Un article repris du magazine The Conversation, une publication sous licence CC by nd
Caroline Rubin, responsable d’études au NewGen, est co-autrice de cet article avec Manuelle Malot, directrice du NewGen Talent Centre, et Geneviève Houriet Segard, directrice adjointe et ingénieure de recherche au NewGen Talent Centre.
Après la crise sanitaire, les frontières rouvrent progressivement, notamment en Asie, et les jeunes diplômés privés de voyages d’études, d’échanges académiques et de stages à l’étranger vont enfin pouvoir réaliser les projets d’expérience internationale qu’ils attendent depuis longtemps.
Pour ces jeunes diplômés qui ont eu les ailes coupées durant leurs études supérieures, un séjour à l’étranger est une perspective à la fois exaltante et nécessaire pour développer leur ouverture au monde, leur autonomie et leur esprit critique. Des atouts précieux pour assumer leurs futures responsabilités.
Depuis la création du VIE (volontariat international en entreprise) en 2000 et le départ des premiers volontaires en 2001, ce sont plus de 97 567 jeunes qui ont profité du dispositif pour le compte de 8 579 entreprises françaises. Actuellement 121 pays accueillent 8 175 VIE, 57 % d’hommes et 43 % de femmes, d’une durée moyenne de mission de 18 mois pour le compte de 1 700 entreprises.
Après une première grande enquête en 2018, Business France, l’agence en charge de l’internationalisation de l’économie française, a missionné à nouveau le NewGen Talent Centre pour évaluer l’impact du dispositif VIE avant et pendant les années Covid. Le centre d’expertise de l’EDHEC sur les nouvelles générations a interrogé et analysé les parcours de 3 747 VIE ayant terminé leur mission entre 2018 et 2021. La très grande mobilisation pour cette enquête est un premier indicateur de l’intérêt du programme et de sa dimension initiatique pour des jeunes de 26 ans en moyenne.
Un accélérateur de carrière
97 % des répondants conseillent le VIE aux jeunes diplômés. Pour ces personnes en début de carrière, il est jugé comme un tremplin professionnel, une chance de montrer ses qualités et son potentiel, de se surpasser, s’ouvrir au monde et devenir indépendant. Le plébiscite est total même pour les jeunes en VIE durant la crise sanitaire et dont les conditions de missions ont été souvent bouleversées et contraintes.
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Le VIE est un catalyseur efficace d’accès à l’emploi, 9 jeunes partis en VIE sur 10 ayant trouvé un emploi en moins de six mois après leur mission. Ce dispositif est souvent le prélude d’opportunités professionnelles à l’étranger très intéressantes tels les contrats d’expatriation et 88 % des répondants le considèrent comme un bon dispositif d’insertion professionnelle, comme le souligne ce témoignage :
« L’entreprise dans laquelle j’ai fait mon VIE m’a embauché immédiatement après la fin de mon VIE et je suis resté en Chine pendant plusieurs années. Ma carrière s’est envolée grâce à ce dispositif. Aujourd’hui, j’ai déjà eu 2 grosses promotions : coordinateur process Chine sur quatre usines et en mai 2022, je vais mettre un pied en management au Mexique en tant que responsable de production toujours pour la même entreprise. »
Pour eux, partir deux ans à l’étranger correspond à une expérience professionnelle particulièrement valorisante et gratifiante. 3 jeunes sur 4 voient le VIE comme un accélérateur de carrière car c’est un emploi challengeant par son côté international qui permet de s’ouvrir à une culture différente, d’aiguiser son adaptabilité et de faire ses premières armes. Leur mission a été l’occasion pour 2 jeunes sur 3 d’accéder à un niveau de responsabilités supérieur à un poste similaire en France, comme le raconte ce volontaire :
« Le VIE m’a permis de changer mon orientation professionnelle vers un domaine dans lequel je ne trouvais pas de poste qui acceptait mon niveau très junior en France. Cela m’a permis d’intégrer une grande entreprise et de créer mon réseau au sein de celle-ci. J’ai pu gagner en expertise dans le domaine choisi et je travaille actuellement toujours dans ce domaine. »
Le VIE accompagne particulièrement bien l’évolution des aspirations des nouvelles générations qu’il s’agisse de l’acquisition de compétences et des enjeux de développement personnel, des perspectives internationales ou l’impact sociétal.
