Les moyens consacrés à l’enseignement supérieur sont souvent résumés en un chiffre, celui de la dépense moyenne d’éducation par étudiant. Pour 2014 par exemple, elle s’élève à 11 834 euros. Ce chiffre ne dit rien, cependant, des différences de dépense selon les filières de formation. Loin d’être uniforme, la dépense par étudiant varie ainsi de 10 576 euros pour un étudiant à l’université à 15 052 euros pour un étudiant de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) :
Si cette dépense différenciée entre les formations pose la question des inégalités de traitement entre les étudiants, elle soulève également celle de son efficacité.
La réussite, mesure de la performance des formations
Une formation de premier cycle contribue à la réalisation de plusieurs objectifs simultanément (acquisition de connaissances, certification de compétences, formation du citoyen, etc.). Néanmoins, son objectif premier est bien la réussite des étudiants, qui doit garantir l’atteinte des autres objectifs de la formation.
Dans le cas des diplômes (licence, DUT et BTS), la réussite peut facilement être mesurée par le taux d’obtention du diplôme. Le nombre d’inscriptions étant normalement limité à 3 années en DUT et en BTS, et à 5 années en licence, nous avons pris en compte le taux d’obtention du diplôme en 2 ou 3 ans pour le DUT et le BTS, et en 3, 4 ou 5 ans pour la licence.
La réussite en CPGE, en revanche, ne peut être mesurée par le taux de réussite au diplôme : d’abord parce qu’aucun diplôme n’est délivré à la fin de la formation, ensuite parce que, comme leur nom l’indique, elles ont pour objectif de préparer les étudiants à intégrer les grandes écoles et les écoles d’ingénieurs. Dès lors, la réussite peut être mesurée par le taux d’intégration dans les écoles de niveau bac+5 après 2 ou 3 ans, puisque comme pour le DUT ou le BTS, le nombre d’inscriptions est normalement limité à 3 années. Les données étant communiquées par filière (scientifique, économique, littéraire), nous avons réalisé une moyenne pondérée en fonction de la proportion d’étudiants inscrits dans chacune des filières.
Quelle que soit la formation de premier cycle, les taux de réussite retenus n’intègrent pas les réorientations, bien que, dans de nombreux cas, elles débouchent pourtant sur une réussite de l’étudiant. En effet, pour les formations quittées, il s’agit bien d’un échec, puisque leur objectif premier n’est pas atteint, et que rien n’indique qu’une intégration directe dans la nouvelle formation n’aurait pas permis à l’étudiant d’atteindre le même résultat.
Sur la base du suivi de cohorte des nouveaux inscrits en 2008 (dernier disponible), nous avons obtenu les taux de réussite suivants :
Le coût de la réussite
L’évolution de la dépense moyenne par étudiant confirme l’existence, depuis de nombreuses années, d’une différence notable de coût entre les différentes formations. Si la dépense par étudiant en BTS ou en CPGE est directement exploitable, la dépense par étudiant à l’université est en revanche plus problématique, car elle agrège des étudiants inscrits dans différentes formations. En particulier, depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, il n’est plus possible de repérer les dépenses des IUT, désormais intégrées à celles des universités.
Puisque la dépense par étudiant en IUT est supérieure d’environ 20 % à la dépense par étudiant à l’université, nous avons pu, en prenant en compte la part des effectifs inscrits en DUT, distinguer la dépense par étudiant en DUT de la dépense par étudiant dans les autres formations universitaires. En revanche, faute d’information sur la répartition de la dépense entre les différentes formations universitaires (notamment entre licence et master), nous avons conservé ce dernier chiffre comme estimation de la dépense par étudiant en licence.
Par ailleurs, nous avons retenu dans nos calculs la dépense moyenne par étudiant en 2014. En effet, cette année est à la fois la dernière pour laquelle les informations sont disponibles et celle de la mise en œuvre d’un changement dans le mode de calcul réalisé pour permettre une meilleure évaluation de la dépense à l’université.
Afin d’évaluer le coût de la réussite, nous avons calculé la dépense moyenne par année réussie, c’est-à-dire le rapport de la dépense totale réalisée pour l’ensemble des étudiants ayant intégré en même temps la première année de la formation, sur le nombre total d’années réussies dans la formation (nombre d’années validées ayant conduit à l’obtention du diplôme ou à l’intégration d’une école de niveau bac+5).
