Un article repris du blog Coopérations, version du 19 novembe 2018
- pour voir ou ajouter d’autres liens voir la page "Enseigner les communs" du wiki Intercoop sur les communs
- une version anotableest aussi proposée avec l’outil Sylo
Comme l’a décrit Michel Serres [1] , les révolutions des modes d’échanges, tels l’écriture, l’imprimerie ont bouleversé la société et en particulier l’éducation. A son tour, le développement massif du numérique interroge nos façons d’apprendre, de travailler, de comprendre et d’agir sur le monde. L’organisation générale de l’éducation en France et les contenus enseignés, basés sur une approche transmissive et disciplinaire, n’ont pas encore beaucoup changé. Pourtant de nombreuses initiatives expérimentent de nouvelles façons d’apprendre, mettant l’accent sur la coopération, la créativité, l’apprentissage par le travail par projet.
Dans cette société profondément transformée par le numérique, l’idée de communs [2] développée par Elionor Ostrom émerge comme le décrit Valérie Peugeot :
"Avec l’expansion des technologies du numérique, des pratiques de partage, de co-construction de ressources, d’échange en pair à pair se multiplient. Elles s’appuient sur des communautés auto-organisées, qui font le choix de gérer ces ressources sans les soumettre à des droits de propriété. Ces Communs, ou Biens Communs, entendent proposer une alternative économique autant que politique aux modes de régulation traditionnels institués à travers le marché et l’État."
introduction de l’article de Valérie Peugeot "Les Communs, une brèche politique à l’heure du numérique"
publié dans Les débats du numérique, presse des mines,2013, P 77-98.
Du côté de l’éducation, cette dimension des communs figure notamment dans le rapport Jules Ferry 3.O d’octobre 2014 du Conseil National du Numérique dans la recommandation 7 du rapport décrite sous la forme :
"Chaque étape de la scolarité peut être l’occasion pour l’apprenant de participer à des Communs, par exemple : en écrivant sur des Wikipédias créés pour et par des enfants (Wikimini, Vikidia), en corrigeant ou complétant un article sur Wikipédia, en contribuant à OpenStreetMap au cours d’une cartopartie qui peut être un support de cours de géographie"
En parallèle, dans "Apprendre au XX1é siècle"François Taddei montre l’importance d’apprendre à apprendre dans une société où de plus en plus de savoirs sont disponibles via les machines. Face aux modifications du climat, à l’épuisement prochain de nombreuses ressources, aux transformations du travail, l’école ne peut plus se contenter de transmettre des savoirs et de préparer à des métiers précis.
En quoi alors la dimension des communs peut-elle participer à cette transformation de l’école dans cette société des transitions ? C’est le sens de cette écriture d’articles proposés à la discussion.
(1) Enseigner les communs
Le numérique, par son caractère de ressource non rivale - un contenu peut être facilement diffusée et reproduit sans conflit d’usage - a permis un renouvellement de la notion de communs. Les logiciels libres puis Wikipedia ont popularisé cette alternative aux œuvres enfermées dans un droit d’auteur qui en restreint l’usage. En quelques années, ils ont apporté la preuve par l’exemple qu’une communauté de personnes pouvaient co-produire des ressources, d’une manière jusque-là jamais imaginée et de façon plus efficiente que le système marchand [3] développée par Microsoft ou que le service public. [4].
Faisons un premier tour d’initiatives qui participent à l’enseignement des communs. [5] à travers la contribution à wikipedia, via l’enseignement des cultures numériques, le travail des prof doc sur le droit d’auteur et le partage des informations et des projets d’école des communs.
Collaborer à l’écriture d’un article pour wikipedia
Le principe et le bon usage d’une encyclopédie collaborative a longtemps interpellé le monde enseignant [voir par exemple la série de 6 articles d’Alexis Kaufman ’Wikipedia et éducation un exemple de réconciliation" publiés en 2009 dans Framablog, un site sous licence CC by sa]]. Mais aujourd’hui c’est autour de l’écriture dans wikipedia et de projets connexes comme vikidia que nous trouvons le plus grand nombre de projets qui touchent à l’enseignement des communs.
Le concours wikipedia lycéen
C’est par exemple le concours wikipedia lycéen co-organisé chaque année par Wikimedia France et le Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI). Dans ce projet, une classe apprend à contribuer à wikipedia, avec des enseignants et des professeurs documentalistes. Si l’objectif de ce projet est bien de contribuer à un commun, d’autres compétences de littératie numérique sont concernées : la recherche d’information sourcées, la publication sur le web, le travail collaboratif, le fonctionnement d’une communauté.. La sixième édition en 2017-2018 a impliqué 28 établissements dans 15 académies.
