Un article, communication au colloque QPES 2019, "(Faire) coopérer pour (faire) apprendre ?", une publication sous licence CC by sa nc
AUDE PICHON
Université de Nantes, Pôle Pédagogie, Faculté des Sciences et des Techniques, Aude.Pichon[at]univ-nantes.fr
ISABELLE BEAUDET
Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques, Isabelle.Beaudet[at]univ-nantes.fr
CHANTAL GAUTHIER
Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques, Chantal.Gauthier[at]univ-nantes.fr
MICHEL EVAIN
Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques,
Michel.Evain[at]univ-nantes.fr
SUMMARY
In a rapidly changing society, the university will have to diversify studying modalities (face-to-face and e-learning) and differentiate learning periods (synchronous and asynchronous) and, train in an increasingly heterogeneous context ("hard-working" students, student employees, students in special situations, students in mobility, employees in activity...) on the other hand.
The University of Nantes has made a commitment, for the 2017 academic year, to include 10% e-learning in all its courses (bachelor’s degrees, professional degrees and master’s degrees). The direction of the Faculty of Science and Technology took up this challenge and decided to develop a digital higher education pedagogy strategy in March 2016. At a time when a digital higher education pedagogy transformation generalized to the entire teaching staff may seem to be an objective beyond reach, we testify a pedagogical and digital transformation on the scale of one component : the Faculty of Science and Technology of the University of Nantes. This communication describes the approach implemented by the Faculty, the report at the end of the first operational year and the envisaged improvements.
MOTS-CLES
Pédagogie universitaire numérique, stratégie, transformation, enseignement à distance, enseignement hybride
KEY WORDS
Digital higher education pedagogy, strategy, transformation, e-learning, blended learning
1. Contexte
Le paysage de l’enseignement supérieur a beaucoup évolué au cours des vingt dernières années, avec la massification de l’accès aux études supérieures, une hétérogénéité croissante des publics et une évolution des pratiques d’apprentissage avec une culture plus empreinte des technologies numériques. Au sein de l’Europe, le processus de Bologne initié en 1998 incite les universités à se centrer sur l’apprentissage des étudiant(e)s, le développement de compétences transversales, l’employabilité des diplômé(e)s, l’internationalisation et l’accès à la formation et au développement professionnel et personnel du plus grand nombre tout au long de la vie. Pour répondre à ces profonds changements, le numérique offre de nombreuses opportunités : diversification des modalités d’apprentissage, développement de l’enseignement à distance (EAD) et de l’enseignement hybride, ouverture sur le travail en réseaux, etc.
Au cours de la dernière décennie, le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a d’ailleurs mis le numérique au cœur de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur et a impulsé une dynamique d’enseignement et d’apprentissage via le numérique. Ainsi, il a organisé des journées scientifiques annuelles sur la pédagogie universitaire numérique dès 2011. Dans la loi du 22 juillet 2013, il a initié une stratégie nationale de l’enseignement supérieur (StraNES) avec quarante propositions réparties sur cinq axes stratégiques, dont la proposition 17 sur l’usage du numérique : « Prévoir l’usage systématique du numérique dans la formation et l’évaluation des étudiants ». Plus récemment, le Décret n° 2017-619 du 24 avril 2017 « relatif à la mise à disposition d’enseignements à distance dans les établissements d’enseignement supérieur » définit la notion d’enseignement à distance et les conditions de délivrance de cet enseignement par les établissements d’enseignement supérieur et précise les dispositifs nécessaires à sa validation (JORF n°0098 du 26 avril 2017 texte n° 10). Toutefois, le doute subsiste sur une réelle généralisation de la transformation pédagogique numérique à tout le corps enseignant, comme indiqué dans le rapport N°2018-049 Juin 2018 de l’IGAENR « Même si certaines pratiques sont devenues courantes dans les établissements (classes inversées, plateformes Moodle, usage de ressources numériques de format et de tailles diverses, learning center), peu de ces innovations ont été conçues dans un objectif de généralisation, tenant compte de leurs impacts organisationnels, administratifs et économiques. ».
Dans ce contexte national, l’Université de Nantes se positionne de façon volontariste pour être une université plus performante, innovante et ouverte, grâce au déploiement du numérique. Elle s’est pour cela engagée, lors de la demande d’accréditation 2017-2021 de ses formations, à offrir des programmes d’études proposant au moins 10% des enseignements à distance. La direction de la Faculté des Sciences et des Techniques (FST) s’est appuyée sur cette ambition d’établissement pour élaborer sa propre stratégie pédagogique numérique, s’inscrivant dans une transformation curriculaire déjà engagée au sein de la FST avec le déploiement de l’Approche-Programme sur l’ensemble de l’offre de formation.
La présente communication présente la problématique, le cadre conceptuel de la démarche, les actions mises en œuvre pour faire adhérer les enseignant(e)s et enseignant(e)s-chercheurs (E/EC) et ainsi généraliser une pratique enseignante de l’enseignement-apprentissage hybride ou à distance. Un premier bilan après une année d’expérimentation et les évolutions envisagées sont également décrits.
2. Problématique
L’ambition de la FST en 2016 était d’amener toutes ses équipes pédagogiques à mettre en œuvre une hybridation des enseignements au niveau de chaque Unité d’Enseignement (UE), de la licence (L) au master (M) via l’introduction d’EAD, alors dénommé distanciel. L’enjeu était double : diversifier les pratiques pédagogiques des E/EC et favoriser la réussite des apprenants (étudiant(e)s en formation initiale ou continue) à l’université. Soulignons ici que l’introduction de 10% de distanciel dans chaque UE de Licence L1 et L2 était vivement conseillée et s’ajoutait aux heures d’enseignement. Dans chaque parcours de L3, licence professionnelle (LP) et master (une UE pouvant alors être entièrement à distance) l’introduction de 10% d’EAD était obligatoire, les heures de distanciel non effectuées ne pouvant pas être remplacées par des heures de présentiel (les volumes d’heures de présentiel par année étant cadrés par l’Université).
Au sein de la FST, les UE clairement identifiées comme mettant en œuvre un enseignement hybride étaient très peu nombreuses et les enseignements hybrides et à distance étaient peu ou mal connus des E/EC.
Il est important de noter qu’au début de la transformation pédagogique numérique, en 2016, le vocable « distanciel » était encore quasi inconnu des équipes enseignantes de la Faculté. Il faisait également émerger des craintes, telles que l’abandon des étudiant(e)s à leurs études, la suppression des enseignements en présentiel, voire même celle des E/EC. Ceci est à rapprocher des écrits d’Albero dans la pédagogie universitaire à l’heure du numérique (Lameul et Loisy, 2014), dans lesquels elle indique que « la sémantique en usage dans les discours est davantage nourrie de sens commun et d’habitus professionnel que de connaissances acquises par l’étude empirique et l’enquête. (…) Les distorsions de signification constituent un obstacle non négligeable au changement des représentations et des pratiques ».
La suite de la présente communication relate la démarche pédagogique numérique mise en place au sein de la FST pour que les équipes pédagogiques mettent en œuvre une hybridation des enseignements au niveau de chaque UE mais aussi le bilan réalisé au bout d’un an d’expérimentation ?
3. Cadre conceptuel de la démarche
3.1. Paradigme constructiviste
Le fait que la FST ait demandé à ce que 10% des enseignements soient réalisés en distanciel dans une UE ou une année sous-entend la construction d’un enseignement hybride. L’hybridation concerne dans ce cas l’alternance entre des phases d’enseignement-apprentissage en présentiel et des phases d’enseignement-apprentissage à distance. L’élaboration de ces phases, que ce soit en présentiel ou à distance, repose sur le paradigme constructiviste qui « définit la connaissance comme une construction personnelle qui s’appuie sur les connaissances antérieures de l’individu, ses buts et ses expériences vécues » (Ménard et Saint Pierre, 2014).
3.2. Ingénierie pédagogique et alignement pédagogique
Les objectifs, vis à vis des étudiant(e)s, de la mise en place d’une partie d’un enseignement-apprentissage en distanciel sont de leur donner plus de moyens pour s’approprier le contenu, de s’exercer afin d’atteindre les résultats d’apprentissage attendus et de réaliser un apprentissage en profondeur. Pour cela, six éléments clés du distanciel ont été définis :
- Le scénario pédagogique (ou scénarisation) rendu lisible pour les étudiant(e)s à distance ;
- Les contenus que l’équipe enseignante souhaite transmettre à distance ;
- Les résultats d’apprentissage attendus dans le temps imparti à distance ;
- Les évaluations (si envisagées à distance) ;
- Les activités réalisées par les étudiant(e)s à distance avec des consignes claires, concises et précises ;
- L’accompagnement des étudiant(e)s dans leurs apprentissages à distance.
