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Former à l’interdisciplinarité via l’intégration du design à la gestion de projet : apports et limites dans une école d’ingénieurs

2 janvier 2025 par Emilien Jacob, Florian Magnani RIPES 133 visites 0 commentaire

Un article repris de http://journals.openedition.org/rip...

L’interdisciplinarité suscite de nombreux intérêts scientifiques et théoriques. Même si elle est souvent prônée par les acteurs institutionnels, les exemples réussis se font rares dans la littérature. Cet article présente les résultats d’une étude menée sur 3 ans sur un modèle de formation interdisciplinaire articulant de la gestion de projet et du design dans une école d’ingénieurs. L’étude présentée met en lumière les modalités, les apports et les limites de la formation via une triangulation de données : des entretiens avec les étudiants, un questionnaire auprès des enseignants participants et un retour d’expérience des responsables de la formation. Les limites et perspectives futures permettront d’enrichir les recherches sur les formations interdisciplinaires en école d’ingénieur.

Emilien Jacob et Florian Magnani, « Former à l’interdisciplinarité via l’intégration du design à la gestion de projet : apports et limites dans une école d’ingénieurs », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 40(2) | 2024, mis en ligne le 28 décembre 2024, consulté le 01 janvier 2025. URL : http://journals.openedition.org/ripes/5778

1. Introduction

L’enseignement de la gestion de projet devient un incontournable dans les programmes de grandes écoles. Ces programmes se basent à la fois sur des cours théoriques issus des sciences de gestion (Garel, 2011), et sur des mises en pratique apportées par des enseignants ou des partenaires industriels de ces écoles. Dans le cadre de cet enseignement unidisciplinaire, il est apparu possible d’initier des formations interdisciplinaires en gestion de projet. C’est ce qui a été mis en place à l’école Centrale Méditerranée. Elle repose sur l’enseignement interdisciplinaire combinant la gestion de projet et le design. En mobilisant ces deux éléments, cette formation a comme objectif d’enseigner de nouvelles pratiques de gestion via le design s’inscrivant dans une formation ingénieur se voulant interdisciplinaire. Cette approche permettrait d’aller au-delà des cloisonnements disciplinaires structurés dans les systèmes éducatifs en France (Morin, 2015). Face à cette formation, plusieurs questions émergent : Quelles modalités de formation à l’interdisciplinarité via la gestion de projet et le design contribuent à la formation des ingénieurs ? Quels sont les effets (apports et limites) de ce cas de formation sur les acteurs ?

Pour répondre à ces questions, cet article s’appuie sur l’étude d’une formation en gestion de projet en s’appuyant sur l’intégration du design suivant une approche interdisciplinaire. La première partie de cet article est une revue de la littérature construites suivant trois axes : l’interdisciplinarité et plus spécifiquement en école d’ingénieurs, l’enseignement du design comme ouverture à l’interdisciplinarité, puis la pédagogie par projet comme moyen pour former à la gestion de projet. La deuxième partie décrit le contexte étudié : les projets innovations. La troisième partie explicite la méthodologie mobilisée s’appuyant sur une étude qualitative et quantitative centrée sur la triangulation de données collectées auprès des étudiants, des enseignants participants, et des responsables de la formation (cf. le bureau des projets). La quatrième partie montre les résultats issus des analyses des données issus des trois itérations complètes de formation. La cinquième partie discute des résultats. Pour finir, une conclusion est donnée, présentant les limites du travail et les axes de recherches futures.

2. Revue de littérature

2.1. L’interdisciplinarité : quelle approche en école d’ingénieurs ?

Aujourd’hui, l’interdisciplinarité est sujette à de multiples intérêts scientifiques et théoriques. Ceci se matérialise par le nombre important de publications académiques (34380) sur ce sujet depuis 2010 (Dufour et Nyffeler, 2019). Cependant, cette notion ne fait pas consensus dans la communauté scientifique, du fait qu’elle caractérise un phénomène invariant dans le temps, complexe et multidimensionnel (Nissani, 1995). C’est pourquoi nous mobilisons une définition large de l’interdisciplinarité : la faisabilité ou la profitabilité de conjuguer plusieurs disciplines pour en tirer plusieurs bénéfices à plusieurs niveaux, tels que la création de savoir, la recherche, l’éducation ou la théorie (Chen et Luetz, 2020).

D’un point de vu éducatif, Lenoir identifie deux directions au sujet de l’interdisciplinarité (Lenoir, 1995) : la première se concentre sur les savoirs scolaires du point de vu des structures curriculaires et de l’intervention éducative, qui peuvent faire l’objet de plusieurs intégrations et configuration ; quant à la seconde, elle adopte un point de vu pratique sur les savoirs, afin de répondre à des besoins de formation professionnelle. Dans le cadre de cet article, nous allons nous concentrer sur la seconde approche.

Plus spécifiquement sur la formation des ingénieurs, nous recensons un nombre important de travaux sur l’interdisciplinarité en formation hors de la France. Elle a des effets à plusieurs niveaux, qui dépendent de sa temporalité et de son format dans les programmes (Klaassen, 2018). Au niveau des programmes, les compétences, les sujets interdisciplinaires ainsi que les compétences parallèles à la formation des ingénieurs (vie associative, études dans un autre pays) favorisent le développement de compétences interdisciplinaires chez les étudiants (Lattuca et al., 2017). Mais les ressources qui entravent le développement de programmes interdisciplinaires sont peu connus de la littérature (Van den Beemt et al., 2020). Au niveau pédagogique, une revue de littérature montre que les enseignements interdisciplinaires sont construits pour promouvoir le travail collaboratif en équipe demandant du management organisationnel et d’équipe (Van den Beemt et al., 2020). En complément, la définition et l’intégration d’un problème dans la formation s’avèrent essentiels pour articuler une formation interdisciplinaire (Klaassen, 2018), tout comme l’utilisation d’un objet-frontière (Reddy et al., 2019). Cependant, les différentes épistémologies, les discours et les traditions relatifs à l’enseignement et aux apprentissages des disciplines liées aux sciences de l’ingénieur sont des barrières à l’interdisciplinarité (MacLeod et van der Veen, 2020). A propos des enseignants ou des membres de l’enseignement supérieur, une pluralité de facteurs permettent la conception et l’intégration dans la formation d’enseignement interdisciplinaire/multidisciplinaire/pluridisciplinaire (Feng et al., 2023), comme le contenu des cours, la collaboration des enseignants, ou encore leurs expériences professionnels. Sur ce sujet, les perspectives pour développer des compétences et des savoirs interdisciplinaires en formation reposent sur une approche pédagogique structurée et une expérience en travail d’équipe chez les enseignants (Van den Beemt et al., 2020). Enfin, ces enseignements ont des effets positifs sur la performance des étudiants dans le cadre de projet et sur l’employabilité (Hotaling et al., 2012), puisque la pratique du métier d’ingénieur demande l’articulation d’une pluralité de savoir disciplinaire afin de résoudre des problèmes contemporains (Huijben et al., 2022 ; Kähkönen et Hölttä-Otto, 2022 ; Lattuca et al., 2017 ; Richter et Paretti, 2009). Cependant, les étudiants peuvent rencontrer des difficultés à s’approprier les sujets interdisciplinaires, afin de résoudre des problèmes complexes (Richter et Paretti, 2009).

