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Mécanique navale et réalité virtuelle : outils et méthodes favorisant la coopération

28 juin 2019 par Gilles Jacovetti QPES 2019 865 visites 0 commentaire

Mécanique navale et réalité virtuelle : outils et méthodes favorisant la coopération

PIERRE MOUNEYROU
Ecole Navale, Lanvéoc, France, pierre.mouneyrou[at]ecole-navale.fr

ALCINO FERREIRA
Ecole Navale, Lanvéoc, France / CREAD EA3875, alcino.ferreira[at]ecole-navale.fr

CHRISTOPHE INQUEL
Ecole Navale, Lanvéoc, France, christophe.inque[at]ecole-navale.fr

RESUME

Élaborée dans un contexte d’apprentissage professionnel dans l’enseignement supérieur, la formation navire énergie souffrait du manque d’engagement des apprenants. Les cours de mécanique navale assistés par la réalité virtuelle, en classe renversée soutenue par les techniques de co-élaboration, ont modifié la posture de l’enseignant et amélioré l’engagement des élèves. Cet article rend compte des effets de l’apprentissage coopératif sur notre dispositif pédagogique.

SUMMARY

Engineering classes at the French naval academy did not benefit from much learner engagement. This paper shows how virtual reality and peer teaching were used to help students collectively learn, by changing the posture of both teachers and learners, thus boosting learner engagement.

MOTS-CLES

Réalité virtuelle, apprentissage coopératif, co-élaboration, espace d’apprentissage collaboratif, motivation.

KEY WORDS

Virtual Reality, collaborative learning, co-construction, collaborative learning spaces, motivation.

1. Introduction

1.1. Le contexte
Chargée de la formation des officiers de la Marine Nationale, l’École Navale est une école d’ingénieur qui dispense une formation scientifique, maritime et militaire. Les cours de mécanique navale assistés par la réalité virtuelle s’adressent aux élèves officiers en cursus ingénieur en première et en troisième année. Ils ont pour objectif de former aux installations mécaniques des navires de la marine. Cet enseignement s’articule autour de deux phases. L’une est théorique, autour des principes de fonctionnement des installations. L’autre, descriptive et technique, permet d’identifier les différents éléments mécaniques. Cette formation se poursuit par des visites de compartiments machine sur les bâtiments de la marine nationale.
1.2. La problématique
Jugée, à tort, comme secondaire, les élèves associent mal la formation « énergie-propulsion » au domaine maritime et militaire. La forme des cours, très classique, est éminemment verticale et répétitive. Les élèves montrent en première année peu d’intérêt pour la formation « machine », sont peu engagés dans leurs apprentissages et dans la réalisation des activités proposées. De plus, confrontés à la complexité de l’environnement professionnel (une multitude d’éléments mécaniques dont l’aspect et l’implantation correspond peu aux schémas simplifiés présentés en classe), ils éprouvent des difficultés à transférer les acquis théoriques pertinents vus en formation pour traiter des problèmes concrets.
Notre objectif était donc de :

  • permettre aux apprenants de mieux assurer les apprentissages réalisés en classe,
  • mieux faire le lien entre ces connaissances et leur expression dans le monde physique réel,
  • susciter de l’intérêt pour ces enseignements et pour la filière de façon plus générale.
    La réalité virtuelle, accompagnée de méthodes pédagogiques coopératives, nous a semblé une réponse possible aux problèmes de compréhension, de motivation, et de transfert des apprentissages.
    Ce texte se propose de répondre aux questions suivantes :
  • les outils (dont la réalité virtuelle) et les méthodes pédagogiques utilisées lors des séances favorisent-ils une coopération constructive ?
  • quel a été l’impact des espaces d’apprentissage sur les processus de coopération ?
  • le dispositif a-t-il permis l’atteinte des objectifs, notamment en matière de résultats aux évaluations et de dynamique motivationnelle des apprenants ?

2. CADRE THEORIQUE

2.1. Apprentissage Coopératif
Un apprentissage coopératif (AC) peut se définir comme un dispositif pédagogique dans lequel les apprenants « travaillent en groupes à la réalisation d’un objectif commun, ou partagent une tâche ou un problème, de façon que le succès ne soit possible que par l’action liée » [1] (Brody et Davidson, 1998 : 8). Dans l’AC, l’apprentissage se fait en équipe. Le travail réalisé par chaque équipe contribue à l’oeuvre collective (divisée en sous-tâches). La structure de l’activité pédagogique, l’exploration et la découverte du contenu sont guidées par le formateur.
Depuis longtemps, des chercheurs et enseignants louent les bienfaits du travail en équipe et de la coopération dans le contexte scolaire. Pour beaucoup, l’AC, peut permettre de répondre à de nombreux objectifs éducatifs. Les élèves apprennent les uns des autres, ils coopèrent et co-élaborent un savoir commun ce qui permet d’augmenter leur niveau d’engagement (ibid.).
Cependant, l’AC n’est possible que si certaines conditions sont respectées. Parmi celles-ci à l’AC, Bossaert et al. (2008) notent :