Les cinq premiers éléments clés du distanciel sont rendus visibles dans le cours à distance via la plateforme Moodle avec des consignes claires, concises et précises pouvant être comprises sans la présence de l’enseignant(e). Une consigne est un moyen d’interaction entre l’enseignant(e) et l’étudiant(e). Comprendre une consigne est une opération complexe pour l’étudiant(e) car « le décodage de la consigne s’effectue à trois niveaux : “ saisie du message, compréhension du but et estimation des procédures à mettre en œuvre pour l’effectuation de la tâche ” (Beaucourt, 1995) » (Cuq et Gruca, 2005).
Selon Daele et Berthiaume dans La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques tome 1 : Enseigner au supérieur (Berthiaume et Rege Colet, 2013), la figure ci-dessous illustre « la logique de cohérence et d’équilibre entre les diverses composantes d’un enseignement. Si l’on considère que tout enseignement vise l’apprentissage des étudiant(e)s, l’ingénierie pédagogique sert donc à identifier et à structurer les contenus à enseigner en déterminant des objectifs d’apprentissage et en élaborant des méthodes d’enseignement et des méthodes d’évaluation adaptées. C’est ce que Biggs (1999) appelle « l’alignement » pédagogique pour souligner que la structuration des contenus, les objectifs, les méthodes d’enseignement et les méthodes d’évaluation sont organisés de façon cohérente pour viser l’apprentissage des étudiant(e)s (Lebrun, Smidts, & Bricoult, 2011) ».
Scénario pédagogique cohérent de l’enseignement-apprentissage en distanciel
Inspiré de la « figure 1 : Les composantes d’une approche pédagogique simplifiée » (Berthiaume et Rege Colet, 2013)
Nous nous sommes inspirés de ce modèle auquel nous avons ajouté l’accompagnement réalisé auprès des étudiant(e)s.
3.3. Accompagnement des étudiant(e)s distants
Les six éléments d’ingénierie pédagogique mentionnés ci-dessus, sont intégrés dans la définition de l’enseignement à distance, le guide d’enseignement-apprentissage en distanciel et le modèle économique. Ces éléments ont pour but de donner les moyens aux étudiant(e)s d’apprendre et de les rendre acteurs de leurs apprentissages.
L’accent sur l’accompagnement des étudiant(e)s est mis en avant car comme mentionné par Poumay (2016) « l’étudiant(e) ne doit être laissé(e) seul(e) face à sa formation et ses apprentissages ».
3.4. Autonomie de l’étudiant(e)
Nous considérons l’autonomie des étudiant(e)s comme un apprentissage à acquérir. Ce n’est pas parce que l’étudiant(e) est autonome que l’enseignement à distance est déployé. Au contraire, c’est parce que l’autonomie dans les apprentissages est une compétence à acquérir et un besoin des enseignant(e)s que nous guidons l’enseignant(e) et l’étudiant(e) vers cette autonomie à travers ces six éléments clés. « Il ne faut pas confondre formation à distance et autodidaxie. Dans l’autodidaxie, l’ensemble de la charge d’apprentissage est transférée vers le sujet alors qu’en formation à distance cette charge est toujours partagée entre le sujet et le dispositif d’apprentissage » (Depover, C., Quintin J-J., 2013).
A l’aune de ce cadre de référence et au regard de toutes les actions menées, la FST souhaite mettre l’apprenant au cœur de sa transformation pédagogique numérique.
4. Démarche mise en œuvre
Les objectifs de transformation pédagogique numérique ont été arrêtés par la direction de la FST au travers d’un cadrage demandant l’introduction de 10% d’EAD dans chaque UE de L1-L2 et de 10% d’EAD dans chacune des années de L3, LP, M1 et M2. A titre indicatif, l’EAD était indiqué dans 887 UE et correspondait à environ 3600 heures à produire pour l’année universitaire 2017-18.
