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Une évolution pédagogique et numérique pour susciter engagement et motivation : exemple d’un cours à l’université

19 octobre 2019 par Aude PICHON, Eric Tanguy QPES 2019 4316 visites 0 commentaire

Un article par Aude Pichon, Eric Tanguy, universté de Nantes, communication au colloque QPES 2019, "(Faire) coopérer pour (faire) apprendre ?", une publication sous licence CC by sa nc

Une évolution pédagogique et numérique pour susciter engagement et motivation : exemple d’un cours à l’université

AUDE PICHON

Université de Nantes, Pôle Pédagogie, Faculté des Sciences et des Techniques, Aude.Pichon[at]univ-nantes.fr

ERIC TANGUY

Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques, Eric.Tanguy[at]univ-nantes.fr

RESUME

Cet article met en lumière l’évolution d’un cours à partir des constats réalisés par l’enseignant, ses besoins vis-à-vis de sa manière d’enseigner et les effets qu’il souhaite induire chez les étudiant(e)s. Cette évolution fait part d’une transformation pédagogique numérique d’un enseignement traditionnel CM/TD/TP en un enseignement-apprentissage hybride couplé à un apprentissage par projet. Les objectifs pour l’enseignant et la conseillère pédagogique accompagnant ce changement sont de rendre les étudiant(e)s acteurs de leurs apprentissages afin de susciter motivation et engagement en formation et de retrouver du plaisir à enseigner.

SUMMARY

This article highlights the evolution of a course based on the observations of the teacher, his needs on his teaching methods and the effects he wishes to induce in students. This evolution points to a digital pedagogical transformation of a traditional teaching lectures, directed work and practical work (CM/TD/TP) into blended learning with project-based learning. The objectives for the teacher and the pedagogical adviser accompanying this change are to make the students actors of their training in order to stimulate motivation and engagement in training and to rediscover the pleasure in teaching.

MOTS-CLES (MAXIMUM 5)
Pédagogie universitaire numérique, engagement en formation, dynamique motivationnelle, enseignement hybride, apprentissage par projet

KEY WORDS (MAXIMUM 5)
Digital higher education pedagogy, motivational dynamics, engagement in training, blended learning, project based learning

Introduction

A la suite d’un mal être dans sa fonction d’enseignement et poussé par une dynamique nationale et locale de développement professionnel en pédagogie, l’enseignant émet le désir de faire évoluer son enseignement afin de répondre à ses insatisfactions. Dans un premier temps, l’enseignant expliquera son contexte et les constats observés dans son cours en utilisant la première personne « je ». Après une brève description de l’accompagnement il expliquera la nouvelle organisation pédagogique. Lors de cette transformation pédagogique numérique de l’enseignement-apprentissage, l’enseignant a réalisé des choix pédagogiques en fonction de ses contraintes, de ses envies et des principes pédagogiques qui, dans notre cas, ont démontré leur efficacité concernant l’engagement en formation des apprenants. Nous expliquerons alors à quel cadre de référence nos choix pédagogiques ont fait appel. Dès le début de l’expérimentation du cours, nous avons voulu savoir si la transformation d’un cours traditionnel CM/TD/TP en un cours hybride avec une approche par projet rend les étudiant(e)s motivés et engagés dans leurs apprentissages et si cette transformation opère un changement de pratiques chez l’enseignant et le retour du plaisir à enseigner. L’analyse de l’enseignement tentera de répondre à ces problématiques. Nous terminerons par les possibles facteurs clés de succès de cette évolution pédagogique numérique et les perspectives envisagées.

