Un texte signalé par Alain Mille et repris du texteen ligne sur framaform
Nous vivons un temps de profondes mutations. Les transformations écologiques en cours engendrent tensions géopolitiques, désordres sociaux et désarroi chez de nombreux citoyens. Les chercheurs et les institutions scientifiques sont à l’origine des recommandations du GIEC. Pourtant, face à ces défis, le monde académique est aussi faiblement réactif que le reste des institutions. Nos instruments de gouvernance et nos traditions professionnelles nous tiennent aujourd’hui à l’écart des problèmes centraux de notre civilisation. Nous gaspillons notre temps et notre intelligence dans des problèmes de structure ou sur des questions d’experts. Serons-nous fiers de nous dans 20 ans ? Que répondrons-nous à nos enfants qui nous demanderont : vous saviez ; qu’avez-vous fait ?
L’ampleur de la question écologique exige des mesures fortes dans tous les secteurs, et donc aussi au niveau de l’organisation de la recherche. Dans certains pays, des institutions nouvelles ont été créées, entièrement consacrées à la construction du monde de demain. C’est le cas du RIHN (Research Institute for Humanity and Nature, Kyoto, Japon) ou du SRC (Stockholm Resilience Center, Suède), qui combinent sciences de la nature, sociales et humaines pour travailler, conjointement avec les acteurs de la société civile, au développement de nouvelles pratiques dans tous les domaines, de l’énergie à l’agriculture, jusqu’aux modes de décision et d’arbitrage pour prendre en compte formellement le futur, au-delà des bonnes intentions. Ces nouvelles institutions donnent un rôle important aux associations, aux écosystèmes et aux générations futures dans le pilotage des recherches. Elles conduisent à des retombées scientifiques majeures dans différents domaines, voire à l’émergence de nouvelles disciplines. Et il ne s’agit pas seulement d’applications : le pari est qu’un travail de recherche, délibérément centré sur des questions de transformation sociale face à l’urgence écologique, constitue un levier de créativité et fera émerger des innovations radicales, aussi bien du point de vue conceptuel que de l’organisation de la recherche. Ainsi, le projet Manhattan, qui a mobilisé massivement la recherche pour gagner la seconde guerre mondiale, a été à l’origine de nombreuses innovations scientifiques et techniques, dont l’ordinateur.
Nous, chercheurs de la région, venant de domaines et organismes très divers, demandons la création d’une Université de la Mutation Écologique à Lyon, qui aura pour mission de favoriser une recherche et un enseignement impliqués, pour faire face à la mutation écologique, en sortant des carcans institutionnels actuels. Il s’agit d’une initiative indispensable pour vaincre l’inertie de nos institutions, qui restent focalisées sur l’avancement des disciplines et la protection de l’autonomie des recherches. Dépassant les tentatives actuelles de réorganisation globale, lourdes et coûteuses, un tel projet apporte une vision claire de la place et du rôle du monde académique Lyonnais, et est donc fédérateur. L’université de la mutation écologique se focalisera sur les questions prioritaires pour inventer la société de demain. Il ne s’agit pas d’augmenter les moyens, mais de les organiser autrement, avec de nouvelles priorités en phase avec notre époque et les défis gigantesques à venir. Les directions de recherche sont nombreuses, alimentation, transport, habitat, travail, numérique, énergie, biens communs, justice sociale, nouveaux droits…, avec au coeur la question de la capacité de nos sociétés à s’adapter et se réinventer.
Toutes ces questions peuvent se décliner sous la forme de recherches académiques en général interdisciplinaires, mais aussi dans des interactions avec les acteurs des territoires. A moyen terme, ces questions, débats et solutions permettront également d’éclairer et d’orienter les décideurs, notamment lors de l’élaboration des politiques publiques. La région lyonnaise dispose d’un formidable potentiel de recherche dans tous les champs disciplinaires. Notre appel aujourd’hui vise à obtenir le soutien des futurs dirigeants de la ville et la métropole, pour libérer cette énergie et cette créativité, autour d’une réponse universitaire, ambitieuse et nécessaire face aux défis contemporains.
