Cet article est publié dans le cadre du partenariat avec les RUE 2017 Salon de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui se tient au Palais des Congrès de Paris les 16 et 17 mars 2017 autour du thème « France Campus du Monde, attractivité et rayonnement ». L’auteure de cet article intervient sur ce salon (le 16 mars à 10h45) sur le sujet suivant : « Internationaliser les cours : comment inciter les enseignants-chercheurs à enseigner aussi en anglais ? La démarche originale et réussie de l’Université de Bordeaux ».
Depuis 2014 le programme Défi International accompagne le développement de l’offre de formation proposée en anglais à l’université de Bordeaux. Plus de 180 enseignants ont suivi la formation, plus de 12 équipes ont été accompagnés dans leur projet de proposer une formation disciplinaire en anglais. Au-delà du dispositif de formation, un des objectifs clés du programme est de bâtir un réseau d’expertise, alliant anglicistes et enseignants disciplinaires, et développer une communauté de pratique autour de l’internationalisation des formations dans le contexte universitaire bordelais.
Enseigner et apprendre en anglais en France
Par sa conception Défi International est ancré dans la recherche la plus récente sur l’impact pédagogique de l’enseignement en anglais, lingua academica, ainsi que dans les recommandations des projets européens menés sur les formations internationales à l’université (par exemple LANQUA, INTLUNI).
S’il est important d’avoir un bon anglais pour enseigner en anglais, la recherche indique très clairement qu’une pédagogie active, centrée sur l’apprenant et bien adaptée aux besoins spécifiques du contexte de lingua academica est primordiale pour la réussite de l’apprentissage.
Apprendre en anglais aura un impact sur la charge cognitive qui pèse sur l’étudiant, sur l’interaction en classe, sur la dynamique du groupe. Se posent aussi des questions interculturelles inhérentes à une situation qui réunit des étudiants de cultures diverses dans une université française – que veut-on dire quand on parle de dissertation ? D’une note sur 20 ? Les formations internationales rassemblent des réalités diverses et multilingues. Les enseignants doivent pouvoir se situer par rapport à leur contexte disciplinaire, à leur perception de l’apport de l’internationalisation, et de sa valeur pour les étudiants.
Pour les enseignants, il est moins question d’avoir un anglais parfait que d’avoir une bonne capacité à communiquer et une prononciation/intonation efficaces. Une attention accrue à certains aspects du discours peut être utile – le questionnement, le lexique de la classe, les connecteurs logiques, la comparaison, l’hypothèse – tout comme une bonne connaissance du répertoire de communication de la discipline concernée.
Une formation pour enseigner en anglais doit permettre d’appréhender le cours dans cette langue comme une situation pédagogique spécifique, facilitée par l’expertise académique et disciplinaire de l’enseignant.
Un programme en huit volets
C’est en tenant compte de tous les aspects décrits ci-dessus que les huit volets du programme Défi International ont été développés :
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Stage intensif de 3 jours – Teaching Academic Content through English ;
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Coaching individualisé pour des enseignants, aide à la préparation du cours ;
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Aide à l’élaboration, suivi de projet d’internationalisation auprès des formations, équipes universitaires ;
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Ateliers de conversation sur plusieurs sites du campus pour soutenir la pratique de l’interaction en anglais ;
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Projets de « shadowing » qui permet à un enseignant d’anglais de travailler en co-enseignement avec un enseignant disciplinaire ;
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Aide à la transformation des supports de cours, relecture et traduction ;
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Ressource Moodle permettant de se former à distance ;
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Évaluation et suivi des formations internationales, enseignants et étudiants, amélioration en continue.
Le stage intensif : « Teaching academic content through English »
Le stage intensif, « Teaching academic content through English », est au cœur de notre stratégie. Il a été conçu et mis en place par une équipe de huit enseignants du Département Langues et Cultures (DLC), rattaché au Collège Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Bordeaux.
Il est proposé 4 fois par année universitaire et se déroule sur trois jours. Les 16 participants de chaque stage prennent conscience des aspects langagiers pertinents et expérimentent différentes stratégies pédagogiques qui soutiennent l’enseignement en anglais.