1. Contexte d’enseignement initial

En septembre 2014, j’ai enseigné une discipline, la logique programmable et le langage de description matériel VHDL (Very high speed integrated circuit Hardware Description Language), pour la première fois en licence Sciences pour l’Ingénieur (SPI) à la Faculté des Sciences et des Techniques de l’Université de Nantes comprenant, selon les années, entre 30 et 40 étudiant(e)s. Cet enseignement se déroule au premier semestre de la troisième année juste avant le stage. La maîtrise de ce langage de description est recherchée par certaines entreprises et peut être un plus indéniable pour trouver un stage. Cette UE, d’un volume étudiant(e) total de 30h40, se déroulait de manière traditionnelle « cours magistral (CM) (6h40) – travaux dirigés (TD) (10h40) – travaux pratiques (TP) (13h20) ».
Durant l’année universitaire 2015-2016, j’ai suivi une formation de trois jours au langage VHDL dans un bureau d’études spécialisé. C’est aussi à cette époque, que la réflexion sur les évolutions curriculaires et pédagogiques est lancée dans notre établissement dans l’objectif de l’accréditation 2017-2022. Nous avions une injonction forte pour réduire le nombre d’heures d’enseignement en face à face et introduire une part de distanciel dans nos enseignements (Cf. « Elaboration et déploiement d’une stratégie de transformation pédagogique numérique » Pichon, Beaudet, Gauthier et Evain, QPES 2019).

2. Constats

J’avais une forte envie de faire évoluer le format pédagogique de mes enseignements car le format « CM-TD-TP » « passait mal » avec les étudiant(e)s. Ils avaient peu d’intérêts pour le cours magistral. La partie qui les intéressait vraiment était la partie réalisation que nous faisions en travaux pratiques mais j’étais obligé de reprendre, pendant ces séances, une grande partie de ce que j’avais exposé une première fois en cours et une deuxième fois en travaux dirigés. De plus, je souhaitais rendre possible cet enseignement pratique à distance à la fois pour les étudiant(e)s dispensés d’assiduité et aussi dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Afin d’essayer de répondre à ces problèmes, j’ai donc décidé de repenser cet enseignement, en collaboration avec la conseillère pédagogique nouvellement arrivée, afin de mettre l’étudiant(e) au cœur du processus d’apprentissage et de centrer celui-ci sur la réalisation d’un produit « pré-industriel ».

3. Une évolution du cours accompagnée

En avril 2016, l’enseignant prend contact avec le pôle pédagogie de la Faculté afin de faire évoluer son enseignement. Le premier rendez-vous a été organisé suivant le cadre de l’apprentissage expérientiel de Kolb. L’entretien a donc été mené suivant les quatre phases de l’apprentissage expérientiel :

  • Dans un premier temps, nous avons parlé de l’expérience d’enseignement de l’enseignant. Nous l’avons abordé sous un angle positif : « Quels sont les points forts de votre cours ? De quoi vous sentez-vous satisfait en observant votre cours ? » Cela permet de faire évoluer le cours à partir de ce qui marche et de donner confiance à l’enseignant en ces belles réalisations.
  • Dans un deuxième temps, nous avons abordé l’analyse du cours sous un angle critique : « Que souhaitez-vous améliorer ? Où est-ce que vous vous sentez le moins à l’aise ? »
  • Dans un troisième temps, nous avons cherché des possibles explications à l’attitude de l’enseignant et des étudiant(e)s : « Quelles explications possibles face à cette situation ? » Cette étape nous permet notamment de définir les problématiques et les attentes de l’enseignant vis-à-vis de son cours. Dans notre cas, l’enseignant souhaitait de la part des étudiant(e)s :
    • Susciter de l’intérêt envers sa matière
    • Inciter les étudiant(e)s à faire leur programmation avant de venir en séance de TD/TP
    • Les rendre participatifs en classe
    • Amener tout le groupe à la réussite de l’enseignement
    • Changer sa manière d’enseigner
  • Puis dans un quatrième temps, nous avons examiné les possibles évolutions du cours en fonction des moyens, des envies de l’enseignant et des principes pédagogiques issus du paradigme du constructivisme. Les questions portaient sur le cours idéal pour l’enseignant. A la fin de l’entretien, l’enseignant réalise qu’il ne souhaite plus faire des cours magistraux. Un changement plus en profondeur est alors envisagé et une méthode d’apprentissage par projet (APP) est proposée couplée à un enseignement hybride.

