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Pour citer cet article :
Béatrice Pradarelli, Laurent Latorre, Pascal Nouet, Une pédagogie par projet pour des étudiants acteurs et auteurs de leur apprentissages ;
http://www.innovation-pedagogique.fr/article561.html
I. INTRODUCTION
Comment rendre les étudiants plus actifs et investis dans leur apprentissage ? Existe-t-il des processus pour maintenir l’attention des étudiants pendant un cours ? Est-ce que le jeu est la meilleure approche pédagogique ? Comment faire adhérer les étudiants à de nouvelles méthodes d’apprentissage ludiques qui vont à l’encontre du concept archaïque qu’"apprendre c’est sérieux" ?
La séquence d’enseignement présentée dans cet article, a été élaborée en se basant sur les standards pédagogiques actuels dans les disciplines scientifiques c’est-à-dire la réduction du nombre d’heures de cours magistraux au profit d’un apprentissage par projet et/ou problème. Cette approche pédagogique a pour objectif de responsabiliser les étudiants face à leur apprentissage et de favoriser les rôles d’acteur et d’auteur par rapport à celui d’auditeur.
Cette approche combine différentes techniques d’enseignement : cours magistral pour la présentation des concepts en utilisant des objets 3D pour attirer l’attention des étudiants, l’auto-apprentissage en binôme pour la prise en main d’un logiciel, les post-it pour les sessions de bilan des savoirs et compétences et la pédagogie par projet pour permettre aux étudiants d’appréhender de nouvelles notions et de les appliquer à leur réalisation.
Les sections II et III de cet article sont dédiées à la présentation de l’approche pédagogique et à la production de l’apprentissage. La section IV est consacrée à l’analyse de cette expérience d’enseignement. Enfin, une conclusion est proposée dans la section V, où de nouvelles perspectives d’auto-apprentissage sont envisagées.
II. PRESENTATION DE L’APPROCHE PEDAGOGIQUE
II.1 Contexte
En 4ème année, les élèves-ingénieurs de l’école Polytechnique de Montpellier doivent sélectionner un ensemble de mini-projets (28h) dans le but d’affiner leur orientation en microélectronique, automatique ou robotique. Le mini-projet de découverte du test industriel de circuits intégrés est consacré au développement, en partielle autonomie, du programme de test d’un composant logique. Il est dimensionné pour fournir une réelle expérience professionnelle sur le testeur industriel (7 séances de 4h) du pôle CNFM (Coordination Nationale pour la Formation en Microélectronique) de Montpellier. Ce mini-projet a été réalisé par 15 étudiants en 2014.
II.2 Objectifs d’apprentissage
Les objectifs d’apprentissage visés rentrent dans 2 catégories : techniques et pédagogiques.
En effet, les étudiants doivent acquérir des connaissances théoriques (méthodes de test et de diagnostic de pannes, techniques d’analyse de graphes et de résultats de test) et des compétences pratiques relatives au test de circuits intégrés (utilisation d’un logiciel de développement de programme de test, résolution de pannes, interprétation de graphes et de données de test) afin d’être capables vérifier la fonctionnalité et les performances d’un composant.
Il est aussi demandé à chaque étudiant d’être attentif à l’enseignement qu’il reçoit afin de prendre conscience de ses acquis et lacunes, de comprendre l’intérêt des savoirs et savoir-faire enseignés pour pouvoir se projeter dans les différentes étapes et s’approprier le dispositif d’apprentissage dans le but d’en devenir acteur et auteur.
II.3 Approche pédagogique
L’approche pédagogique mise en œuvre a pour objectif de guider les étudiants à passer de l’état de simple auditeur à ceux d’acteurs et d’auteurs de leur apprentissage. De ce fait, les phases de cours sont limitées en nombre et en durée. Les étudiants sont acteurs à chaque fois qu’ils s’auto-forment en suivant un tutoriel (utilisation du logiciel de test, exercices d’analyse de données de test) et ils sont auteurs de la gestion de leur temps, de leur retour d’expérience lors de sessions de brainstorming, de leur implication et de certains choix dans le projet.
Un calendrier précis du déroulement du projet leur est présenté en toute première séance afin de leur montrer les savoirs et compétences qu’ils vont devoir acquérir et leur faire comprendre qu’ils devront faire preuve d’initiative et de rigueur pour mener à bien leur projet.