2.2. L’enseignement du design : une ouverture à l’interdisciplinarité en écoles d’ingénieurs

Au niveau de la formation en école d’ingénieurs, de nombreux travaux récents montrent des approches pédagogiques variés voir innovantes afin d’enseigner une multitude de thématique : la transition énergétique (Huijben et al., 2022), le design (Bissett-Johnson et Radcliffe, 2021 ; Edmondson et Sherratt, 2022), la réflexivité dans l’enseignement des sciences humaines et sociales (Gouttenoire et Guillot, 2017 ; Gouttenoire et Loizon, 2022), les « soft-skills » (Ballesteros-Sánchez et al., 2017). Dans notre cas, nous nous intéressons à l’intégration de l’enseignement du design dans un cursus d’école d’ingénieurs, en particulier autour de l’intégration de l’enseignement de la pensée design.

La pensée design (ou design thinking) est une méthode de prototypage rapide centrée sur l’homme pour la conception innovante. Elle est reconnue comme une approche prometteuse pour relever les défis contemporains (Vetterli et al., 2013). De nombreuses recherches et études empiriques se sont concentrées sur l’intégration du design thinking dans l’enseignement (Brand, 2020). Trois stratégies d’intégration ont été identifiées : le design Thinking initial, le design thinking infusé et le design thinking continu. Dans notre cas, nous nous intéressons au design thinking infusé (Lin et al., 2021), souvent utilisé pour enrichir un processus existant d’ingénierie liant des exigences avec des méthodes et des artefacts sélectionnés. Cette approche est particulièrement adaptée lorsque les pratiques d’ingénierie des exigences nécessitent des interventions ciblées pour encourager la créativité et l’émergence de nouvelles idées (Hehn et al., 2020). Cependant, dans une approche infusée, la créativité peut être contrôlée et limitée par rapport à l’approche initiale.

Les programmes d’études des écoles d’ingénieurs réduisent progressivement la part consacrée à l’enseignement du design (Kuo et al., 2021). Cette tendance est en partie motivée par la perception généralisée que la valeur intellectuelle du design est souvent sous-estimée. Pourtant, le design est fréquemment considéré comme l’une des activités centrales de l’ingénierie, essentielle pour résoudre les problèmes complexes contemporains (Atman et al., 2007 ; Dym et al., 2005), en proposant des solutions efficaces aux besoins sociaux (Sheppard, 2003). C’est pourquoi le design tend de plus en plus à être enseigné comme un processus d’équipe aux multiples dimensions socio-technologiques (Dym et al., 2003). Le design thinking, précédemment enseigné sous forme d’ateliers courts, repose de plus en plus sur l’apprentissage par projet (Dym et al., 2005). Les types de projets ont évolué, passant de projets fictifs à des projets parrainés par des industriels, où les entreprises fournissent de véritables problèmes ainsi que leur expertise et leur soutien financier (Dutson et al., 1997). L’enseignement par projet est intrinsèquement multidisciplinaire et peut être divisé en deux thèmes principaux qui reflètent les concepts de pensée divergente et convergente issus du design thinking (Luxhøsj et Hansen, 1996) :

 L’enseignement par projet orienté vers la conception, le « savoir-faire » et les problèmes pratiques de conception dans le but de synthétiser les connaissances de nombreuses disciplines.

 L’enseignement par projet orienté vers les problèmes, le « savoir-pourquoi » et la résolution de problèmes théoriques en utilisant toute connaissance pertinente, quelle que soit la discipline d’origine.

Malgré l’existence de travaux sur ces formations, l’intégration du design suivant une approche de pédagogie par projet n’a pas été abordée et réalisée dans le cadre d’activités pédagogiques longues - en comparaison avec les autres formations mises en lumière par la littérature. D’autant plus que le design et son enseignement ouvrent aujourd’hui des perspectives de recherche, en affirmant que le design est à la fois une didactique disciplinaire et une discipline à part entière tout en étant à la croisée de plusieurs domaines disciplinaires telles que la technologie, les sciences, l’art et l’industrie. Elle s’inscrit aussi dans une logique de projet (Didier et Tortochot, 2021 ; Tortochot et Didier, 2023) qui a rarement été étudiée.

2.3. Gestion de projet au travers de la pédagogie par projet en école d’ingénieurs

Boutinet (2012) définit la gestion de projet comme un mode de gouvernement qui permet de mener à bien la construction d’une innovation (technologique, comptable, sociale). Garel (2011) apporte une précision à la notion en définissant deux approches à la gestion de projet. La première correspond à la gestion d’un seul projet, tandis que la seconde renvoie à la gestion de plusieurs projets. Dans le cadre de notre article, nous étudions la première approche puisque les groupes d’étudiants gèrent un seul projet.

En école d’ingénieurs en France, la gestion de projet est un pilier de la formation (Lemaître, 2017). En effet, l’utilisation de la pédagogie par projet et de la pédagogie par problème sont des critères d’évaluation de la Commission des Titres d’Ingénieurs (CTI) pour l’accréditation d’une école à délivrer le diplôme d’ingénieur.

