Deux siècles après leur invention, presque toutes les Écoles de commerce se trouvent à un carrefour stratégique. Il s’agit pour elles d’appréhender chacune de ces quatre directions pour se distinguer de la concurrence, optimiser un financement plus difficile à obtenir, ou tout simplement pour se réinventer.
Seront donc exposés les quatre D sur lesquels les Écoles méditent leur stratégie, à savoir les 4 Défis qui feront et déferont les Écoles sur le long terme, les 4 Dates clés qui ont ouvert une nouvelle ère, les 4 Développements auxquels les Écoles se réfèrent pour s’affronter dans cette nouvelle période et enfin une brève analyse des 4 Dimensions de classification des business schools en montrant lesquelles seront mieux préparées à ces évolutions.
Mais en fin de compte, il ne faut pas aller par – ces– quatre chemins : une business school sera aussi forte que sa communauté, qui l’entoure.
Quatre défis
Les Écoles de commerce, qui se trouvent souvent dans un contexte budgétaire tendu, font actuellement face à au moins 4 défis.
Premièrement, elles ont trop souvent adopté une approche uniforme et de court terme (approche me too) pour répondre aux exigences des classements et des accréditations.
Deuxièmement, l’évolution vers une recherche scientifique de plus en plus sophistiquée force beaucoup de professeurs à se concentrer sur des questions peu pertinentes pour la préparation des diplômés au marché de l’emploi.
Troisièmement, les écoles ayant souvent été critiquées pour s’être détournées de l’enseignement à la prise de décisions éthiques, sont désormais attendues sur les sujets sociétaux comme le développement durable ou la diversité sociale.
Et enfin, la révolution digitale (c-à-d, l’émergence des MOOCs, SPOCS, et l’IA) a commencé à remettre en question l’essence même de la transmission de connaissances.
Quatre dates
Ces évolutions sont si fondamentales qu’elles dessinent une nouvelle ère, la quatrième depuis l’invention du concept d’École de commerce en 1819 avec l’établissement de ESCP Europe. Tandis que la première période incarne la fondation des premières institutions, la seconde ère est caractérisée par la mise en place d’une véritable science du management, exigée dans le rapport de Gordon-Howell de 1959. La troisième période, façonnée par l’importance croissante des organismes d’accréditations et des classements internationaux, est symbolisée par la création de EQUIS en 1997 et consacre la (ré)émancipation des écoles en Europe de leurs pendants américains. Cependant, aucune de ces périodes n’a eu autant d’impact que cette nouvelle, quatrième ère, qui pourrait aboutir à la réinvention du concept même de la business school.
Quatre développements
À ce tournant pour les Écoles de commerce, quatre développements seront prééminents :
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Une marque forte sera d’une importance primordiale dans un contexte concurrentiel accru. Alumni et étudiants seront davantage sollicités pour devenir les égéries de leur école, particulièrement sur les réseaux sociaux. Le corps professoral devra se (re)focaliser sur une recherche répondant à des questions pertinentes pour l’environnement managérial afin de faciliter sa reprise dans la presse (spécialisée). Puis, les Écoles auront besoin de développer une bonne image dans des domaines tels que la responsabilité sociétale des entreprises et le développement durable, comme évoqué ci-dessus.
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La révolution digitale transférera peu à peu la transmission de connaissances dans la sphère virtuelle. Les étudiants auront besoin que leur présence physique sur le campus soit justifiée. Les travaux de groupe, sessions de coaching, et discussions en cours deviendront des éléments clés. Les anti-cafés tels que celui de l’EM Lyon seront essentiels pour renforcer l’échange entre étudiants, professeurs, et pourquoi pas alumni. Les étudiants évolueront donc de fait du statut passif de consommateurs d’information vers celui d’actifs producteurs lors de leurs cours.
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La baisse des dotations publiques intensifie le besoin de financement privé – particulièrement de la part des alumni. Cela incite les Écoles à adopter une approche fortement centrée sur l’étudiant. Ainsi, à côté des cours, les activités extracurriculaires, du sport aux associations étudiantes, voyages d’étude ou autre, deviendront essentielles pour atteindre un haut degré de satisfaction et créer un lien de long terme avec les futurs donateurs. Un positionnement clairement différencié aidera les entreprises et partenaires à comprendre pourquoi ils devraient investir dans une École de commerce plutôt qu’une autre.
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L’enseignement évoluera vers le développement de compétences. Ainsi, les professeurs assumeront un rôle croissant de coachs, entraineurs, et facilitateurs. Les services carrières commenceront à occuper un rôle central pour aider les étudiants à identifier les emplois qui correspondent au mieux à leurs talents et capacités. La perception d’un retour sur investissement passera par la double satisfaction des étudiants d’avoir été orientés et préparés à des opportunités professionnelles taillées pour leur profil. Le sentiment de réussite qui découlera de cet épanouissement sera crucial pour que les alumni deviennent des bienfaiteurs.
Quatre dimensions
Quatre dimensions de classification des écoles de commerce permettent de mettre en perspective leurs atouts pour les développements mentionnés ci-dessus :
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Capital : les Écoles peuvent être, soit publiques, soit privées, soit un mélange des deux. A priori, les Écoles privées auront un avantage grâce à leur expérience dans la levée de fonds.
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Culture : les Écoles suivent le modèle américain ou européen. Tandis que les Européennes sont plus habituées à enseigner un management sociétal, les Américaines ont une plus longue tradition d’image de marque.
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Compas : les Écoles peuvent soit avoir une dimension internationale/globale, soit une dimension locale/régionale – avec un léger avantage pour les écoles internationalisées.
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Contenu : les Écoles se focalisent plutôt, soit sur la recherche, soit sur l’enseignement. Un bon équilibre entre une recherche pertinente et une haute qualité d’enseignement sera décisif.
Au final, la route vers le succès est bien plus simple que d’aller par ces 4 chemins, complexifiés chacun par autant d’embranchements : la réussite d’une École de commerce dans cette quatrième ère dépendra largement de la collaboration entre les partenaires clés et leur habilité à créer une communauté dynamique, engagée et motivée de professeurs, d’étudiants, d’alumni, d’employés non-académiques, et de partenaires variés. Leurs intérêts auront besoin d’être équilibrés avec tact afin que tous viennent renforcer la flotte à même de venir à bout des changements et défis mentionnés plus haut.
Cet article est basé sur : Kaplan Andreas (2018) A school is “a building that has four walls…with tomorrow inside” : Toward the reinvention of the business school, Business Horizons, 61(4), 599-608.
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