Un article d’Elsa Poupardin et Mélodie Faury repris de la Revue Française des Sciences de l’information et de la communication, un site sous licenece CC by sa nc
Les carnets de recherche de doctorant.e.s et de chercheur.e.s peuvent être considérés comme des environnements numériques (Paveau, 2017), une communication directe ou faisant au contraire l’objet d’une médiation (Mayeur, 2017) basée sur la désintermédiation (Dacos & Mounier, 2010), accompagnant la recherche en-train-de-se-faire (Blanchard, 2009, 2011, 2017), un lieu habité et d’écriture libérée (Deseilligny, 2013), un séminaire permanent (Gunthert, 2010), un lieu de conversation silencieuse ou non - nouvelle forme de l’ancienne disputatio (Dacos & Mounier, 2010), un « lien manquant » ou angle mort de la recherche en sciences humaines et sociales (Dacos, 2013). Les carnets brouillent les frontières traditionnelles de la publication dans la mesure où ils hébergent « tout un peuple de documents » (Dacos & Mounier, 2010) des formes d’écritures fragmentées, appelées aussi « micro-publications » (Gunthert, 2013), auto-publiées, et qui préparent, s’articulent et/ou co-habitent avec les publications plus « traditionnelles ». Les carnets de recherche reconfigurent à la fois les pratiques de publication et les relations science-société (Dacos & Mounier, 2010 ; Mayeur, 2017b). En tant que blogs, les carnets sont aussi le lieu du déploiement de l’écriture numérique (Paveau, 2017), d’un nouveau genre d’écritures (Couleau, Hellégouarc’h, & Escolin-Contensou, 2010), de discours (travaux d’Ingrid Mayeur, thèse en cours) dans des environnements numériques contraignants et déterminants, notamment quant à la forme littéraire que prennent ces écrits (Candel, 2010 ; Couleau, 2010 ; Deseilligny, 2010).
Le carnet de recherche se situe à un carrefour de perspectives, de représentations, de contextes et de discours (Jeanneret, 2008 ; Le Marec, 2002). Les travaux cités précédemment sont traversés, plus ou moins explicitement, par des questions épistémologiques et marquent un intérêt renouvelé sur la manière dont se construit, s’élabore et se communique le savoir dans des formes d’écritures, des genres et des styles (Achard, 1994 ; Macé, 2016).
Reste la question de savoir comment la pratique du carnet de recherche, quand elle existe, participe à la pratique professionnelle de la recherche, et non pas seulement à la communication sur la recherche, ou à distance de la recherche. Dans nos travaux, nous explorons en effet des discours sur des pratiques de recherche qui intègrent la pratique de blogging scientifique au fil de l’activité de recherche, à l’instar de la publication formelle, de l’envoi de messages électroniques, de l’intervention lors d’un colloque, de discussions informelles à la pause-café, etc. (Faury, 2012) et non en dehors, à la marge ou à côté, ou comme “produit” de la recherche. Nous explorons la manière dont les carnets de recherche sont liés, ou non, à d’autres pratiques de communication au cœur de la recherche.
Notre méthodologie vise à rendre intelligible :
- un rapport à la pratique du carnet de recherche, qui correspond à la manière dont les carnetier.e.s situent leur blog dans leur activité de recherche. À la manière dont elles et ils le relient avec d’autres pratiques de communications de leur activité de recherche. Ce rapport se décline de différentes façons dans les discours sur la pratique de recherche : où se situe la pratique de blogging scientifique dans le cycle de la recherche ? Où s’inscrit-elle ? Quels rôles remplit-elle pour les carnetier.e.s et avec quels enjeux ? À quoi contribue-t-elle, en tant qu’intermédiaire, et à quoi est-elle reliée ? Dans quelle mesure est-elle marginale ou centrale par rapport à une représentation de la recherche centrée sur la production de résultat et la publication d’articles scientifiques ?
- des formes d’inscription du blogging scientifique dans l’activité de recherche. Ce qui présuppose d’interroger quelles peuvent être les traces possibles de cette inscription, à partir de la situation des carnets dans l’activité de recherche.
Ainsi, nous souhaitons élaborer une représentation du carnet de carnet qui n’est pas juste une description de données, que l’on “voit de l’extérieur” en tant que chercheuses, mais qui parle aussi de la manière dont le “carnet” est investi par celles et ceux qui y consacrent du temps.
Nous développons ainsi une recherche qui s’intéresse à l’activité du blogging (une forme de communication comme objet de recherche), selon une méthode composite (Le Marec, 2002) attentive aux objets (traces de cette pratique de communication), aux discours (sens, normes, valeurs, représentations,...) et aux contextes (le carnet comme situation de communication). D’un point de vue épistémologique, nous nous appuyons sur l’idée selon laquelle “les pratiques de communication sont à la fois le dedans et le dehors de la pratique scientifique”. Ainsi que sur différents niveaux de réflexivité : la réflexivité ordinaire des sujets (les carnetières et les carnetiers ; (Jeanneret, 2010) qui prennent la parole en entretien, et la réflexivité méthodologique de chercheuses travaillant sur la recherche (Marec & Faury, 2013).
Dire sa pratique : une diversité de logiques inscrivant le carnet dans l’activité de recherche
Nous travaillons sur une base de “carnets de chercheur" et les “carnets de thèse” francophones de la plateforme Hypotheses.org (de sa création à décembre 2016). Ces carnets individuels se distinguent des autres par le fait qu’ils peuvent adopter une énonciation propre au blog plutôt qu’au site web institutionnel (auxquels se rattachent plutôt les « carnets de laboratoire » ou de « projets de recherche ») : l’auteur.e du carnet habite sa propre « maison numérique » (Dacos & Mounier, 2010) et s’autorise parfois à une énonciation à la première personne (Gunthert, 2010).