La pédagogie par projet est définie selon les critères suivant : la pédagogie par projet est définie à partir des critères suivants : « (1) les projets impliquent de la solution à un problème ; pas nécessairement mais elle est souvent définie par l’étudiant ; (2) ils impliquent l’initiative venant d’un étudiant ou d’un groupe d’étudiant, et elle nécessite une variété d’activités pédagogiques ; (3) ils aboutissent généralement à un produit final (par exemple, un rapport ou un modèle) ; (4) le travail s’étend souvent sur une durée considérable ; (5) les encadrants du projet joue un rôle consultatif plutôt qu’autoritaire sur l’ensemble des étapes (initiation, conduit et conclusion du projet) » (Adderley, 1975, p. 1, [traduction libre]). Ces critères correspondent aux caractéristiques des projets réalisés par les étudiants dans le contexte étudié mais en pratique, la pédagogie par projet prend une pluralité de formes, selon des raisons pédagogiques, politiques ou éthiques (Helle et al., 2006).

La pédagogie par projet a été mobilisée dans une pluralité de contexte dans la formation des ingénieurs. Au niveau de la recherche francophone, plusieurs recherches ont été réalisées à l’Université Catholique de Louvain sur la pédagogie par projet et sur la pédagogie par problème. Pour ces auteurs, cette approche pédagogique a permis de repenser la manière de former, puisque la formation passe d’une culture de transmission du savoir centrée sur l’enseignant à une culture d’appropriation centrée sur l’étudiant (Raucent et al., 2004). De plus, cette approche a amélioré la capacité des étudiants à résoudre des problèmes (Raucent, 2001) et à développer des compétences applicatives (Galand et al., 2012). Mais elles comportaient des limites : le risque du manque d’implication des étudiants, comprendre et s’approprier la posture de tuteur pour les enseignants (Raucent, 2001). Ce type d’approche demande des ajustements : une mise en place sur le long terme de ce type de formation (Raucent, 2001 ; Raucent et al., 2004) ou encore l’amélioration de l’accompagnement des tuteurs sur leur posture et les outils qu’ils mobilisent (O’Shea et al., 2013 ; Verzat et al., 2015). Au niveau international, la littérature plus récente sur la formation des ingénieurs montre aussi les effets positifs de la pédagogie par projet sur les étudiants. Cette approche pédagogique a des effets positifs sur la motivation des étudiants, leurs performances académiques ainsi que sur leurs compétences à trouver des solutions pratiques face à des problèmes (Reis et al., 2017). Ses effets positifs sur les apprentissages sont constatés dans l’enseignement d’une pluralité de disciplines (Guo et al., 2020). Sur la place de la pédagogie par projet dans la formation, Chen et al. (2021) montrent que l’utilisation de la pédagogie par projet est mineure dans le cadre des projets ingénieurs, mais elle se caractérise par son approche multidisciplinaire. Enfin, les auteurs identifient les défis actuels dans la pratique de la pédagogie par projet qui ne sont pas suffisamment adressés (Tableau 1).

Tableau 1. Les défis actuels de la pédagogie par projet (Chen and al., 2021) [Traduction des auteurs]

2.4. Problématique

Notre objectif est de combler deux lacunes identifiées par Lin et al. (2021) :

 Concevoir des activités d’apprentissage adaptées pour favoriser les pratiques et les savoirs de résolution de problèmes chez les étudiants, renforçant ainsi leur aptitude à traiter des problématiques industrielles.

 Répondre à la préoccupation de nombreux enseignants quant aux obstacles à la mise en œuvre de la pédagogie par projet sur de longues périodes, notamment le manque de temps.

La revue de littérature met en lumière des tendances sur trois thématiques en école d’ingénieurs : l’interdisciplinarité en école d’ingénieurs, l’enseignement du design et la gestion de projet au travers d’une pédagogie par projet. D’abord, la mobilisation de savoirs interdisciplinaires dans la résolution de problème est centrale dans la formation de l’ingénieur, elle est un enjeu de formation et d’insertion pour l’étudiant, tout comme l’enseignant qui doit concevoir une formation articulant ces disciplines. Ces enjeux renvoient aux défis individuels de la pédagogie par projet en école d’ingénieurs mais aussi la dimension institutionnelle et organisationnelle, qui demande à être précisée puisqu’elle constitue un défi contemporain pour la pédagogie par projet. Ensuite, plusieurs travaux récents (Didier et Tortochot, 2021 ; Tortochot et Didier, 2023) montrent l’impact que peut avoir le design dans la formation, ainsi que ses liens avec les approches par projet. Dans ce cadre-là, nous souhaitons répondre à la question de recherche suivante : Quelles modalités de formation à l’interdisciplinarité via la gestion de projet et le design contribuent à la formation des ingénieurs ? Quels sont les effets (apports et limites) de ce cas de formation sur les acteurs ?

Pour cela, nous avons étudié la formation nommée « les projets innovations » à l’école Centrale Méditerranée qui cherche à former les étudiants ingénieurs à la gestion de projet et au design thinking.

3. Contexte

Dans le cadre de cette étude, nous nous one’s concentrés sur les projets innovations. Il s’agit d’une formation interdisciplinaires s’appuyant sur de la pédagogie par projet articulant la gestion de projet comme discipline des sciences de gestion, le design thinking issu du design et l’ingénierie liées aux sciences de l’ingénieur. Elle a pour but d’initier les étudiants au processus d’innovation à travers des projets sur un an, afin que les étudiants acquièrent des pratiques et des compétences interdisciplinaires. Pour cela, ces projets intègrent les trois disciplines précédemment citées pour que les étudiants traitent des problèmes concrets et contemporains, tout en tenant compte des aspects techniques et humains. Les étudiants réalisent des projets en collaboration avec des partenaires professionnels du public et du privé. Les projets innovations sont en première année du cursus ingénieur à l’École Centrale Méditerranée.

Pour les logiques de cette formation (Ardouin, 2023), les projets innovations ont émergé du terrain, puisqu’elle repose sur l’initiative d’enseignants de l’Ecole Centrale Méditerranée et d’une école de design. Par la suite, les projets innovations se sont intégrés dans la formation, soutenue par la direction. Ainsi, cette formation se situe actuellement dans une logique politique et managériale.

Pour organiser cette formation, un bureau des projets a été constitué. Il s’agit d’un organe interne à Centrale Méditerranée composée du directeur académique et d’enseignants-chercheurs spécialisés en gestion de projet. Il est constitué de quatre personnes dont le rôle est la structuration et la coordination des projets s’étalant sur les trois années du cycle de formation ingénieur. Cela inclut des interactions régulières avec l’ensemble des parties prenantes : enseignants/étudiants d’écoles de design, enseignants/étudiants de Centrale Méditerranée, les services administratifs, les organes de direction de l’Ecole Centrale Méditerranée et les partenaires industriels. Ce bureau est également chargé de l’évaluation de la compétence « Conduire des Programmes » du référentiel de compétence de l’ingénieur centralien.

