Si vous me lisez, vous savez que je suis très sceptique sur les IA génératives. Que ce soit sur leur utilité réelle au milieu de toutes les crises d’aujourd’hui et de demain. Ou sur leur rapport coût/bénéfice quand on mesure à quel point elles sont énergivores et peu éthiques dans leur fonctionnement (origine et entrainement des données notamment). Sur leur réalité économique, au-delà de la bulle qui est maintenant bien documentée. Enfin, sur la réalité de leurs capacités et limites techniques (leur faillibilité notamment, euphémisée par le doux nom d’hallucination), au-delà des fantasmes des plus technos-enthousiastes d’entre nous, là aussi de mieux en mieux documentés.
Toujours est-il qu’il est devenu indispensable de parler d’IA(s), pour plein de raisons, des très bonnes et des moins bonnes. La moins bonne, c’est que tout le monde en parle, et que tout le monde veut en être d’une manière ou d’une autre. La meilleure raison, c’est que c’est un fabuleux prétexte pour (re)faire de l’éducation au numérique comme je l’aime et l’appelle de mes voeux. Une éducation politique, populaire, technocritique et émancipatrice. Parce qu’à bien des égards, les IA(s) concentrent à peu près toutes les caractéristiques du numérique, et en sont une forme d’aboutissement. Un rappel aussi que fondamentalement, l’ordinateur est une machine à stocker et calculer des données.
Au sein des technocritiques et des alternuméristes, j’ai eu l’occasion de le dire à quelques reprises : je crois qu’il ne faut pas mélanger IA génératives et IA(s) en général. Les premières, j’en suis sincèrement convaincu, sont à ranger dans la catégorie du numérique inacceptable, celui qui est largement aliénant, subi (on le voit quand on commence à regarder ce qu’il se passe dans le monde du travail) et insoutenable écologiquement (les LLM sont des gouffres d’énergie et d’eau, et si certain⋅e⋅s proposent la fusion nucléaire pour régler le problème énergétique, peut-être faut-il que des gens plus sérieux – plus ancrés dans la réalité si vous préférez – leur répondent) et socialement. Les secondes, les intelligences artificielles, qu’on devrait appeler autrement, ou a minima mettre au pluriel, tant l’expression est polysémique, forment un ensemble extrêmement vaste, presque infini en réalité. Dans cet ensemble, certains modèles peuvent être réellement utiles pour les transitions à venir. Logiquement, ces modèles sont développés par des labos de recherches et financés par des collectivités. Pas par des startups financées à coups de milliards par des fonds d’investissement en quête de rentabilité extrême. Logiquement, ces modèles sont bien souvent des petits modèles, incomparablement moins gourmands aux LLM (Large Language Models), incomparablement moins médiatisés aussi.
Toujours est-il qu’il est devenu indispensable de parler d’IA quand on fait de l’éducation au numérique. Pour détricoter le vrai du faux, apporter de la nuance, de la complexité, de la critique aussi. Comme d’autres, j’ai commencé à m’y atteler, et voici un premier support (en l’occurrence, de conférence/débat) que je voulais vous partager. D’autres viendront, car il y a beaucoup de demandes, pour des publics différents et des formats variés. Le sujet est ardu, car technique, et je ne suis pas encore satisfait de mon travail de vulgarisation sur le sujet. Ce support, comme tous les autres, est en CC BY SA, donc n’hésitez pas à vous l’approprier, m’envoyer vos transformations ou vos retours en général. C’est comme ça qu’on progressera collectivement. Je précise aussi que ce support a été fait en partie sur mon temps salarié chez Agate, puisque j’y ai animé deux webinaires sur le sujet de l’IA à destination des collectivités de Savoie.
Cet article L’IA comme prétexte pour éduquer au numérique est apparu en premier sur Louis Derrac.
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