Un article de Francis Vivat, relu par Didier Mallarino et Emmanuelle Frenoux. repris du site EcoInfo, du GDS EcoInfo, ingénieurs et des chercheurs des secteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur en France autour d’un objectif commun "Agir pour réduire les impacts (négatifs) environnementaux et sociétaux des TICs (Technologies de l’Information et de la communication)" une publication sous licence CC by nc nd
EcoInfo est régulièrement sollicité sur l’impact des e-mails, ou « comment réduire son impact carbone par le tri des e-mails », il nous semble donc que le recoupement d’informations dont nous disposons nécessite un article précisant notre position.
Il est intéressant de constater que si on regarde les estimations au cours des ans, elles s’affinent et ce qui semblait vrai à une époque se basant sur des données plus difficiles à évaluer peut devenir faux, ou tout au moins obsolète, à mesure que les évaluations sur lesquelles elles se basent progressent.
– 2011 : l’ADEME donnait un poids moyen des mails de 19 g CO2eq
– 2018 : The CarbonLiteracy.com affichait4 g CO2eq, se basant sur le livre de Mike Berners-Lee
– 2020 : The CarbonLiteracy.com, après une mise à jour corrective de Mike Berners Lee dans la seconde édition de son livre, afficheentre 0.03 g CO2eq et 26 g CO2 eq, en fonction du type de mail, et indiquant clairement la dépendance au temps passé devant son écran.
Remarque : l’article de 2018 est cité entre autres par l’articlede Futura Science de mars 2019 -affiché avec une date mise à jour 2022, mais sans changer les chiffres-.
Mike Berners-Lee lui-même a mis en garde contre l’utilisation de ses données du précédent livre dans un tweet de 2020 :
To clarify, following FT and BBC pieces, the carbon footprint of sending an email is trivial. Looks like UK gov has misused a press release from OVO that in turn used estimates from the 2010 version of my book ’How Bad Are Bananas ?’ (now updated).https://t.co/pm3gqP5blO
— Mike Berners-Lee (@MikeBernersLee) November 19, 2020
(« Pour clarifier, à la suite des articles de FT et de la BBC, l’empreinte carbone de l’envoi d’un e-mail est insignifiante. On dirait que le gouvernement britannique a abusé d’un communiqué de presse d’OVO qui, à son tour, a utilisé des estimations de la version 2010 de mon livre « How Bad Are Bananas ? » (maintenant mis à jour). », traduction Google)
Ce que montrent les dernières estimations, c’est bien que le poids d’un mail est énormément lié aux terminaux utilisés, et donc au temps passé à écrire ou lire le mail en question, puisque le calcul utilisé affecte une part de celui-ci en fonction du pourcentage d’utilisation pour gérer un mail.
Il faut à ce stade rappeler que ces estimations, afin d’être les plus précises possible, se basent majoritairement sur des Analyses de Cycle de Vie (ACV), mais plus précisément, des ACV attributionnelles, pour lesquelles on attribue les impacts à posteriori pour donner un « degré de responsabilité ». Ces ACV ne devrait jamais être utilisées pour vérifier une modification des hypothèses (par exemple en diminuant le nombre de mails), mais il faudrait alors faire une ACV conséquentielle, qui elle, évalue à priori l’évolution des impacts si on change des hypothèses. C’est très rarement fait car beaucoup plus compliqué, et pour ainsi dire jamais cité dans les articles de presse. Utiliser une ACV-A pour faire de l’ACV-C est à coup sûr la possibilité de raconter des âneries.
En simplifiant, le fait de ne pas envoyer un mail ne va pas faire disparaître votre ordinateur, ni le réseau, ni les serveurs, et si en plus vous restez devant votre écran à rêvasser, voire pire, à regarder une vidéo à la place de lire un mail, au mieux, cela ne change rien, au pire, cela aura plus d’impact.
Par contre, si le fait de de ne pas envoyer de mails vous conduit à ne plus utiliser d’ordinateur, et donc de ne pas en (r)acheter, là, il y aura un impact positif important, sous réserve encore (effet rebond), que cela ne vous fasse pas acheter un nouveau téléviseur à la place.
Si parler des emails permet de déclencher une discussion sur l’impact du numérique, c’est bien, sinon, c’est plutôt anecdotique en terme d’impact réel.
Une bonne conclusion de la part de l’article de la BBC du 19/11/2020, citant Mike Bernes-Lee :
« Envoyez un e-mail si vous pensez que l’autre personne l’appréciera, et ne le faites pas s’il ne le fait pas »
« Le plus gros « gaspillage » d’un point de vue environnemental et personnel sera l’utilisation du temps par vous deux. »
Original :
« Send an email if you feel that the other person will value it, and don’t if they won’t, » he said.
« The biggest ‘waste’ both from an environmental and personal point of view will be the use of time by both of you. »
Références :
Carbon Literacy :
https://carbonliteracy.com/the-carbon-cost-of-an-email-2/ (obsolète)
https://carbonliteracy.com/the-carbon-cost-of-an-email/ (actuel)
ACV / Effet rebond :
https://ecoinfo.cnrs.fr/wp-content/uploads/2020/06/2021_06_24_ANF.pdf
Relecteurs : Didier Mallarino, Emmanuelle Frenoux.
Vos commentaires
# Le 7 juillet 2023 à 20:20, par Francis Vivat, EcoInfo-CNRS En réponse à : Tordons le cou aux discussions sur l’impact des e-mails
Bonjour,
Je précise que l’article, comme indiqué sur notre site, est de moi, et les relecteurs sont Didier Mallarino et Emmanuelle Frenoux.
Merci de corriger.
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