Avant la mise en place de cette formation, les projets innovations n’étaient pas construits de cette manière. La forme actuelle est le résultat d’années d’itérations prenant en compte les retours d’expériences des enseignants, des étudiants et des partenaires. L’Annexe 1 présente l’évolution de ces projets de 2016 à 2024. Comme indiqué dans la littérature, le design était principalement enseigné sous forme d’ateliers courts, décorréler de tous les autres enseignements. En 2018, ces ateliers ont été portés par des enseignants de Centrale et d’écoles de design mettant en relation des étudiants ingénieurs et des étudiants designers. Le but était d’apporter diverses expertises dans le cadre des projets. Dès 2019, l’intégration de la pédagogie par projet incluant le design et des problématiques industrielles ont été expérimentées. Les étudiants designers ont progressivement été intégrés aux équipes d’étudiants ingénieurs. Les enseignements axés sur le design ont été développés. En 2022, l’intégration des disciplines propres aux sciences fondamentales a été concrétisée : les projets devaient tous mobiliser dans les phases d’exploration et d’exécution une des disciplines majeures enseignées à l’école (Mécanique, Physique, Économie/Gestion, Informatique, Chimie/Génie des procédés, Mathématiques, Ondes et Signal).

Au niveau de la structure de la formation, les étudiants suivent un parcours allant de l’exploration (recherche documentaire, échanges avec les partenaires), la formulation d’un problème, l’identification d’opportunités (étude de marché), jusqu’à l’idéation et l’exécution du projet, concluant par une présentation de la solution (poster, oral) devant un jury. Pour mener ce projet, les étudiants bénéficient de cours théoriques (liés aux enseignements des sciences de l’ingénieur) et d’ateliers pratiques. Ces cours sont centrés sur les thématiques suivantes : gestion de projet, design thinking, créativité, maquettage, travail d’équipe et dynamiques de groupe (figure 1).

Figure 1. Les étapes des projets innovations, les liens avec les activités d’enseignement et livrables associés

De ce fait, les projets d’innovation sont conçus pour favoriser les apprentissages interdisciplinaires. L’encadrement des groupes d’étudiants implique plusieurs acteurs : les enseignants-chercheurs fournissent un soutien technique, scientifique et méthodologique ; deux groupes de huit étudiants de deuxième année assistent les étudiants pour garantir l’appropriation des attentes et des objectifs des projets (interface entre le bureau des projets et les étudiants de première année), tandis que les enseignants designers partagent leur méthodologie et leur expertise (par exemple, méthodes et outils de la pensée design, prototypage/maquettage). En complément, des intervenants tels que le bureau des projets, la cellule entrepreneuriat de l’école (collectif d’enseignants en charge des parcours d’enseignements liés à l’entrepreneuriat) et les partenaires publics et privés participent également au suivi et à l’identification de solutions prometteuses aux problèmes.

4. Méthodologie

Pour étudier cette formation, nous avons mobilisé une approche s’appuyant sur les étapes de l’ingénierie de formation (concevoir, réaliser, évaluer, analyser) (Ardouin, 2023). Notre étude se situe au stade de l’évaluation et de l’analyse de cette formation. Notre posture est celle du formateur-chercheur (Garbarini, 2001) puisqu’un des auteurs est membre du bureau des projets et donc un des responsables de la formation.

Notre étude s’appuie sur une triangulation des données focalisée sur l’étude d’un cas (les projets innovations). Cette méthode mobilise la superposition et la combinaison de plusieurs données de recherche. Elle a pour but de renforcer les résultats d’une recherche centrée sur l’étude de cas (Eisenhardt, 1989). En termes d’approche de triangulation, nous mobilisons une approche idéographique, qui consiste à analyser plusieurs échelles selon différentes dimensions (Cox et Hassard, 2005). Cette approche permet de saisir au plus près le point de vue des participants de l’étude afin d’identifier des récurrences. Ainsi, l’approche par triangulation fait ressortir des tendances renforcées par la pluralité des échelles étudiées (Eisenhardt, 1989).

Pour construire cette triangulation, nous nous sommes concentrés sur trois aspects relatifs aux projets innovations : les étudiants, les enseignants et les responsables membres du bureau des projets.

Au niveau des étudiants, nous avons réalisé cinq entretiens semi-directifs mobilisant une approche compréhensive. Nous avons interrogés trois groupes de projet innovations (trois entretiens de mi-projet, deux entretiens de fin de projet [1] un codage manuel permettant d’identifier des thèmes récurrents.

À l’issue des trois années d’itération des projets innovations, les enseignants ont été interrogés par questionnaire. Cette étude par questionnaire s’inscrivait dans une volonté d’analyser les besoins des enseignants pour les projets innovations. Les questions concernaient leur rôle et leur implication dans les projets, l’organisation (temporalité, rythme, l’activité), les interactions avec les étudiants. En complément, deux questions ouvertes portaient sur les points forts et les points à améliorer pour les projets innovations. Ensuite, les réponses au questionnaire ont été analysées de manière descriptive pour identifier des tendances dans les réponses. L’analyse descriptive a été privilégiée parce que le pourcentage de réponse (45 %) n’est pas représentatif des enseignants de l’école. Ce qui ne permet pas de faire ressortir des corrélations significatives. En complément, les réponses aux questions concernant les points forts et les points d’améliorations ont été analysées individuellement selon un codage manuel, afin d’identifier des thèmes récurrents dans les discours.