Les objectifs pédagogiques de l’évolution du cours sont :

  • Susciter l’intérêt des étudiant(e)s envers la discipline
  • Renforcer les acquis d’apprentissage
  • Engager les étudiant(e)s dans leurs apprentissages
  • Les rendre autonomes
  • Les responsabiliser

Entre chaque rendez-vous de deux heures, il était envoyé des articles explicatifs de la méthode d’apprentissage par projet afin de comprendre la philosophie de cette méthode. L’accompagnement s’est déroulé en rencontres mensuelles où nous travaillions le découpage des résultats d’apprentissage en résultats d’apprentissage spécifiques liés à chaque étape de résolution des exercices et du projet. L’évolution du cours s’est déroulée de mai 2016 à septembre 2017 pour une première expérimentation en septembre 2017.
L’enseignant voulait mettre à profit tous les atouts des méthodes pédagogiques et souhaitait répondre à la demande de la direction de la faculté d’intégrer un minimum de 10% d’enseignement à distance. Il tenait également à mettre à disposition des étudiant(e)s des ressources explicatives du cours, des questionnaires pour amorcer les connaissances antérieures et des questionnaires d’évaluation des connaissances. Par conséquent, le cours n’est pas tout à fait un apprentissage par projet, il est également un cours hybride ou la partie activation des connaissances antérieures et recherche des ressources étaient mises à disposition des étudiant(e)s. L’enseignant contrôle toujours l’apprentissage des étudiant(e)s. Cependant la philosophie de l’apprentissage par projet reste le travail en équipe, l’activation des connaissances antérieures et la réflexion sur le projet et sa manière d’apprendre.
Lors de chaque rendez-vous, la conseillère pédagogique a fait appel aux principes pédagogiques décris dans le cadre de référence de cet article ainsi qu’aux dimensions d’un enseignement hybride de la recherche Hy-Sup décrit également dans l’analyse de l’enseignement.

4. Description du nouvel enseignement

Lors de l’accréditation 2017-2021, le volume horaire étudiant a été diminué à 24h entièrement dévolu à un projet en séances de TP. L’objectif de ce projet est de réaliser en binôme un chronomètre en essayant de mettre en œuvre des méthodes de conception proches de ce que l’on pourrait trouver en bureau d’études. L’ensemble du scénario pédagogique est mis en place et suivi sur la plateforme moodle. Deux ECTS sont associés à cet enseignement induisant entre 50 et 60h de travail pour l’étudiant(e).
Les étudiant(e)s avaient à disposition une carte électronique (FPGA) obtenue dans le cadre du GIP-CNFM (Coordination Nationale pour la Formation en microélectronique et en nanotechnologies) et des logiciels spécifiques disponibles gratuitement.

4.1. Organisation pédagogique
Dans l’espace d’apprentissage, l’enseignement est présenté par les compétences qui seront développées, les résultats d’apprentissage attendus, le programme, l’organisation pédagogique, l’évaluation et la validation. L’enseignement se déroule en neuf étapes comprenant des travaux à réaliser avant de venir, le travail à faire pendant la séance d’une durée de 2h40 et le livrable attendu. L’enseignement commence par une première séance dédiée aux méthodes de travail en groupe, à l’apprentissage à distance et à une première activation des connaissances antérieures.

4.2. Evaluation des apprentissages
Différents temps et différentes évaluations sont proposés afin de favoriser le développement progressif et continu des compétences visées dans cet enseignement :

  • Une évaluation diagnostique à travers le test d’auto positionnement des connaissances préalables,
  • Une évaluation formative tout au long de la formation à travers des auto-évaluations et le suivi technique du projet,
  • Une évaluation sommative à travers le devoir écrit analysant la solution industrielle.

La validation de l’unité d’enseignement s’effectue par l’identification et la justification de la progression du développement des compétences appuyée sur l’outil carnet de bord pour un poids de 40 %, l’avancement dans la réalisation du projet pour un poids de 30 % et le devoir écrit d’analyse de la solution pré-industrielle pour un poids de 30 %.

