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Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves

19 février 2016 par Michel Briand Retours d’expériences 30360 visites 0 commentaire

Pour que les élèves cherchent à s’améliorer, il faut bien sûr que la motivation soit au rendez-vous. De manière à susciter cette motivation chez les élèves, voici une proposition qui a déjà fait l’objet d’une expérimentation à l’enseignement supérieur.

En amont de la venue de Rolland Viau pour une journée de travail sur la motivation des étudiants, le 19 avril, voici avec l’autorisation de l’auteur une reprise de son articlepublié dans la revue Correspondance, (volume 5 n°3, février 2000)

Rolland Viau
Département de pédagogie, Université de Sherbrooke

L’analyse des récentes recherches sur la motivation à apprendre en contexte scolaire, nous fait voir que les quatre facteurs qui influent le plus sur la dynamique motivationnelle des élèves en classe sont les activités d’apprentissage que l’enseignant propose, l’évaluation qu’il impose, les récompenses et les sanctions qu’il utilise, et lui-même, de par surtout sa passion pour sa matière et le respect qu’il porte à ses élèves.

Nos travaux sur la motivation dans l’apprentissage du français nous ont amené à porter une attention particulière à l’un de ces facteurs : les activités d’apprentissage proposées aux élèves en classe. Dans les activités d’apprentissage, l’élève est l’acteur principal ; son rôle n’est pas de recevoir de l’information comme dans une activité d’enseignement (par exemple, un exposé) mais de se servir de la matière apprise pour résoudre des problèmes, ou encore, de réaliser les exercices proposés par l’enseignant. Les activités d’apprentissage comprennent des exercices que l’élève réalise seul ou en équipe, des lectures, des rédactions de textes, des projets de recherche, des discussions et des présentations en classe, etc. Nous nous sommes demandé si les chercheurs avaient mené des études sur les conditions que devraient remplir les activités d’apprentissage pour susciter la motivation des élèves. Des travaux des principaux chercheurs sur la motivation (Stipek, 1998 ; Paris et Turner, 1994 ; McCombs et Pope, 1994 ; Brophy, 1998), nous avons pu dégager dix conditions.

Dans un premier temps, nous décrirons brièvement chacune de ces conditions. Par la suite, pour les professeurs qui aimeraient demander à leurs élèves si les activités en classe suscitent leur motivation, nous proposons un questionnaire prêt à utiliser. Mais débutons par les conditions !

Dix conditions pour motiver

Pour qu’une activité d’apprentissage suscite la motivation des élèves, elle doit respecter les conditions énumérées ci-après.

Être signifiante, aux yeux de l’élève

Une activité est signifiante pour un élève dans la mesure où elle correspond à ses champs d’intérêt, s’harmonise avec ses projets personnels et répond à ses préoccupations. Cette condition favorise particulièrement la perception qu’a l’élève de la valeur qu’il accorde à l’activité. Ainsi, plus une activité est signifiante, plus l’élève la juge intéressante et utile. Tenir compte des thèmes appréciés par les élèves dans le choix des contenus d’activités, prendre le temps de justifier l’utilité de l’activité pour le cours et pour l’ensemble du programme de formation de l’élève sont des façons pour un professeur de donner du sens à une activité.

Être diversifiée et s’intégrer aux autres activités

La diversité doit d’abord se retrouver dans le nombre de tâches à accomplir à l’intérieur d’une même activité. Lorsque l’activité ne nécessite l’exécution que d’une seule tâche (par exemple, l’application répétitive d’une procédure d’analyse de texte), elle est généralement peu motivante aux yeux des élèves.

Les activités retenues doivent également être variées. La répétition d’une même activité jour après jour (par exemple, la lecture et la discussion d’un texte) peut être une source de démobilisation pour l’élève en raison de son caractère routinier. Cette condition touche particulièrement la perception que l’élève a du contrôle qu’il exerce sur ses apprentissages. Si l’élève est invité à accomplir différentes activités et si, par surcroît, il a la possibilité de choisir celles qui lui conviennent le mieux, il aura le sentiment d’exercer un certain contrôle sur ce qui se déroule en classe.

Enfin, une activité doit être intégrée à d’autres activités, c’est-à-dire qu’elle doit s’inscrire dans une séquence logique. Pour que l’élève perçoive la valeur d’une activité, il faut qu’il puisse facilement constater que cette dernière est directement reliée à celle qu’il vient d’accomplir et à celle qui suivra. Il sera plus facile de proposer des activités intégrées aux élèves si elles se situent dans un projet ou une démarche pédagogique.