Au niveau des membres du bureau des projets, nous nous sommes appuyés sur ses pratiques réflexives en concertation avec les autres responsables institutionnels de la formation. Selon Dewey, la pratique réflexive est une activité intellectuelle essentielle, permettant de contrer l’instinctivité et l’impulsivité (Fendler, 2003 ; Ruth-Sahd, 2003). Schön (1994) distingue trois catégories de réflexivité : la réflexion dans l’action, sur l’action et pour l’action. La première se produit spontanément pendant l’action, mobilisant la conscience et la pensée critique du professionnel pour ajuster ses actions en temps réel (Deum, 2004 ; Perrenoud, 2004 ; Ruth-Sahd, 2003 ; Schön, 1994). Pour la réflexion sur l’action, elle est postérieure à l’action, elle est intentionnelle et vise à décrire, comprendre, évaluer et expliquer les activités réalisées pour en tirer des apprentissages et mieux anticiper des situations similaires à l’avenir (Perrenoud, 2004). Enfin, la réflexion pour l’action détermine les orientations futures des actions en se basant sur les réflexions précédentes (Ruth-Sahd, 2003). Dans notre cas, la pratique réflexive a pris la forme d’un journal de bord mobilisant les trois dimensions précédemment citées. Le journal de bord a constitué un « support d’autoformation qui a une portée à la fois rétroactive et proactive » (Deum, 2004, p. 8) ainsi qu’un outil d’autoévaluation et de développement d’une pensée autonome. De plus, il a fonctionné comme un agent de liaison entre le processus de construction de la formation et le développement des acteurs impliqués (enseignants de l’école de design, enseignants membres des bureaux des projets d’autres écoles d’ingénieur), leur permettant d’exposer les dilemmes vécus (Day, 2002). Ainsi, ces écrits réflexifs permettent de se confronter à l’altérité et font émerger la dimension sociale de la réflexivité (Bibauw, 2010 ; Perrenoud, 2004). Ce qui permet d’aller au-delà de la dimension introspective de la réflexivité pour inclure des échanges avec autrui et des confrontations avec de nouvelles réalités. Au niveau des écrits réflexifs, nous avons collecté douze comptes-rendus, 50 pages de notes d’observations/commentaires, cinq supports de présentation aux étudiants sur les projets innovations, quatre supports de présentation pour divers publics (administrateurs, enseignants), enfin 41 pages de manuel « projet ». Tous ces documents ont été rédigés par une des responsables, et validés par le bureau des projets. Au niveau de l’analyse, nous avons réalisé un codage manuel des thèmes récurrents à l’intérieur des écrits réflexifs.

5. Résultats

5.1. Entretiens avec les étudiants

Les entretiens avec les étudiants ont mis en lumière des récurrences. Dans un premier temps, les étudiants soulignent les apports des enseignements en gestion de projet au niveau organisationnel. Dans les entretiens, nous constatons diverses formes d’apports : répartition des tâches entre les étudiants, organisation des échéances et des temporalités du projet, apports théoriques sur la gestion de projet. Ces verbatims illustrent ces formes d’organisations acquises : « chaque chaque semaine et dire, faire un point en début de semaine en disant « on a ça à faire, euh mardi matin on fait un point où chacun dit ce qu’il a fait et de, pose des questions aux autres pour savoir c’qu’il a fait [...]. Mais aussi, on s’réparti toujours le travail. C’est-à-dire que je fais ça mais en même temps je fais comme eux c’est-à-dire qu’on, qu’on sépare les les parties qu’on a à faire en cinq et on se réparti les tâches en cinq [...]. Mais après sur les quatre rôles qu’on appelle membres de l’équipe, eux ils font le choix, ils choisissent leur partie, ils font ce qu’ils veulent et ils avancent, chacun est autonome en fait et c’est juste on se fixe des deadlines pour pouvoir avancer correctement et avoir euh avoir oui le projet qui avance le plus rapidement possible » [un étudiant du groupe 1]. Ce verbatim montre une autre récurrence relative à la répartition des tâches entre les étudiants : « ça se base sur du volontariat ouais. Chaque fois que quelqu’un a des compétences ou est plus motivé pour une certaine tâche, c’est celui qui la réalisera ». L’organisation du travail repose sur le volontariat et la motivation des étudiants. Enfin, un étudiant souligne les apports théoriques des projets innovations en gestion de projet : « ça va m’apporter beaucoup en termes de de gestion ouais de gestion de projet, du coup je m’attends à bien sûr découvrir par exemple on nous a demandé d’écrire un cahier des charges, j’ai jamais fait ça de ma vie et c’est quelque chose, une compétence qui va me faire enfin va me faire monter en compétence et je ne l’aurais certainement pas vu en cours » [un étudiant du groupe 1]. Pour autant, les discours des étudiants sur les apports ne concernent pas le design ou encore l’innovation. Le design est seulement abordé par un groupe d’étudiants comme une tâche comme une autre à réaliser. Ce qui est paradoxal puisqu’il est demandé aux étudiants de mobiliser des outils de design thinking, comme des storyboard, des Empathy map et des maquettes. Ils ont le statut de livrables dans le cadre des projets innovations.

Ensuite, les entretiens montrent des singularités dans l’accompagnement des partenaires auprès des étudiants : « On avait juste des livrables à faire de temps en temps et ouais… Et le partenaire, apparemment ils ont pas un rôle très important. Nous ils ont pas beaucoup aidé et on a pas beaucoup été en contact avec eux » [un étudiant du groupe 1] ; « Et du coup, on a vu avec notre tutrice hier les gros problèmes qu’il y avait avec ces projets innovations, c’est qu’il y a pas assez de contact avec le milieu et elle nous dit que là on a vraiment une porte d’entrée » [un étudiant du groupe 3]. Le groupe 1 explicite un manque d’accompagnement du partenaire dans la construction du projet. Alors que le groupe 3 donne un avis positif du partenaire sur les projets innovations. Ils expliquent que le partenaire les a convaincue de l’opportunité qu’il donne aux étudiants pour les accompagner dans leur projets, ce qui n’est pas le cas pour tous les autres groupes. Ainsi, les entretiens montrent qu’il n’y a pas de ligne directrice claire pour les partenaires dans l’accompagnement pédagogique des étudiants. L’accompagnement va dépendre du niveau d’implication du partenaire.

Enfin, deux groupes sur trois font état d’un flou dans les attendus pédagogiques des projets : « Ben non moi juste revenir sur le le la clairvoyance dans c’qu’on nous demandait au début, c’était ben on était en prépa du coup on est habitué à un cadre, alors j’imagine que pour casser justement ce cette habitude que l’on avait. Mais nous lâcher comme ça, en plus on a pas de lien avec l’entreprise, du coup forcément nous on avait pas peur mais on avait une certaine pression » [un étudiant du groupe 1] ; « y a eu un manque de communication de la part de Centrale, mais je trouve que Centrale nous lâche peut-être un peu trop pour un premier projet » [un étudiant du groupe 3]. Les verbatims ne citent pas explicitement les enseignants-chercheurs, ils renvoient davantage à la structure organisationnelle ou la direction de l’école.