4.3. Accompagnement des étudiant(e)s distants
La réalisation des activités à faire avant de venir en séance a été vérifiée régulièrement afin de relancer les étudiant(e)s n’ayant pas encore effectué le travail demandé. Ces relances sont faites dans un premier temps de manière collective par l’intermédiaire du forum puis pour les étudiant(e)s n’ayant pas réalisé les travaux nécessaires deux jours avant la séance, une relance individuelle et nominative par mail. Le temps consacré à cet accompagnement à distance n’est pas très important. En effet, au début de l’enseignement, le temps consacré à cette partie est de l’ordre de 1h par semaine. Ce temps va en diminuant au fur et à mesure car les étudiant(e)s prennent l’habitude de faire le travail préalable sans qu’il y ait besoin de les relancer. Cette part du travail enseignant en dehors du temps présentiel n’est donc pas plus important que le travail de préparation d’un enseignement « traditionnel ».

4.4. Accompagnement des étudiant(e)s en séance
Je répondais aux questions des étudiant(e)s à leur demande et par binôme en étant très réactif durant les premières séances afin qu’ils ne perdent pas trop de temps notamment lors de la prise en main des logiciels. Puis, progressivement, j’intervenais moins vite leur laissant le temps de trouver une solution par eux-mêmes ou bien en leur donnant des indications mais sans leur donner la solution. En effet, il y a souvent plusieurs solutions technologiques pour arriver au résultat demandé mais certaines peuvent être réutilisées facilement dans d’autres projets.

5. Un cadre de référence

5.1. Le paradigme constructiviste
Pour répondre aux attentes de l’enseignant, nous faisons appel au paradigme constructiviste et plus précisément le socioconstructivisme. « Le paradigme constructiviste définit la connaissance comme une construction personnelle qui s’appuie sur les connaissances antérieures de l’individu, ses buts et ses expériences vécues ». (Ménard. L., Saint Pierre. L., 2014). Le cours commence par l’activation des connaissances antérieures. Les expériences vécues sont écrites et analysées dans le carnet de bord. Le déroulement du cours se fait en équipe.

5.2. Un enseignement contextualisé authentique
Dans le cours, nous avons gardé le projet final à réaliser faisant appel à une notion d’enseignement contextualisé authentique. « Il s’agit de situations contextualisées, dans lesquelles les données à traiter sont complexes et variées et pour lesquelles un tiers (enseignant ou pair) joue un rôle de médiateur permettant ainsi à l’apprenant de construire des connaissances dont il sait les fonctions et les conditions d’applicabilité » (Frenay, Noel, Parmentier et Romainville, 1998). Pour cela, nous avons voulu mettre en place une méthode pédagogique dite « apprentissage par projet ».

5.3. Une pédagogie métacognitive
Rendre l’étudiant(e) acteur de ses apprentissages ne passe pas uniquement par les activités mais également par une réflexion sur ses apprentissages. La pédagogie employée se veut donc également une pédagogie métacognitive. Selon Martin (1991), "une pédagogie métacognitive devrait être :

  • constructiviste et postuler que les apprenants construisent eux-mêmes leurs savoirs et leurs savoir-faire.
  • interactive car les élèves apprennent en échangeant entre eux, d’où la nécessité de travailler en groupes et de susciter au maximum des temps d’échanges entre élèves ;
  • intimement liée à la réussite des sujets et avoir prise sur la motivation (…) ;
  • métacognitive et stimuler la réflexion des apprenants sur l’acquisition de leurs connaissances et sur le fonctionnement de leur processus d’apprentissage. »

Pour cela, nous avons mis en place un carnet de bord des apprentissages. Après chaque étape du projet, l’étudiant(e) y inscrit sa manière de travailler, ses réussites, ses difficultés et les apprentissages réalisés. L’objectif était double :

  • Faire prendre du recul sur les méthodes d’apprentissage employées dans le cours par l’étudiant(e),
  • Faire le point sur ses propres apprentissages.