II.3.1 Susciter l’intérêt d’apprendre par les sens
Selon les auteurs [David A. Sousa et al, 2010], il est important lors d’un nouvel apprentissage de susciter les différents sens (visuel, auditif, toucher, odorat) des apprenants afin d’attirer leur attention. Lors de la première séance, ce concept est appliqué au contexte du test industriel de circuits intégrés en montrant aux étudiants un ensemble de composants électroniques et le matériel permettant de les fabriquer et les vérifier. Cette simple manipulation d’objet 3D contribue à l’assimilation du nouveau contexte d’apprentissage.
II.3.2 Développer la prise de conscience des étudiants face à leurs acquis et lacunes d’apprentissage
Avant que le projet proprement dit ne commence, une courte phase d’auto-apprentissage du logiciel nécessaire à la réalisation du projet, est proposée aux étudiants. Par groupe de deux, ils vont confronter leur compréhension récente du cours à son application physique via une interface graphique peu intuitive.
Pour être sûr, qu’au terme de cette étape, les étudiants possèdent les bases (concepts et pratique du logiciel), il leur a été proposé au cours d’un petit brainstorming, de s’exprimer sur leurs acquis/lacunes, compréhension/incompréhension et sur leurs impressions concernant ce nouveau domaine qu’ils abordent. Pour faciliter la communication, des post-it de diverses couleurs ont été distribués aux étudiants sur lesquels ils ont noté un mot clef et ils les ont déposés sur un tableau blanc. Le côté ludique et anonyme de l’utilisation des post-it a largement contribué à faire participer tous les étudiants. L’enseignant a ensuite rassemblé les post-it par thème et, avant d’y répondre, s’est assuré d’avoir bien ciblé les requêtes des élèves-ingénieurs.
II.3.3 Responsabiliser les étudiants face au temps
Dès le début du projet, il est demandé à chaque binôme d’établir son planning et de s’y référer afin de garder la maîtrise de la gestion du temps par rapport aux tâches qu’ils doivent mettre en œuvre, en tant qu’acteur ou auteur, pour accomplir le développement du programme de test et réaliser l’analyse des données de test.
II.3.4 Discerner les rythmes d’apprentissage
Il est assez courant de constater que l’acquisition d’un apprentissage par un groupe d’apprenants de masse non critique (>10) peut être assimilée à une gaussienne : quelques élèves très rapides, une grande partie de bons à moyens et quelques élèves lents. L’approche pédagogique par projet proposée dans cet article ne déroge pas à ce constat. Il est donc important, pour l’enseignant, d’être attentif à l’avancement du projet de chaque binôme afin de discerner les rythmes d’apprentissage de chacun et de veiller à ce qu’aucun ne se sente ni à la traîne, ni délaissé parce que trop en avance. Sur 15 étudiants répartis en 7 binômes et un monôme, la répartition gaussienne s’est avérée être : 2-4-2, le monôme étant dans le groupe du milieu.
II.3.5 Apprentissage par les pairs
Il a été proposé aux étudiants des deux binômes en avance sur le projet, de devenir les référents pour les autres pour réaliser les exercices d’analyse de données de test. L’objectif est qu’ils aident leurs camarades si l’enseignant est indisponible car sollicité par un autre binôme.
Ces étudiants-référents ont initialement été formés par l’enseignant aux techniques spécifiques d’analyse. Pour faciliter l’assimilation de ce nouvel apprentissage, l’enseignant leur a fourni des guides opératoires.
III. PRODUCTION DE L’APPRENTISSAGE
Trois semaines après la fin du projet, les élèves-ingénieurs doivent rendre, par binôme, un rapport dans lequel ils doivent présenter leur réalisation et expliquer les choix qu’ils ont été amenés à faire. Le rapport doit aussi contenir les résultats des différents exercices d’analyse de données de test.
Le choix de ce livrable a été guidé par le besoin d’évaluer à la fois les acquis techniques mais aussi de mesurer l’investissement des étudiants dans le projet.
L’évaluation des acquis techniques est basée sur la clarté et la pertinence des analyses de données de test, ainsi que sur la réalisation du programme de test et la synthèse du travail accompli, présentées dans le rapport. L’investissement des étudiants est mesuré par la présentation des choix qu’ils ont fait dans le projet pour répondre à une problématique, ainsi que dans son aboutissement.
La note finale est la somme des notes du rapport (40 points), du programme de test (30 points), de l’analyse du diagnostic de pannes (5 points) et des shmoo plots (15 points) ramenée sur 20 points.
