En tant que doctorante en génétique humaine, je vis dans une vraie bulle de sciences, pleine d’échanges stimulants. Au fil des jours, j’expérimente, je présente mes résultats à ma directrice de thèse, je partage mes observations avec mes collègues, j’échange avec des membres de laboratoires voisins, je soumets mes travaux à la critique de pairs d’autres laboratoires, etc. Cette vie est passionnante mais elle comporte un risque, celui de rester en vase clos. Et je ne veux pas le courir !
Convaincue que la diversité est nécessaire à l’innovation et que les scientifiques ont un devoir de formation à la recherche, et par la recherche, j’anime chaque semaine des ateliers périscolaires auprès d’une vingtaine d’élèves de CP et de CE1.
Cette rencontre est possible grâce au programme « Les Savanturiers », dirigé par le Centre de Recherche Interdisciplinaire (CRI). L’objectif est de faire découvrir les sciences aux enfants de façon ludique et pédagogique afin qu’ils développent leur regard critique vis-à-vis de la démarche expérimentale.
Esprit d’équipe
Chaque vendredi, je délaisse ma paillasse et mes éprouvettes pour rejoindre dans le 18e arrondissement de Paris ces apprentis chercheurs. Lors de ma première intervention, nous avons d’emblée instauré l’idée d’une équipe qui travaille pour apprendre quelque chose. Les élèves ont voté pour un nom de laboratoire et se sont fabriqué un badge, avec l’un des seuls mots qu’il sachent écrire en septembre : leur nom.
Une fois le « Laboratoire Championnet » mis en place dans la salle de classe, un léger obstacle s’est opposé à mes protocoles expérimentaux. En effet, à six ans et demi, lire relève encore du défi olympique. C’est pourquoi mes explications d’expériences se font uniquement par démonstrations.
À la fin du trimestre, ces élèves de CP/CE1 savaient tous utiliser une pipette, un vortex, une minicentrifugeuse de paillasse et une seringue (sans l’aiguille tout de même). Certes, ces compétences peuvent paraître un peu superflues dans un CV d’écolier. C’est alors que la démarche expérimentale entre en scène. Très vite j’ai été surprise de l’intuition et de la curiosité du groupe.
Par exemple, lors d’une séance, nous avons observé au microscope un échantillon de leur muqueuse buccale, obtenu par grattage d’intérieur de leur joue avec une touillette à café. Certains ne voient pas trop l’intérêt de l’expérience, préférant de loin celle de la semaine précédente, démontrant que leur soda favori est plus acide que du jus de citron… mais d’autres viennent me voir, interloqués : « Si on prend une grosse loupe et qu’on me regarde je ne suis que des petits ronds ? ! »
Sens critique
Ils n’ont que six ans et demi, mais ces enfants ont déjà l’intuition de leur constitution cellulaire, sans même savoir ce qu’est une cellule ni même comment cela fonctionne. Par contre, je ne manque pas de leur préciser que lorsqu’on est malade, ce sont ces « petits ronds » qui ne vont pas bien, qui ne peuvent plus échanger entre eux, ni bouger ou travailler correctement. Et d’illustrer ces informations à travers un jeu de rôle.
Autre exemple, lors de l’expérience de détection de l’amidon dans les aliments, où la forte tête de la classe me fait remarquer avec le plus grand sérieux que je ne pouvais pas être sûre de mes conclusions : comment puis-je être sûre de révéler l’amidon et pas autre chose ? Le doute s’installe et se manifeste bruyamment dans la classe. J’avais commis l’erreur inexcusable de ne pas présenter un contrôle négatif de l’expérience. Bien embarrassée, je me suis empressée de corriger, pour la plus grande satisfaction des élèves.
Le mentor en herbe que je suis s’est émerveillée de cet esprit critique. Sans avoir la prétention de m’en croire à l’origine, j’aime à penser et espère sincèrement les avoir un tant soit peu aidés à le cultiver au fil de ces rencontres. Que ce soit à 6 ans où à 27 ans, ça me paraît être une compétence essentielle.
À la fin du trimestre, il ne sauront pas ce qu’est une cellule, ni l’ADN, ni les maladies auto-immunes et autres cycles de Kreps… mais ils sauront peut-être mieux analyser ce que l’on pourra leur raconter sur leurs cellules ou tout autre sujet.
Elodie Dandelot travaille pour Les Savanturiers (CRI).
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