5.4. La dynamique motivationnelle
Les principes de la dynamique motivationnelle de Viau ont façonné notre réflexion au long de la conception du cours. Selon Viau la dynamique motivationnelle de l’étudiant(e) fluctue et l’enseignant a les moyens d’influer sur leur motivation en agissant sur ces trois perceptions : "La perception de la valeur d’une activité pédagogique se définit comme le jugement qu’un étudiant(e) porte sur l’intérêt et l’utilité d’accomplir une activité qui lui est proposée, et ce, en fonction des buts qu’il poursuit (Eccles, Wigfield et Shiefele, 1998 ; Viau, 2009). La perception de sa compétence est le jugement que l’étudiant(e) porte sur sa capacité de réussir de manière adéquate l’activité pédagogique qui lui est proposée (Viau, 2009). La perception de la contrôlabilité en milieu scolaire se définit comme étant le degré de contrôle qu’un étudiant(e) croit exercer sur le déroulement d’une activité (Viau, 2009) (Viau, 2014). Ces trois perceptions ont pour conséquence une augmentation de l’engagement cognitif et de la persévérance dans les activités pédagogiques.

5.5. Un dispositif hybride de formation
Dans l’enseignement étudié, l’hybridation concerne l’alternance entre des cours en présentiel et à distance. L’enseignement-apprentissage à distance a été conçu suivant la définition d’un enseignement-apprentissage en distanciel de la Faculté : « L’enseignement-apprentissage en distanciel est un ensemble comprenant des contenus, des résultats d’apprentissage, d’éventuelles évaluations, des activités, des consignes, des suivis des étudiant(e)s, indiqués dans une scénarisation cohérente et mis à disposition des étudiant(e)s via des outils numériques. L’ensemble de ces éléments doit permettre à l’étudiant(e) de comprendre les enjeux de ses apprentissages et les moyens qui lui sont donnés pour atteindre à distance les résultats d’apprentissage visés » (Guide enseignement-apprentissage en distanciel, Faculté des Sciences et des Techniques de l’Université de Nantes, 2016).
Cette définition met l’apprenant au centre de l’enseignement-apprentissage. Elle s’inspire des composantes d’une approche d’ingénierie pédagogique simplifiée de Daele et Berthiaume, (2013) dans La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques tome 1 : Enseigner au supérieur de Berthiaume et Rege Colet (2013).

6. Problématique

L’évolution d’un cours traditionnel CM/TD/TP en un cours hybride avec une approche par projet rend-elle les étudiant(e)s motivés et engagés dans leurs apprentissages ? Cette évolution opère-t-elle un changement de pratique chez l’enseignant ?

7. Analyses

7.1. Analyse de l’enseignement hybride
Nous analysons le dispositif à la lumière des cinq dimensions du cadre de référence adopté dans la recherche Hy-Sup « (1) la mise à distance et les modalités d’articulation des phases présentielles et distantes, (2) l’accompagnement humain, (3) les formes particulières de médiatisation et (4) de médiation liées à l’utilisation d’un environnement technopédagogique et (5) le degré d’ouverture du dispositif.
Selon les cinq dimensions l’enseignant se positionne à différents degrés. Il y a une alternance entre les phases en présentiel et en distanciel avec une prédominance pour les activités à distance. L’enseignant exerce un tutorat proactif. Il va au-devant d’une possible démotivation avec des relances collectives et individuelles régulières. Cependant des feedbacks à distance sur leurs réalisations ne sont pas réalisés. La partie de cours à distance est faiblement médiatisée avec une utilisation simple de la plateforme d’apprentissage. L’ergonomie a été travaillée, des vidéos et des liens vers des ressources complémentaires sont proposés aux étudiant(e)s. L’organisation pédagogique est mise à disposition des étudiant(e)s. Les étudiant(e)s ont les moyens d’échanger entre eux via la plateforme. Cependant ces échanges ne sont pas sollicités, il n’y a pas de travail de groupe à distance. Le degré d’ouverture est faible. Les étudiant(e)s ont peu de choix à exercer sur les activités à réaliser. La dynamique de cours est rythmée et encadrée. Avant chaque séance, l’étudiant(e) réalise des activités à distance pour s’approprier les nouvelles connaissances, les appliquer en travaux pratiques dans une situation qui se veut authentique et s’autoévaluer à la fin de la séance.
A partir de ce cadre de référence, la recherche Hy-Sup définit 6 types de dispositifs du moins centré sur l’apprenant (types de 1 à 3) au plus centré sur l’apprenant (types de 4 à 6). Suivant l’analyse, l’enseignant situe son enseignement-apprentissage hybride de type 4. Il est centré sur l’étudiant(e) sans toutefois le rendre complètement acteur de son apprentissage à distance.

7.2. Analyse suivant la dynamique motivationnelle
Suivant la dynamique motivationnelle de Viau(2001), l’enseignant réalise l’analyse suivante : « soit que les étudiant(e)s sont démotivés dès le départ, car ils ne voient pas l’importance de la matière enseignée, soit que motivés au début du cours, ils deviennent démotivés à cause des activités que le professeur leur propose". Ce passage reflète bien la situation précédente ayant mené l’enseignant à prendre contact avec le pôle pédagogie de la Faculté afin de faire évoluer cet enseignement.
Les activités mises en avant dans cet article comme étant les plus motivantes sont bien présentes dans cet enseignement « étude de cas, analyse en classe d’une situation se rapprochant de la réalité et apprentissage par projet : réalisation d’un projet d’équipe qui comporte les mêmes étapes et les mêmes contraintes que dans la vie professionnelle ».
Selon les trois déterminants de la dynamique motivationnelle :

  • La perception de la valeur d’une activité est donnée par la réalisation d’un « Produit industriel » en utilisant des méthodes proches de l’industrie et par l’analyse d’une solution pré-industrielle développée par un bureau d’études en électronique.
  • La perception de sa compétence est donnée par l’utilisation du carnet de bord permettant à l’étudiant(e) de visualiser sa progression
  • La perception de contrôlabilité : dans cet enseignement, les étudiant(e)s progressent à leur rythme aussi bien sur la première partie d’acquisition des connaissances de base du langage et de leurs mises en pratiques que sur la seconde partie sur le projet de réalisation du chronomètre

Dans le but de favoriser chez les étudiant(e)s leur perception de compétence et de contrôlabilité, des fiches de lecture ont été élaborées afin de les supporter lors des moments d’étude à l’extérieur du cours. Dans cet enseignement, les étudiant(e)s progressent à leur rythme à l’aide de vidéos, de fiches récapitulatives et de tests sur la première partie qu’ils peuvent mobiliser en dehors des séquences en présentiel.

7.3. Analyse faite sur les retours des étudiant(e)s
L’analyse a porté sur les réponses données par les étudiant(e)s à deux questionnaires : un en début après la première séance introductive aux méthodes d’enseignement et d’apprentissage et un en fin d’enseignement. Nous avons réalisé une analyse lexicale des réponses en comparant le vocabulaire utilisé par les étudiant(e)s au champ lexical de l’engagement en formation présent dans le Dictionnaire des concepts de la professionnalisation (Jorro2014), de la dynamique motivationnelle présent dans l’article de Viau2001 et dans le chapitre 9 "Enseigner et motiver les étudiant(e)s à apprendre" du livre Se forme à la Pédagogie (Ménard et Saint Pierre, 2014). Ce champ est : implication, motivation, persévérance, choix, planification, réflexion, utilité, importance, intéressante, intérêt, enthousiasme, autonomie, contrôle, compétence.
En début d’enseignement :

  • 24 répondants sur 35 n’avaient pas rencontré un enseignement de type classe inversée.
  • 20 répondants sur 35 avaient une appréhension, des inquiétudes face à cette organisation pédagogique.
  • 26 étudiant(e)s sur 35 pensaient s’organiser différemment pour l’étude de cette UE.
  • 20 répondants sur 35 trouvent cette organisation enthousiasmante.

Les résultats nous montrent que malgré la nouveauté de la méthode d’enseignement et l’appréhension des étudiant(e)s face à cette organisation pédagogique, cette dernière leur parait enthousiasmante. Ils montrent un engagement et une motivation significatifs vis à vis de la discipline après la première séance de cours.
Suivant les trois perceptions de la dynamique motivationnelle de Viau, dans leurs réponses ouvertes à la question « Expliquez en quelques mots comment vous parait cette organisation », les étudiant(e)s montrent clairement la perception de contrôlabilité que leur offre cette organisation malgré le peu d’ouverture que nous avons constaté précédemment :

  • "Je trouve cette organisation enthousiasmante, pour le fait qu’on doit absolument chercher par nous même à comprendre le cours et venir l’appliquer. C’est motivant de savoir que si nous on ne se bouge pas pour apprendre, personne ne le fera à notre place."
  • "Je pense que cette organisation est plutôt motivante, notamment grâce à la réalisation du projet et du fait que nous aurons plus de temps pour manipuler et faire des exercices en séance de TP."
  • "On va pouvoir gérer l’avancement de notre apprentissage nous-même."
  • "Je pense que cette méthode de travail peut être très enrichissante et effective. J’aime beaucoup le principe d’étudier le sujet avant de venir en cours. "
  • "Ça retire les stress d’un examen traditionnel, permet de se concentrer sur le contenu a proprement parlé, d’être plus à l’aise avec l’enseignant, la manière dont elle a été présentée m’enthousiasme et me donne envie de prendre part à l’aventure !"
  • "C’est une nouvelle méthode pour moi et ça va me permettre d’avoir plus de motivation et être un peu plus autonome."

Ils ont une perception pertinente de la valeur de l’activité :

  • "C’est le meilleur moyen d’aborder cette matière, surtout que plus tard ça sera par équipe technique dans les bureaux d’études".
  • "Je pense que cette méthode de travail peut nous permettre d’avancer plus vite et plus efficacement puisque chacun va pouvoir prendre le temps qu’il lui est nécessaire afin de comprendre le cour, ce qui est parfois difficile en classe puisque chaque individu n’avance pas à la même vitesse."
  • "C’est l’opportunité d’être pleinement autonome."
  • "C’est une autre méthode d’apprentissage qui nous permet de savoir ce que l’on va faire en classe."
  • "L’UE donne l’impression d’avancer vers un but/objectif tout en réalisant les pré-requis nécessaires."
  • Ils démontrent également une perception de leur compétence à réaliser l’activité :
  • "Je pense que cette méthode de travail peut nous permettre d’avancer plus vite et plus efficacement."

En fin d’enseignement :

  • 24 répondants ont trouvé l’organisation de l’UE enthousiasmante soit 4 répondants de plus qu’au début de l’UE :
    • "A la première séance j’étais très réticent sur ce mode d’apprentissage à cause du temps à investir hors cours. Mais finalement ça s’est très bien passé tout au long du module."
  • 26 étudiant(e)s ont mis en place une organisation de travail différente par apport à une UE classique de type CM/TD/TP.
  • 29 étudiant(e)s sur 31 réponses se sont sentis plus acteur de leurs apprentissages.

Le carnet de bord a permis de prendre du recul et d’identifier les résultats d’apprentissage acquis pour 24 étudiant(e)s sur 31 répondants.

7.4. Analyse des pratiques de l’enseignant
Suivant l’observation de classe et les retours de l’enseignant, en cours il évite d’anticiper les difficultés, les erreurs et de donner des explications que les étudiant(e)s doivent chercher par eux-mêmes. Il ne se sent plus dispensateur des connaissances et contrôleur des acquisitions. Il est un guide prêt à orienter les étudiant(e)s dans leurs méthodes d’apprentissage et connaissances.
Le changement de rôle est important : « L’intervenant n’est plus un spécialiste transmettant son savoir. Il doit abandonner une conception de l’enseignement et de l’apprentissage qui est, dans bien des cas, bien ancrée dans son esprit (Ertmer et Simons, 2006). Une conception qui le met en avant-scène. En APP, son rôle est d’un tout autre ordre. Il s’agit pour lui de questionner les étudiant(e)s, de les faire réfléchir, de les amener à adopter une posture critique. Il doit soutenir le développement de résolution de problème et de collaboration (Savery, 2006). C’est le groupe qui doit être à l’avant-scène ». (Ménard et Saint Pierre,2014).
Les constats que l’enseignant avait réalisés en début d’accompagnement (répétition constante des connaissances dans tous les cours, liens étanches entre les CM, TD et TP, oubli du cours d’une séance sur l’autre et désintéressement) ne sont plus présents.
L’enseignant étant le seul à enseigner dans cette UE, il ne lui a pas été possible de travailler en équipe pédagogique. Les échanges réguliers avec la conseillère pédagogique l’ont donc aidé à prendre du recul sur ses pratiques pédagogiques.
Ces échanges et cette mise en œuvre d’une approche pédagogique différente ont suscité chez l’enseignant l’envie de se former. D’abord sur des aspects techniques (Tutorat en distanciel, Intégration de vidéos) puis en suivant des MOOCs en Sciences de l’Education.
Dans l’article faisant part de la recherche HySup relative « aux effets de la conception et de la mise en œuvre de dispositifs hybrides sur le processus de développement professionnel enseignant » (Lameul, Peltier et Charlier, 2014), il est mentionné que les enseignant-e-s ayant mis en place un type de dispositif à dominante auto-directive (Albero B., 1998, 2000, 2014) (soutien des apprentissages et de l’autoformation, prise en compte du hors institutionnel, centration sur les apprentissages) se montrent satisfaits. De plus, « Tous types de dispositifs confondus, les enseignant-e-s reconnaissent que le fait d’avoir donné un cours sous forme hybride a modifié leur pratique d’enseignement ». « En moyenne, 58% (n=81) des enseignant-e-s déclarent modifier leur pratique dans la mise en œuvre de leurs choix pédagogiques à l’issue de l’expérience qu’ils font d’un cours en mode hybride ».

8. Conclusion

Au regard des retours des étudiant(e)s, nous constatons que nous avons été très critiques dans l’analyse du dispositif suivant les 5 dimensions d’analyse du projet Hy-Sup. Les étudiant(e)s sont motivés dès la présentation de l’UE et ils gardent cette motivation au long du cours avec une perception positive de la valeur des activités, leurs compétences et le contrôle qu’ils exercent sur les activités pédagogiques. Dans notre cas, la transformation d’un cours traditionnel CM/TD/TP en un cours hybride avec une approche par projet rend les étudiant(e)s motivés et engagés dans leurs apprentissages. La posture de l’enseignement vis à vis du paradigme constructiviste s’est transformée au fur à mesure de la conception puis de l’animation du cours. Plusieurs facteurs rentrent en considération dans le changement opéré :

  • la volonté de l’enseignant de faire évoluer son cours,
  • l’accompagnement par une conseillère en pédagogie,
  • la construction du cours de manière collaborative,
  • le temps long de la mise en place du cours et de l’accompagnement.

Le nouvel enseignement fonctionne grâce à l’ensemble des transformations réalisées sur chacun des éléments caractérisant le distanciel selon la définition portée par la Faculté et les principes pédagogiques décrits. Il fonctionne également grâce aux choix désirés et assumés par l’enseignant et communiqués aux étudiant(e)s. Le fil rouge de cette transformation est de mettre l’étudiant(e) au cœur de ses apprentissages. Cette philosophie d’enseignement participe à la réussite du cours et au plaisir retrouvé d’enseigner.
Cet objectif de mettre l’étudiant(e) au centre du processus et de soutenir sa motivation sera poursuivi par la suite en faisant évoluer cet enseignement vers une organisation comodale. Cette organisation est définie sur le site de l’Université Laval comme « système de formation où coexistent de façon simultanée les modes de formation en présentiel et à distance, ce qui permet à l’étudiant(e) de choisir sur une base hebdomadaire le mode de diffusion qui lui convient, en fonction de ses besoins ou de ses préférences » (2019).

9. Bibliographie

  • Balleux, A. (2000). Évolution de la notion d’apprentissage expérientiel en éducation des adultes : vingt-cinq ans de recherche. Revue des sciences de l’éducation, 26(2), 263–286. https://doi.org/10.7202/000123ar
  • Berthiaume, D., & Rege, Colet, N., (2013) La pédagogie de l’enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques tome 1 : Enseigner au supérieur, Edition Peter Lang SA
  • Jorro, A., (2014), Dictionnaire des concepts de la professionnalisation, De Boeck
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