Ces initiatives bénéficient de retour positifs de la part des enseignants et lycées mais sont encore peu documentées en terme de compétences d’où la proposition de
Documenter un référentiel de compétences associées à cette écriture sur wikipedia.
voir à ce sujet par exemple :
– "Le projet dans une classe, interview d’Edith Boulo, documentaliste, qui a co-animé avec Céline Le Gall, professeure de français le projet en 1ère S3 au lycée Kérichen La Pérouse.
– Le portail "Pourquoi utiliser wikipedia en classe" qui aide ces projets pédagogiques et propose un livret d’acceuil "Participer à Wikipedia" publié le 9 juin 2018 sur Innovation pédagogique, un site sous licence CC by sa par défaut.
– L’article d’Edith Boulo "Participer au Wikiconcours lycéen" du 2 juin 2017 dans Doc Pour Docs, un site animé par un groupe de professeurs documentalistes et publié sous licence CC by nc sa.
– La page du concours sur wikipedia et sur le site du Clemi.
– Dans une démarche analogue on peut citer les projets pour créer des cartes collaboratives avec Open Street Map tel ceux répertoriés sur Educ’OSM.
Ecrire pour wikipedia dans l’enseignement supérieur
Des projets se sont également développés dans l’enseignement supérieur tel celui de l’Université de Perpignan où un projet collaboratif de création ou de modification de pages Wikipédia est demandé à tous les étudiants de Licence 2 (975) dans le cadre des TD de compétences numériques. Les projets se font en groupes de 2-3 étudiants.
Là aussi on aurait besoin
d’un portail collaboratif qui mette en réseau les différentes initiatives avec une animation co-construite avec wikimedia France comme pour le wikiconcours lycéen
voir aussi
– Livret "Utiliser Wikipédia avec vos étudiants - Etude de cas" : présentation et livret (en anglais) [6]
– Wikipédia à l’université : quand les étudiants deviennent contributeurs, retour d’expérience rédigé par Sylvain Léauthier, juillet 2014.
– Wikimooc : Un cours en ligne pour apprendre à contribuer à Wikipédia sur FUN.
Vikidia
Dans un même esprit que wikipedia, Vikidia [7] s’adresse aux 8-13 ans comme lecteurs et contributeurs. Les règles de fonctionnement sont inspirées de wikipedia. La principale différence est son souci de contenus qui conviennent aux enfants, ce qui en fait une forme de communs adaptée à un usage en école et au collège. Elle compte aujourd’hui (14 novembre 2018 2691 articles avec des développements dans plusieurs langues. Un certain nombre de projets pédagogiques sont présentés sur le wiki de vikidia.
voir aussi :
– Création de biens communs au collège : rédiger et publier pour Vikidia, Eduscol Octobre 2015.
Les Communs de la connaissance, objet d’enseignement pour les professeurs documentalistes
Hervé Le Crosnier en 2016 dans la revue Médiadoc (n°17) : "Faire rentrer les communs de la connaissance dans l’école " explicite l’importance du travail des professeurs documentalistes :
"Participer aux communs demande de développer un « savoir-être » citoyen, une logique de partage alors même qu’une large part de l’éducation est basée sur la concurrence et la la hiérarchie. Ré-introduire le collectif, la participation, l’engagement dans l’école doit devenir une préoccupation des enseignants et plus particulièrement des professeurs documentalistes qui peuvent profiter de leur situation d’interface entre l’école et la société de l’information ; à la croisée des champs disciplinaires et des savoirs pour organiser des projets pédagogiques sous forme d’ateliers pratiques, de réflexions et de travaux collectifs de participation aux communs de la connaissance."
Pour éclairer cet apport des professeurs documentaliste je reprends la présentation du chapitre sur le portail Eduscol.
"Hélène Mulot, professeur documentaliste, a coordonné un dossierpour Inter CDI qui propose un aperçu des enjeux liés aux communs et les déclinaisons possibles au CDI. Pour elle, l’"utilité" est à la base de la documentation, car la masse d’information, sans cesse grandissante, est à trier, à organiser. Après avoir brièvement exposé les relations entre bibliothèques et communs de la connaissance, elle présente les rapports entre la notion de bien commun et le professeur documentaliste. Les questions de droit d’auteur, d’accès au document et à l’information, et les valeurs mêmes de l’enseignement sont à mettre en relation avec le rapport du professeur documentaliste aux communs. Si ces derniers ont recours au sein même de leur profession à des pratiques de partage sur le modèle des communs, (listes de diffusion professionnelles, communautés, blogs...) ils développent également chez leurs élèves des capacités de création et de conservation des communs, et ce autour de notions info-documentaires comme le droit de l’information, l’éditorialisation, la redocumentarisation (document de collecte)... À travers un ensemble de postures pédagogiques Hélène Mulot montre que le CDI lui-même devient un lieu de communs."
dans Les Communs de la connaissance objet d’enseignement pour les professeurs documentalistes, Inter CDI n°261, mai-juin 2016. (pas de mention de droit d’usage élargi ?)
