Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
La vulgarisation « à la papa » où l’expert déverse son savoir sur un public béat et ignorant a du plomb dans l’aile. Certes, à l’occasion de la fête de la science, vous pourrez sans doute assister à une traditionnelle conférence de chercheur. À côté de ce modèle de communication top down se développent d’autres formats, d’autres postures, d’autres pratiques que les professionnels du milieu ont l’habitude de désigner sous le vocable « médiation scientifique » (MS). Visite guidée d’un écosystème en pleine mutation.
Nouveaux outils, nouveaux lieux
L’écosystème de MS est bien évidemment transfiguré par l’ère du numérique, la surabondance d’information et la circulation des connaissances beaucoup plus agile et hétérogène qu’autrefois. Les longues conférences côtoient désormais des formats de communication courts (rendus célèbres par les TED) qui doivent leur réussite au web. Le médiateur scientifique se trouve lui même immergé dans une multitude de réseaux numériques, dont ses publics font partie. Ses activités de médiation ne peuvent pas se passer du « bourdonnement » des blogs de sciences et les forums de discussion, les plateformes d’agrégation et remix de contenus, ou encore des applications de science participative pour smartphones.
Des changements de posture
OGM, bisphénol-A, nucléaire, nanotech… l’irruption des controverses sociotechniques dans le périmètre de la médiation scientifique a imposé un changement de posture. Un médiateur scientifique doit comprendre aussi bien la science que sa perception par le public. Le médiateur scientifique qui anime un jeu de discussion du type PlayDecide sur une controverse sociotechnique se doit de respecter et comprendre les convictions de ses publics. L’objectif d’une session PlayDecide n’est pas de convaincre que la science est belle et bonne mais d’aider chaque participant à : (i) clarifier pourquoi il pense ce qu’il pense sur la controverse (ii) mieux comprendre pourquoi d’autres peuvent avoir des opinions différentes sur la même controverse.
Dans d’autres dispositifs, le rapport savant>profane, cher à la vulgarisation scientifique, peut même être complètement inversé. C’est le cas des living lab, où le public est convoqué pour ce qu’il sait, et c’est ce savoir qui intéresse les chercheurs.
Un brouillage des frontières
Ces changements de postures s’accompagnent d’un brouillage des frontières entre diffusion, pratique et création de connaissances.
Par exemple, les espaces de type fab lab fleurissent dans les centres de culture scientifique technique et industriels (CCSTI). Diffusion et pratique de la culture scientifique sont indissociables dans ces lieux. Allez faire un tour à La Casemate, ou chez Cap Sciences pour vous en convaincre.
D’autres dispositifs hybrident joyeusement diffusion et création des connaissances. En participant à un des multiples programmes de sciences participatives vous apprendrez des contenus scientifiques tout en faisant avancer la recherche. Dans le même esprit, certaines expositions dans des musées de sciences sont, en même temps, des lieux de partage et des lieux de création de connaissance grâce à des ateliers de collecte de données impliquant les visiteurs de l’exposition.
Des nouveaux métiers
À la périphérie de cet écosystème en pleine mutation apparaissent de nouveaux métiers reliés aux sciences et techniques et qui ont une composante « médiation ».
Pour ne donner que quelques exemples :
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les chercheurs mobilisent de plus en plus des outils et méthodes de recherche soulevant des enjeux éthiques et juridiques, tels que le big data, l’agrégation ou l’anonymisation des données. On assiste donc à une prolifération de ethics advisors qui légitiment les projets de recherche et en expliquent les implications aux financeurs.
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comme l’a récemment souligné Marie-Charlotte Morin, gagnante du premier concours « Ma thèse en 180 secondes » (qui se consacre désormais à la MS), la recherche de financements extérieurs occupe, pour le meilleur et pour le pire, une place croissante dans la vie des chercheurs ; naissent donc des « consultants » qui aident les chercheurs à être plus performants dans l’obtention de ces fonds (notamment le « Graal » d’une ERC starting grant), en les aidant à « raconter » leur projet de façon succincte et captivante devant un public de pairs.
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enfin, notons la naissance de « responsables des relations science-société » au sein d’agences telles que l’ANDRA, signe d’une meilleure prise en compte des enjeux sociétaux au sein de ces organisations à la fois « techniques » et de gouvernance.
Des formations adaptées
L’écosystème change, les métiers qui y sont rattachés se reconfigurent et la formation des médiateurs scientifiques s’adapte.
L’école de la médiation se destine à la formation continue des médiateurs. Le diplôme universitaire Médiation scientifique innovante, quant à lui, fournit à ses étudiants une boîte à outils adaptée aux dispositifs émergents de médiation.
De l’essor des formats courts, aux techniques et acteurs de la médiation sur le Web, des controverses sociotechniques à l’apprentissage de la médiation « face publique », en passant par les jeux de discussion, et les nouveaux dispositifs muséologiques. Rien de trop pour le développer les compétences des « nouveaux » médiateurs scientifiques.
Francesca Musiani coordonne l’unité d’enseignement ’Controverses socio-techniques’ au sein du DU Médiation scientifique innovante.
Jean-Marc Galan coordonne le diplôme universitaire Médiation scientifique innovante et l’offre de formation du think tank Traces.
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