En conclusion de mes trois posts publiés l’an dernier sur les ed-techs, j’insistais sur la nécessité pour la France de créer une filière d’excellence dans ce domaine, pour ne pas passer à côté de cette (r)évolution et permettre à des porteurs de projet ou des start-up de se développer.
Une multiplication d’initiatives
Ce souhait, partagé par grand nombre d’acteurs des ed-tech a permis une véritable prise de conscience de tout l’environnement et la situation a favorablement évolué :
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Arrivée sur le marché de deux fonds spécialisés dans les ed-techs, Educapital et Brighteye Venture ;
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Ouverture d’incubateurs spécialisés, avec notamment le LearnSpace lancé le 17 mars par Svénia Busson ou encore les initiatives de l’EM Lyon et de Neoma ;
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Sans oublier bien sûr l’Observatoire ed-techs fondé par Victor Wacreniez et qui vient de fêter sa 2e année.
On ne peut que se réjouir de ces projets qui vont dans le bon sens et se féliciter également de l’arrivée de BPI, preuve que les institutionnels commencent à s’intéresser à ce secteur.
Du côté de GEM, nous avons très tôt été interpellés par l’arrivée de ces nouvelles start-up. Nous avons rapidement pris conscience qu’elles seraient, à la fois nos concurrentes et nos alliées, des partenaires de R&D stratégiques pour notre cœur de métier.
Le fait que certaines soient portées par des étudiants « blasés » par le système d’enseignement français nous a renforcé dans notre conviction et loin de les prendre à la légère, nous avons réfléchi à travailler avec elles dans une logique de co-innovation en leur apportant notre expertise avancée, inscrite dans nos gènes, en matière de transformation de la technologie en valeurs économiques et sociètales – et, s’agissant d’innovation pédagogique, en leur servant de terrain d’expérimentation grandeur nature. Cette dynamique est similaire à celle de nombreuses entreprises s’efforçant de construire et de nourrir leur propre réseau de start-up.
Un constat réaliste
Nous n’avons pas souhaité créer un incubateur spécialisé car d’une part, ce n’est pas notre mission et que d’autre part, une offre conséquente existe déjà en Europe ou hors Europe. Inutile d’ajouter une énième structure qui ajouterait à l’éparpillement de l’effort et au manque de visibilité et de lisibilité de l’apport.
En échangeant avec les acteurs, nous avons fait plusieurs constats
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Il existe dans les ed-techs de nombreux POC (proof of concept), très orientées techno mais dont la faisabilité pédagogique n’est pas été assez démontrée ;
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Les porteurs de projet ont paradoxalement des difficultés à travailler avec les établissements d’enseignement et ne savent pas comment les aborder – car la plupart d’entre eux n’ont pas les structures pour s’interfacer et interagir de manière appropriée ;
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Les évolutions dans le domaine de l’enseignement couvrent de nombreux domaines et se développent à une telle vitesse qu’il nous est impossible en tant qu’établissement de tous les suivre ou de les investiguer ;
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Notre modèle pédagogique, le GLM (gem learning model), pionnier de l’expérientiel et de l’expérimentation étudiante nécessite des applications spécifiques qui ne peuvent être conçues que par des structures agiles ;
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Il en est de même pour les services aux étudiants, un des éléments clé de l’école du futur.
Du côté de GEM, nous avons identifié que nous pouvons apporter :
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Une expertise reconnue dans la traduction de techno en business-modèles. Ces process nous les avons déjà réalisés pour des secteurs d’activité ou pour des entreprises, c’est notre offre « after POC », visant à fiabiliser et accélérer le déploiement de solutions émergentes ;
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Un champ d’expérimentation. GEM, c’est 50 programmes de formation, initiale ou continue, en France et à l’étranger. Nous pouvons donc tester des solutions auprès de différents publics et profils, pour différents types d’application.
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Une offre de service combinant une équipe de recherche spécialisée dans les business-modèles, un campus spécialisé – le GEM labs pour les expérimentations, des profs formés à l’innovation pédagogique et une direction de l’innovation dont la mission est de piloter et de coordonner ce type d’opérations, en lien étroit avec l’écosystème d’innovation grenoblois ;
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Une expérience réussie de conduite de projets pédagogiques innovants conséquents comme les serious games d’Hélène Michel ou le « shop connecté » de Christian Rivet.
