La pandémie que nous vivons depuis maintenant presque deux années a bouleversé les pratiques pédagogiques. Les cours à distance se sont multipliés, de nombreux écoliers, lycéens et étudiants ont dû travailler davantage seuls, souvent sans accompagnement des enseignants ou de leur famille. Les inégalités éducatives ont ainsi été accentuées.
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Dans ce contexte, les élèves qui réussissent le mieux sont ceux qui disposent d’un éventail de techniques et de compétences leur permettant de mobiliser toutes leurs connaissances pour suivre des cours d’une qualité souvent dégradée ou pour lire seuls les documents proposés.
La prise de notes est une de ces techniques indispensables aux apprentissages académiques : il est en effet impossible de mémoriser tout ce que nous entendons dès la première écoute ou de mémoriser tout ce que nous lisons. Les étudiants doivent donc, d’une part, sélectionner les informations les plus utiles et pertinentes dans leurs cours et, d’autre part, en garder une trace pérenne. Les notes sont, de fait, une mémoire externe qu’ils peuvent consulter à tout moment pour travailler et réviser leurs cours.
Des questions d’organisation
La plupart des étudiants estiment ainsi que prendre de notes contribue fortement à leur réussite. De nombreux travaux scientifiques ont montré que la prise de notes améliore effectivement les résultats académiques.
Bien entendu, plusieurs techniques de prise de notes existent (de la copie mot à mot aux notes organisées en matrices par exemple) et certaines sont plus efficaces que d’autres. Les plus efficaces permettent de mieux comprendre le contenu des cours. Elles contribuent aussi à une meilleure mémorisation, et à plus long terme, des nouvelles connaissances acquises.
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En effet, la qualité du traitement qui est effectué par l’étudiant sur les informations données par les enseignants dépend directement de la technique de prise de notes : plus cette technique favorise un traitement profond, c’est-à-dire du sens des énoncés, meilleures sont la mémorisation et la compréhension du cours. Par conséquent, les techniques qui favorisent l’organisation, la hiérarchisation et la reformulation des contenus conduisent généralement à de meilleurs résultats.
Malheureusement pour les étudiants, prendre des notes, c’est-à-dire écouter, comprendre et noter simultanément, entraîne une charge mentale très élevée. Aussi, pris à la fois dans l’urgence de la prise de notes et dans une crainte d’oublier une partie du cours, ils privilégient souvent des techniques simples qui favorisent la quantité des notes plutôt que l’organisation et la hiérarchisation des contenus.
Progression des outils numériques
Au-delà des techniques de prise de notes, rarement enseignées, les outils d’écriture utilisés par les étudiants contribuent-ils à l’efficacité de la prise de notes ? Cela change-t-il quelque chose de prendre des notes avec un clavier plutôt qu’un stylo ? Un enseignant face à un amphithéâtre ne peut que constater la multitude d’écrans et de tablettes qui s’offrent à sa vue.
Une enquête réalisée auprès de 700 étudiants de l’université de Poitiers montre que 90 % des étudiants interrogés ont déclaré utiliser le papier et le stylo et environ 60 % utilisent aussi un ordinateur. Les tablettes sont, quant à elles, très peu utilisées (moins de 5 %) et moins que les smartphones (qui servent surtout à photographier les diaporamas projetés par les enseignants).
Dans une enquête plus récente réalisée pour sa thèse auprès de 240 étudiants de diverses disciplines, une de mes doctorantes, Marie Lebrisse, observe que près de 90 % des étudiants interrogés déclarent recourir à un ordinateur pour prendre des notes et autant déclarent également utiliser le stylo et le papier.
Ces enquêtes montrent aussi que l’utilisation d’un ordinateur dépend des disciplines : celles qui reposent essentiellement sur la transmission du discours de l’enseignant favorisent la prise de notes au clavier. Il est en effet difficile de faire des schémas, des diagrammes, de noter des équations avec un clavier et une souris ! Aussi, les enseignements dans les disciplines scientifiques ou techniques, par exemple, conduisent plutôt à des prises de notes manuscrites.