Un des atouts de la mise en œuvre de l’EAD, est la présence d’un pôle pédagogique de proximité, financé sur ressources propres qui a permis un accompagnement au changement. Le pôle pédagogique de proximité s’est étoffé par le recrutement d’une conseillère pédagogie chargée de formations hybrides. Dans le développement de l’EAD, la mission du pôle pédagogique de proximité était de mettre en synergie tous les acteurs de la FST (direction, enseignant(e)s, apprenant(e)s, services supports) autour de valeurs communes (collectif, proximité et soutien), pour faciliter le déploiement de la stratégie pédagogique numérique.
La démarche, soutenue par la Présidence de l’Université, est originale en France, notamment par le fait qu’elle soit à l’initiative d’une Faculté. Elle repose sur les 4 axes décrits ci-dessous : i) une appropriation collective, ii) un accompagnement de proximité, iii) un plan de financement et iv) une démarche d’amélioration continue.
La démarche et les méthodes exposées ont été mises en œuvre à partir d’avril 2016 et le bilan porte sur l’année 2017-18.
4.1. Une appropriation collective
Pour une transformation pédagogique numérique réussie, la démarche s’est appuyée sur l’implication des différents acteurs de la FST et sur une appropriation des termes et des concepts liés à l’enseignement à distance. Les méthodes utilisées ont été la création d’un groupe de travail (GT) et la formation de ses membres à l’EAD. Le GT était composé de 60 membres comprenant des représentants de la direction ainsi que des élus du Conseil des Etudes, et élargi à d’autres E/EC, personnels administratifs et techniques et étudiant(e)s. Une formation en ligne a été déployée et tutorée sur la plateforme Moodle de l’Université par le pôle pédagogique de proximité. Elle avait pour objectifs :
- Expérimenter une pratique d’enseignement à distance comme première sensibilisation ;
- Susciter une réflexion commune à distance ;
- S’approprier le vocabulaire et décrire les différentes dimensions d’un enseignement-apprentissage à distance, c’est-à-dire du distanciel ;
- Définir collectivement les éléments constitutifs du distanciel.
4.2. Une définition commune
A la suite de cette formation, le GT a élaboré sa propre définition d’un enseignement-apprentissage en distanciel : « L’enseignement-apprentissage en distanciel est un ensemble comprenant des contenus, des résultats d’apprentissage, d’éventuelles évaluations, des activités, des consignes, des suivis des étudiant(e)s, indiqués dans une scénarisation cohérente et mis à disposition des étudiant(e)s via des outils numériques. L’ensemble de ces éléments doit permettre à l’étudiant(e) de comprendre les enjeux de ses apprentissages et les moyens qui lui sont donnés pour atteindre à distance les résultats d’apprentissage visés » (Guide enseignement-apprentissage en distanciel, FST, Université de Nantes, 2016). Cette définition met l’apprenant au centre de l’enseignement-apprentissage. Elle s’inspire des composantes d’une approche d’ingénierie pédagogique simplifiée de Daele et Berthiaume (2013) décrite précédemment.
4.3. Un accompagnement de proximité des enseignant(e)s et enseignant(e)s-chercheurs
Pour accompagner la mise en œuvre du distanciel, différentes actions ont été proposées par le pôle pédagogique de proximité aux E/EC :
- La rédaction collective d’un « Guide d’enseignement-apprentissage en distanciel » réalisée par le GT. Après validation par le Conseil des Etudes de la FST, le guide a été mis à disposition sur la plateforme Moodle de la FST et diffuser largement lors des formations et évènements ;
- Des formations/ateliers ciblés sur l’EAD pour développer leurs compétences ;
- L’organisation d’évènements autour de la pédagogie numérique, comme des séminaires pédagogiques avec des experts internationaux (événement biannuel sur la FST) et des retours d’expérience d’E/EC dans les « mardis de la pédagogie » (événement bimestriel sur la FST) ;
- L’accompagnement individuel ou collectif de projets d’EAD. Comme il existe de multiples formes d’EAD, l’accompagnement a reposé sur les valeurs suivantes : conforter les E/EC dans leur liberté pédagogique pour la construction de leur enseignement-apprentissage à distance et les responsabiliser ; écouter et soutenir la mise en œuvre de leur scénario suivant leurs besoins identifiés ; reconnaître et valoriser leurs investissements pédagogiques.
