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Retour d’expérience : En quoi l’accompagnement des élèves facilite-t-il leur engagement dans le cadre d’un travail collaboratif en mode hybride ? L’exemple d’un Wiki collaboratif.

28 septembre 2022 par amaurin Retours d’expériences 536 visites 0 commentaire

Julie Bourbeillon [1], Céline Martel, Alice Maurin, Christine Vandenkoornhuyse [2]
[1] Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS)
Université d’Angers, SFR 4207 QuaSaV, INRAE : UMR1345, L’Institut Agro Rennes-Angers
[2] Institut Agro Rennes-Angers

Introduction

En 2020-2021, le contexte de réforme en approche par compétences de nos cursus ingénieurs en horticulture et en paysage et la perspective d’un format distanciel entraîné par la crise sanitaire ont été l’opportunité de repenser nos enseignements dédiés aux compétences numériques. Par expérience, le cours magistral ne facilite pas l’acquisition de connaissances de culture générale informatique. Dans ce cadre, les activités pédagogiques se sont orientées vers la recherche documentaire et synthèse d’informations, publiées dans un Wiki collaboratif.

1. Contexte et problématique

1.1. Présentation de l’activité pédagogique

A travers une approche de pédagogie active de type « classe renversée » l’activité mise en œuvre consiste à faire construire le contenu de la formation par des groupes d’élèves. Il leur est demandé d’écrire et de mettre en forme un Wiki sur le thème de la culture générale informatique. Cette activité, qui repose sur le principe d’un travail collaboratif, alternant des temps d’échange, de formation et de travail personnel, se décompose en quatre étapes successives :

  1. Choix du sujet parmi une liste définie par l’enseignante (Agriculture numérique, Big Data et Machine Learning, Bioinformatique, Droit et éthique sur internet…), et constitution de 11 groupes thématiques de quatre ou cinq élèves par promotion ;
  2. Bibliographie : les élèves se documentent sur le thème choisi et constituent une liste de références pertinentes à partir de sources d’informations diversifiées et fiables, restituées à l’aide de l’activité « Base de données » de Moodle (10-15 ressources visées par groupe). L’évaluation collective de cette phase porte sur la complétude et la qualité de la bibliographie et fait l’objet d’une séance jalon permettant de revenir sur l’activité (stratégie de recherche documentaire, présentation d’une bibliographie, résultats par groupe), d’offrir des opportunités d’amélioration et d’orienter la suite du travail demandé vers la structuration de l’information ;
  3. Définition et structuration des concepts du thème (futures pages du Wiki) à l’aide d’une carte mentale (activité « Mindmap » de Moodle). Les élèves trient, sélectionnent, organisent et synthétisent les éléments de connaissance recueillis. L’évaluation collective de cette phase porte sur la qualité et la complétude de la structuration et fait l’objet d’une séance jalon permettant de revenir sur l’activité (stratégie pour construire la carte mentale et résultats obtenus) et d’orienter la suite du travail demandé vers l’édition du Wiki.
  4. Phase rédactionnelle au cours de laquelle les élèves rédigent un ensemble de pages au sein d’un Wiki pour synthétiser l’information recueillie lors de la recherche bibliographique. L’évaluation de cette phase porte à la fois sur des aspects collectifs (contenu et forme du Wiki) et individuels (collaboration) et fait l’objet d’une séance jalon permettant de revenir sur l’activité (état des lieux, objectifs pour la finalisation) et de proposer aux élèves une liste de points à aborder et à prendre en notes collaborativement à l’aide d’un document OnlyOffice sur Moodle avant la finalisation du Wiki.

A travers le Wiki, il est attendu des élèves qu’ils acquièrent des connaissances de culture générale informatique, qu’ils utilisent l’outil Wiki pour publier du contenu en ligne, qu’ils partagent des idées et coproduisent des contenus, qu’ils composent avec les méthodes de travail de chacun, qu’ils prennent leur place dans un groupe (participation, écoute, respect) et se coordonnent au sein du groupe.

1.2. Questionnements et démarche

La mise en œuvre de ce dispositif avec deux promotions d’élèves (L1 post-bac et L3 post-prépa BCPST) en 2020-2021 puis en 2021-2022 a fait émerger les axes d’interrogations suivants : (i) le travail collaboratif/coopératif en distanciel, (ii) l’engagement des élèves dans une production collective et (iii) le rôle de l’enseignante dans l’accompagnement pédagogique et technique. Ces interrogations nous amènent à explorer le champ des modes d’agir ensemble et particulièrement celui de l’apprentissage collaboratif à distance et de son accompagnement.
Afin d’explorer ces éléments, nous nous sommes appuyés sur les échanges avec les élèves lors du bilan post-module, des entretiens avec l’enseignante, et l’analyse des traces d’activité des utilisateurs des outils informatiques (plateforme pédagogique Moodle et Wiki).