5.2. Questionnaires auprès des enseignants participants

Parmi les enseignants répondants, 57 % d’entre eux participent au projet innovation. Ces enseignants participant aux projets innovations sont en majorité des tuteurs disciplinaires (55 %) que des jurys d’évaluation (45 %). Pour la question des objectifs pédagogiques des projets, 32 % des répondants estiment que les objectifs pédagogiques des projets innovations ne sont pas clairs. Toujours selon ces mêmes répondants, nous constatons un clivage dans les réponses au sujet de la clarté du rôle du tuteur disciplinaire dans le cadre du projet. 25 % des répondants estiment que le rôle du tuteur disciplinaire est clair tandis que 20 % estiment qu’il ne l’est pas.

En complément, 30 % des répondants disent qu’ils ne sont pas sollicités par les étudiants durant le projet. Sur la question des disciplines mobilisés, 29 % des répondants estiment que les projets innovations ne sont pas un contexte de formation permettant de prolonger l’enseignement de la discipline liée aux sciences de l’ingénieur ou enseignées à l’école. Enfin, sur la future participation des répondants aux projets innovations pour l’année universitaire suivante, les réponses positives sont très faibles (5 %) alors que les réponses indécises (18 %) et négatives (20 %) sont davantage présentes dans les résultats.

Au sujet des questions ouvertes portées sur les points forts (20 répondants) et les suggestions d’améliorations (23 répondants), le design est abordé dans les deux questions mais de manière mineure : quatre références dans les points forts et trois références dans les points d’améliorations. Les points forts concernant le design soulignent l’implication des enseignants et des étudiants de l’école de design dans les projets innovations. Quant à la gestion de projet, elle est identifiée comme un point fort par la moitié des répondants (10), notamment sur son apport au niveau du travail de groupe. Le manque d’apport des disciplines scientifiques est aussi présent dans les suggestions d’améliorations (5) : « la partie scientifique n’est pas tellement impliquée dans le cadre de la formation » ; « le lien avec les disciplines, qui semble être une bonne idée au départ, est très difficile à mettre en oeuvre en pratique pour eux comme pour le tuteur disciplinaire ». Les suggestions d’améliorations concernent aussi les consignes des projets innovations (5) : « peut-être mieux expliquer le rôle des tuteurs disciplinaires et leur donner le calendrier des livrables des étudiants » ; « pour que le tuteur comprenne bien son rôle pour aider et guider les étudiants, je pense qu’une réunion serait bénéfique pour expliquer ce qu’on attend de nous notamment sur notre implication par rapport aux élèves ».

5.3. Écrits réflexifs des responsables de la formation

Les projets innovations ont connu de nombreuses évolutions en trois ans. La première concerne l’intégration de partenaires industriels. Cela a permis de traiter des problématiques ancrées dans la réalité du monde de l’ingénierie, apportées tant par des partenaires industriels et institutionnels. Ces partenaires ont été impliqués tout au long du projet : ils ont proposé des problématiques, accompagnés la phase d’idéation, évalués la faisabilité des idées proposées par les étudiants pour en sélectionner une prometteuse, et ont été consultés lors de la réalisation de l’idée jusqu’à l’évaluation du livrable final. Le service des relations entreprises de l’école Centrale a régulièrement communiqué avec les partenaires, ce qui était nécessaire pour sélectionner les partenaires qui amenaient des problématiques adaptées aux attentes pédagogiques et aux étudiants. A la fin des projets, un journée sous format poster a permis de communiquer à l’ensemble des acteurs impliqués dans les projets, ce qui a aussi permis d’inclure de potentiels futurs partenaires en leur exposant les projets innovations.

La deuxième évolution majeure concerne l’approche disciplinaire et la participation croissante des enseignants de l’école. Initialement, les tuteurs méthodologiques de la gestion de projet, les enseignants ont progressivement intégré les spécificités des disciplines enseignées en première année du cycle d’ingénieur. Devenus garants de leurs disciplines respectives, ils ont servi d’experts consultés par les étudiants face à des défis techniques ou scientifiques. Par exemple, lors de la dernière année, le thème de la précarité énergétique a servi de fil conducteur pour toutes les disciplines représentées par les enseignants participants. Les groupes d’étudiants, accompagnés par les enseignants, devaient traiter ce thème selon une approche disciplinaire (Mécanique, Physique, Économie/Gestion, Informatique, Chimie/Génie des procédés, Mathématiques, Ondes et Signal), tout en intégrant la gestion de projet et le design pour aboutir à une problématique à explorer. L’approche disciplinaire est à la fois intéressante et parfois « confusante » pour les étudiants qui se sentent contraints. Les idées proposées sont très souvent éloignées de la discipline choisie. Le bureau des projets s’assurait de privilégier la pertinence de l’idée proposée en ouvrant les réflexions tout en recentrant sur une discipline liée aux sciences de l’ingénieur ou enseignées à l’école. En complément, le tutorat variait selon les enseignants. Il a fallu expliquer les objectifs pédagogiques à l’ensemble des acteurs pour éviter les divergences d’objectifs ou d’attentes. Mais des défauts de communication et des problèmes de disponibilités des enseignants ont amené à un manque de compréhension uniforme des objectifs. De plus, des interrogations venant des enseignants ont été récoltées. Ils craignent que le lien avec la discipline ne se fasse pas, ou que la demande de faire ce lien n’est pas suffisamment mise en valeur (ou sanctionnée si la qualité du lien est discutable). Ils craignent également que le niveau de connaissance des étudiants ne soit pas adapté pour faire ces liens. Ils s’inquiètent de la perception des étudiants de la discipline (ex : faussement facile, ou qu’il suffit de faire que le lien existe sans le démontrer techniquement).

La troisième évolution majeure porte sur l’enrichissement des apports théoriques en gestion de projet et en design, avec notamment 18 heures dédiées à la gestion de projet, six heures à la recherche d’informations et 12 heures au design. De plus, des ressources consultables ont été rédigées et mises à disposition des étudiants et enseignants (MOOC, manuel de gestion de projet et de design) afin de réduire les inégalités entre les rendus des groupes d’étudiants. Les phases d’exploration ont donc été plus cadrées d’un point de vue méthodologique et la constitution de groupes d’étudiants ont été retardés pour faciliter une constitution par affinité entre étudiants et vis-à-vis d’une problématique. Une mise en lien du design et de la gestion de projet, ainsi que la cohérence entre les approches projets des différentes années (1A/2A/3A : projet innovation, projet thématique, projet d’expertise) via le référentiel de compétences ont également permis de mieux communiquer les attentes à court et long terme.