A noter aussi :
– L’organisation d’une Copy party [8] telle celle relatée au Lycée Polyvalent Francois Rabelais, dans l’[http://eduscol.education.fr/experitheque/carte.php expérithèque] par Anne-Sophie Domenc, 12 juin 2016.
– L’initiative du Clemi de Créteil qui a lancé en septembre 2017 un appel à projets : “Enseigner les communs dans l’École du 21e siècle : quelle gouvernance dans les disciplines ?”
voir aussi
– "Les communs et les savoirs en partage : que faut-il enseigner ? par Hélène Mulot à la journée académique de l’APDEN Aix-Marseille et le diaporama, janvier 2018.
– Vers une littératie des communs à l’école avec Hélène Mulot, interview d’Hélène Mulot par Silvère Mercier publié sur Bibliosessions blog de Silvère Mercier, le 23 mai 2016, un site sous licence CC by sa.
– "Collecter- Publier - Partager : qu’est-ce que j’enseigne des « communs » ?"
une version "enrichie" de l’intervention d’Hélène Mulot lors de la Journée académique des professeurs documentalistes de l’académie de Rouen : "Droits d’auteur et exception pédagogique à l’heure du partage des savoirs" sur son blog l’Odysée d’Ln, un site sous licence CC by sa.
– Le module de formation de l’académie de Nantes : « Enseigner les biens communs : ressources matérielles ou immatérielles qui relèvent d’une appropriation, d’un usage et d’une exploitation collective par Anne-Sophie Domenc , qui présente quelques exemples et le support de formation, année 2016-2017.
Dans l’enseignement supérieur
Dans l’enseignement supérieur, quelques enseignants ont intégré cette question des communs dans leur cursus de formations. Citons notamment :
– Le cours de culture numérique au CEMU (Centre Multimédia Universitaire de l’Université de Caen Basse-Normandie) d’Hervé Le Crosnier mis en ligne sur Canal-U
– le cours "Culture informationnelle et médiation sociotechnique : les communs numériques" mis en place en 2013 par Louise Merzeau [9] avec un séminaire fonctionnant sous la forme d’un webinairedans le master Recherche infocom : industries culturelles et environnement numérique.
– "Utiliser des ressources en toute légalité, réalité ou chimère" parcours de formation sur les Creative commons par Jacques Cartier, un texte sous licence CC by sa nc décembre 2012.
Voir aussi :
– "Droits d’auteur, biens communs et ressources éducatives, intervention (vidéo) d’Hervé Le Crosnier aux journées académiques (décembre 2013) de l’académie de Rouen.
– "Les communs : levier pour l’enseignement (du) numérique à l’école" par Louise Merzeau et Hélène Mulot, dans Hermès La revue, 2017/2, pages 193-200.
– Initiatives pédagogiques dans la société
Cet article est centré sur les communs dans l’éducation et il n’est pas possible de relater ici comment les communs en acte (jardins partagés, repair cafés, grainothèques, pour n’en citer que quelques uns) participent aussi à une connaissance des communs.
Aussi en dehors du champ de l’école, si cet enseignement des communs concerne l’ensemble de la société on se limitera ici à citer quelques initiatives qui ont un but éducatif.
– Le travail de l’association Savoirs com1 co fondée par Silvère Mercier, auteur de Bibliobsession et Lionel Maurel, alias Calimaq, auteur du blog S.I.Lex, qui indique dans son manifeste :
"Il faut donc enseigner des connaissances, transmettre des savoir-faire et savoirs être qui garantissent la capacité des citoyens de demain à créer des Communs. "
– Les vidéos de Remix The commons qui "documentent et illustrent les idées et pratiques entourant la question des biens communs ! " animé par Frederic Sultan avec notamment l’expo itinérante sur les communs initiée par Thiery Pasquier de l’espace Mendès France à Poitiers, le jeu Cartes en communs [10] et l’école des communs organisée en 2012 avec Communautique à Montréal.
– les publications de l’association Vecam autour des communs et notamment "Communs et éducation populaire, partage d’expérience et perspectives", décembre 2014 ; et l’ouvrage "Libres savoirs, les biens communs de la connaissance", mai 2011.
– le projet de MOOC sur les communs porté par Alain Mille
à compléter ...
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