Cet article a pour objectif de relater une expérience de conception d’un « escape room » appliqué lors d’un cours de communication au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Ce retour d’expérience permet d’appréhender une forme d’engagement en formation professionnelle. Les objectifs pédagogiques étaient de consolider les notions théoriques et d’évaluer la capacité à communiquer en groupe.
Scénarisation et « transmédia narratif »
Pour développer ce scénario j’applique la théorie du transmédia narratif de Jenkins (2003). J’apprécie particulièrement l’acceptation de la scénarisation en son sens premier qui consiste à théâtraliser une situation. Une des raisons qui me pousse vers cette démarche est la ruée des chercheurs et des praticiens vers des propositions autour des technologies numériques (Serious Game, Game Play).
Sachant que la littérature relève de réels inconvénients à ces apprentissages asynchrones tels que la distance entre les intervenants, la difficulté d’usage des technologies, la perte de temps de formation des parties prenantes sur les outils, le détournement de l’aspect éducatif de l’outil, etc. il relevait de l’ordre d’un challenge de prouver qu’il est encore possible d’apprendre en présentiel tout en appréciant la formation.
Ainsi, pour faire ressortir la diversité des dispositifs transmédia, je me suis inspirée de quelques exemples d’escape game appliqués en recherche (Guigon, Humeau et Vermeulen, 2017 ; Gunawardena, 1995 ; Nicholson, 2016). Cette démarche me permet de valoriser une expérience d’apprentissage autour d’un modèle de jeu d’évasion grandeur nature que je propose.
Mobilisation des compétences en situation réflexive
Tel qu’il a été recensé par Nicholson, le jeu d’évasion ne se limite pas au fait de résoudre une énigme permettant de s’échapper d’une ou de plusieurs pièces. Il existe plusieurs formes de jeu dont celle que je choisis qui consiste à s’attarder sur une approche cognitive. Il s’agit de faire réfléchir les apprenants sur une thématique du cours de communication dans un espace physique au décor particulier. La résolution des énigmes ne conditionne pas leur « évasion ».
Des compétences requises en entreprise telles que la capacité d’adaptation, l’esprit d’équipe, la gestion du temps, entre autres sont mises à l’épreuve. Par la même occasion, cette expérience vise à consolider le lien social entre le groupe et le formateur.
En suivant la démarche des centres de loisirs français ou des chercheurs français qui m’ont inspiré, je m’aperçois que l’escape room se construit essentiellement avec un groupe de 5 personnes maximum pour une durée d’une heure de jeu. Pour des raisons d’effectif et de temps imparti pour la séance, je me suis orientée vers les pratiques étrangères d’escape game qui donnent la possibilité de regrouper sept personnes sur une durée de 45 minutes.
Conception et mise en situation
Cette démarche laissait le temps d’échanger après coup avec les groupes, sur les difficultés rencontrées et les appréciations. J’en ai profité pour revenir sur les objectifs liés au cours et les points d’amélioration individuelle. Un questionnaire de satisfaction était envoyé via une plateforme web le lendemain de l’expérience. Il contribuait à la triangulation entre les observations, les commentaires en face à face et les avis anonymisés.
Dans le cadre de la pratique, mon expérimentation s’est tenue avec trois groupes. Les tranches d’âge étaient comprises entre 18 et 45 ans. Il s’agissait d’apprenants de culture et de catégorie socioprofessionnelle différentes.
Mon échantillon était constitué d’adultes possédant ou pas l’expérience d’escape game. Le scénario défini comportait plusieurs énigmes avec différents indices cachés ou apparents dans l’espace de jeu. Le processus de conception jusqu’à la mise en œuvre a duré un mois. Compte tenu du public concerné (diversité culturelle, d’âge et de profession), il n’a pas été possible de tester cette proposition avant de la soumettre aux apprenants.
La sélection des indices s’est faite en fonction des appréciations des propositions d’autres jeux et de leur faisabilité. J’ai majoritairement exploité les objets du quotidien tels que la valise avec code, un coffret avec clé, etc. La trame était conçue de manière à résoudre quatre énigmes. Aucune de ces énigmes n’était conditionnée par l’autre.
L’objectif était de parvenir à responsabiliser l’apprenant dans son projet d’apprentissage en lui donnant la possibilité de choisir sa méthodologie, d’établir une distinction entre l’activité ludique et les objectifs pédagogiques tout en profitant de l’expérience.
En qualité de maître de jeu, je pouvais intervenir pour orienter les groupes en cas de blocage. Les instructions étaient mentionnées sur des petites affiches pour éviter de troubler l’ambiance du jeu.
Des résultats positifs pour l’engagement
Bien que n’ayant pas résolu toutes les énigmes dans le temps imparti, les apprenants sont satisfaits de cette expérience parce que menée sous forme de jeu. Les notes d’évaluation varient principalement entre 7 et 8 sur 10 avec une seule note de 5 sur 10. Quelques points mineurs d’amélioration ont été mentionnés par les participants notamment sur la formulation d’un indice, le nombre de participants et la durée.
Il ne s’agissait pas pour moi de m’attarder sur la performance ludique. Cette proposition basée sur une tendance sociale, visait un engagement en formation. Ce dernier s’est matérialisé par la satisfaction, l’implication renforcée par la suite et la remise en question systématique.
D’un point de vue managérial, j’ai observé que la cohésion était plus marquée en fonction du groupe. L’échange d’information et la répartition des rôles n’étaient pas toujours spontanés. Les apprenants ont pu davantage prendre conscience des enjeux de la communication et des attitudes à avoir à la suite des échanges.
Je pourrai donc dire que l’escape room a contribué à l’engagement en formation de ces apprenants. Certes, j’évoque ici une expérience d’adultes de niveau bac+2, mais le modèle peut épouser divers niveaux d’études et diverses formations.
Certains s’accorderont à l’idée selon laquelle l’innovation est généralement vulgarisée par ceux qui possèdent une maîtrise incertaine des règles. Je suis curieuse de connaître les différents positionnements autour de ce retour d’expérience.
Danielle Bebey does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organization that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.
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