2. Résultats et analyse

2.1. Axe (i) : Travail collaboratif/coopératif en distanciel

Quel est l’effet de la taille du groupe dans le travail collaboratif ?
En ce qui concerne l’axe (i) portant sur le travail collaboratif/coopératif en distanciel, la répartition des tâches, la régulation du travail au sein des groupes, les modes d’interaction observés n’ont pas toujours répondu au mode de fonctionnement attendu (travail à plusieurs en présentiel sur un même poste, sous-utilisation des outils numériques mis à disposition, etc.).
Le niveau de collaboration des élèves a pu être estimé à partir des auteurs de fiches bibliographiques, de l’historique des pages du Wiki (Figure 1 : Nombre de contributions par thème, année, promotion) et des échanges avec les étudiants.
A l’échelle de chaque sous-groupe (4 à 5 personnes), les élèves ont fonctionné de façon coopérative plutôt que collaborative en se répartissant les tâches suite à une première réunion, puis en mettant en commun leur travail lors des séances jalons. Les élèves ont expliqué ce fonctionnement par une recherche de productivité et par une volonté d’optimiser le travail et de gagner du temps. Cette répartition leur a également permis d’équilibrer la quantité de travail à fournir, incitant chacun à s’investir. Enfin, ils ont évoqué la difficulté à se concentrer en grand groupe.

Figure 1 : Nombre de contributions par thème, année, promotion. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI

A l’échelle de la promotion (inter sous-groupes, soit 50 personnes), la collaboration s’est révélée marginale malgré la porosité de certains sujets (Figure 2 : Table de contingence des contributions L3 2021-2022). En effet, la modification par un élève du contenu produit au sein de pages du Wiki ne relevant pas de la thématique de son groupe est restée très ponctuelle. Cela se confirme pour le contenu de la page d’accueil, par définition commune, qui a peu évolué. Les élèves ont exprimé leur difficulté à passer d’un travail en groupe à une approche vraiment collaborative ne se sentant pas légitimes pour amender le travail des autres. Certains ont évoqué le sentiment d’être dépossédés de la paternité de leur production, voire pour une élève, d’aller à l’encontre de sa créativité.

Figure 2 : Table de contingence des contributions L3 2021-2022. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI

Quelle est la place de l’outil dans la collaboration ?
Nous avons constaté que les outils numériques favorisant la collaboration (forum et chat Moodle, document OnlyOffice) mis à disposition par l’enseignante ont été peu utilisés, ce que montrent également les traces de l’activité dans Moodle et le Wiki (peu de commentaires sur les pages dans le Wiki). Les élèves ont expliqué avoir privilégié des outils du quotidien utilisés par la promotion avant le début du module par praticité (préexistence de groupes paramétrés sur les réseaux sociaux et utilisés dans d’autres contextes). De plus, ils ont reconnu être peu familiers des outils institutionnels.
Nous avons observé, par ailleurs, que les élèves ont eu une préférence pour le travail « en présentiel », tout un groupe projet ayant d’ailleurs travaillé devant le même poste informatique.

Quelle conséquence du contexte hybride lié à la pandémie ?
Les données des évaluations par les élèves des enseignements entièrement à distance pendant la pandémie durant l’édition 2020-2021 ont montré leur saturation d’être derrière des écrans et de ne pouvoir échanger en face à face. Ce même ressenti a été exprimé lors d’entretiens collectifs menés par les enseignants avec chaque promotion. Cette saturation vis-à-vis du distanciel explique probablement le besoin des élèves de se retrouver en présentiel y compris pour travailler sur un même poste informatique. De plus, le positionnement de cet enseignement assez tôt dans l’année universitaire et la mise en place du confinement dès octobre 2020 n’ont pas favorisé la cohésion de promotion, encore peu construite à ce stade. Ainsi, ce contexte distanciel limitant les interactions a probablement exacerbé les difficultés de collaboration à l’échelle de la promotion.
L’édition 2021-2022 a pu se dérouler en présentiel, sous la contrainte des mesures barrières (port du masque, distanciation sociale, absences). Interrogés au sujet de l’impact que cela a pu avoir sur leur collaboration, les élèves n’ont pas mis en avant de lien entre ces mesures et leur capacité à travailler ensemble.
Ces éléments laissent supposer que le volume produit par les élèves serait plus important en 2021-2022 qu’en 2020-2021, or le nombre de contributions s’est finalement révélé moindre en 2021-2022 en présentiel qu’en 2020-2021 en distanciel (Figure 3 : Comparaison année et promotion). Cela s’explique, non pas par une modalité présentiel/distanciel différente, mais par le fait qu’en raison de la bascule en distanciel en 2020-2021, l’enseignante a mis en place une organisation basée sur des séances plus courtes mais plus fréquentes. Le nombre de contribution est donc corrélé au nombre de séances prévues à l’emploi du temps.