Vos commentaires
# Le 14 mars 2020 à 13:03, par Bellay Frédéric En réponse à : Pour une université de la mutation écologique à Lyon
Bonjour
J’apprend avec des sentiments mélangés l’existence de ce projet "d’université de la mutation écologique". A priori ce projet arrive "enfin", et venant d’un milieu qui effectivement semblait bien replié sur lui même, ce devrait être une bonne nouvelle.
Ce qui me saute aux yeux immédiatement, c’est le maintien vaille que vaille dans vôtre démarche de l’entre soi. Qui a eu et comment, accès à cette information, avant sa diffusion sur les radios, la télé, et dans la presse ? Les contacts ne se sont faits qu’à l’intérieur du monde académique !
Il s’agit pourtant bien, à travers ces enjeux de mutation, d’enjeux qui concernent tout le monde sans exception. S’agit-il une fois de plus que chacun vienne y tailler son pré carré, spécialité du monde académique ? Il y a par ailleurs la potentialité réelle et non fantasmée d’un possible totalitarisme écologique, d’une perte, voir d’un siphonnage de la démocratie.
Quelle est vôtre position à ce sujet ?
Autre chose est évident : l’absence totale du mot "culture". Hors rien n’existe chez l’humain en dehors du champs culturel, sauf du point de vue des totalitarismes qui figeant la culture, la fond disparaitre. Là se trouve la potentialité totalitaire.
Vous chercheurs devriez revenir à la modestie. Non la science ne résoudra pas tout et peut être rien, si vous vous coupez de ce qui est le fondement même de nos civilisation. fin de la première partie
# Le 14 mars 2020 à 13:05, par Bellay Frédéric En réponse à : Pour une université de la mutation écologique à Lyon
Je ne prendrai que deux exemples pour dire l’ineptie d’une université qui n’intégrerait pas l’ensemble de ce qu’est la recherche.
La littérature dès la fin du 17è siècle s’interroge sur l’impact de l’activité humaine sur nôtre monde. Les scientifiques s’en sont moqués.
Nombreux sont les artistes qui depuis longtemps ont mis au coeur de leur travail ces préoccupations qui ne vous intéressaient pas académiquement. En avez vous connaissance ? Olafur Eliasson, Fabrice Hyber, Wolfgang Tillmans, s’efforcent depuis longtemps et difficilement d’associer arts et sciences autour des problématiques liées à ces nécessaires mutations. Les connaissez vous ?
Rien ne se fera si cela morcelle les interactions entre humains. Tout continuera comme avant, vous aurez juste un peu plus de pouvoir.
Enfin et pour finir, je me suis souvent accroché avec les enseignants « chercheurs » autour de ce titre ; tout enseignant est ou devrait être un chercheur, de même que tout écrivain, tout artiste, tout intellectuel, toute personne qui réfléchi. S’attribuer ce titre, c’est un peu de la confiscation. En l’acceptant vous avez contribué à vôtre manière à la paupérisation intellectuelle du monde dans lequel nous vivons. fin de la deuxième partie
# Le 14 mars 2020 à 13:05, par Bellay Frédéric En réponse à : Pour une université de la mutation écologique à Lyon
Ne vous y trompez pas, je ne vous attaque pas sur vos travaux, mais sur vôtre position sociale, sur vôtre acceptation implicite qu’il y ait plusieurs mondes côte à côte qui se regardent en chien de faïence et avec méfiance, chacun craignant pour ses intérêts propres.
Il s’agit ici du bien commun.
Vous ne pouvez vous l’accaparer et devenir les capitalistes de la connaissance.
Sortez de la distinction mortifère entre le « sachant » et l’apprenant ».
Nous apprenons tous les uns des autres.
Et de grâce ne venez pas évoquer l’efficacité ni l’urgence après avoir tant attendu.
Cordialement
Frédéric Bellay
Fin de la 3è partie
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