Sur la liste des courriers électroniques des carnetier.e.s, nous avons diffusé deux questionnaires exploratoires, courant mars 2018. L’objectif était d’établir un premier contact en vue d’entretiens plus ouverts et d’avoir un premier retour sur la manière dont les « carnetier.e.s » situent leurs écrits dans l’écosystème de la recherche. Pour commencer, nous avons décidé d’explorer plus particulièrement dans ce corpus les liens entre écriture de billets de blog, citations, et publications validées par les pairs. Il n’était pas question d’obtenir une image représentative des pratiques, mais plutôt des témoignages d’expériences situés. Des entretiens téléphoniques individuels menés en juillet 2018 nous ont permis d’approfondir et d’obtenir une première représentation (qui ne prétend évidemment à aucune exhaustivité) de la vie des billets Hypothèses.org dans le cycle de l’activité de recherche (dans lequel se situe notamment la publication). Ceci, combiné à l’examen d’un corpus de blog de « carnet de chercheur.e » et de « carnet de thèse », nous permet d’établir une première typologie des logiques [1] développées par leurs auteur.e.s.
Le questionnaire se composait de deux parties pour interroger les auteur.e.s sur le rapport que leurs billets entretiennent avec leurs publications académiques (supposant initialement l’existence d’un rapport assez direct). La première partie approchait la partie publication (« Le billet de carnet se trouve-t-il en amont ou en aval de vos autres publications ? (Ou les deux) » et l’open access. (« Vos publications, hors carnet, sont-elles en accès ouvert ? Si oui, sur quelles plateformes ? [2] »). La seconde partie était plus centrée sur les citations (« Est ce que vous envisagez de citer des billets de carnets de recherche dans : votre thèse/votre HDR ; – et/ou dans vos publications ? [3] ou à l’inverse « citez-vous vos articles, ouvrages, thèses dans vos billets ? Et pourquoi ? »).
Nous avons obtenu 23 réponses au questionnaire exploratoire concernant les citations, et 15 pour la partie publications (parfois les mêmes répondant.e.s) ; parmi les 10 premiers entretiens menés, les domaines suivants sont représentés, par 4 femmes et 6 hommes : 3 historien.ne.s, 3 sociologues, 2 anthropologues, un musicologue et un chercheur en sciences de l’information et de la communication. Leurs statuts sont les suivants : 3 doctorant.e.s dont un enseignant dans le secondaire, 2 chargés de recherche, un post-doctorant, une ingénieure de recherche, une professeure agrégée, un chercheur sénior, et une chercheuse indépendante.
Des pratiques de communication situées à différents moments du processus de recherche
Pour les entretiens, nous avons fait l’hypothèse de départ que dans le « carnet de chercheur » ou le « carnet de thèse », l’unité « billet de blog » peut se situer à différentes étapes du cycle de la recherche, intégrant notamment (mais pas seulement) le processus de publication [4]. Nos dix entretiens exploratoires nous permettent d’ores et déjà de construire une représentation intégrant cette diversité de situations [5]. Chaque auteur de carnet obéit à une ou plusieurs logiques : ce sont des manières situées et personnelles de se projeter dans l’espace carnet. Par logique [6], nous entendons la manière dont les enquêtés investissent leur carnet de recherche, au sein de leur activité professionnelle et par rapport à d’autres pratiques de communication [7]. Il est important de souligner dès lors que le lien d’un billet avec la démarche de publication « classique » est parfois indirect, faible, voire inexistant, selon la logique investie.
Figure 1. Places occupées par les billets dans le cycle de la recherche à partir des entretiens
L’image du cycle est utilisée pour des fins de modélisation, mais le processus de recherche peut-être plus arborescent que cyclique : toutes les activités mises en œuvre en recherche n’aboutissent pas à des publications. Ce schéma est construit à partir des entretiens exploratoires menés.
Schéma inspiré du cycle en 7 étapes : https://101innovations.wordpress.com/2016/12/15/academic-social-networks-the-swiss-army-knives-of-scholarly-communication/
La logique de partage, orientant l’activité de carnetier vers le partage avec des lecteurs (pairs ou non) peut être située à chaque étape de la recherche. Elle prolonge en fait par le blogging une logique de conversation scientifique qui existe déjà dans toutes les pratiques de communication structurant les pratiques de recherche : interpersonnelles et collectives, orales ou écrites, confidentielles ou publiques.
Figure 2. Quand partage-t-on la recherche ?
Occasions et formes de partage à différents niveaux de la recherche, reliant les billets de blogs à d’autres pratiques de communication. Cette situation indicative des billets de blogs s’appuie sur l’expérience de carnetière et de lectrice de carnet de l’une des deux auteures, et demandera à être précisée par l’analyse du terrain.
Cette logique de partage chez les auteur.e.s de carnets est perceptible dès les premières questions de l’entretien quand elles et ils cherchent à expliciter les raisons de la création de leur blog, ou tout simplement à préciser ce qui déclenche leur envie d’écrire un billet sur un sujet en particulier, la forme qu’ils vont lui donner, etc. Cette logique individuelle peut s’inscrire dans les discours militants ou institutionnels de l’open science ou « science ouverte ». Elle peut survenir également quand elles et ils s’interrogent sur les risques et le droit qu’ils ont de « poster » sur un sujet sur lequel ils ne sont pas assez « matures », sur une pensée « pas assez » finalisée, justifiant par le partage et la recherche de conversations scientifiques la publication d’une recherche en cours ou science en train-de-se-faire (Blanchard, 2008). La logique de partage peut recouvrir toutes les étapes du “cycle” de la recherche. Dès lors, elle ne nous paraît pas suffisamment signifiante en terme de situation et d’inscription du carnet dans l’activité de recherche et nous avons cherché à la préciser.