L’objectif est de mettre les participants en situation d’immersion en anglais, de les amener à prendre le rôle de l’étudiant mais aussi de l’enseignant dans un contexte anglophone, afin d’explorer l’impact de la langue sur la situation d’apprentissage, de confronter leur expérience aux spécificités de leur discipline et de leur enseignement, et de les amener à réfléchir à leur pratique d’enseignant afin de l’adapter.
Parmi les thèmes abordés : anglais de la salle de classe, dynamique de groupe, prononciation et intonation, cours magistraux interactifs, gestion de l’interaction, pédagogie inversée dans le contexte de l’enseignement en anglais, évaluation des étudiants dans les classes internationales. Tous les participants ont l’occasion de s’essayer à des activités de micro-enseignement. Tous reçoivent un retour individuel sur leur communication en anglais.
Le profil multidisciplinaire des participants est un facteur important car il les encourage à confronter leur situation à d’autres contextes d’enseignement universitaire. Certains ont déjà de l’expérience de l’enseignement en anglais, d’autres n’en ont pas – cette diversité d’expérience, entre novices et experts, enrichit les échanges entre les participants.
Parcours d’enseignant-chercheurs
Pour avoir un aperçu de l’interaction des différents volets du programme avec le stage, voici quelques parcours « typiques » qui sont indicatifs de la manière dont Défi International fonctionne vu du côté des enseignants de notre université :
Cas 1 : Un Master International est en cours de développement, les enseignants-chercheurs de l’équipe assistent à une présentation/atelier sur les enjeux de l’internationalisation et du programme Défi International. Les membres de l’équipe participeront au stage et certains par la suite viendront tester leur cours et profiteront ainsi d’une aide personnalisée. D’autres vont s’inscrire aux ateliers de conversation pour garder la main et pratiquer l’interaction en anglais en préparation de la mise en place de la formation.
Cas de figure 2 : Une enseignante d’histoire de l’art a envie de proposer une partie d’une formation en anglais à titre expérimental mais ne sait pas si « ça peut marcher ». Elle s’inscrit au stage pour se former au contexte pédagogique. Le programme Défi International accorde le financement d’une dizaine d’heures de « shadowing » lui permettant de travailler en binôme avec un enseignant d’anglais pour développer son cours en anglais.
Cas de figure 3 : Une jeune enseignante-chercheur, débutant sa carrière, reçoit un courriel sur Défi International. Elle s’inscrit au stage car elle a envie d’entretenir son niveau en anglais depuis son post-doc aux États-Unis. Bien plus d’un simple stage d’anglais, ces trois jours lui offre l’occasion de réfléchir à la pédagogie universitaire, d’échanger avec des collègues plus expérimentés et de développer sa méthodologie d’enseignement.
Développer la communauté de pratique…
L’accompagnement en continu est intégrée à notre démarche depuis la conception du programme – c’est un aspect important, car le vécu du terrain est très formateur. Le contact avec les anciens participants aux stages nous permet d’avoir un retour sur leur expérience de l’enseignement en anglais. Nous suivons la communauté de pratique par le biais d’enquêtes en ligne, nous organisons des journées de formation pour permettre l’échange de bonnes pratiques, des observations de cours sont menées avec l’accord des enseignants. Ce suivi permet de mesurer l’impact de la formation mais également d’accroître nos connaissances de ce contexte pédagogique émergeant dans notre université.
L’internationalisation est un enjeu majeur pour les universités françaises mais il entraîne des mutations profondes, et parfois difficiles à affronter sans soutien. Le programme Défi International, de par l’accompagnement qu’il offre aux enseignants, joue un rôle fondamental dans le développement de formations internationales de qualité mais aussi plus largement, dans la transformation pédagogique au sein de l’université de Bordeaux.
Quelques références bibliographiques :
Airey, J. (2011). « Talking about teaching in English : Swedish university lecturers’ experiences of changing teaching language ». Ibérica : Revista de la Asociación Europea de Lenguas para Fines Específicos (AELFE), (22), 35-54.
Carroll, J. (2014). « Tools for teaching in an educationally mobile world ». Routledge.
Dafouz, E., & Smit, U. (2014). « Towards a dynamic conceptual framework for English-medium education in multilingual university settings ». Applied Linguistics.
Doiz, À., Lasagabaster, D., & Sierra, J. M. (Eds.). (2012). « English-medium instruction at universities : Global challenges ». Multilingual matters.
Joanne Pagèze est responsable du programme Défi International à l’Université de Bordeaux.
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