Enfin, les étudiants déclarent préférer prendre des notes avec un ordinateur parce que leurs notes sont bien présentées et sont donc plus faciles à relire et réviser mais aussi pour la rapidité de la frappe au clavier. Ils sont ainsi (r)assurés de ne pas oublier de points importants du cours.
Des effets encore très discutés
Les effets des outils d’écriture sur la prise de notes sont multiples et difficiles à appréhender : la surface glissante des tablettes, la maniabilité des souris, les diverses options proposées par applications utilisées avec les ordinateurs, ou encore la taille des écrans, sont autant de facteurs qui interviennent dans la performance et autant d’obstacles (ou d’aides, selon les situations) pour les noteurs. Par exemple, une faible maitrise de la frappe au clavier se traduit par une mémorisation détériorée des informations retranscrites.
Depuis une décennie, plusieurs études ont tenté de mieux comprendre la prise de note sur ordinateur. Dans une étude de Mueller et Oppenheimer publiée en 2014, des étudiants à l’université devaient prendre des notes manuscrites ou avec un clavier, à partir de conférences vidéo de 30 minutes. Les auteurs ont testé l’hypothèse que la rapidité de la frappe au clavier – qui conduit les étudiants vers une prise de notes plus linéaire, visant à noter un maximum des mots du discours de l’enseignant, mais en le traitant moins du point de vue de sa signification – devrait conduire à une plus faible mémorisation.
Ils n’ont pas observé de différence selon l’outil sur le rappel d’informations précises qui sont présentes dans la vidéo. En revanche, ils ont observé un bénéfice de la prise de note manuscrite sur le rappel d’information traduisant la compréhension des étudiants.
D’autres travaux ont aussi observé des notes moins organisées et plus linéaires avec un clavier, mais, cette fois-ci, une meilleure mémorisation à la suite d’une prise de notes avec un ordinateur. Il est donc délicat de tirer des conclusions des études publiées à ce jour, tant certaines études diffèrent. Cependant, une méta-analyse (l’analyse simultanée des résultats de plusieurs études) récente ne semble pas montrer d’effet négatif de l’utilisation d’un ordinateur sur la mémorisation des informations notées.
Des usages à accompagner
D’autres technologies que le clavier et l’ordinateur existent pour prendre des notes : on peut citer les tablettes avec claviers extérieurs, virtuels ou encore avec stylets, et les smartpens, ces stylos numériques qui enregistrent et numérisent la trace écrite qu’ils produisent. Ces deux types d’outils reposent donc sur une prise de notes manuscrite et proposent des options d’outils numériques (par exemple, la reconnaissance de l’écriture).
Dans sa thèse, Marie Lebrisse a étudié la prise de notes sur tablette avec une application de prise de notes incluant un logiciel de reconnaissance de l’écriture tracée avec un stylet. Ses travaux indiquent que la prise de notes sur tablette se rapproche plus de celle sur papier. Les travaux qui ont analysé les tablettes eWriter, des tablettes spécifiquement dédiées à la prise de notes et à l’écriture, ont conduit à des résultats similaires.
L’utilisation des stylos numériques pour la prise de notes est aussi une piste à explorer. Ces stylos présentent l’avantage de pouvoir enregistrer non seulement l’écriture manuscrite mais aussi les enseignements dispensés en les synchronisant avec les notes écrites. Joseph Boyle, Temple University, Philadelphie, a conduit plusieurs recherches sur l’utilisation de ces outils pour les étudiants présentant des difficultés d’apprentissage. Il montre clairement comment l’utilisation de stylos électroniques peut aider ces élèves.
Pour conclure, si plusieurs études montrent les limites des outils numériques de prise de notes, de nombreuses soulignent aussi leur potentiel pour la réussite académique. Mais leur utilisation doit être accompagnée pour qu’ils apportent des bénéfices aux étudiants. Sans une formation adéquate et un soutien durable, ils peuvent finir par n’être guère plus que des gadgets…
Thierry Olive a reçu un financement de l’ANRT pour une thèse CIFRE. Il conseille et effectue des prestations de recherche pour le compte de son laboratoire auprès de starts-up de l’EdTech. Il ne reçoit aucune rémunération et ne possède pas de parts de ces sociétés, qui ne peuvent pas tirer profit de cet article.
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