Des carnets investis selon différentes logiques qui parlent d’un rapport à la pratique de recherche
Les réponses au questionnaire et les entretiens associés nous amènent à considérer que les logiques à l’œuvre soutenant l’investissement dans un carnet ne peuvent être réduites à ces deux seules dimensions de « partage » ou de « publication » même si elles apparaissent parfois nettement au cours de l’entretien d’explicitation [8], qui permet un retour réflexif sur la pratique du carnet.
Par l’analyse, nous recensons pas moins de 9 différentes logiques pour rendre compte de la diversité des modes d’investissement exprimés par les carnetier.e.s. Ces logiques peuvent se combiner et ne sont pas exclusives. Leur appropriation est variable d’un.e carnetier.e à l’autre et dans le temps, au cours de la vie du carnet. De nouvelles logiques peuvent en effet émerger ou s’essouffler dans les usages au fil de l’expérience de l’écriture dans un carnet de recherche, mais aussi au fil de l’expérience professionnelle de la recherche des auteur.e.s.
Logique de valorisation
La logique de valorisation se positionne en aval des publications. À l’inverse de l’idée des « micro-publications » pensées comme préliminaires à la publication d’article (Gunthert, 2013), il s’agit pour le carnetier de valoriser le travail déjà effectué, et non de le préparer ou de l’élaborer. Les pratiques de communication se réduisent alors à la diffusion de publications disponibles ailleurs – c’est-à-dire dans les lieux plus classiques et légitimes. Le billet en lui-même, de type « annonce » ou « actualité », ne contient pas de contenu propre ou inédit. La publication de billet est efficace (ratio investissement/effet), et demande un investissement en temps relativement faible. Nous associons à cette logique les termes de « rayonnement de la recherche », de « diffusion », d’« outreach », et les pratiques de communication associées, ainsi que les modèles de communication diffusionnistes qui les sous-tendent.
Dans la logique de valorisation, nous distinguons :
– La nature orale/écrite de ce qui est valorisé : plutôt les activités (évènements, conférences, etc.) de la recherche – gauche du graphique – ou les publications écrites, dans leur diversité (articles avec ou sans comité de lecture, ouvrage ou chapitre d’ouvrage ; numérique ou non) – droite du graphique (fig. 3).
– Le renvoi à des contenus déjà existants ou production de contenus nouveaux (au moins partiellement), c’est-à-dire d’une version « augmentée » de la valorisation.
Dans le second cas de la production d’« inédits », pour des billets écrits selon une logique de valorisation de publications « classiques », il peut s’agir de traductions, d’une version plus développée de l’article, de l’augmentation du contenu grâce aux fonctionnalités du blog – liens hypertextes, multimédia, métadonnées, etc. (écriture numérique et numériquée- (Paveau, 2017b) – ou encore d’un retour réflexif sur une précédente publication (en particulier sur la thèse) : « Oui, oui. En fait, ce que je ne veux pas par exemple, c’est publier quelque chose exactement pareil d’un article dans un billet. Parce que le format n’est pas le même. […] Et… il me semble que le fait qu’il y ait des vidéos, ça change complètement la dynamique du… de la lecture. » (carnetier musicologue).
Figure 3. Les logiques identifiées en entretien, donnant sens à l’écriture des billets dans les carnets de chercheur.e.s et de doctorant.e.s
Logique de publication
Les billets des « carnets de chercheur.e.s » peuvent se trouver en amont de l’écriture de publications plus classiques, normées et le cas échéant évaluées par les pairs. Le billet est pensé et écrit en vue d’une publication « classique » (quantifiée et valorisée par l’évaluation par les pairs). On peut alors parler de logique de publication et même de stratégie d’écriture voire de stratégie de publication, contenant à nouveau l’idée de rentabilité et d’efficacité. L’écriture est canalisée vers un but : le billet est à la fois une micro- et une pré-publication, qui raccourcit les délais de partage d’une idée publiée : « […] On voit souvent un billet, où naît l’idée d’un article, et un article après oui. Tel Chercheur ça a été vraiment le cas plusieurs fois. » (carnetier historien).
Logique d’édition
La logique d’édition est centrée sur l’écrit public et publié, comme la logique de publication, mais au contraire de celle-ci, ne converge pas vers la publication « classique ». Elle explore, de manière indépendante, d’autres normes, d’autres systèmes de validation et de valorisation. Les billets – et plus généralement le carnet – peuvent ainsi être le lieu de publications alternatives, voire l’incubateur de publication « hors normes », à la marge, qui ne s’inscriront pas dans les voies de publications « classiques ». Le carnet est un lieu d’édition propre et « en direct » (en plus d’être un lieu de communication directe ; (Mayeur, 2017a), où la publication d’autres auteur.e.s est possible. Il est alors aussi le lieu du militantisme, de la défense d’une idée inédite, d’un sujet d’étude ou d’une nouvelle méthodologie : « oui, c’est un lieu. Et puis c’est un lieu propre. À la De Certeau. C’est chez moi. Tu vois ? Et ce « chez moi » ça connote la liberté aussi. Je ne suis pas chez moi dans les revues scientifiques. » ; « Donc c’est vraiment ce goût pour l’édition presque, plus que pour l’écriture. » (carnetier sociologue).
Logique d’éditorialisation de soi (Edito.)