4.4. Un plan de financement
La mise en œuvre d’un EAD est relativement lourde et particulièrement chronophage. Afin de faire adhérer le corps enseignant à la démarche, la direction de la FST a travaillé sur un modèle de rémunération prenant en compte la scénarisation des enseignements, la production des ressources numériques, mais aussi le tutorat annuel des étudiant(e)s, afin qu’ils ne soient pas laissés seuls face à leurs apprentissages à distance. Un modèle de rémunération du distanciel tenant compte du nombre d’étudiant(e)s concernés a été défini :
– si nombre d’étudiant(e)s ≤ 36 : 1h distanciel = 1,5 h EqTD ;
– si nombre d’étudiant(e)s > 36 : 1h distanciel = (1,5 + [nb_étu‐36] * 0,0075) h EqTD.
Il est à noter que contrairement aux modèles communément adoptés où la rémunération de la mise en place d’un module à distance n’est accordée qu’une fois (pour sa production), le modèle de rémunération retenu par la FST est analogue à celui en vigueur pour les CM, TD ou TP, c’est-à-dire annuel, mais avec un coefficient de conversion en h EqTD (heures équivalent TD) variable. Pour les déclarations des charges d’enseignement des E/EC, le modèle traditionnel CM/TD/TP est ainsi complété par les heures de distanciel. Ce modèle a été négocié avec, et validé par, la présidence de l’Université.
En complément, pour faciliter le développement d’EAD plus complexes, les E/EC peuvent déposer des projets dans le cadre d’un appel à projet annuel (Fonds de Développement de la Pédagogie) financé sur fonds propres de la FST.
4.5. Une démarche d’amélioration continue
Dans un soucis d’amélioration continue de l’EAD et aussi pour répondre à la demande de l’équipe présidentielle quant à un contrôle a posteriori de la qualité du distanciel justifiant une rémunération spécifique, un GT, constitué de la conseillère pédagogique, de la vice-doyenne aux enseignements, de responsables de formation et de directeurs de département (soit au total 16 membres), a été mis en place afin d’élaborer un outil de gestion interne du service distanciel. Dans le processus mis en place : « Chaque responsable d’UE rédige son bilan d’activité d’enseignement à distance et mentionne le découpage des charges EAD par intervenant dans l’UE. Il le transmet à son département (gestion des heures) et au(x) responsable(s) de(s) formation(s) dont dépend l’UE. Après discussion en équipe pédagogique, chaque département/service pédagogique synthétise tous les bilans reçus des responsables de formation/mention et les transmet au décanat. »
Parallèlement, différents documents d’aide ont été élaborés : i) une synthèse non exhaustive des activités possibles à distance en fonction des besoins des étudiant(e)s et des E/EC, ii) une grille d’auto positionnement sur l’EAD réalisé par les E/EC et iii) une aide à la rédaction d’un bilan d’activité au niveau de l’UE, du parcours ou du département.
Les effets de cette transformation pédagogique numérique au sein de la FST ont été quasi immédiats. Une réelle dynamique d’investissement des E/EC dans des innovations pédagogiques numériques s’est instaurée, aussi bien à titre individuel que collectif comme en attestent différents indicateurs portant sur l’accompagnement des E/EC (formations, financement de projet…), les heures d’EAD réalisées, le retour des E/EC et étudiant(e)s sur l’hybridation des formations.
5. Bilan
5.1. Participations des E/EC à des formations ou ayant sollicité un accompagnement pour la mise en œuvre du distanciel
Sur la seule année 2016-2017, la FST a proposé 6 formations différentes déclinées en 28 sessions qui ont accueilli 203 participants dont 197 E/EC (50% de l’effectif enseignant de la FST) et 6 administratifs. Les thèmes des formations proposés sont les suivants :
- Qu’est-ce que le distanciel ? Qu’est-ce cela implique dans mon cours ? ;
- Tutorat en distanciel : modalités et outils d’accompagnement des étudiant(e)s distants ;
- Intégrer des vidéos dans son enseignement ;
- Madoc 1 : Prise en main de Madoc (animée par le Service de Production de d’Innovation Numérique (SPIN) de l’Université) ;
- Madoc 2 : Réaliser un quizz (animée par le service SPIN) ;
- Tutorer des équipes d’étudiant(e)s en mode projet / problème.
