De la recherche à l’enseignement
Dans le domaine des risques naturels et industriels, la formation à la gestion de crises est une approche pluridisciplinaire qui réunit, entre autres, sciences de l’éducation, géographie, génie des procédés, sciences sociales, informatique... Dans ce contexte, IMT Mines Alès a conçu une plateforme innovante pour la recherche et la formation : SIMULCRISE (vidéos ici et là).
Cet environnement semi-virtuel de formation est un Living Lab, comprendre un lieu de cocréation d’outils et de services avec les usagers finaux grâce à un écosystème public-privé-citoyen, et un Learning Lab, c’est-à-dire un lieu d’expérimentation en innovation pédagogique. Les exercices réalisés sont basés sur la simulation et sont ainsi dynamiques, interactifs et temps réel.
Les biais pédagogiques
La préparation d’étudiants à des exercices basés sur la simulation passe traditionnellement par l’emploi de cours transmissifs éventuellement suivis d’exercices sur table préparatoires. Les biais pédagogiques qu’il est fréquent d’observer sont les suivants :
- L’exigence de réalisme et d’immersion des simulations nécessite la maîtrise de nombreux prérequis techniques et non-techniques et, dans le cas de simulateurs, du lieu et des outils métiers impliqués. En gestion de crise, il faut aussi avoir l’expérience du travail d’équipe en grands groupes, ce qui n’est pas le cas des étudiants en règle générale.
- Une phase théorique précède la phase pratique. Or, les adultes préfèrent apprendre ce qui leur servira à court terme : n’ayant pas fait l’expérience d’une situation de crise, les étudiants ont un engagement variablement moyen durant la phase théorique (état d’incompétence inconsciente).
- L’asynchronisme des exercices sur table est source de démotivation car ces derniers peuvent être perçus comme non-représentatifs de la réalité. On peut observer des étudiants se désengager voire remettre en cause la véracité ou l’utilité pour eux du contenu pédagogique.
- Enfin, certains étudiants sont mal à l’aise avec des enseignements classiques et restent en retrait, que l’atelier ait une visée participative ou non.
A noter que ces limites ne se cantonnent pas au domaine des risques naturels et industriels et sont observés plus largement, avec des intensités variables, par d’autres enseignants dans d’autres disciplines.
Le jeu pour enseigner et apprendre
De nombreux travaux récents issus des sciences de l’éducation soutiennent l’idée que le jeu sérieux, qu’il soit issu d’un processus de création ex nihilo ou la résultante d’un processus de ludification, est un moyen efficace pour engager des participants, contribuer positivement à l’acquisition de connaissances et de compétences. Les leviers impliqués sont :
- La motivation : le jeu permet de faire rentrer les élèves une zone de confort qui permet d’atteindre un élément essentiel qui est la confiance en soi.
- La différentiation pédagogique : le jeu libère la créativité et fédère des profils variés (origine, genre, âge…) car il sollicite de multiples sources de satisfaction, de sens et de types d’intelligence complémentaires.
- L’apprentissage par essais et erreurs : l’élève-joueur peut découvrir, expérimenter, manipuler des concepts et des outils pour les comprendre et les maîtriser, influer sur la difficulté de l’activité et non plus la subir passivement, mobiliser des compétences et connaissances connexes, créant du lien entre les apprentissages.
Quatre jeux sérieux au service de l’innovation pédagogique
Pour pallier ces limites, un parcours progressif a été élaboré autour de quatre jeux sérieux (cf. remerciements).
Retrouvez plus d’infos sur CrisiScape, Burger Criz et Crise à la Carte dans cette vidéo [1].
Depuis 2018, ces jeux sérieux ont été mis en œuvre en plusieurs occasions : cursus universitaires ou en école d’ingénieurs, fête de la science, stages de découverte... Ils sont été testés auprès de publics différents, principalement des collégiens, lycéens, étudiants de l’enseignement supérieur. Les retours directs sont à ce jour très positifs et un protocole expérimental est actuellement en cours afin de quantifier et qualifier ces premiers résultats. D’un point de vue pédagogique, les résultats sont en effet extrêmement prometteurs, que ce soit au niveau de la captation de l’attention, que de l’engagement des élèves en passant par l’amélioration de l’apprentissage par rapport aux modalités antérieurement mises en œuvre. Les connaissances et compétences sollicitées ont une complémentarité plus forte ce qui permet également de mettre en cohérence les savoirs, savoir-être et savoir-faire acquis par ailleurs.
Témoignages
« Le gros avantage, c’est qu’on passe de spectateurs passifs à participants actifs par rapport à un cours normal ou un cours magistral. »
Antoine Ricque, promotion 168, 2ER.
« On a vu les différents outils qui étaient mis à disposition, ce qui était une bonne entrée, je trouve, pour présenter cette thématique-là. Ça m’a beaucoup plu ! »
Billy Pottier, doctorant au LGEI.
« Ce qui est très important dans la gestion des risques, c’est l’entraide et la coopération, et forcément les jeux en équipe encouragent cela. »
Sarah Hassini, étudiante à Science Po Toulouse.
« La crise, c’est pas très marrant comme thématique, et lui, il réussit à l’appliquer dans un contexte ludique et un contexte où on peut apprendre les mots-clés, les enjeux d’un territoire, comment les appréhender et tout le vocabulaire autour de la gestion de crise. »
Victor Dauchez, promotion 168, 2ER.
Remerciements
Crise à la Carte et Burger Criz ont été créés et validés en collaboration avec Noémie Fréalle et Dimitri Lapierre, respectivement docteurs en « Sciences et Génie de l’Environnement » et en « Psychologie Sociale ». Plusieurs améliorations ont été apportées aux 4 jeux sérieux présentés dans ce billet par Philippe Bouillet, ingénieur en informatique, et par Elise Carton et Maxence Corailler, élèves d’IMT Mines Alès en monitorat recherche.
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