La logique d’éditorialisation de soi (Merzeau, 2013 ; Paveau, 2010) consiste à investir le carnet de recherche comme lieu de production d’une identité numérique : l’auteur.e centralise, « cartographie » l’ensemble de ses productions écrites (de toute nature) et activités (actualités, conférences, enseignements, etc.). Elle ou il permet ainsi au lectorat du carnet de la ou le « suivre », selon le même principe que les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, etc.), transposé à l’activité de recherche (et d’enseignement le cas échéant). Les carnets où l’on trouve une logique d’éditorialisation de soi ont déjà une certaine ancienneté et un lectorat confirmé [9]. L’auteur.e du carnet habite son espace numérique et assure elle/lui-même sa propre communication, ses propres traces : en partageant activement les informations qui le concernent, elle/il passe de l’identité numérique à la présence numérique (Merzeau, 2010). Cette logique assume pleinement l’énonciation à la première personne : « Ça permet à la personne qui arrive de me situer dans une sorte d’environnement quoi. C’est un peu comme une carte. […] Tous les trois-quatre mois je suis obligée de mettre à jour le programme, les nouveautés, les publis, etc […] il y a des liens vers tous les, toutes mes ressources en fait. » (carnetière historienne). La logique d’éditorialisation de soi se distingue de la logique d’édition. Elle est reliée directement à la question de l’autorité numérique (Broudoux, 2017) et du capital symbolique que nous abordons en partie II.2.
Logique pédagogique et de vulgarisation
Les billets écrits et publiés dans une logique pédagogique mettent à disposition du contenu principalement adressé (à disposition ou mentionné) aux étudiants. La logique de vulgarisation vise principalement un public de non spécialistes. Les billets sont soit rédigés spécifiquement dans une visée pédagogique, soit mobilisés après rédaction dans un contexte d’enseignement : « Je leur demande par exemple, en fin de séance « je vous demande de lire ça, ce sera pour préparer la séance de la semaine prochaine » (carnetier en sciences de l’information et de la communication). Ils s’articulent parfois directement avec les recherches de l’auteur.e, parfois seulement avec la discipline dans laquelle s’inscrit l’auteur.e.
Logique d’information
La logique d’information s’appuie sur le partage des actualités de la recherche, de la veille documentaire, et l’animation d’une communauté de recherche (membre d’une même discipline, d’un même laboratoire, d’un même projet de recherche) : « Alors je fournis des informations sur des appels à contributions pour des articles, pour des ouvrages, pour des recherches, je publie des offres d’emplois, je publie des informations sur les dernières publications parues, je fais des annonces de colloque, des annonces de soutenance de thèse, et cetera. […] Mais c’est informatif, c’est l’actualité de la recherche. » (carnetière sociologue) L’auteur.e se met au service d’un collectif, et l’utilisation de l’énonciation à la première personne est alors un contre-sens. La perspective de l’auteur.e peut éventuellement apparaître si un angle critique est assumé, problématisant l’information au lieu seulement de la diffuser.
Logique de mise en lien
Une forme semi-privée du carnet de recherche est la sortie d’une forme d’isolement par le partage de l’expérience vécue. Cette logique est présente particulièrement chez les doctorant.e.s. Parler de l’expérience vécue tisse des liens interpersonnels (silencieux ou non) avec des lectrices et des lecteurs concernés : ces billets participent à la construction de communautés d’expérience. Les retours divers sur ce type d’écrits ont un effet de réassurance et de prise de confiance sur leur auteur.e. C’est l’espace de la recherche de conversation dans sa dimension humaine et bienveillante (« safe ») : « L’idée en fait d’écrire sur son expérience en tant que doctorante, c’est quand même de pouvoir discuter après d’une communauté d’expérience avec les gens. […] avec toujours cette petite intuition, bon tu te dis que quand même qu’il y a d’autres gens qui doivent être dans ta situation » (carnetière, anthropologue).
Logique de partage des idées
Cette logique est contenue dans la comparaison du carnet avec la « pêche à la ligne » (Karim Hammou). C’est la logique de la liberté et du foisonnement : toute idée a lieu d’être et a lieu d’être partagée, sans présager des suites du partage. C’est une logique qui laisse se déployer le désir épistémologique (Paveau, 2010) qui recherche la conversation, tel un « séminaire permanent », exige un effort de clarté et de rédaction des idées partagées, et les auteur.e.s en bénéficient en retour directement (Gunthert, 2013).
Les idées partagées peuvent être au cœur d’un projet de recherche (ou de la thèse) ou au contraire à sa marge : « Là c’est plutôt lancer des idées, j’avais appelé ça « pensées éparses » alors je ne sais plus pourquoi en fait. Parce que ça n’était pas nécessairement lié à mes travaux du moment. » (carnetier historien). C’est une logique guidée par le plaisir, l’envie, le tâtonnement, l’expérimentation, la liberté d’exploration et la sérendipité. Les auteur.e.s acceptent d’être « fragiles » sur le sujet qu’ils abordent : elles et ils sont en train d’y réfléchir et le cas échéant, d’en discuter. Elles et ils s’autorisent alors à écrire de manière moins formelle que dans les publications « classiques ». On observe une grande diversité de forme de billets s’inscrivant dans cette logique.
