Un articlerepris du site Ingénieurs sans frontières
Au niveau des établissements, la formation est négociée entre différent·es acteur·rices (cf l’infographie en page 2). L’État et les entreprises, qui financent bien plus abondamment les écoles que les inscriptions des étudiant·es, cherchent à produire des ingénieur·es adapté·es à un marché de l’emploi et à des pratiques industrielles à l’origine des problèmes socio-environnementaux. Leur pouvoir est tel qu’il est difficile d’exprimer la notion de "décroissance" dans les classes comme dans les instances de gouvernance des écoles. Cette dépolitisation ne s’arrête pas à leurs portes, elle est aussi visible au niveau national au sein des organismes d’accréditation des diplômes comme la commission des titres d’ingénieur où le premier syndicat des patron·nes de France occupe une place très confortable.
Et pourtant, face à cette forme d’ingénierie qui domine les formations françaises, quelques exceptions montrent que des alternatives sont possibles. L’ENGEES (école de l’eau et environnement à Strasbourg) forme à la co-construction territoriale dans la gestion de la ressource en eau, sous l’impulsion du laboratoire interdisciplinaire GESTE (sociologie, économie, ingénierie). Cependant sa formation technique est assez conventionnelle, invisibilisant les alternatives car modelée pour les besoins de Veolia. A l’inverse, l’ICAM de Lille vient de créer une spécialité Low Tech malheureusement technocentrée et inscrite dans le paradigme de l’économie circulaire industrielle, un capitalisme vert qui défend toujours les intérêts d’une minorité. Enfin, on peut citer un cas plus rare, celui d’APTERIA à Sciences Agro Bordeaux qui forme des ingénieur·es à exercer dans le monde associatif et/ou la fonction publique.
L’une des conditions clés est d’avoir des enseignant·es-chercheur·ses qui s’engagent dans la transformation de la formation, par leurs enseignements et par les instances de gouvernance qu’elles·ils investissent.
Parallèlement à ces transformations marginales, on voit fleurir des initiatives prometteuses qui repolitisent partiellement la question des formations : The Shift Project qui mène le projet Climat en partenariat avec le groupement des INSA ; le collectif interdisciplinaire de chercheur·euses FORTES qui vient de développer son Manuel de la Grande Transition avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ; ou encore Pour un réveil écologique qui ouvre un groupe de travail avec le même ministère pour conduire une réflexion sur l’évolution de l’enseignement supérieur. Mais ces alliances peuvent-elles amorcer un changement suffisamment radical ? En tout cas, voici différents freins et leviers que les étudiant·es peuvent contourner et mobiliser dans leur stratégie pour transformer les formations.
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