De plus, 15 accompagnements d’E/EC et d’équipes enseignantes pour une transformation de leurs pratiques pédagogiques ont été réalisés par le pôle pédagogique (allant de 1 à 8 rendez-vous répartis sur plusieurs mois).
5.2. Evènements organisés sur la Faculté en lien avec le distanciel
Pour tous les nouveaux projets qu’elle souhaite développer, la FST s’appuie sur des conférences et ateliers ciblés, en faisant intervenir des personnalités internationales ou nationales reconnues dans la thématique et en organisant des retours d’expériences dans le cadre des « mardis de la pédagogie ». Ainsi, pour la mise en œuvre du distanciel, 2 journées pédagogiques sous forme de conférence/atelier et 4 « mardis de la pédagogie » ont été organisés, rassemblant environ 230 participants.
Les deux journées pédagogiques ont porté sur les thèmes suivants :
- Les pratiques du « distanciel », conférencière invitée Marianne Poumay (Université de Liège) sur le thème « L’e-learning : quelles valeurs ajoutées pour l’apprentissage des étudiant(e)s ? » ;
- Questionner ses pratiques d’enseignement, conférencière invitée Chrystelle Lison (Université de Sherbrooke) sur le thème "Favoriser les stratégies d’apprentissage des étudiant(e)s lors d’un enseignement à distance."
5.3. Projets proposés par les E/EC en lien avec le « distanciel »
Dans le cadre de l’appel à projet « Fonds de Développement de la Pédagogie », 14 projets d’innovation pédagogique ont été déposés en 2017 dont 10 portaient sur le distanciel sur 12 projets financés (de 500 € à 20 000 €) et 3 en 2018 dont 1 portait sur le distanciel sur 2 projets financés (de 3 500 € à 5 122 €).
5.4. Heures d’enseignement réalisées en distanciel
Dès la rentrée 2017, sur les 3 653 h d’EAD possibles dans les maquettes plus de 2 000 heures ont été réalisées dans 56% des UE (soit 501 UE) portées par la FST. Le tableau I montre que seules l’année L0 de mise à niveau de terminale S et les LP ont eu un taux relativement faible de distanciel. Une des explications pour les LP est la difficulté de trouver des vacataires du milieu socio-économique prêts à s’investir dans la mise en place du distanciel, même si les formations proposées aux E/EC de la FST leur sont aussi ouvertes.
Tableau I : pourcentage d’UE avec EAD et nombre d’heures d’EAD réalisées par année de formation.
Le bilan des EAD réalisés (Tableau II) montre une forte implication des E/EC au sein de tous les départements et services pédagogiques concernés de la FST dans le déploiement de l’EAD, 6 départements/services sur 10 ont réalisé plus de 50% de l’EAD prévu dans les maquettes. Concernant le service pédagogique « Langues », composé de sept enseignant(e)s pour 4 600 étudiant(e)s de la FST, le taux relativement faible de 38% indiqué dans le tableau II ne concerne que les UE d’anglais rattachées aux formations de Licence Générale. Si l’on rajoute les UE d’anglais des Licences professionnelles et des Masters (rattachées aux départements disciplinaires pour des raisons de gestion), le taux réel d’EAD réalisé par ce service est de 52% (24 UE avec EAD réalisé sur les 46 comprenant de l’EAD). Il est aussi à noter que ce service a mis en place de l’EAD dans une UE libre « Préparation à la certification TOEIC » mais qui n’est pas comptabilisé dans le Tableau II.
Tableau II : pourcentage d’UE avec EAD réalisé par département et service d’enseignement.
Les charges d’enseignement associées aux heures d’EAD réalisées correspondent à 3 519 heures équivalent TD soit 151 317 €, sur la base du coût horaire chargé d’un fonctionnaire titulaire (43 €/h) et représente environ 32 étudiant(e).
5.5. Les différentes formes observées du distanciel
Lors des formations et accompagnements, les E/EC ont identifié des besoins récurrents dans l’intégration du distanciel dans leur cours :
- Vérifier les pré-requis, mettre à niveau les connaissances des étudiant(e)s en début de cours ;
- Renforcer les concepts difficiles du cours, vérifier la compréhension du cours ;
- Rendre plus participatif les étudiant(e)s ;
- Susciter l’intérêt pour la matière et le cours, donner du sens à leurs apprentissages ;
- Inciter les étudiant(e)s à travailler en autonomie.
