Depuis plus de 50 ans, les Instituts Universitaires de Technologie (IUT) proposent avec le Diplôme Universitaire de Technologie (DUT) une formation en deux ans, à la fois universitaire et professionnalisante, et qui trouve un accueil très favorable auprès des employeurs.
Pourtant, depuis une vingtaine d’années, plusieurs idées reçues sur les IUT circulent et contribuent à diffuser une vision erronée de la contribution spécifique des IUT à l’enseignement supérieur français.
Une voie de contournement ?
Une première idée reçue qui circule sur les IUT avance qu’ils seraient devenus des voies de contournement des premières années de licence générale et des Classes Préparatoires au Grandes Écoles (CPGE). Le fait que 85 % des diplômés poursuivent leurs études après l’obtention de leur DUT est souvent avancé pour soutenir cette idée. Ce taux recouvre pourtant une diversité de situations qui sont bien loin de se résumer à la recherche par les étudiants d’une voie de contournement.
En effet, les poursuites d’études ne résultent pas toujours d’une volonté affirmée dès l’entrée en DUT. Pour un certain nombre d’étudiants, l’ambition de poursuivre leurs études naît et grandit pendant leur formation en DUT. La réussite au diplôme, le regain de confiance en eux qui en résulte et le travail de formalisation de leur projet professionnel les amènent alors à vouloir poursuivre leurs études.
De plus, le déterminant principal du choix de poursuivre des études est avant tout sociétal et dépasse largement le cadre des IUT. Une majorité de diplômés de DUT choisit ainsi de poursuivre ses études :
-
parce qu’elle est consciente des réalités du marché du travail et que toutes les enquêtes montrent que les études longues reste une arme contre le chômage ;
-
parce que depuis la mise en œuvre du processus de Bologne dans les années 2 000, le DUT en 120 ECTS est en décalage avec la norme internationale du premier grade universitaire en 180 ECTS ;
-
parce que les établissements d’enseignement supérieur sont largement intéressés à recruter des étudiants bien formés et ouvrent largement leurs portes aux diplômés de DUT ;
-
et enfin parce que les employeurs apprécient les diplômés de DUT et les encouragent à poursuivre leurs études en leur proposant de les accueillir en stage ou en alternance pendant leur cursus ultérieur.
Pourtant, en dépit des nombreuses raisons qui les incitent à poursuivre leurs études, 15 % des étudiants s’arrêtent après l’obtention de leur diplôme. L’insertion professionnelle au sortir du DUT reste ainsi une option bien réelle pour un certain nombre d’étudiants.
Un accueil des bacheliers technologiques insuffisant ?
Une deuxième idée reçue largement répandue affirme que les IUT privilégient l’accueil des bacheliers généraux au détriment de celui des bacheliers technologiques.
Les IUT accueillent et font réussir des bacheliers technologiques depuis leur création. Pourtant, ce n’est que depuis 2013 et le vote de la Loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, que cette mission nouvelle leur a été confiée.
Et c’est sans moyen supplémentaire, et a contrario dans un contexte de baisse constante de leurs moyens humains et financiers, que les IUT doivent accueillir en plus grand nombre des bacheliers technologiques. Ces derniers sont portant moins bien préparé pour les études supérieures que les bacheliers généraux, comme en attestent particulièrement leurs taux de réussite respectifs en licence, mais également dans les autres filières de l’enseignement supérieur.
Par ailleurs, l’articulation entre le lycée et l’enseignement supérieur n’est aujourd’hui pas favorable à la poursuite en DUT des bacheliers technologiques, en dépit des efforts déployés de part et d’autre :
-
parce que les contenus des enseignements de la voie technologique au lycée sont conçus sans véritable concertation avec les IUT et donc sans prise en compte des attendus pour réussir en DUT ;
-
et parce que les bacheliers technologiques privilégient encore souvent la proximité et une certaine sécurité en poursuivant leurs études au sein d’un BTS proposé par leur lycée.
Et pourtant, loin de les écarter, les IUT accueillent aujourd’hui près de 30 % de bacheliers technologiques en première année. De plus, ils assurent largement leur réussite puisque environ 67 % d’entre eux obtiennent leur DUT en 2 ou 3 ans. Ces résultats doivent être rapprochés des 16 % de bacheliers technologiques qui valident leur licence générale, mais aussi des 77 % qui obtiennent leur BTS, formation plus professionnelle et moins exigeante sur le plan académique.
Un fonctionnement autonome trop coûteux ?
Une troisième idée reçue qui circule sur les IUT avance que la relative autonomie dont disposaient les IUT jusqu’en 2007 serait incompatible avec une bonne gestion et que les IUT serait finalement trop coûteux.
Depuis la mise en place de la LOLF, il n’est plus possible de distinguer la dépense par étudiant en IUT de celle en licence générale. Cependant, les derniers chiffres disponibles de 2006 montraient une dépense moyenne par étudiant d’environ 10 000 euros en IUT contre 8 500 euros en licence générale. Cette dépense plus importante doit cependant être relativisée :
-
compte tenu de l’écart important entre les taux de réussite des deux filières, il est au final dépensé moins d’argent par année de DUT validée que par année de licence générale validée ;
-
la dépense plus importante par étudiant en DUT s’explique par un volume horaire annuel d’enseignement plus important, un travail par petit groupe et un accompagnement plus marqué des étudiants, qui sont des aspects essentiels du modèle de formation des IUT ;
-
et la dépense par étudiant en DUT devrait plutôt être comparée à celle en CPGE (15 700 euros à la même époque) et à celle en BTS (14 600 euros), deux formations qui proposent également un volume annuel d’enseignement important.
Au cours des vingt dernières années, le développement des IUT a été largement négligé et même entravé par les différentes politiques mises en œuvre dans l’enseignement supérieur. Les IUT proposent pourtant un modèle de formation à la fois différent et complémentaire des autres formations de premier cycle.
Dans un contexte de massification de l’enseignement supérieur et d’échec massif en premier cycle, il apparaît urgent de redonner aux IUT leur capacité à évoluer et à contribuer plus encore au développement de l’enseignement supérieur français.
Aurélien Lamy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |