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Apprendre une langue étrangère : ce que les traducteurs automatiques peuvent apporter aux élèves

Un article repris de https://theconversation.com/apprend...

Les traducteurs automatiques de langues peuvent être des outils d’apprentissage. À condition de savoir s’en servir et de les intégrer dans une palette de dispositifs pédagogiques.


Parviendrez-vous à maintenir votre attention jusqu’au bout de cet article ? Pourrez-vous ignorer les notifications de votre messagerie ou les publicités et suggestions d’articles qui peuvent surgir au gré des onglets ouverts sur votre navigateur ? Combien de temps compter avant que vous ne soyez distrait ?

Notre attention nous joue des tours, mais elle est indispensable pour apprendre, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’écrire dans une langue étrangère. À quoi bon mobiliser autant d’efforts, me direz-vous ? Ne suffit-il pas d’ouvrir n’importe quel traducteur en ligne pour passer d’une langue à l’autre ? Avec les progrès de l’intelligence artificielle, ces outils ne sont-ils pas assez efficaces aujourd’hui pour qu’on s’y fie ?


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Les recherches en didactique qui s’intéressent à l’enseignement et à l’apprentissage de la production écrite en langue seconde permettent de prendre du recul sur les outils à disposition des apprenants et de comprendre les enjeux d’une pratique comme l’utilisation des traducteurs. En quoi sont-ils utiles ? Pour qui ? Sous quelles conditions ?

Écrire dans une langue étrangère

Maintenir son attention implique un effort important. Lire ou écrire sont des actes qui ne sont pas naturels pour les humains et ils nécessitent un enseignement explicite. Il s’agit de connaissances secondaires, c’est-à-dire qui permettent de répondre à un objectif social, tandis que les connaissances primaires – comme le langage oral, la reconnaissance des visages – s’acquièrent par imprégnation, adaptation.

Acquérir une connaissance secondaire, comme l’écriture, nécessite un effort d’attention important, et une motivation particulière. Qui ne se souvient pas d’avoir tracé des lettres, appris des conjugaisons, reçu des remarques sur son orthographe ? « Erreurs d’inattention. Relisez-vous ! Maladroit. » Cela vous dit quelque chose ?


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Imaginez maintenant que vous travaillez dans une langue qui n’est pas votre langue maternelle. Les mots ne vous viennent pas naturellement. Toutes les langues que vous connaissez tentent de se frayer un chemin jusqu’à votre stylo ou à votre clavier. Et, par-dessus le marché, vous dépensez tellement d’énergie à vous souvenir de vos verbes irréguliers en anglais ou en allemand, que vous en oubliez de vérifier si votre idée correspond toujours à votre objectif.

Sélectionner et ordonner les bonnes informations vous prend du temps, or ce temps coûte cher à votre attention. En d’autres termes, après avoir écrit dans une langue étrangère, vous êtes fatigué.

L’apport des outils numériques pour l’enseignement des langues

Les travaux concernant les effets du numérique sur l’attention montrent que, si son intégration peut être bénéfique à l’apprentissage, elle peut aussi représenter une source de distraction et disperser l’attention des étudiants.

Dans le cas de l’utilisation des outils d’intelligence artificielle pour l’écriture en langue étrangère, les études montrent que le recours à ces outils pourrait, en théorie, représenter un avantage. Utiliser des applications capables de générer du texte en fonction d’un contexte ou de traduire devrait pouvoir aider la mise en texte, c’est-à-dire la production des mots, des phrases. Plutôt que de rester bloqué sur un manque de vocabulaire, une petite traduction avec DeepL ou Google Translate peut vous aider à produire un texte correct.

En réduisant le nombre d’opérations de recherche et de gestion des informations en mémoire, on gagnerait du temps. En gagnant du temps, on économiserait et on répartirait mieux son attention. Le texte final ne serait-il pas alors de meilleure qualité ?