L’acquisition de compétences
Pour 3 jeunes sur 4, le VIE a été l’occasion de se surpasser grâce à une mission ambitieuse qui leur a permis de se former rapidement à un métier mais aussi d’apprendre les codes et de s’imprégner du fonctionnement d’une grande entreprise multiculturelle. Ils ont par ailleurs développé leur autonomie au travail, pour 87 % d’entre eux, et ont ainsi pu prendre confiance et gagner en assurance professionnellement.
97 % des jeunes revenus d’une mission VIE ont développé au moins l’une des qualités suivantes : capacité à apprendre, habileté relationnelle, sens du résultat, travail en équipe, agilité, esprit critique, innovation, créativité…
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Ils en ont aussi profité pour augmenter leur niveau de maîtrise d’une langue étrangère puisque 73 % d’entre eux ont un niveau bilingue ou courant de la langue du pays visité à la fin de leur mission. « Le VIE m’a permis d’avoir une expérience à l’international dans une grande entreprise française, de développer mon anglais et d’être recrutée dans une belle entreprise américaine à un poste pour lequel l’anglais était nécessaire par la suite », raconte l’une des personnes interrogées.
La perspective internationale
Avant tout, le VIE représentait pour ces jeunes l’opportunité d’un début de carrière à l’international et d’une expérience interculturelle : 89 % voulaient inscrire une expérience internationale sur leur CV en partant en VIE et 78 % voulaient découvrir un autre pays.
Et effectivement, le VIE constitue un tremplin en ce sens : 77 % ont toujours une dimension internationale dans leur carrière actuelle.
Passant de 14 % en 2018 à 21 % en 2021, la dimension RSE (responsabilité sociale et environnementale) progresse dans les missions de VIE et répond ainsi de plus en plus à cette attente d’impact sociétal des jeunes, qu’illustre bien ce témoignage :
« Tous les événements que j’ai organisés, dont de nombreuses conférences, avaient des problématiques liées à la recherche de solutions durables dans divers domaines. Du choix du traiteur, jusqu’à la compensation du CO2 utilisé pour les déplacements… tout était fait pour améliorer notre engagement auprès de la ville mais aussi de notre planète. »
Un outil de fidélisation dans l’entreprise
Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre et de fortes tensions sur le marché du travail, les entreprises se livrent désormais une compétition féroce pour recruter les meilleurs talents. Le VIE est un formidable outil pour détecter et attirer de jeunes diplômés.
C’est une solution de fidélisation des talents car 1 jeune sur 2 a poursuivi sa carrière professionnelle dans l’entreprise pour laquelle il était en mission en VIE, que ce soit dans le pays d’accueil, dans un autre pays ou en France.
Les cinq raisons principales pour lesquelles les jeunes restent dans leur entreprise après leur VIE sont :
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le cadre et les conditions de travail attractifs dont ils bénéficient ;
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l’intérêt des missions proposées en suite de VIE ;
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le niveau de salaire avantageux ;
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la possibilité de continuer à développer ses compétences ;
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des perspectives de carrière meilleures qu’en changeant d’employeur.
Ils sont également 60 % à développer un attachement à l’entreprise de leur VIE en raison, entre autres, de la qualité des relations humaines et de la bonne ambiance dont ils ont bénéficié. Ils sont reconnaissants et désirent montrer leur gratitude envers l’entreprise. « Je suis reconnaissant vis-à-vis de la chance qui m’a été donnée de me prouver à moi-même et au reste du monde qu’il n’y avait pas de limite à ce que je pouvais accomplir », raconte l’un des participants.
L’identification aux valeurs et à la culture de l’entreprise ainsi que le sens du projet porté par celle-ci sont les autres ferments de cet attachement.
On peut noter que ce dispositif de volontariat en entreprise a particulièrement bien résisté à la crise sanitaire, avec des niveaux de satisfaction et de recommandation équivalents à ceux mesurés quatre ans plus tôt. Ce programme que nous envient les pays étrangers reste pourtant encore trop méconnu et sous-utilisé à la fois par les petites et moyennes entreprises et par les jeunes éligibles notamment européens, ce qui est paradoxal par rapport à son potentiel et, étonnamment, des missions restent difficiles à pourvoir pour certaines entreprises.
Cependant, les dernières nouvelles sont excellentes, depuis la rentrée et l’ouverture des frontières de nouveaux pays notamment la Chine continentale, Israël et le Chili, les jeunes se pressent pour partir… En septembre 2022, plus de 1 000 jeunes sont partis en VIE et ce chiffre sera encore plus important en octobre, ce qui est de bon augure pour la présence française à l’international et pour l’économie.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.
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