6. Discussion

6.1. Interdisciplinarité

Au sujet de l’interdisciplinarité, les différents résultats montrent des récurrences à plusieurs niveaux. Sur le plan organisationnel, les acteurs des projets innovations émettent un manque de clarté que ce soit sur les rôles attribués à chacun (enseignants, étudiants) ou encore sur les consignes (enseignants, étudiants). Ce qui a amené à des dysfonctionnements : l’implication variable des partenaires, des difficultés pour les enseignants à comprendre leur apports dans un projet, l’interprétation des consignes divergentes. Ces éléments ont été ajustés, notamment par le bureau des projets qui a expliqué les rôles des enseignants mais l’enquête par questionnaire montrent que le flou persiste. Un travail collaboratif continu entre les différents acteurs, et plus spécifiquement les enseignants, est la clé pour construire une formation interdisciplinaires efficiente (Van den Beemt et al, 2020).

Malgré l’augmentation des enseignants participants aux projets innovations identifiée par le bureau des projets, le questionnaire montre un manque d’investissement à venir des enseignants, qui peut être associé au contexte de formation dans lequel les enseignants se trouvent : « devoir réduire leurs heures de cours de spécialité pour participer de plus en plus à des activités transverses » [écrit réflexif]. Ou encore à un manque de reconnaissance de l’investissement dans le tutorat des étudiants.

Sur le plan pédagogique, les projets innovations sont propices à l’interdisciplinarité puisqu’ils s’appuient sur la résolution d’un problème (Klaassen, 2018) émis par les partenaires. Ainsi, les étudiants sont dans des contextes favorables pour apprendre à résoudre des problèmes contemporains, qui est un élément central dans la pratique du métier d’ingénieur (Huijben et al., 2022 ; Kähkönen et Hölttä-Otto, 2022 ; Lattuca et al., 2017 ; Richter et Paretti, 2009). Mais les entretiens avec les étudiants ne montrent pas toujours une articulation claire entre la gestion de projet et le design malgré les livrables, ce qui fait émerger une hétérogénéité dans les pratiques interdisciplinaires des étudiants.

En complément, les écrits réflexifs et le questionnaire montrent des tensions sur des questions disciplinaires. En effet, les enseignants émettent des limites sur la mobilisation de leur discipline dans le cadre du projet. De plus, leurs apports se concentrent souvent sur leur discipline de spécialité. Cette posture peut représenter un frein à l’interdisciplinarité, comme l’expliquent MacLeod et Van der Veen (2017). Cela empêche que les projets innovations soient fondamentalement interdisciplinaires au-delà de la gestion de projet et du design en intégrant des disciplines liées aux sciences de l’ingénieur ou enseignées à l’école (Mécanique, Physique, Économie/Gestion, Informatique, Chimie/Génie des procédés, Mathématiques, Ondes et Signal). Pour les étudiants, les entretiens ne font pas état du développement de compétences interdisciplinaires (au-delà des liens entre gestion de projet et design) comme ont pu le constater Lattuca et al. (2017).

6.2. Design

Au sujet du design en école d’ingénieurs, la littérature montre une contradiction sur le plan organisationnel : une réduction de sa place accordée dans la formation (Kuo et al., 2021) mais elle reste centrale dans l’ingénierie, notamment pour résoudre des problèmes (Atman et al., 2007 ; Dym et al., 2005). Les projets innovations reflètent ces éléments constatés dans la littérature, puisque dans ce contexte, le design s’inscrit parfaitement dans une logique de résolution de problèmes et de processus d’équipe (Dym et al., 2003) tout en étant un élément minoritaire dans la formation. Le design n’est pas présent tout au long de la formation. Il est enseigné en première année du cycle de formation ingénieur, dans le cadre des projets innovations, puis en troisième année pour les étudiants ayant choisi de se spécialiser. Cependant, les enseignements disciplinaires en design ont été développés dans les projets innovations au fur et à mesure des itérations de la démarche. Et les enseignants de l’école Centrale Méditerranée ont souligné l’implication des enseignants et des étudiants de l’école de design intervenant dans les projets innovations. Ce qui montre une réappropriation par les acteurs de cette formation qui s’inscrit dans une logique politique et managériale (Ardouin, 2023).

Au niveau pédagogique, nous constatons que les étudiants considèrent les outils de design thinking comme des livrables au-delà de considérer le design comme parti intégrante de cette formation (cela malgré des cours théoriques de préparation). Ils ont répondu ponctuellement à des attentes pédagogiques spécifiques, ce qui démontre l’acquisition de compétences applicatives dans un contexte de projet (Galand et al., 2012), mais sans assimiler les outils de design afin de les mobiliser dans d’autres contextes d’apprentissages. Deuxièmement, les éléments relatifs à la gestion de projet, tels que la structuration des étapes de cadrage/planification/exécution, les dynamiques de groupe et le management d’équipe (Dym et al., 2003), prennent le pas sur les éléments relatifs au design. Ainsi, il est difficile de parler de pratique interdisciplinaire intégrant pleinement le design chez tous les étudiants ingénieurs.

6.3. Gestion de projet/Pédagogie par projet

Sur le plan organisationnel, les résultats renvoient à plusieurs défis de la pédagogie par projet identifiés par Chen et al. (2021). Malgré les évolutions des projets innovations pour renforcer les liens entre les partenaires industriels et échanger sur les consignes avec les enseignants, le bureau des projets fait face à des difficultés récurrentes. Les projets innovations demandent un temps et des efforts considérables aux acteurs de la formation (enseignants, bureau des projets). En complément, il y a un manque de support venant de l’école Centrale Méditerranée pour pouvoir améliorer la formation au niveau humains et matériel en rapport avec les objectifs pédagogiques et à l’approche pédagogique mobilisée. Cependant, les réflexions internes au bureau des projets et les réajustements à chaque itération sont propices à la pédagogie par projet puisque cette approche pédagogique est pensée, structurée et efficiente sur le long terme (Raucent, 2001 ; Raucent et al., 2004). Au niveau des enseignants, les enseignants rencontrent des difficultés à se muer en facilitateur/tuteur pour accompagner les projets (Raucent, 2001 ; Chen et al., 2021), notamment sur la dimension interdisciplinaire intégrant à la fois le design, la gestion de projet et leur discipline. En complément, la dimension culturelle soulignée par Chen et al. (2021) n’est pas prise en compte dans le cadre des projets innovations. Sachant que l’école Centrale Méditerranée accueille des étudiants internationaux qui prennent part aux formations en gestion de projet.