En pratique, vous vous en doutez, rien n’est moins sûr. D’une part les résultats obtenus avec l’intelligence artificielle ne sont pas fiables à 100 % et, d’autre part, il semble n’y ait que les personnes déjà expertes dans la langue cible qui profitent des outils appuyés sur l’intelligence artificielle.

Traducteurs automatiques : vers plus d’injustices ?

Concrètement, si vous êtes débutant dans une langue étrangère et que vous écrivez un texte, utiliser un traducteur comme DeepL ne vous aidera pas vraiment dans la rédaction. Oui, vous pourrez trouver certains mots de vocabulaire par-ci par-là, mais vous ne serez probablement pas capable ni de faire les bonnes propositions dans l’outil, ni de juger de la qualité du résultat proposé. Vous allez probablement dépenser autant d’attention à utiliser l’outil qu’à écrire votre texte. En bref, vous n’apprendrez pas grand-chose.

À l’inverse, si vous êtes déjà compétent dans cette langue, vous pourrez faire des demandes plus adéquates, évaluer les réponses du traducteur, et même les intégrer facilement à votre travail. Vous êtes déjà capable d’orienter votre attention sur certains aspects plus que sur d’autres. Et si, par chance, vous maîtrisez déjà techniquement l’outil, vous êtes doublement avantagé.

Il faut bien comprendre que l’utilisation des traducteurs ou d’autres outils basés sur l’intelligence artificielle ne va pas réduire la distance entre ceux qui savent déjà et ceux qui ne savent pas encore, au contraire ! Que ce soit à l’école, au lycée, à l’université, la promotion des outils numériques ou des traducteurs doit être entourée d’un guidage, c’est-à-dire d’un accompagnement qui donne à tout le monde les mêmes chances de réussite.

Apprendre à utiliser les traducteurs automatiques

Imaginons que vous souhaitiez écrire un message à quelqu’un qui ne parle pas la même langue que vous, mais que vous êtes débutant dans cette langue. Vous avez besoin de faire en sorte que votre message soit le plus correct possible et utiliser un traducteur pourrait vous aider. Le problème c’est que vous n’avez probablement pas les compétences pour vérifier que le résultat fourni par le traducteur correspond à votre intention.

En utilisant un traducteur sans vous poser de questions, vous risquez finalement de ne rien apprendre du tout. Alors vous commencez par traduire, d’accord, mais ensuite, vous devez vous interroger et placer votre attention sur certains aspects de la langue en particulier : quels sont les mots employés ? Quelles sont les formules de politesse ? Quels temps de conjugaison sont privilégiés ?


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Avec DeepL par exemple, si vous sélectionnez une phrase dans le texte que vous venez de traduire, son équivalent en langue de départ est surligné automatiquement : cela vous permet d’identifier des passages en particulier, de focaliser votre attention sur certaines expressions. Vous pouvez également cliquer sur un mot pour obtenir des synonymes, des définitions, des informations sur la nature grammaticale et la prononciation de ce dernier. L’objectif est d’avoir une attitude active face au traducteur.

Dans le cas de l’écriture d’un message, le traducteur ne vous apportera pas de réponse sur les codes sociolinguistiques ou culturels propres à la langue que vous utilisez, il vous faudra probablement une aide supplémentaire – quand il s’agit de distinguer les registres plus soutenus ou plus familiers, savoir quelle formule de politesse convient au contexte…

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Côté enseignants, il est important d’inclure les traducteurs dans un parcours défini à l’avance et de les considérer comme des aides parmi d’autres. Et, il ne faut pas supposer que tout le monde sait utiliser un traducteur de manière efficace. Barysevich et Costaris, proposent par exemple de mettre en place un atelier de formation sur l’utilisation de DeepL .

Finalement, loin de révolutionner votre manière d’apprendre une langue étrangère, les outils basés sur l’IA ne sont capables que de renforcer quelque chose en vous qui est déjà là. C’est tout ce que l’on fait en plus de les utiliser qui est déterminant pour l’apprentissage.

The Conversation

Maëlle Ochoa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Licence : CC by-nd

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