  • une atmosphère de travail sécurisante afin de favoriser l’interdépendance,
  • l’enthousiasme de l’enseignant, en particulier lorsque les modalités techniques ou organisationnelles de mise en oeuvre du scenario pédagogique sont nouvelles ou inhabituelles,
  • une animation de séance spécifiquement orientée vers la coopération,
  • la prise en compte des caractéristiques des apprenants (habiletés sociales ou scolaires, acquis préalables, habiletés langagières, compétences avec les outils numériques, expériences antérieures),
  • un espace d’apprentissage propice et du matériel adapté aux échanges, à la séparation en sous-groupes ou au regroupement (Céci, et Coudrin, 2015).
    Parmi les bénéfices attendus Abrami et al. (1996) et Bossaert et al. (2008) mentionnent :
  • l’augmentation des chances de succès dans la réalisation de la tâche (attribuable à l’addition des compétences individuelles),
  • une augmentation de l’engagement : attribuable à trois types de motivation :
    • une motivation liée à l’atteinte du résultat escompté,
    • une motivation liée aux modalités d’apprentissage, et en particulier aux outils (technologiques), lorsqu’ils sont nouveaux ou perçus comme source de plaisir d’utilisation,
    • une motivation liée aux relations interpersonnelles (soutien des pairs, besoin d’affiliation).
  • une amélioration de la cognition : expliquer un concept à ses pairs peut améliorer la compréhension du pair-enseignant,
  • une amélioration des habiletés sociales, et communicationnelles.

Comparé au cours magistral ou à d’autres formes de travail individuel, l’AC peut permettre d’améliorer les résultats aux évaluations, les attitudes des apprenants, les habilités sociales et relationnelles (Plante, 2012). L’AC est positivement associé à la motivation (ibid.). La recherche a montré que l’AC augmente le sentiment de compétence et d’auto-efficacité des apprenants (Topping et al., 2011), et améliore l’engagement et la persévérance (Bandura, 1999). De plus, contrairement à l’enseignement magistral, l’AC mène au développement de buts de maîtrise (Law, 2011), une forme de buts d’apprentissage associée à une motivation accrue, qui augmente l’apprentissage à long terme, les stratégies d’apprentissage efficaces et l’effort dévolu aux tâches d’apprentissage (Elliot, 2005).
2.2. Réalité virtuelle
L’avènement de la réalité virtuelle (RV) s’est opéré à partir des années 1980, parallèlement à l’essor de l’informatique graphique. Pour Fuchs et al., la RV permet à l’utilisateur « de s’extraire de la réalité physique pour changer virtuellement de temps, de lieu et/ou de type d’interaction : interaction avec un environnement simulant la réalité ou interaction avec un monde imaginaire ou symbolique. » (Fuchs et al., 2006 : 7). La RV vise l’illusion perceptive, l’implication sensorimotrice de l’utilisateur, entretenant par définition un rapport étroit avec ses sens (Roy, 2014). Bouvier place ce facteur perceptif au premier plan dans sa définition de la RV. C’est grâce à lui qu’il « accepte de se prendre au jeu et en réponse ressent un sentiment de présence » (Bouvier, 2009 : 10).

Deux notions fondamentales sont attachées à la RV : l’immersion et l’interaction. L’immersion implique que l’utilisateur a la sensation de pouvoir « entrer dans l’image » ; le degré d’immersion dépend donc de la technologie utilisée (Slater et al., 1995). Dans le cas de notre dispositif, un degré d’immersion était souhaité, tel que capable de permettre à l’apprenant d’appréhender les dimensions et les volumes des équipements étudiés, ainsi que leur implantation relative. L’interaction implique qu’il a la possibilité d’agir sur une partie de l’environnement virtuel afin de provoquer une rétroaction (Fleury 2010), renforçant le sentiment d’agence, de contrôle, ce qui peut permettre d’améliorer l’engagement. Dans notre dispositif, il nous a paru important d’ajouter de l’interaction (certains éléments de l’environnement sont cliquables afin d’obtenir des informations plus détaillées sur un équipement donné, une animation explicative ; d’autres permettent d’accéder à un effet de zoom important sur une sous-partie d’un système ; Figure 1, droite).