Sur le plan pédagogique, les étudiants et les enseignants explicitent des apports venant des projets innovations sur le travail en groupe et la gestion de projet. Par ces deux apports, les projets innovations relèvent deux défis actuels de la pédagogie par projet puisque le manque de compétence en travail en groupe et en gestion de projet sont des éléments à améliorer dans la pédagogie par projet aujourd’hui (Chen et al., 2021). Cependant, les projets innovations font face à plusieurs défis à explorer et/ou à améliorer qui renvoient aux défis soulignés par Chen et al. (2021) sur la pédagogie par projet, tels que l’évaluation en lien avec les compétences et la valorisation de la dimension interdisciplinaire de cette formation dans les compétences, identifier la complexité et la difficulté du problème posé aux étudiants, la prise en compte et l’accompagnement interpersonnel de l’étudiant sur plusieurs dimensions (l’anxiété, le sentiment d’inconfort), la prise en compte et la valorisation de compétence variées dans le cadre des projets (motivation, réflexion, traduction d’un savoir en solution pratique au problème). Enfin, malgré la singularité des projets au niveau de l’accompagnement par les partenaires et/ou des enseignants et des consignes flous pour certains groupes, les étudiants utilisent des outils de gestion de projet.

6.4. Quelles limites et quelles prescriptions pour les projets innovations ?

La triangulation des données fait ressortir des tendances au niveau des résultats : des difficultés organisationnels qui impactent le travail des acteurs de la formation, notamment pour pratiquer l’interdisciplinarité liées aux sciences de l’ingénieur et aux disciplines enseignées à l’école ; une interdisciplinarité qui n’est pas clairement articulé entre la gestion de projet et le design, elle est n’est pas identifié dans les résultats que ce soit au niveau des pratiques des étudiants ou encore chez les enseignants ; enfin, les consignes et les objectifs sont flous pour les enseignants et les étudiants. Ces difficultés sont principalement liées à des limites organisationnelles.

Face à ces limites, nous avançons plusieurs prescriptions afin d’améliorer les projets innovations. Sur le plan organisationnel, une coordination collective ainsi qu’une clarification des rôles, des tâches et des attentes pour les partenaires et les enseignants s’avèrent nécessaires et constituent encore un axe d’amélioration. En effet, l’organisation et l’uniformisation collective de la pédagogie par projet est essentielle pour permettre un fonctionnement efficace de la formation, afin qu’elle ait des effets positifs sur les apprentissages des étudiants.

Sur le plan pédagogique, la formation et la valorisation du travail des enseignants semblent fondamentales. En particulier, le travail de tutorat et d’assimilation des attentes des projets sur les pratiques interdisciplinaires en gestion de projet et en design. Pour cela, la formation des enseignants est essentielle, spécifiquement sur les enjeux contemporains du projet (Boutinet, 2012) et à la discipline du design afin de favoriser une circulation des savoirs entre les disciplines (Tortochot et Didier, 2023). En complément, il faudrait former les enseignants à la posture de tuteur dans un contexte de pédagogie par projet (O’Shea et al., 2015 ; Verzat et al., 2015). Enfin, une formation à la pédagogie par projet pour l’ensemble des membres du bureau des projets serait bénéfique pour comprendre les différents enjeux de cette approche pédagogique, pour ensuite améliorer la formation sur le long terme.

7. Conclusion

Cet article repose sur une formation (les projets innovations) mobilisant la gestion de projet et le design, afin de penser/repenser les pratiques interdisciplinaires des ingénieurs. Cette formation a été étudiée via une triangulation des données, se focalisant sur une pluralité d’acteurs : les étudiants, les enseignants et un enseignant membre du bureau des projets. Les résultats et la discussion montrent que les modalités de formation articulant la pédagogie par projet, la gestion de projet et le design sont pertinentes sur le plan de l’interdisciplinarité ; mais elles contiennent des apports et des limites sur le plan organisationnel et pédagogique. Nous en concluons que plusieurs éléments sont à améliorer pour cette formation, notamment au niveau de l’engagement des acteurs de la formation (les enseignants, la direction) et sur les apprentissages interdisciplinaires des étudiants.

Cette étude n’est pas exempte de limites que l’on retrouve à plusieurs niveaux : un manque de représentativité pour l’étude par questionnaire auprès des enseignants, la collecte d’une pluralité de point de vue des membres du bureau des projets, un suivi davantage longitudinal des groupes de projet qui ne permettent d’identifier les impacts de cette formation chez les étudiants. Le point de vue des partenaires aurait pu être collecté afin d’apporter le regard d’un autre acteur sur les projets innovations.

Malgré cela, il convient de présenter des pistes de recherches futures. Nous pourrons confirmer les résultats de recherche constatés sur d’autres groupes en adoptant une méthodologie prenant en compte une ou plusieurs promotions complètes et en étudiant les acquis sur l’ensemble du parcours de formation des ingénieurs. Une nouvelle étude pourrait se concentrer sur le bureau des projets et ses membres afin de comprendre ses pratiques organisationnelles et pédagogiques afin d’organiser les projets innovations. La formation pourrait également être complétée par d’autres approches pédagogiques autre que la pédagogie par projet développant les pratiques interdisciplinaires des étudiants en ingénierie, tout en prenant en compte les enjeux sociaux actuels des crises contemporaines.

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    Auteurs
    Emilien Jacob

Maître de conférences à l’Université de Caen-Normandie, France, rattaché que Centre Interdisciplinaire de Recherche Normand en Education et Formation (CIRNEF), emilien.jacob@unicaen.fr
Florian Magnani

Maître de Conférences à IAE Lyon School of Management, Université Jean Moulin Lyon 3, France, rattaché au laboratoire de recherche Magellan, florian.magnani@univ-lyon3.fr

Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1Un des groupes n’a pas répondu à nos sollicitations pour réaliser l’entretien.) durant la première année de la mise en place des projets. Les entretiens durent entre 30 et 60 minutes et se concentrent sur les formes d’organisations, les outils mobilisés et les apprentissages des étudiants. Pour l’analyse des données, nous avons mobilisé

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