En 2015 et 2016, des agronomes membres d’Ingénieurs sans frontières Cameroun et d’Ingénieurs sans frontières France ont participé à un échange entre pairs portant sur leurs relations professionnelles avec les paysans, et sur l’évolution de cette relation, d’une posture de conseil expert vers une démarche d’accompagnement non directif. L’échange s’est concrétisé par des visites de terrain dans les deux pays et des sessions de réflexion commune. Cette prise de recul " ;interculturelle" ; a permis à chacun des participants de mieux analyser ses propres pratiques, tout en envisageant leur évolution dans la confrontation à l’autre.
En organisant ces Rencontres thématiques internationales, le groupe Agriculture et souveraineté alimentaire (AgriSTA) d’ISF France a souhaité s’inscrire par la pratique dans un renouvellement des actions de solidarité internationale menées par différents acteurs. En effet, un grand nombre d’actions de solidarité internationale reproduit des schémas de domination post-coloniaux. Dans le cadre du développement rural, cela se traduit notamment par des transferts techniques « descendants », à la fois non-efficaces et non-pertinents pour les populations censées en être bénéficiaires. C’est pourquoi Ingénieurs sans frontières a choisi de réorienter, autant que faire se peut, ses actions « d’appui technique » vers des « échanges réciproques entre pairs », qu’ils soient élèves dans des formations techniques ou praticiens (ingénieurs et techniciens en activité). L’idée est que, de ces échanges, naissent et se co-construisent les solutions de chaque partenaire.
A travers ce projet les membres du groupe AgriSTA ont souhaité éclairer leur pratique professionnelle à l’aune du Manifeste pour une formation citoyenne des ingénieur.e.s, publié en 2014 par ISF France. Le Manifeste insiste sur la nécessité de révéler le sens politique de la technique et de replacer les formations d’ingénieurs au service de plus de justice sociale et environnementale. Ces rencontres internationales ont permis d’observer comment, une fois formé, l’ingénieur peut concrètement mettre en pratique cette formation citoyenne. L’adoption d’une démarche d’accompagnement, en lieu et place d’une posture d’expertise descendante, redéfinit l’ingénieur comme un médiateur entre différents acteurs, tour à tour producteurs de savoir et usagers de la technique. Ce changement facilite une pratique et une utilisation démocratiques de la technique. Il freine son accaparement par une élite maîtrisant sa production et sa diffusion au service d’intérêts particuliers.
Ainsi ce projet montre à travers une forme innovante de solidarité internationale que l’évolution des pratiques de l’agronome face aux enjeux actuels de l’agriculture et de la ruralité au Cameroun et en France devrait passer par une démarche engagée et citoyenne. Le rapport complet du projet ainsi qu’une synthèse sont disponibles ci-joints. Une note de capitalisation sur le sujet est aussi en cours de rédaction dans le cadre de la participation d’Ingénieurs sans frontières à la Commission Agriculture et Alimentation de Coordination Sud, coordination des ONG françaises de solidarité internationale. Enfin, un atelier sur les démarches d’accompagnement menées par les agronomes sera organisé lors des Rencontres de la solidarité internationale et de la citoyenneté d’Ingénieurs sans frontières en mars 2017.
Le rapport en basse définition (52 pages) et la synthèse (8 pages) sont téléchargeables ci-contre. Pour obtenir le rapport en haute definition, merci d’envoyer votre demande à isf.agrista[at]gmail.com .
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