Figure 3 : Comparaison année et promotion. A. EL GHAZIRI et P. SANTAGOSTINI

2.2. Axe (ii) : Engagement dans une production collective

Quels sont les leviers de l’engagement dans ce wiki collaboratif ?
Un volume important de contenus a été produit par les élèves, ce qui pour nous traduit un fort engagement, alors que peu de consignes avaient été données initialement.
Les élèves ont souligné l’approche originale favorisant l’apprentissage : un travail en profondeur sur le sujet de leur choix et l’initiation aux autres thèmes via la lecture de la synthèse succincte produite par les autres. La découverte d’outils numériques, à travers l’utilisation de l’outil carte mentale pour structurer sa pensée et la découverte de la publication sur internet avec un Wiki, a également représenté un facteur de motivation pour eux, de par l’intérêt professionnel que cela représente pour eux.
Pour autant, malgré une modalité pédagogique considérée comme motivante, l’engagement des élèves est resté limité au cadre horaire prévu, l’essentiel des contributions ayant été réalisées durant les créneaux prévus à l’emploi du temps (Figure 4 : Évolution de l’activité au cours du temps L1 2021-2022).

Figure 4 : Évolution de l’activité au cours du temps L1 2021-2022. J. BOURBEILLON

2.3. Axe (iii) : Accompagnement des étudiants par l’enseignante

Quel a été le rôle de l’enseignante pour les engager et les maintenir dans l’activité ?
Les élèves ont eu une grande autonomie dans leur organisation, ce qui a pu les déstabiliser voire les inhiber. Ils se sont en effet montrés inquiets face aux consignes considérées comme vagues car adaptatives et ont témoigné d’une attente forte sur la précision des volumes de contenus à produire. Lors du retour collectif sur les cartes mentales, ils ont manifesté un fort besoin de validation du périmètre des ressources sélectionnées. Le contenu ne correspondait pas toujours aux « à priori » de l’enseignante, mais il n’y avait pas pour autant de notion de « juste ou faux ». Les élèves ont par la suite évoqué le souhait de disposer de supports et/ou guide sur plateforme, et d’une grille d’évaluation leur permettant de mieux appréhender les attendus.
Par ailleurs, une différence d’autonomie a pu être observée entre les élèves de la promotion L1 post-bac et les élèves de la promotion L3 post-prépa BCPST : bien que plus âgés, ces derniers se sont avérés moins autonomes et plus demandeurs de cadrage (nombre de pages, taille du document, etc.). Nous faisons l’hypothèse de l’effet du mode de fonctionnement des classes préparatoires.
L’enseignante a adapté son accompagnement par des jalons à mi-parcours pour répondre aux questions émergentes des élèves et pour les rassurer sur les attendus notamment une évaluation adaptée aux productions. Cette réactivité de l’enseignante a été favorisée par son expérience d’enseignement et une attitude ouverte vis-à-vis de la capacité des élèves à produire des contenus intéressants. Ainsi, il a été essentiel de valider leur production pour rassurer les élèves, par le biais de feedback individuels notamment, tout en les incitant à passer d’une posture d’élève à une posture de futurs professionnels. Selon l’enseignante, il est important que les élèves soient en mesure de dépasser le manque de cadrage pour les préparer au monde professionnel où la commande sera plus ouverte.

3. Conclusion et perspectives

La première mise en œuvre d’un Wiki collaboratif en 2020-2021 a fait émerger des hypothèses et a initié des pistes de réflexions sur les modes d’agir ensemble, particulièrement celui de l’apprentissage collaboratif à distance et de son accompagnement. Une deuxième édition, en 2021-2022, a été l’occasion d’aller plus loin dans l’analyse quantitative et qualitative, les entretiens avec les élèves ayant été facilités par leur présence sur le campus.
Cette analyse de l’activité des élèves et de l’enseignante dans un environnement hybridé (synchrone, asynchrone, distanciel, présentiel, numérique, physique) a notamment permis d’améliorer le dispositif de formation (pratique de l’enseignante et apprentissage des élèves).
Il serait intéressant à présent de se demander comment accompagner les étudiants à passer d’une posture « d’élève » à une posture professionnelle ? Il s’agirait d’aller observer et analyser les modes d’agir ensemble notamment la collaboration et la coopération, le développement de l’autonomie (entre activité prescrite et activité vécue) et l’usage des outils dans une perspective orientée vie professionnelle.

Références bibliographiques

Cailliez, J.-C., Hénin, C., & Lebrun, M. P. (2017). La classe renversée : L’innovation pédagogique par le changement de posture. Ellipses.
Henri, F., & Lundgren-Cayrol, K. (2001). Apprentissage collaboratif à distance : Pour comprendre et concevoir les environnements d’apprentissage virtuels. Presses de l’Université du Québec.
Mucchielli, R. (2012). La dynamique des groupes. ESF éditeur.
Pudelko, B. (2019). Concevoir et encadrer un wiki ouvert et évolutif dans un cours à distance : Le projet Wiki-TEDia (F. Lafleur, V. Grenon, & G. Samson, Éds. ; p.41‑ 60). Presses de l’Université du Québec. https://r-libre.teluq.ca/1631/

Licence : CC by-sa

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