Rencontre avec Pierre Dubuc co-fondateur
C’est dans un contexte d’actualité dense et après son voyage présidentiel en Suisse, que Pierre Dubuc d’ OpenClassrooms me reçoit…
Du partenariat avec Pôle emploi, de leur démarches pour faire évoluer la perception des MOOC dans le contexte de la formation professionnelle, et même d’une projection en 2020…. il nous dit tout !
Découvrons ensemble…
De son lancement à sa rencontre avec un Président quelles sont les grandes étapes d’OpenClassrooms ?
« L’histoire commence en 1999 avec le lancement du site du Zéro une plateforme de e-Education… »
Infographie : « Notre histoire » les grandes étapes du site du Zéro à OpenClassrooms
Ces 18 derniers mois, Pierre Dubuc confirme l’accélération de l’activité avec de nouveaux partenariats (Ecoles, Universités, Entreprises..), et effectivement celui incarné par F. Hollande pour les demandeurs d’emploi à partir de septembre 2015.
C’est une belle étape !
Quelles sont les singularités d’OpenClassrooms par rapport à d’autres acteurs ?
Par rapport aux acteurs français, nous avons un fonctionnement plutôt professionnalisant.
Nos propositions ont pour objet d’aider à trouver un premier métier, de se reconvertir, de lancer son entreprise… L’investissement temps réalisé par nos participants, doit trouver son retour sur investissement, sur le marché de l’emploi. Pour ceci nous travaillons en partenariat avec des Ecoles, des Universités et également des entreprises (IBM, Google, SopraSteria…). Nous avons là les différents aspects qui permettent l’action professionnalisante.
Aujourd’hui, en popularité et volume, OpenClassrooms est la plus grosse plateforme en Europe, avec un trafic de 2.5 Millions d’utilisateurs chaque mois.
Les autres acteurs européens privés importants sont peu nombreux.
Il y a Futurelearn (GB) et Iversity (All) et Miriadax (SP), tous avec un trafic moindre.
Votre offre, c’est des MOOC quand c’est free et des cours quand c’est premium ?
Non ;-)
Tous les contenus sont gratuits et en créative commons.
Si le participant souhaite l’obtention du certificat de réussite qui prouve la montée en compétence, là il faut être premium. Cet offre donne aussi la possibilité de télécharger les vidéos et des ebooks (ressources complémentaires) d’éditeurs tels que Eyrolles et Dunod. C’est un abonnement à 20€/mois qui vous permet de suivre tous les MOOC que vous souhaitez, quand vous le souhaitez.
Chez OpenClassrooms, il n’y a pas de session à date donnée.
Par rapport à d’autres MOOC, en terme d’animation de communauté, ça a été le challenge de la plateforme : allier cette flexibilité d’inscription dans le temps et des interactions de groupe. Pour cela nous avons créé des cohortes, ces classes virtuelles d’étudiants qui entrent dans les mêmes temps sur les mêmes cours…les participants peuvent ainsi échanger entre eux, réaliser et bénéficier d’évaluation par les pairs. Les composantes collaboratives se retrouvent ainsi présentes.
A partir de septembre 15, Openclassroom est accessible aux demandeurs de pôle emploi… quels impacts ?
La base du partenariat, c’est de contribuer au reclassement des personnes en recherche d’emploi et d’aider ceux qui souhaitent trouver un emploi dans le secteur du numérique qui offre beaucoup d’opportunité d’embauches.
Cela part du constat d’une part, que beaucoup de métiers sont en tension (les employeurs ne trouvent pas les candidats et compétences pour ces postes) et d’autre part, que le taux de chômage en France est très élevé… Il y a donc un problème d’adéquation offre/demande… et donc de formation.
Quand on sait que temps de traitement moyen d’un dossier de formation pour un demandeur d’emploi est de 7 mois… et que 70% des dossiers sont refusés… La formation en présentiel est un investissement coûteux…
Les MOOC pourraient répondre en partie à ce besoin…
« Pourraient » car tout ça est nouveau… en tout cas l’objectif via les MOOC est de rendre accessible les formations à un grand nombre de personnes (massif) à un coût moindre, avec une flexibilité de la formation qui permette à chacun qu’il soit à Paris , en Province, aux Dom Tom, jeune, moins jeune etc… d’en bénéficier.
La bonne nouvelle c’est que l’on a déjà des participants demandeurs d’emploi ou en reconversion, qui se sont formés avec nous et qui ont trouvé un job, qui ont créé leur boîte… Le challenge est maintenant de le mettre à très grande échelle et d’en mesurer les effets ! Bon tout ça prend évidemment un peu de temps… il faut au moins 12 mois pour pouvoir évaluer l’impact
Pour nous l’enjeu c’est de former de plus en plus de monde, d’être de plus en plus efficace sur cet aspect professionnalisant
L’enjeu du secteur des MOOC, c’est à la fois une reconnaissance grand public et également des MOOC en tant que « vraie » formation professionnelle, au sens réglementaire de la formation.