Pour répondre à ces besoins, l’EAD a été placé au début, en fin, ponctuellement ou tout au long de l’UE. Les activités développées et remontées à la direction sont très variables, à savoir : activités interactives, préparation ou extension de séances de travaux pratiques, simulation d’expériences pratiques, études de cas, projets, jeux, quizz et échanges en lien avec ces différentes activités…
Au début de leur formation et pour chaque UE, les étudiant(e)s ont été informés des activités proposées en distanciel : objectifs, consignes de l’activité, temps de réalisation envisagé, résultats d’apprentissage et le cas échéant le poids de l’évaluation en distanciel dans la note globale de l’UE. L’EAD est également inscrit dans les modalités d’évaluation formatives ou sommatives telles qu’auto-évaluation, exercices avec corrections par les pairs, devoirs.
5.6. Premiers retours d’expériences suite à la mise en œuvre du distanciel
La mise en œuvre du distanciel sur la FST est trop récente pour en tirer un bilan détaillé et une recherche sur les effets de cette stratégie fait assurément défaut dans cette communication. Toutefois, les premiers retours des étudiant(e)s et des E/EC permettent dès maintenant d’envisager des ajustements. Dans le cadre de la préparation des conseils de perfectionnement, les retours encore partiels des étudiant(e)s, via des réunions informelles ou des enquêtes réalisées par les étudiant(e)s eux-mêmes ou par les responsables de formation, sont positifs : « les étudiant(e)s ont apprécié la complémentarité de l’EAD proposé en lien avec les objectifs de la formation ». L’analyse de l’enquête « Evaluation des formations et de la vie Universitaire », réalisée en 2017-2018 par l’Etablissement et pour les étudiant(e)s en dernière année de cycle (L, LP ou M), rapporte plusieurs commentaires positifs comme par exemple : « les distanciels sont bien organisés », « ils permettent une meilleure efficacité dans l’apprentissage ». Toutefois, les étudiant(e)s souhaitent que certains points d’amélioration soient envisagés comme la charge de travail lié au distanciel, la répartition du distanciel sur le semestre, la prise en compte de l’hétérogénéité du public dans une classe…
Des efforts doivent donc être réalisés au niveau de la coordination de l’EAD par UE et par semestre. Une collaboration en équipe pédagogique visant une meilleure intégration de l’EAD est donc conseillée.
Du côté des E/EC, les retours sont majoritairement positifs, même si l’aspect chronophage de la conception et mise en œuvre du distanciel est souvent rapporté. Les E/EC souhaiteraient avoir un accompagnement d’un technicien du numérique.
Bien que l’hybridation des formations soit récente à la FST, lors des évènements liés à la pédagogie, nous constatons déjà une modification des pratiques enseignantes orientées apprenant. Cette première analyse est en adéquation avec l’article de G. Lameul et collaborateurs (2014), dans lequel il est mentionné que « Tous types de dispositifs confondus, les enseignants reconnaissent que le fait d’avoir donné un cours sous forme hybride a modifié leur pratique d’enseignement » et qu’« En moyenne, 58% […] des enseignants déclarent modifier leur pratique dans la mise en œuvre de leurs choix pédagogiques à l’issue de l’expérience qu’ils font d’un cours en mode hybride ».
6. Conclusion
L’élaboration et le déploiement d’une stratégie de transformation pédagogique numérique au sein d’une composante de l’Université de Nantes a permis de répondre à certains enjeux de l’enseignement supérieur, même si les réponses ne sont encore que partielles. Au-delà de la mise en œuvre de l’EAD dans une majorité d’UE de l’offre de formation de la FST, la démarche a favorisé l’évolution des pratiques pédagogiques des E/EC, bien évidemment au niveau de leur enseignement à distance, mais aussi dans leur enseignement en présentiel avec, par exemple, une intégration plus large de l’apprentissage par problème et/ou projet.
Les bénéfices d’un déploiement massif de l’EAD ne sont pas toujours ceux escomptés par les directions des établissements, à savoir une réduction des coûts pour faire face à la massification. Les bénéfices se situent au niveau pédagogique avec une diversification des modes d’apprentissage, vecteurs du développement de plus d’autonomie, de motivation, de participation et in fine d’une construction de la réussite et une préparation à l’insertion professionnelle des étudiant(e)s.