Représenter un défi pour l’élève

Une activité constitue un défi pour l’élève dans la mesure où elle n’est ni trop facile ni trop difficile. Ainsi, un élève se désintéresse rapidement d’un succès qui ne lui a coûté aucun effort ou d’un échec dû à son incapacité à réussir une activité. Les jeux vidéo, dont les jeunes sont si friands, sont de bons exemples d’activités offrant des défis à relever. Les jeunes, qui y trouvent des tâches à leur mesure, ont le sentiment qu’ils triompheront s’ils se montrent persévérants. Il devrait en être ainsi dans les cours de français. Cette condition influe sur la perception que l’élève a de sa compétence, car, s’il réussit à relever le défi, il aura tendance à attribuer son succès non pas au peu de complexité de l’activité, mais à ses propres capacités et à ses efforts.

Être authentique

Une activité d’apprentissage doit, dans la mesure du possible, mener à une réalisation, c’est-à-dire à un produit qui ressemble à ceux que l’on trouve dans la vie courante. Il peut s’agir, par exemple, d’une affiche, d’un article de journal, d’une interview, d’un document audiovisuel, d’un texte électronique dans un site Internet, d’une pièce de théâtre, d’un dossier de presse ou d’une critique de production culturelle. Un poème lyrique, un organisateur graphique ou une chanson peuvent également constituer des réalisations susceptibles de motiver l’élève. En fait, il est important d’éviter le plus possible que l’élève ait le sentiment de devoir accomplir un travail qui ne présente de l’intérêt que pour son professeur et qui n’est utile qu’à des fins d’évaluation. La réalisation d’un produit améliore la perception que l’élève a de la valeur qu’il porte à ce qu’il fait.

Exiger un engagement cognitif de l’élève

Un élève est motivé à accomplir une activité si celle-ci exige de sa part un engagement cognitif. C’est ce qui se passe lorsqu’il utilise des stratégies d’apprentissage qui l’aident à comprendre, à faire des liens avec des notions déjà apprises, à réorganiser à sa façon l’information présentée, à formuler des propositions, etc. Si, par exemple, les exercices demandés à l’élève consistent seulement à appliquer de façon mécanique une procédure grammaticale, ils seront davantage pour celui-ci une source d’ennui qu’une incitation à s’engager sur le plan cognitif. Cette condition touche la perception que l’élève a de sa compétence, car elle lui demande d’investir toutes ses capacités dans la réussite d’une activité. Il faut évidemment que l’engagement cognitif exigé corresponde à ce que l’élève est en mesure d’offrir pour assurer la réussite de l’activité en question.

Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix

Plusieurs aspects d’une activité tels que le thème de travail, le choix des oeuvres à lire (parmi une liste de titres sélectionnés), le matériel, la désignation des membres de l’équipe, la durée du travail, le mode de présentation du travail ou le calendrier peuvent être laissés à la discrétion de l’élève. Il revient toutefois à l’enseignant de décider des éléments de l’enseignement et de l’apprentissage qui demeureront sous sa responsabilité et de ceux dont il pourra déléguer la responsabilité à l’élève. La possibilité de faire des choix favorise la perception que l’élève a de sa capacité à contrôler ses apprentissages. Une activité risque de devenir démotivante si elle exige de tous les élèves qu’ils accomplissent les mêmes tâches, au même moment et de la même façon.

Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres

Une activité d’apprentissage doit se dérouler dans une atmosphère de collaboration et amener les élèves à travailler ensemble pour atteindre un but commun. L’apprentissage coopératif est fondé sur le principe de la collaboration et suscite généralement la motivation de la majorité des élèves, car il favorise la perception qu’ils ont de leur compétence et de leur capacité à contrôler leurs apprentissages. Des activités axées sur la compétition plutôt que sur la collaboration ne peuvent motiver que les plus forts, c’est-à-dire ceux qui ont des chances de gagner.

Avoir un caractère interdisciplinaire

Pour amener l’élève à voir la nécessité de maîtriser le français, il est souhaitable que les activités d’apprentissage qui se déroulent dans le cadre des cours de français soient liées à d’autres domaines d’études, comme la philosophie, l’histoire et même les mathématiques. À l’inverse, les activités d’apprentissage qui se déroulent dans le cadre des autres cours devraient prendre le français en considération. L’intégration du français à d’autres disciplines aide l’élève à se rendre compte que de bonnes connaissances langagières ne sont pas seulement utiles à ceux qui font des études littéraires mais qu’elles sont profitables à tous ceux qui doivent communiquer avec un public.

