec les autres et pas contre les autres, accepter de ne pas optimaliser que son camp pour l’intérêt de tous.toutes
- LA CIRCULARITÉ : ne rien inventer qui ne puisse être rapidement réutilisé
La maladaptation quand la bonne idée se révèle être pire
La maladaptation se produit quand des stratégies d’adaptation au changement produisent des effets néfastes et indésirés pour certaines populations et/ou leur environnement – en particulier quand elles rendent des populations plus vulnérables au changement suite à leur mise en place.
La maladaptation peut donc se résumer comme « la fausse bonne idée mise en place trop vite et sans tenir compte des effets à long terme et du contexte d’application ».
Dans nos scénarios de prospective, veillons à questionner nos bonnes idées pour vérifier leur pertinence avant de passer à l’action.
Le renoncement ou redirection écologique comme pense-bête
Un biais très fréquent lorsqu’on imagine l’avenir est de penser essentiellement en terme d’additions : de nouvelles activités, de nouveaux objets, de nouveaux usages, de nouvelles pratiques…
Or, il est beaucoup plus difficile de penser en terme de soustractions, qu’est-ce qu’il y aura en moins par rapport à aujourd’hui.
Enlever fait peur. Le terme de renoncement a d’ailleurs une connotation bien souvent négative car il interroge la notion d’attachement. Il est donc de fait bien souvent « oublié » lorsqu’on arrive au plan d’actions.
Pourtant la problématique même de notre époque, le dépassement des limites planétaires, oblige à aller vers un ralentissement, une diminution matérielle notamment. Pour que ce renoncement ne s’apparente ni à un sacrifice, ni à un antimodernisme sommaire, le chercheur Alexandre Monnin plaide pour une « redirection écologique ».
En analysant nos plans d’actions sous cet angle, nous évitons à la fois
- de franchir les limites planétaires
- de créer des héritages difficiles à gérer aux générations futures
- mais aussi de laisser les humains attachés aux activités abandonnées sur le bord du chemin
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