Lors de l’année scolaire 2013-2014, 15 étudiants ont choisi ce mini-projet. Sur 8 rapports rendus, 4 ont obtenus une note entre 16,25/20 et 17/20 et les notes des 4 autres se sont échelonnées entre 12/20 et 14,5/20. La note finale du projet a été la somme pondérée des notes du rapport, des réponses aux exercices d’analyse et de la validation du programme de test. La figure ci-dessous présente le détail des notes par étudiant pour chaque production en tenant compte de leurs pondérations.
A quelques exceptions près, une bonne note finale est le résultat de l’assimilation de l’enseignement qui a permis à l’élève-ingénieur de réaliser un travail performant. La qualité rédactionnelle des productions a été un élément important, ce qui peut expliquer les variations de notes, notamment pour les exercices d’analyse de données de test, où les étudiants se sont entre-aidés pour comprendre les phénomènes qu’ils devaient appréhender.
Il est intéressant de constater qu’il n’y a pas systématiquement de corrélation entre la vitesse d’assimilation de l’apprentissage et la note du rapport.
IV. ANALYSE DE L’EXPERIENCE
IV.1 Outil et matériel pédagogiques : contrôle des difficultés
Sachant que le logiciel à utiliser pour la réalisation du projet est un produit industriel disposant de nombreuses fonctionnalités qui le rend complexe pour les étudiants, il est apparu primordial de choisir un circuit intégré à tester très simple. Avec le même objectif de simplicité, chaque binôme a créé son planning de projet à partir d’une feuille de papier et de post-it : les traits verticaux sur la feuille pour délimiter les semaines, des post-it pour indiquer les tâches à réaliser. Ainsi, les élèves-ingénieurs ont pu, plus aisément, se focaliser sur les fondamentaux et appréhender les étapes du projet.
IV.2 Apprentissage par les pairs
Très efficace car les étudiants vont de façon innée demander une explication à un autre étudiant et oser lui demander de recommencer, plutôt qu’à l’enseignant, cette méthode a permis de valoriser les étudiants-référents. L’enseignant doit être vigilant à ce que le temps dédié par les étudiants-référents aux autres ne nuise pas à la bonne réalisation de leur projet.
IV.3 Approche pédagogique par projet
Même si on pourrait penser que, dans le cadre d’un apprentissage par projet, le travail par binôme pourrait réunir des étudiants ayant des capacités d’acquisition de connaissances et compétences différentes, il n’en est rien. Il semblerait que les affinités entre les étudiants soient inconsciemment ou pas guidées par leur niveau scolaire. Néanmoins cette approche pédagogique s’est avérée très satisfaisante pour les étudiants car elle respecte leur rythme d’apprentissage et les rend plus responsables face à leurs acquis et lacunes.
Pour l’enseignant, cette méthode d’enseignement peut lui permettre d’obtenir une classe très dynamique et motivée par son apprentissage.
IV.4 Bilan des sessions de brainstorming
La première session de brainstorming en début de projet a permis de responsabiliser les étudiants face aux savoirs et compétences élémentaires qu’ils devaient posséder pour pouvoir réaliser le projet. Les étudiants, ayant apprécié que leur avis soit sollicité, ont montré une participation plus active et une motivation plus marquée jusqu’à la fin du projet.
Interrogés sur leur ressenti concernant la globalité du projet lors de la dernière séance, les élèves-ingénieurs ont exprimé leur satisfaction par rapport au sujet qu’ils ont trouvé très « terrain », à l’ambiance très professionnelle du déroulement du projet avec la réalisation d’un planning et les phases de brainstorming, ils ont aimé le fait d’être acteur et auteur de leur apprentissage.
V. CONCLUSION
Cet article propose une pédagogie par projet pour former les élèves-ingénieurs de l’école Polytechnique de Montpellier au test industriel de circuits intégrés. L’objectif de cet apprentissage concerne l’acquisition des savoirs et des compétences nécessaires au développement du programme de test d’un circuit numérique afin de vérifier ses fonctionnalités et ses performances.
Différentes formes d’enseignement ont été combinées pour permettre aux élèves-ingénieurs de réaliser leur projet en étant auditeur, acteur et auteur de leur apprentissage. La session de brainstorming réalisée lors de la deuxième séance du projet a permis aux étudiants d’établir les bases solides de leurs connaissances et compétences pour la suite du projet et les a motivés à participer et à s’investir davantage.
Des améliorations de cette approche pédagogique portant à développer l’apprentissage par les pairs ou en utilisant des vidéos de cours ou par l’intermédiaires de plateforme telles que Moodle, sont envisagées pour la prochaine session de 2015.
REFERENCES
Sousa David A. et al (2010). Mind, Brain, & Education. Bloomington : Solution Tree Press.
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