Comporter des consignes claires

L’élève doit savoir ce que l’enseignant attend de lui. Ainsi, il ne perdra pas de temps à chercher à comprendre ce qu’il doit faire. Des consignes claires contribuent à réduire l’anxiété et le doute que certains élèves éprouvent quant à leur capacité à accomplir ce qu’on leur demande. En ce sens, il serait sage de toujours vérifier leur compréhension des consignes, car celles-ci risquent fort d’être moins claires pour les élèves que pour la personne qui les a énoncées, généralement très familière avec le sujet.

Se dérouler sur une période de temps suffisante

La durée prévue pour une activité effectuée en classe devrait correspondre au temps réel qu’une tâche équivalente requiert dans la vie courante. L’enseignant doit éviter à tout prix que l’élève ait l’impression qu’on « lui arrache sa copie des mains », à la fin d’une activité, parce que le temps est écoulé. Le fait d’accorder à l’élève le temps dont il a besoin l’aide à porter un jugement positif sur sa capacité de faire ce qui est exigé de lui. Le pousser à agir rapidement ne peut que l’amener à éprouver de l’insatisfaction et à hésiter à s’investir dans une autre activité, de peur de ne pas la terminer à temps.

L’enseignant peut souhaiter que toutes les activités d’apprentissage qu’il propose à ses élèves remplissent ces dix conditions. Il serait toutefois plus réaliste qu’il se fixe cet objectif pour des projets ou des démarches pédagogiques complètes intégrant une séquence de plusieurs activités.

Un questionnaire pour évaluer

Afin de connaître l’opinion des élèves sur la qualité « motivationnelle » des activités d’apprentissage qu’on leur propose, nous avons élaboré un questionnaire fondé sur les dix conditions qui viennent d’être présentées. Pour chaque question, nous avons mis entre parenthèses et en italique la condition à laquelle elle renvoie. On verra à éliminer ces ajouts dans le questionnaire destiné aux élèves.

On remarquera que le questionnaire se rapporte à l’ensemble des activités d’apprentissage proposées par un professeur dans un cours. Toutefois, en modifiant légèrement la formulation de la consigne de départ et certaines questions, ce questionnaire peut servir à évaluer si une activité d’apprentissage ou un projet en particulier remplit les conditions motivationnelles.

Pour l’analyse des résultats, nous suggérons, pour chaque question, de calculer le nombre d’élèves qui a coché l’un ou l’autre des quatre choix. Ainsi, on pourra, dans un premier temps, voir où se situe la majorité des élèves et, par la suite, examiner le nombre de ceux qui se trouvent aux extrémités de l’échelle. Si à une question, plus de 70 p.100 des élèves ont coché les expressions Toujours ou Souvent, on pourra considérer que les activités d’apprentissage remplissent la condition en cause. Si, par contre, un pourcentage d’environ 30 p.100 ou plus d’élèves ont coché les expressions Rarement et Jamais, il faudrait à notre avis que le professeur voie comment il peut améliorer ces activités à l’égard de la condition à laquelle se rapportait la question.

Le choix que nous avons fait dans cet article de porter une attention particulière aux activités d’apprentissage ne doit pas faire oublier qu’il existe d’autres facteurs liés à la classe qui influent sur la dynamique motivationnelle de l’élève. Mais si nous avons choisi de traiter des activités d’apprentissage, c’est parce qu’elles forment la substance même des cours ; s’il n’y a pas d’activités, il n’y a pas de cours.

Références bibliographiques

BROPHY, J. Motivating students to learn, New York, McGraw Hill, 1998.

McCOMBS, B. L. et J. E. POPE. Motivating hard to reach student, Washington, D.C., American Psychological Association, 1994.

PARIS, S. G. et J. C. TURNER. « Situated motivation », dans P. R. Pintrich, D. R. Brown et C. E. Weinstein (dir.), Student motivation, cognition, and learning, Hillsdale, N. J., Lawrence Erlbaum, 1994, p. 213-237.

STIPEK, D. Motivation to learn : From theory to practice, Boston, Allyn and Bacon, 1998.

VIAU, R. La motivation en contexte scolaire, St-Laurent, Éditions du Renouveau pédagogique, 1994.

VIAU, R. La motivation dans l’apprentissage du français, St-Laurent, Éditions du Renouveau pédagogique, 1999.

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