Calculer la dépense totale réalisée pour l’ensemble d’une cohorte nécessiterait de pouvoir retracer précisément année après année le parcours réalisé dans la formation. Le détail du parcours des nouveaux entrants n’étant pas disponible pour une même cohorte et pour chacune des formations de premier cycle, nous avons utilisé les taux de réussite en faisant l’hypothèse que les étudiants n’ayant pas réussi ont quitté la formation au bout d’une année. Cette méthode conduit à minorer légèrement la dépense totale (en particulier pour la licence où certains étudiants sont inscrits de nombreuses années sans jamais parvenir à valider leur diplôme), mais elle donne néanmoins une approximation satisfaisante de la dépense totale.
En reprenant l’ensemble des résultats précédents, nous avons obtenu les niveaux de dépense par diplôme suivants :
L’efficacité de la dépense d’éducation
La principale évolution entre la dépense par étudiant et la dépense par année réussie concerne la licence. En effet, si elle présente une dépense plus faible que les autres formations de premier cycle, la licence affiche aussi un taux de réussite bien plus faible avec 47 % au bout de 5 ans. La dépense par année réussie s’élève ainsi à 16 332 euros, un montant 57 % plus élevé que celui de la dépense par étudiant. Le modèle de la licence, qui conjugue un accès de droit pour tous les bacheliers (non remis en cause par la loi ORE) et une faible dépense par étudiant, présente ainsi une efficacité globale plutôt moyenne.
Les trois autres formations de 1er cycle (DUT, BTS et CPGE) fonctionnent sur un modèle différent de celui de la licence, puisque les étudiants sont sélectionnés à l’entrée et bénéficient d’une dépense par étudiant plus importante. Ce modèle conduit à une réussite nettement plus importante avec des taux compris entre 69 % et 81 % au bout de 3 ans. La dépense par année réussie est ainsi seulement 19 % à 33 % plus élevée que la dépense par étudiant correspondante.
Si elle ne bouleverse pas le classement de ces trois formations, la prise en compte de la réussite tend cependant à augmenter les écarts :
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Avec une dépense par étudiant relativement limitée et le taux de réussite le plus élevé, le DUT affiche une dépense par année réussie de 14 893 euros, plus faible que dans les autres formations de premier cycle, et donc signe d’une efficacité plus forte.
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Le BTS affiche une dépense par année réussie de 17 583 euros, légèrement supérieure à celle de la licence, signe d’une efficacité plutôt moyenne.
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Finalement, avec une dépense par étudiant plus élevée et un taux de réussite compris entre celui du BTS et celui du DUT, les CPGE affichent une dépense par année réussie de 20 016 euros, nettement supérieure à celle des autres formations de premier cycle, signe d’une plus faible efficacité.
Cette évaluation de l’efficacité des formations doit néanmoins être étudiée au regard de la population étudiante accueillie et de sa capacité à réussir des études supérieures. Les taux de réussite en licence illustrent les différences de réussite selon le type de baccalauréat et la mention obtenue :
Ainsi, les bacheliers généraux réussissent mieux que les bacheliers technologiques, qui réussissent eux-mêmes mieux que les bacheliers professionnels. De même, les étudiants ayant obtenu les meilleures mentions au baccalauréat réussissent mieux dans les études supérieures. Ce constat peut être étendu aux autres formations de premier cycle.
La population étudiante accueillie diffère significativement d’une formation de premier cycle à l’autre :
La prise en compte de la population étudiante accueillie au sein des différentes formations sélectives de premier cycle (DUT, BTS et CPGE) permet alors d’améliorer la compréhension de leur efficacité :
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Le DUT accueille près d’un quart de bacheliers technologiques, qui réussissent dans 64,6 % des cas. L’efficacité du DUT, déjà supérieure à celle des autres diplômes de premier cycle, apparaît ainsi d’autant plus forte.
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Le BTS accueille une proportion importante de bacheliers technologiques et de bacheliers professionnels. Si la dépense par année réussie est plus importante, elle contribue à faire réussir ces étudiants (77,4 % et 60,7 % respectivement). L’efficacité des BTS apparaît ainsi finalement plutôt correcte.
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Les CPGE accueillent une population étudiante très majoritairement composée de bacheliers généraux ayant reçu de meilleures mentions au baccalauréat. L’efficacité des CPGE, déjà inférieure à celle des autres formations de premier cycle, apparaît ainsi particulièrement faible.
Dans une perspective plus globale, il ressort que la dépense par année réussie est plus élevée pour les formations en lycée (BTS et CPGE) que pour les formations de premier cycle à l’université (licence et DUT). Sachant que la dépense par étudiant à l’université intègre l’ensemble des coûts de la recherche, l’intégration des seuls moyens consacrés à la formation montrerait une efficacité encore plus marquée en faveur des formations universitaires que sont le DUT et la licence.
Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances.
Aurélien Lamy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.
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