C’est aussi notre challenge de 2015. OpenClassrooms suit de près les évolutions de la législation concernant la formation (quitte à être acteur de son évolution sur certaines obsolescences…)
En écho à la réforme de la formation, vous lancez des parcours de MOOC pour se former à un métier, pouvez vous nous expliquer ?
Effectivement nous avons déjà déposé un dossier auprès du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) pour certifier nos parcours constitués de plusieurs cours.
C’est une démarche longue.
Cette démarche est complétée par des partenariats avec des Ecoles et Universités qui ont déjà des certifications RNCP, DU (diplôme universitaire) etc… Avec ces partenaires, nos construisons des parcours basés sur leurs diplômes et leurs référentiels.
Enfin notre dernière étape est de faire référencer nos cours dans l’inventaire du CNCP (Commission nationale des certifications professionnelles) afin que ceux ci soient éligibles par exemple au CPF (Compte personnel de formation)
La finalité c’est d’obtenir la reconnaissance des MOOC en tant que modalité de formation à part entière.
Ceci répond également aux besoins des entreprises, de faire financer des projets de MOOC par les OPCA, de suivre le parcours des étudiants…
D’ailleurs, nous travaillons ainsi avec plusieurs OPCA pour se caler sur leurs critères de prise en charge. Aujourd’hui plusieurs ont acceptées de financer ce type de formation (ex le FAFIEC). Là aussi se sont des processus de demande lourde et administrative (« les dossiers papiers à envoyer par la poste ;-) » ) que l’on est en train de faire évoluer…mais c’est dépendant de l’informatisation déjà réalisée des OPCA.
Sur ce 1er semestre 2015, quel état de mûrissement des entreprises françaises observez vous par rapport aux MOOC ?
Les grosses sociétés commencent à cerner ce qu’est un MOOC et sont dans la démarche de se projeter sur un achat, de s’assurer de financement via leur OPCA…
Pour celles-ci cela embarque plusieurs services : la formation / les RH (avec l’aspect recrutement)/le marketing et la communication avec l’image corporate…
Ce sont des projets très transverses, qui remontent assez haut dans les chaînes de décision.
Il peut y avoir plusieurs approches : axées Formation (typiquement des thématiques comme Cultures digitales, innovation, management… )/Recrutement (former et sélectionner les meilleures profils sur le sujet qui intéresse) / Image employeur (ex projet altruiste Education ou Responsabilité Sociale de l’Entreprise) / Marketing (Faire utiliser un produit de l’entreprise)…
Imaginons… nous sommes en juin 2020, que représentent les MOOC dans le paysage économique ?
Dans 5 ans… ;-) ! J’espère que nous serons visibles…
Je crois qu’il y aura toujours des MOOC francophones, mais un des scénarios plausibles est que la majorité des usages se fassent sur des plateformes américaines… Ce que nous pensons c’est que le marché des plateformes va encore se re-concentrer d’ici 5 ans… Probablement qu’il y aura un acteur en Europe, et un ou deux aux US… Concernant les écoles et universités, les plus grandes vont continuer à créer le contenu, les petites vont se spécialiser (ou mourir…). Ce qui reste va devoir se polariser, monter en gamme, se regrouper, gagner en image, en recherche… Les contenus vont devenir de plus en plus experts… Les niveaux Bachelor vont se faire de plus en plus à distance…
Evidemment rien n’est fixé, mais ce que l’on sent c’est que massivement l’apprentissage des bases va se faire de plus en plus en blended learning, laissant le présentiel pour les sujets experts
Votre message de la fin ?
Un des grands changements c’est de rendre l’Éducation accessible et ouverte (hors les murs d’une Université ou d’une Entreprise)…
Cela se confronte avec la tentation forte de revenir aux schémas habituels de préserver ses savoirs, y compris pour les Universités pour lesquelles la mission est de diffuser du savoir (compétition internationales des Universités). Alors nous véhiculons le message de l’évolution et du changement, tout en préservant les valeurs éthiques et sociales de notre modèle. Je crois vraiment que l’on peut trouver une évolution qui satisfasse toutes les parties prenantes, qui soit économiquement pérenne et qui améliore l’Education pour un plus grand nombre (et pour moins cher)
Un grand merci Pierre pour cet échange, pour le partage de toutes ces infos, de vos convictions et de vos prédictions… ;-)
A très bientôt sur la planète MOOC
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