Très bel article de Mélanie Cuissi sur les grandes transformations que va devoir relever (affronter ?) l’enseignement supérieur. Je suis entièrement d’accord avec l’auteure. Ses propos ne font que confirmer ce que j’énonce depuis longtemps, avec entre autres le grand retour de la pédagogie.
Je souhaite juste apporter quelques compléments et participer au débat.
Les enjeux sont en effet importants et la réponse ne pourra être que collective entraînant une coopération (obligatoire) entre établissements d’enseignement supérieur ou assimilés (universités d’entreprises par ex). Je trouve dommage par ailleurs qu’aucun des candidats à la Présidentielle ne mentionne ses enjeux dans son programme
Les nouvelles technologies
La transition numérique, sans conteste, entraîne des changements importants, voire même radicaux et sur tous les éléments de notre chaîne de valeur. Dite autrement, elle concerne l’aspect pédagogique, l’extra pédagogique et également la gestion d’établissement.
La mise en relation des étudiants avec l’entreprise est un très bon exemple des (r)évolutions prévues. Jusqu’à présent, l’une des forces des écoles de management était de mettre en relation les étudiants avec les entreprises (et vice-versa). « Demain », ces deux « populations » pourront se passer de nous. Elles le font d’ailleurs déjà !
Concrètement, nos étudiants sont contactés par des entreprises pour des stages/alternances ou emplois sans avoir candidaté. Les entreprises, grâce au big data, définissent les profils qui les intéressent et vont les chercher sur les réseaux sociaux. Potentiellement, nous n’avons plus aucune valeur ou avantage.
Que tous les directeurs et doyens se rassurent, nous en aurons encore mais cela supposera de redéfinir notre modèle et notre process.
Les compétences actuelles
Oui mais notre responsabilité se décline sur trois temps :
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Court terme : former nos étudiants à être employables et trouver rapidement « le job de leur rêve, au salaire de leur rêve dans l’entreprise de leur rêve » ;
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Moyen terme : préparer nos étudiants à pouvoir évoluer en termes de métiers, entreprises et secteurs d’activité. Nous le savons, cette génération n’est pas fidèle et change fréquemment de fonctions ;
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Long terme : préparer nos étudiants à affronter, dans le futur, des situations que nous n’imaginons même pas.
Attention à ne pas trop se « spécialiser » ou « focaliser » sur des compétences qui n’existeront plus (ou auront évolué) dans quelques années.
Sans compter aussi les nouveaux métiers qui vont émerger et pour lesquels nos diplômés devront être compétents. Attention, également, les soft skills ne sont qu’une partie de la formation. Paradoxalement, les fondamentaux et la culture générale sont des éléments importants de l’école du futur.
Les conséquences pour les établissements d’enseignement supérieur
1. Importance de la définition de notre mission : Elle se fera à partir de la question « qu’est-ce que j’enseigne ? »
Différentes réponses seront possibles :
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J’enseigne « ce que je crée » et la dimension recherche sera primordiale ;
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J’enseigne ce que d’autres ont créé en y ajoutant une dimension spécifique (pédagogique, cible, thématiques…) ;
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Je certifie sans forcément enseigner.
Tous les établissements ne pourront pas faire de la recherche, ce qui va supposer des « révisions déchirantes » pour certains.
2. Des investissements considérables : le numérique ne se résume pas à de la vidéo que l’on introduit dans un PowerPoint. Ce sont des projets conséquents qui nécessitent du temps et du financement !
Ces investissements concerneront également les infrastructures des établissements.
3. Une réflexion sur l’aménagement des espaces et notamment les flux de circulation.
4. L’accompagnement au changement de nos professeurs, de nos intervenants extérieurs mais aussi des étudiants.
5. Un questionnement autour de notre ROI, surtout pour nous business-schools qui sommes payantes. Quelle est notre valeur ajoutée ? Comment nous sommes capables de la mesurer et pourquoi nous sommes crédibles dans ces domaines ?
En définitive, ces grandes transformations vont changer l’ensemble de notre chaîne de valeur et nos métiers. Je l’ai indiqué, la réponse ne pourra être que collective : un établissement ne pourra agir seul dans son coin. D’où de nouvelles stratégies, plus particulièrement, celle à laquelle je crois qui est la mutualisation de nos opérations. De toute façon, nous n’avons pas le choix.
Toutes les institutions du monde font face à ces mêmes enjeux et pour nous, ne pas répondre à ces défis serait préjudiciable à l’ensemble de notre enseignement supérieur.
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