Si les jeunes passent près de 3,2h par jour sur leur smartphone et sont enclins à y faire défiler nombre d’images sans les analyser, les cours d’histoire permettent d’aller à rebours de cette pratique. Limités à quelques-uns par cours, les documents utilisés n’ont pas une simple visée illustrative mais servent de supports pour saisir les enjeux d’une époque.
À la différence de périodes plus lointaines, la Première Guerre mondiale nous offre un nombre important de photographies, tableaux, films, cartes postales et autres… ce qui nous permet d’autant plus de varier l’iconographie des cours. Voici quelques exemples de ces ressources utiles pour aborder cet enseignement au lycée.
Une mémoire ancrée dans le quotidien
Certains élèves ne comprennent pas l’intérêt de travailler sur des évènements passés et lointains. À ce questionnement les professeurs répondent souvent en en montrant les répercussions sur le présent. Faire étudier le monument aux morts de la commune permet d’enraciner le cours dans l’espace vécu des élèves. Ils sont déjà passés devant ce monument, ils ont parfois pu assister à des cérémonies s’y déroulant. Se servir de cette stèle rattache le cours d’histoire à une histoire concrète ; l’élève saisit ainsi comment le conflit impacte encore sa ville et son environnement.
Ces monuments ont été construits pour être des lieux de recueillement, des hommages aux sacrifices des soldats pour la victoire de la France, dans l’idée du « Plus jamais ça ». Célébrant l’héroïsme des soldats français « Morts pour la France », ce sont également des symboles du pacifisme, du deuil de la nation française après la victoire meurtrie, un hommage aux morts.
Un autre exemple est l’étude de l’ossuaire de Douaumont. Les photographies de l’ossuaire, construit sur les lieux de la bataille de Verdun, emblématique du conflit et du « On ne passe pas » des poilus face à l’armée allemande, sont des outils efficaces pour souligner comment la France se recueille au lendemain de sa dure victoire.
L’appel à la fiction
Au-delà des seules images, les extraits vidéo ne sont pas à négliger. Dans un premier temps, ils peuvent être des films d’époque : films de propagande, premiers enregistrements de combats filmés en direct, de troupes en mouvement ou de bombardements d’artillerie.
Dans une autre perspective, nous pouvons nous appuyer aussi sur les œuvres de fiction. Il s’agit de s’inspirer de la culture contemporaine, sans verser dans une vision romancée de la guerre. Différentes œuvres permettent d’aborder les conséquences de la guerre sur les soldats, notamment celle de la brutalisation, selon le concept de Georges Mosse. Les soldats sont transformés par l’expérience de guerre, et la violence qu’ils ont subie et exercée est transposée dans le cadre de la vie civile.
Un premier film, sorti en 1991 est Capitaine Conan de Bertrand Tavernier. Ce film traite des corps francs, troupes d’élite spécialisées les dans coups de main sanglants. Le personnage principal, Conan, est un officier de corps francs qui défend devant son ami – officier de l’infanterie – ses propres hommes. Dans cet extrait, alors que la guerre est terminée Conan accuse l’armée d’avoir métamorphosé des êtres ordinaires en guerriers prêts à tout pour la victoire.
Autre ressource possible : le film Au-revoir là-haut, d’Albert Dupontel (2017), qui a pu être vu dans le cadre familial. Il a pour personnage principal une gueule cassée dans la France des Années folles. Ce film peut être utilisé pour étudier la place des anciens combattants dans la société civile, alors que ces graves mutilés deviennent des témoignages vivants des atrocités du conflit.
Quant à la série allemande Babylon Berlin, se déroulant dans l’Allemagne des années 1920, elle a pour héros un ex-soldat, l’inspecteur Gedeon Rath, souffrant de stress post-traumatique. Une scène de la série montre notamment comment des souvenirs du conflit reviennent à Gédéon, comme cette retraite précipitée après un bombardement, qui semble encore le paralyser.
Un regard sur l’Allemagne post-conflit
Cette approche par l’image offre aussi des points de comparaison avec l’Allemagne, dans la situation d’une nation vaincue. Si le pacifisme anime une part importante de la société allemande d’après-guerre, le revanchisme reste une force politique vivace, alors que la jeune république de Weimar est confrontée dès 1918 aux tentatives de prise de pouvoir des groupes communistes (Spartakus) sur son territoire.
En réaction émergent les « Freikorps » (Corps francs) employés par la jeune république de Weimar pour s’opposer à la montée du bolchevisme. Ces groupes de vétérans et de jeunes nationalistes adhèrent à l’idée d’un « dolchstoss », un coup de poignard dans le dos porté contre l’armée par des supposés traîtres et qui expliquerait la défaite. Ce récit rejette la faute sur une défection fantasmée des sociaux-démocrates, les communistes et les juifs.
Les images qui relaient cette légende du coup de poignard sont nombreuses. Leur étude met en évidence la manière dont un récit complètement fantaisiste du conflit justifie la revanche rêvée par les nationalistes allemandes. Nous pouvons nous appuyer sur une affiche du parti nationaliste DNVP qui associe la défaite à une supposée trahison des sociaux-démocrates. Un document auquel fait écho le passage déjà cité de Babylon Berlin, où les anciens officiers se livrent aussi à un rituel.
Ivan Burel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.
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