Lancement du programme « ed-tech factory »
De ce fait, nous avons décidé de créer notre « ed-tech factory », programme spécifique au service des starts-up leur permettant de bénéficier d’un accompagnement pour tester leurs solutions auprès de nos étudiants ou des enseignants et d’un retour d’expérience documenté.
Programme au service également de nos entreprises clientes qui peuvent ainsi découvrir de nouveaux modèles de formation et des étudiants aguerris aux nouvelles façons de travailler.
Programme enfin au service de GEM avec des réponses à nos besoins pédagogiques ou de services aux étudiants.
Ce programme s’insère par ailleurs dans l’éco-système français des ed-techs, en étant complémentaire des dispositifs qui se mettent en place. Cette notion est pour nous importante. Pour que la filière ed-tech soit efficace, il faut que les acteurs aient un positionnement précis pour éviter toute ambiguïté ou cannibalisation.
D’un point de vue pratique, ce programme se déroule en différentes saisons d’une durée de 3 mois.
Les enseignements de la « saison 1 »
La première saison qui a accueilli sept start-up – quatre pour des projets à vocation pédagogique et trois pour du SRM (student relationship management) – vient de se terminer et nous pouvons déjà tirer quelques enseignements
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La mise en place sera longue et pas facile. Elle nécessite une gestion de projet agile et un leadership bienveillant pour apprendre à toutes les parties prenantes à travailler ensemble, pour éduquer et sensibiliser les étudiants aux pratiques et comportements futurs, impliquer le corps professoral, définir précisément les champs d’expérimentation, les attendus et leurs évaluations.
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Il nous faut également du temps pour nous faire connaître auprès des différents acteurs de la ed-tech, en France et dans le monde. Cette action doit s’inscrit dans le long terme
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Ces expérimentations nécessitent la constitution d’équipes mixtes associant professeurs et collaborateurs de GEM (SI par ex), partenaires externes, apprenants…
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Il nous faut donc apprendre à créer ces équipes et leur apprendre à travailler ensemble en leur donnant les moyens (dans tous les sens du terme) de mener à bien ces expériences. Nous devons également réfléchir à comment intégrer ces projets dans la carrière d’un professeur, ou encore à tolérer l’erreur et motiver la prise de risques !
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Le résultat ne sera pas forcément positif à chaque fois. En fait, le plus souvent, le positif ne sera possible qu’après plusieurs cycles d’essai-erreur. Les ed-techs génèrent un grand dynamisme et beaucoup d’enthousiasme mais il faut accepter parfois que l’issue ne soit pas celle des espoirs attendus ou que la solution puisse fonctionner pour d’autres établissements d’enseignement supérieur… mais pas pour GEM. Elles suivent le hype cycle des technologies, l’excitation autour des belles promesses puis le désillusionnement après les premiers essais… nous travaillons à ce qui suit, la transformation en progrès au niveau de tout le système.
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La relation doit être une expérimentation et non une forme déguisée de clients/fournisseurs. Cette ambiguïté n’est profitable pour aucune des deux parties
La création d’écosystèmes de ce type est l’un des piliers de l’école du futur. Il doit nous permettre de garantir notre pérennité et d’accompagner les transformations que le monde de l’enseignement supérieur va vivre dans les prochaines années.
Il faudra également que nous nous interrogions sur la pertinence de collaborations avec d’autres établissements d’enseignement supérieur évoluant dans d’autres domaines. Cela devrait nous permettre de mutualiser – et rationaliser – nos ressources tout en offrant aux ed-techs une variété plus large de publics.
Ce « retour d’expérience a été co-écrit par : Jean‑François Fiorina, directeur général adjoint de Grenoble École de Management ; Sylvie Blanco, directrice de l’innovation de Grenoble École de Management ; Aurore Besson, catalyseur d’innovation à la Direction Innovation Expérimentation, Grenoble École de Management ; et David Courty, designer d’expérimentations digitales et pédagogiques, Grenoble École de Management.
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