Logique d’élaboration
Selon cette logique, le carnet peut être décrit par les usagers en tant que « grenier à idées » (Loïc Le Pape). La logique de l’élaboration consiste à revenir à la fonction du carnet comme lieu d’esquisses, de tâtonnement, d’exploration, de maturation, de construction d’idées. C’est une logique qui mobilise notamment le processus d’écriture comme source d’émergence et d’explicitation des idées (comme source de pensée), pas seulement comme expression de ce qui « préexisterait » avant d’être écrit. L’auteur.e ne vise pas nécessairement la publication en soi, mais écrit d’abord pour soi, pour « y voir plus clair », pour « avancer dans sa réflexion ». L’exposition de ces billets est relative, car ils ne sont pas nécessairement « largement diffusés » par d’autres moyens que le carnet (réseaux sociaux, mails, etc.) même s’ils bénéficient des mêmes effets que ceux décrits précédemment pour la logique du partage d’idées. La logique d’élaboration recouvre également les brouillons de billets non publiés (régulièrement évoqués en entretien).
Les questions du temps, de l’investissement nécessaire à l’écriture de billets dans les carnets de recherche sont omniprésentes lors des entretiens et contribue à l’émergence du sens que les carnetier.e.s mettent dans cette pratique. L’investissement en temps est directement lié à la logique selon laquelle le blog est investi et à la valeur qui lui est conférée au coeur ou à la marge de l’activité de recherche. Les valeurs associées s’étendent de l’efficacité (logique de valorisation) au foisonnement (logique d’élaboration et de partage d’idées), en passant par la centralisation (logique d’éditorialisation de soi) et la rentabilité (logique de publication).
Les logiques sont toujours reliées d’une manière ou d’une autre à l’activité de recherche. Elles révèlent des fonctionnements tacites ou implicites des collectifs de recherche, formels et informels, intégrant des liaisons inter-individuelles fortes ou faibles (affinités et effets de « réseaux » (Casilli, 2010), locales ou a-géographiques. Ces logiques, appréhendées via les discours sur la pratique, sont investies par les chercheur.e.s dans la mesure où elles ont un effet positif sur leurs pratiques de recherche (mise en lien et sortie de l’isolement, visibilité, capital symbolique, exploration de nouveaux terrains de recherche, etc.), anticipé ou non. On perçoit d’ores et déjà que l’investissement dans l’une ou l’autre de ces logiques dépend fortement du moment où l’auteur.e se trouve dans son parcours de recherche et de son statut académique. La variété des investissements doit également être croisée avec d’autres dimensions : le rapport que la/le chercheur accorde à la publication de billets (et à sa place dans le cycle de la recherche), avec leur rapport au numérique (et notamment à l’écriture « blog » et aux réseaux sociaux), avec leur rapport à l’écriture, et notamment avec l’écriture à la première personne, avec leur rapport à l’évaluation par les pairs (regard évaluateur des pairs – potentiel ou effectif – ; comptabilité des « vraies publications ») et leur rapport à l’open access, etc.
Ces différents éléments esquissent ce que l’on peut appeler un espace mental du carnet (ce que peut être, ce que doit être le carnet et ce que peut faire techniquement la/le carnetier.e avec le carnet) dont les recouvrements avec l’espace mental de la recherche [10] des chercheur.e.s et des doctorant.e.s conditionnent les usages, les choix explicites de rédaction et de publication et le sens investi en termes de pratiques de communication dans les pratiques de recherche.
Observer les traces de la pratique des carnets pour en situer l’inscription vis-à-vis de l’activité de recherche
Nous avons voulu mettre en perspective les discours sur les pratiques avec des traces quantifiables. Quelles traces laissent les carnets de recherche et où ? Laissent-ils une marque notamment dans la pratique de communication la plus normée de l’activité de recherche ; les articles de revues ? Cite-t-on les textes d’Hypotheses.org, et si oui, les cite-t-on comme d’autres textes académiques [11] ? Si non, quel statut et légitimité ont-ils dans les textes reconnus comme scientifiques ?
Nous avons donc relevé les citations de blogs ou de billets d’Hypotheses.org dans les bases de données académiques où sont regroupées les revues à comité de lecture. À ce stade, nous ne pouvions pas présager de la fréquence des différentes logiques présentées plus haut à l’aide des seuls entretiens, ni savoir si elles se manifestent de manière apparente dans les pratiques de publication. Le relevé et l’analyse des citations permettent dans un premier temps de repérer les billets qui obéissent aux logiques de publication ou d’édition et d’évaluer leur nombre.
Les réponses aux questionnaires avaient mis en avant le caractère ambigu des billets, considérés souvent comme des formes d’écriture alternatives, pas forcément intermédiaire à la publication et les réserves des auteurs vis-à-vis de leur citation. Certains auteurs adoptent une position de principe (« Je cite aussi la production des autres, car le blog reste une production scientifique »), mais beaucoup conditionnent la citation à des situations particulières. Les billets par exemple doivent être assimilables à un type de littérature scientifique particulier : « Certains billets sont soit des états des lieux de la recherche, soit des réflexions théoriques ; à ce titre, ils ont une place dans une publication de recherche ». Leur contenu doit être totalement original : « […] Mais si l’auteur du billet de blog a publié un article contenant les mêmes éléments que son billet, alors je cite l’article. » (carnetier historien). Citer des billets est envisageable quand cela permet de donner accès aux lecteurs à des précisions complémentaires, à des extraits d’article en libre accès, ou à des données autrement inaccessibles. Mais la plupart des répondants estiment que le statut de ces écrits n’est pas établi : « je ne cite pas de billets dans un projet de recherche qui sera évalué pour financement pour ne pas prendre le risque d’un évaluateur qui n’accepterait que des publications formelles. » Ils prennent alors des précautions : « mes blogs sont majoritairement informatifs ; ce n’est donc pas seulement le reflet d’une recherche personnelle et à ce titre n’est pas totalement de l’ordre de la publication scientifique. Je mentionne les carnets de recherche comme les URL, en source » (carnetière sociologue).
Des traces qui dessinent les contours d’une écriture intermédiaire plutôt que marginale
Le repérage et l’analyse des citations de billets d’Hypotheses.org dans les publications « traditionnelles » ou « formelles » permet d’évaluer la place que ces derniers occupent dans l’écosystème des publications académiques1 [12]. Cela ne préjuge cependant en aucune manière de la place et de la valeur que les carnetiers leur accordent dans leur activité de recherche. Pour cela nous recherchons l’expression « hypotheses.org », obligatoirement contenue dans chaque citation dans l’intégralité des textes que recense la base Cairn.info. La diversité des blogs cités transparaît sous la diversité des formes de citation : dans le corps du texte, en notes, en bibliographie, dans la présentation des auteurs. Les enquêtes montrent que les chercheurs-lecteurs sont réticents à citer des blogs [13], ceux de la plateforme Hypotheses.org ne font pas exception.
La recherche effectuée en août 2018 dans le texte intégral de la base Cairn.info fait remonter 662 articles de revues, 60 livres et 18 numéros de magazines. Ces références sont plus fréquentes chaque année à mesure que les blogs se multiplient (4 références en 2008 ; 138 en 2017). Elles n’en restent pas moins rares si l’on considère que Cairn.info annonce dès 2016 plus de 200 000 articles de revues et 7 000 ouvrages. Une recherche sur d’autres bases en SHS, moins francophones, donne des résultats également faibles : « hypotheses.org » n’est mentionné dans aucune référence sur JSTOR, ou Humanities International Complete ; un article dans Science Direct, Sage, ou Wiley Online Library, deux sur Soc Index. À peine plus sur Sociological Abstracts (20 notices), Proquest Sociology Database (31) ou Springer (72). La citation des billets dans les publications classiques reste donc très marginale.
Sur Cairn.info, on n’obtient plus que 181 notices si la recherche de l’expression « hypotheses.org » s’effectue uniquement sur le champ des références bibliographiques. Ces blogs sont donc cités trois fois sur quatre dans une note de bas de page ou dans le corps du texte, sans que la référence soit ajoutée dans la bibliographie du document. On trouve ici un écho à la réticence évoquée plus haut de certains répondants à citer leur blog comme une référence à part entière. L’un des enquêtés justifiait ainsi sa décision : « La référence ne figurait pas dans la bibliographie de mon travail. Parce qu’elle ne "comptait" pas autant qu’un article classique à mes yeux ».
Cette réserve est plus flagrante encore si on considère que l’écrasante majorité de ceux qui citent Hypotheses.org n’ont jamais écrit sur la plateforme. Sur les 205 auteurs qui citent un billet de blog dans leur bibliographie, seuls 24 sont recensés comme auteurs sur Hypotheses.org, c’est-à-dire qu’ils se sont déclarés utilisateur/auteur d’un billet au moins. Les références aux billets sont donc de « vraies » références avant d’être des « faire-valoir » individuels. Ceux qui les citent le font parce que c’est utile à leur propos et non pour valoriser leur billet dans leurs publications classiques.
On vérifie un peu plus le caractère académique « fragile » des blogs, mentionné dans les entretiens, puisque ceux qui sont les plus cités ne sont pas les « carnets de chercheurs » ou les « carnets de thèse » mais ceux plus institutionnels qui sont tenus par des collectifs et consacrés à la présentation d’un colloque ou d’un projet de recherche. La mention de ces blogs sert le plus souvent à présenter un auteur (« il a participé à tel projet ANR ») ou à renvoyer au programme d’un colloque.
En recentrant l’attention sur les 384 auteur.e.s de « carnets de chercheurs » et de « carnets de thèses » francophones que nous avons recensés (déc. 2016) nous constatons que 192 d’entre eux sont présents sur Cairn.info et que seuls 23 mentionnent Hypotheses.org dans leur publication. Ils ne sont que 15 à faire référence à leur propre blog (8 le mentionnent dans l’encadré qui les présente et 8 citent leur blog dans leur bibliographie générale). Bref, ces auteur.e.s renvoient très peu à Hypotheses.org dans leurs écrits académiques (11,9 %) et encore moins à leur propre blog (7,8 %). Quand ils le font, c’est d’ailleurs parfois seulement pour expliciter où celui-ci se situe dans la chaîne éditoriale. Ainsi, Emilien Ruiz [14] tient à préciser : « Cet article a en partie fait l’objet de communications aux séminaires de l’Institut national d’études démographiques et du Centre de sociologie des organisations en octobre 2014. »
Lors de leur mobilisation dans le cadre de « publications classiques », on constate sans surprise que les « carnets de chercheurs » et « carnets de thèse » sont majoritairement considérés comme une source de données, plus que comme un travail académique original et reconnu. Les références aux billets de blogs servent à renvoyer le lecteur vers des données plus complètes, des inédits, des traductions, du multimédia ou tout simplement vers une ressource en open access. Sophie Gebeil (Gebeil, 2016) propose ainsi de consulter le blog où ont été déposé les enregistrements de l’enquête orale qu’elle décrit [15]. Ils servent à avoir accès aux archives, à trouver des traces d’anciennes polémiques [16] aussi bien qu’à garder un œil sur des données mises à jour régulièrement, par exemple des bibliographies complètes, etc. Bref, s’il est présent dans un billet, un contenu original est proposé plus comme une source que comme une « publication scientifique » à part entière.