L’usage de l’EAD s’est révélé multiforme, avec en particulier un fort potentiel pour les remises à niveau lors de réorientations ou dans le cadre d’un soutien, pour délivrer l’enseignement aux étudiant(e)s en situation particulière ne pouvant être présents sur le campus (salariés, malades, sportif de haut niveau…), pour les formations en alternance avec des employeurs géographiquement distants des centres de formation, pour de l’évaluation formative et sommative…
La démarche initiée ne peut que se renforcer et perdurer bien au-delà du quinquennat en cours. Dans l’idéal, les différentes UE de l’offre de formation devraient pouvoir être offertes en présentiel et à distance, en particulier pour rendre possible une plus grande personnalisation des parcours de formation, telle que préconisée par la loi Orientation et Réussite des Etudiants. Ceci suppose une nouvelle gestion des services des E/EC et un nouveau modèle économique, le coût des formations ne pouvant pas être drastiquement augmenté sans mettre en péril les établissements.
Cette première année d’expérience, 2017-2018, menée à la FST d el’Université de Nantes montre que les facteurs de réussite pour la démarche mise en œuvre ont pour l’essentiel été les valeurs portées par la direction, l’accompagnement du pôle pédagogique de proximité, telles que la collaboration, la proximité et le soutien. Ces valeurs et les actions déployées ont permis de fédérer dès le début un petit nombre d’enseignant(e)s (environ 60 soit 15% des E/EC de la FST) qui ont à leur tour participé à la diffusion de cette transformation pédagogique numérique. Une généralisation des innovations pédagogiques numériques à une majorité du corps enseignant est en marche.
La démarche de la FST consistant à intégrer le distanciel dans son offre de formation est une action pilote au sein de l’Université de Nantes. Elle va maintenant se déployer au sein de l’établissement où un GT est mis en place pour définir les modalités de la diffusion. Notre expérience peut également être essaimée sur d’autres établissements de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les modalités de mise en œuvre permettant une adaptation aisée à d’autres composantes et établissements à condition de satisfaire à trois facteurs clés de réussite : un portage politique fort, un accompagnement de proximité et des valeurs communes.
Références bibliographiques
- Cuq, J.P., Gruca, I., (2005). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde. Presses universitaires de Grenoble.
- Berthiaume, D., & Rege Colet N., (2013). La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques tome 1 : Enseigner au supérieur. Edition Peter Lang SA.
- Daele, A. & Berthiaume D., (2013). Comment structurer les contenus d’un enseignement ? dans Berthiaume, D., & Rege Colet N., La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques tome 1 : Enseigner au supérieur. Edition Peter Lang SA.
- Depover, C., De Lievre, B., Quintin, J-J., Jaillet, A., (2011). Le tutorat en formation à distance. Bruxelles, Edition De Boeck.
- Guide enseignement-apprentissage en distanciel, Faculté des Sciences et des Techniques de l’Université de Nantes, 2016, https://sciences-techniques.univ-nantes.fr/pedagogie/organiser-ses-enseignements-distanciel-2134890.kjsp?RH=1508331639104, consulté le 3 décembre 2018
- Lameul, G., Loisy, C., (2014). La pédagogie universitaire à l’heure du numérique. Bruxelles, Edition De Boeck.
- Lameul, G., Peltier C., Charlier B., (2014). Dispositifs hybrides de formation et développement professionnel. Effets perçus par des enseignant-e-s du supérieur. In : Education & Formation, n° e-301, p. 99-113.
- Ménard, L., Saint Pierre. L., (2014). Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur. Edition AQPC.
- Poumay, M., (2016). Conférence dans les mardis de la pédagogie « Les Pratiques du distanciel ». Faculté des Sciences et des Techniques : https://sciences-techniques.univ-nantes.fr/journee-pedagogie-les-pratiques-du-distanciel-1453535.kjsp
- Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche. Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. (2018). Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement supérieur. Rapport IGENR N°2018-049 JUIN 2018. Consulté le 26 novembre 2018 à http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid132619/les-innovations-pedagogiques-numeriques-et-la-transformation-des-etablissements-d-enseignement-superieur.html
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |