Repris d’un article publié en avril 2019 par The shift project une publication qui autorise la reprise des contenus sous certaines conditions
Le contexte
Les enjeux soulevés par le changement climatique n’ont jamais été aussi prégnants. Ils sont étroitement liés à l’énergie – d’origine fossile à 80 % aujourd’hui – qui alimente depuis près de 150 ans le développement économique mondial. Qu’il s’agisse d’atténuer notre impact, de réduire notre dépendance ou de nous adapter aux bouleversements à venir, les répercussions sur l’économie et la société seront d’une ampleur sans précédent.
Ces perspectives sont à la fois profondément inquiétantes et éminemment complexes. Y faire face exige une population certes sensibilisée, mais aussi informée et formée – notamment en tant que futurs élus, électeurs, parents et professionnels de tous les secteurs (de la santé à l’industrie, en passant par la culture et la fonction publique). Il ne s’agit pas de former uniquement aux métiers dits « verts ». En effet, bien qu’à des degrés divers, tous les métiers sont concernés. Et la compréhension des faits est vitale.
Le défi : former les étudiants pour décarboner la société
Or, les enjeux climat-énergie sont encore peu enseignés, et a fortiori dans la formation post-bac, qui accueille chaque année 6,5 % de la population « en âge de travailler » (15-64 ans). L’enseignement supérieur doit donc former tous les étudiants aux enjeux climat-énergie.
Partant de ce constat, The Shift Project propose un état des lieux de la manière dont ces sujets sont abordés, et identifie des pistes d’actions concrètes autour desquelles mobiliser la communauté du supérieur. Ces actions visent à permettre le développement massif et rapide de l’enseignement des enjeux climat-énergie, donc à doter la France des moyens humains nécessaires à ses objectifs climatiques.
La demande est forte, mais l’offre est limitée
La demande est forte chez les étudiants et lycéens. Leur mobilisation, massive et inédite, appelle à une réponse académique profonde.
L’offre est largement insuffisante, avec seulement 11 % des formations qui abordent actuellement les enjeux climat-énergie de manière obligatoire. Le nombre de cours par formation, ainsi que leur contenu, sont fortement hétérogènes. C’est ce que montre notre analyse inédite des formations de 34 établissements du supérieur.
Cette offre est par ailleurs principalement réservée aux futurs ingénieurs et aux étudiants de certains établissements pionniers. Elle doit pourtant concerner tous les étudiants dans tous les établissements et, bien que de manière différenciée, dans toutes les disciplines.
Transformer l’inquiétude en mobilisation générale
De plus en plus d’enseignants et dirigeants d’établissements s’emparent des enjeux climat-énergie. Mais ils sont encore trop peu nombreux et se sentent souvent bien seuls : face à l’ampleur et à la difficulté de la tâche, face au manque de soutien et de valorisation de leurs actions, face à la lenteur du changement et au manque de portage politique du sujet.
À l’issue de plus de 140 entretiens, nous pouvons témoigner qu’une préoccupation intense existe dans la communauté du supérieur : les manifestations de ces dernières semaines ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Il appartient aux acteurs, dirigeants d’établissements en tête, de transformer le frémissement actuel en mobilisation générale et durable de tout le supérieur. Car c’est bien là un défi à long terme que de former des générations d’étudiants.
Il est urgent d’agir. Nombre de directions et d’enseignants en ont déjà l’envie et y voient un intérêt stratégique – pas tous. Le supérieur est capable d’agir à la bonne échelle, à condition de bénéficier des impulsions nécessaires, y compris de la part de l’État. Telle est la principale conclusion de l’étude du think tank The Shift Project : sommes-nous prêts ?
Le rapport « Mobiliser l’Enseignement Supérieur pour le Climat » est le fruit d’un travail de 18 mois, piloté par Clémence Vorreux, Marion Berthault et Audrey Renaudin avec le conseil du physicien Jacques Treiner. Initié à la suggestion du Comité des Experts du Shift, ce rapport se fonde d’abord sur un travail qualitatif : une revue bibliographique et plus de 140 entretiens. Il a été complété par des ateliers collaboratifs ayant rassemblé une centaine de professionnels en novembre 2018, et enrichi d’une analyse chiffrée inédite des formations de 34 établissements (12 écoles d’ingénieur, 5 écoles pour fonctionnaires, 6 écoles de commerce, 4 universités et une sélection de 6 autres établissements). Les établissements analysés représentent 2450 formations (hors BTS, DUT et CPGE) et près de 300 000 étudiants – soit un peu plus de 11 % des 2,68 millions d’étudiants du pays. Le Shift a choisi de singulariser les enjeux climat-énergie au sein des questions environnementales au sens plus large, et par rapport à la notion de développement durable.
Contact : Jean-Noël Geist, Chargé des affaires publiques, The Shift Project – jean-noel.geist@theshiftproject.org | 06 95 10 81 91
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