Une mise en perspective : ce que nous disent les recherches sur la vulgarisation
La faible citation des billets, et le statut de ces citations, dans les articles “légitimes” nous indique que l’investissement dans l’écriture d’un blog ne trouve pas sa récompense dans une valorisation académique classique (puisque les carnets existent sans être cités et que les auteur.e.s écrivent sans attendre d’être cités la plupart du temps, même s’ils espèrent être lus). La « publication » des billets s’effectue, d’après les entretiens, dans un autre espace public que celui des revues ou des livres : la valorisation et l’effet d’une telle publication ne passent pas par le circuit des publications traditionnelles (et donc de l’évaluation classique des chercheurs).
Les auteur.e.s retirent vraisemblablement une autre forme de capital symbolique dans la communauté de recherche élargie (interdisciplinaire et associant plus les étudiants), et à l’extérieur (journaliste, grand public). Leur visibilité est en effet différente, parfois supérieure à celle conférée par les publications classiques et par le filtre des pairs. Mais ce capital symbolique “ne vaut rien” du point de vue académique si les auteur.e.s ne jouent pas « le jeu du champ » et n’acquièrent pas dans le même temps, et au sein leur discipline d’appartenance une certaine légitimité.
Ces différents effets et articulations externes/internes au système classique ont été creusés dès les années 70 par Boltanski et Maldidier (Boltanski & Maldidier, 1970). Les deux sociologues ont interrogé des chercheurs français à différents stades de leur carrière pour comprendre ce qui motivait vraiment les chercheurs à s’investir dans la vulgarisation. Ils concluent à l’époque que cette activité « extra-académique », relativement mal considérée et admissible par la communauté scientifique seulement à condition d’avoir une certaine stature académique, permettait surtout la différenciation des profils les plus prestigieux. Elle ne procurait en début de carrière aucun avantage professionnel. Cela est confirmé dans des enquêtes plus récentes : avoir une activité de vulgarisation n’a aucun impact positif ou négatif sur la vie professionnelle des chercheurs (Jensen, Rouquier, Kreimer, & Croissant, 2008).
Nous pouvons considérer que la pratique d’écriture dans un carnet de recherche produit des écritures intermédiaires (Lefebvre, s. d.), mais aussi des formes de communication directe et des formes alternatives ou marginales d’écritures de recherche, qui ne correspondent pas aux critères de scientificité dominants, notamment par le développement d’un style (Macé, 2016) et d’une subjectivité (Lefebvre & Collectif, 2013). Les carnets tracent un continuum explicite entre articles finalisés et partage de l’infraordinaire de la recherche (Jacobi, 1985 ; Lefebvre & Collectif, 2013). Leurs formes sont d’autant plus diverses qu’ils remplissent des fonctions variées et adoptent des types d’énonciation originaux, intégrant ou non la présence du lectorat potentiel, qu’il peut parfois s’agir d’attacher au blog et de fidéliser (Cardon & Delaunay-Téterel, 2006).
Nous rapprochons la pratique des chercheurs-carnetiers de celle des chercheurs-vulgarisateurs : dans les deux cas il s’agit d’une activité initiée par les chercheur.e.s mais qui ne semble laisser aucune trace “légitimée” dans la pratique académique. Les recherches sur la vulgarisation ont couvert entre les années 70 et 90 un grand nombre de questions : est-ce un genre littéraire à part entière (Jeanneret, 1994), quels sont ses effets sur le public (Roqueplo, 1981), quelles fonctions remplit-elle (Jurdant, 1973) ? De nombreuses disciplines se sont penchées sur son cas : linguistes (Beacco, 2017), sémiologues (Jacobi, 1985), sciences de l’information et de la communication (Babou, 2000) par exemple. Ce n’est pourtant que plus récemment que l’on s’intéresse aux effets qu’elle produit sur celles et ceux qui s’y investissent (Jurdant, 1973, 2011, 2012 ; Maillot, 2018) et sur ceux qui les entourent. Ainsi, les travaux de recherche considèrent depuis peu que cette pratique puisse ne pas être pas un simple “à côté’ mais qu’elle a sa place au sein de l’activité de recherche.
Les nouvelles recherches sur les pratiques de vulgarisation sont peut-être à investir pour s’interroger dès à présent sur les bénéfices que les chercheurs retirent de leur pratique du blogging. Les effets de la vulgarisation développée par les chercheur.e.s portent non plus seulement sur l’utilité retirée de la pratique (utilité pour monter plus vite les échelons hiérarchiques ou bénéficier de plus de financement). Le bénéfice est envisagé aussi bien en terme de satisfaction morale ou politique, plaisir du contact humain, des rencontres et même meilleure appréhension de son sujet de recherche [17]. Les chercheurs s’engagent pour des raisons éminemment personnelles (histoires familiales, engagement militant). Cette activité extra-académique est cependant d’autant plus pratiquée qu’elle l’a été dans le passé, c’est-à-dire que le comportement passé prédit l’engagement (Poliakoff & Webb, 2007).
On retrouve certaines de ces pistes lors des entretiens avec les carnetier.e.s. Ils ont ainsi pour la plupart déjà pratiqué une forme d’écriture blog avant d’écrire sur Hypotheses.org, ou ont déjà d’une manière ou d’une autre essayé d’établir un contact à l’extérieur de leur discipline : « Ouais, j’ai eu un blog ado. […] Où je racontais ma life. […] Mais j’ai surtout eu des pratiques d’écriture, plus que des pratiques d’écriture en ligne, j’ai surtout eu des pratiques d’écritures. C’est-à-dire que quand j’étais gamine, j’avais des journaux intimes […] Et donc en fait j’ai participé à un autre blog maintenant que j’y pense, d’écriture… à visée littéraire. […] Voilà. C’est surtout les pratiques d’écriture je pense qui m’ont amenée à ça. Cette envie d’écrire sous différentes formes. » (carnetière anthropologue). La question du plaisir est également centrale dans la motivation des carnetier.e.s.
Une similitude en particulier mérite d’être soulignée entre « pratique de carnetier » et « pratique de vulgarisation ». Les deux activités sont au cœur de la boucle de réflexion et d’élaboration de la recherche et génèrent une pensée réflexive sur la pratique même de chercheur.e. Ce mouvement réflexif est peut-être plus immédiatement perceptible dans le cas de l’écriture du blog qui amène l’auteur.e à s’interroger plus directement sur le fonctionnement de l’institution [18]. Ainsi, de nombreuses réflexions critiques sont partagées par les enquêté.e.s sur la question de la légitimité conférée par l’évaluation par les pairs, et en particulier sur la différence entre billets de blogs et articles dans des revues à comité de lecture. Mais plus largement, c’est la question de la forme de l’écriture (moins normée et augmentée), de la liberté et du plaisir d’écrire qui émerge dans l’engagement des carnetier.e.s. Les enquêtés développent ainsi tout au long des entretiens un recul théorique et épistémologique dont ils précisent qu’il est en évolution constante, suivant les péripéties que génère la tenue et la vie du blog.
Si les motivations des vulgarisateurs et des carnetiers semblent identiques dans les grandes lignes, le discours qu’ils tiennent sur leurs pratiques est fondamentalement divergent. D’un côté, les vulgarisateurs insistent sur son caractère utilitaire et obligatoire (s’assurer un soutien du public, des financeurs, devoirs du chercheur, etc.) et leurs contraintes (manque de temps, critiques des collègues). De l’autre les carnetier.e.s soulignent le caractère gratuit et spontané de leur pratique, la liberté qu’elle leur procure, l’enrichissement immédiat pour leur pratique de recherche.
Cette dissonance dans le discours est étonnante puisque les deux pratiques relèvent de l’initiative des chercheurs (Cañete, 2014 ; Dudo, 2013). Elle est sans doute due, en partie, à des différences dans les questionnaires soumis aux chercheurs mais pas seulement. L’engouement pour les carnets, le réseau qu’ils créent, la démultiplication des occasions et des formes d’écritures, les variantes de logique à l’œuvre empêchent qu’on assimile totalement l’animation d’un blog à la vulgarisation dans sa fonction ou ses effets sur le chercheur. Les articulations au reste de l’écosystème de la recherche sont sans doute plus complexes que pour la vulgarisation : le lectorat est en effet en grande partie constitué des pairs [19] (même si le carnet est public), et les contenus peuvent contribuer directement à la réflexion et à l’élaboration académique.
Conclusion
Durant les entretiens, les chercheurs soulignent avec constance que les billets ne sont pas écrits pour remplacer d’une quelconque manière les articles scientifiques classiques (intentions et logiques des auteur.e.s). Ils peuvent être, parfois, mais pas toujours, reliés au processus de publication, et surtout, la production in fine d’une publication classique n’est que rarement la conclusion d’une stratégie de publication définie au préalable. Ce qui n’empêche pas que l’écriture des billets puisse à un moment contribuer au cycle de la recherche passant par la publication. Les différentes logiques à l’œuvre derrière les « carnets de chercheurs » ou les « carnets de thèse », en aval ou amont de la « vraie » publication, dessinent un espace d’écriture fragmenté, marqueur des pratiques de communication très éclectiques des chercheurs (dans les témoignages récoltés).
L’analyse quantitative et qualitative de la citation des billets dans Cairn.info confirme que les citations des billets de blogs ne sont pas des citations « classiques ». Les entretiens et les analyses des citations sont cohérents : sur ce point, il n’y a pas de décalage ou d’ambiguïté entre intentions et représentations des auteur.e.s et appropriation formelle par le lectorat académique. La formidable diversité et richesse des pratiques et l’absence apparente de linéarité entre les différents « fragments » de l’écrit scientifique, entre le billet de blog et la publication « classique » ressortent finalement aussi bien dans l’étude des citations que dans le discours des auteur.e.s.
L’un de nos enjeux est de pouvoir tracer et explorer ces pratiques habituellement invisibilisées dans les « résultats/production » de la recherche. Nous soulignons donc dans ce travail préliminaire que la valeur des billets dans le processus de recherche doit s’évaluer au regard des logiques développées par les carnetier.e.s, avec d’autres indicateurs de l’effet pour la recherche et le chercheur que le nombre d’articles que cette pratique permettrait de publier. Réduire l’évaluation de la pratique des carnets à ce type d’indicateur pourrait in fine nuire à la pratique des carnets, mais pénalise surtout la recherche sur le sujet, car elle impacte la justesse de la représentation du phénomène en la réduisant.
Enfin, pour pouvoir mieux cerner les effets de ces carnets sur la pratique de la recherche, le rapprochement avec la vulgarisation nous semble pertinent. Les quarante années de travaux STS (science and technology studies) sur cette dernière incite à penser qu’il faut considérer le blogging comme une pratique de communication largement reliée aux pratiques de recherche. Comme dans le cas de la vulgarisation, les carnets constituent des espaces d’élaboration de discours reliés de différentes manières à l’activité de recherche, et dont les effets sont loin d’être marginaux. Ces effets ne peuvent se quantifier simplement et surtout ne s’expriment pas en termes de retour direct, facilement saisissable. Pour les appréhender de manière juste, il faut interroger plus longuement la diversité des logiques identifiées et affiner nos méthodes d’exploration du terrain pour mieux rendre compte des pratiques des acteurs en regard de ce qui les met en mouvement.
Bibliographie
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