Figure 1 : Gauche : Image 360, annotée par les élèves ; Droite : contenu interactif intégré

L’apprentissage de concepts médiatisé par la RV a fait l’objet de peu d’études scientifiques et reste un domaine à explorer. Heers (2005, cité dans Roy, 2014) a étudié les effets de l’immersion virtuelle sur le processus d’apprentissage conceptuel en physique et chimie, et a établi un lien étroit entre le degré d’immersion du dispositif technique et le sentiment de présence ressenti par l’utilisateur. Il soutient qu’il y a une corrélation positive entre le sentiment de présence et la compréhension des contenus d’apprentissage. Plus que l’immersion, ce serait l’interaction de l’utilisateur avec l’environnement virtuel qui permettrait d’influencer le processus d’apprentissage.
Nous avons fait l’hypothèse que : 1) la RV permet un sentiment de présence qui augmente l’engagement, et que 2) l’interactivité possible dans la RV, liée à ce sentiment de présence et à l’engagement qu’il favorise permet d’influencer positivement l’apprentissage dans le contexte du cours de mécanique navale, s’il est étayé par un paradigme d’enseignement-apprentissage adapté (la classe renversée).

3. MISE EN OEUVRE

3.1. Scénario pédagogique
Le cours en RV, d’une durée de 4 heures, débute par une présentation des objectifs de la séance, de la mise en oeuvre du matériel et du scénario pédagogique. Répartis en groupes (4 à 5 personnes) les élèves, guidés par un jeu de piste, repèrent les éléments des installations et les replacent dans leur environnement (ils légendent, avec des notes adhésives, des photos 360° ; Figure 1 gauche).

Figure 2 : Elèves-officiers avec casques de RV

C’est pour cette raison que la RV est un outil de facilitation. L’utilisation des casques de RV (Figure 2) permet l’immersion dans le compartiment machine, l’appréciation des volumes, la recherche guidée d’informations, les apprenants étant aidés par l’interactivité placée dans les images. Le dispositif est complété par des écrans interactifs qui permettent aux élèves de visualiser en équipe les éléments de la RV, ce qui facilite les échanges et le travail collaboratif.

Figure 3 : Schéma produit et utilisé par un groupe

En parallèle du jeu de piste, chaque équipe se spécialise sur une partie du cours, qu’elle devra présenter en fin de séance à l’ensemble de la classe. Il s’agit d’une étude comparative entre les circuits étudiés en cours et les installations techniques du compartiment visité. Chaque groupe synthétise son travail à l’aide d’un tableau blanc (Figure 3), pour une restitution auprès de leurs camarades d’une durée de 10 minutes par groupe (soit 30 à 40 minutes au total). Chaque élève restitue une partie des éléments demandés lors du jeu de piste et décrit l’architecture du moteur à l’aide du tableau blanc numérique (TBN) et des visites immersives. Ils se partagent le temps de parole et présentent le sujet technique étudié (Figure 4). Ainsi, les élèves reformulent et animent une partie du cours pour leurs pairs. La séance de travail (jeu de piste + étude du sujet technique) dure environ 3 heures.

Figure 4 : Restitution et sujet technique

Enfin, pendant les 20 à 30 dernières minutes, une évaluation formative par équipe récapitulant les notions importantes de la séance est effectuée sous forme d’un quiz en ligne, sur smartphone, (Figure 5) avec obtention des réponses en temps réel, ce qui permet à l’enseignant de lever les derniers verrous à la compréhension du cours, à travers une rétroaction appropriée afin de corriger les notions mal comprises.

Figure 5 : Evaluation formative par équipe via un sondage en ligne

Les objectifs du dispositif sont de :

  • contextualiser la formation par l’immersion en RV dans l’environnement professionnel et ainsi améliorer la capacité des apprenants à faire le lien avec leur compréhension du cours théorique ;
  • permettre l’appréciation des volumes et de l’organisation des espaces de travail ;
  • améliorer l’identification d’éléments mécaniques in situ ;
  • favoriser la mémorisation par l’évaluation formative ;
  • développer certaines compétences transverses telles que la collaboration, la coopération, la communication interpersonnelle,
  • améliorer l’intérêt pour la filière et l’engagement dans le processus d’apprentissage.

3.2. Évolution des postures
Durant les séances de RV, l’enseignant change de posture, devenant un facilitateur et un animateur. En s’appuyant sur l’espace d’apprentissage, il encourage et favorise les interactions et les échanges entre les élèves. Il circule de groupe en groupe, questionne, joue au candide et suscite la réflexion. Afin d’élargir les interactions et de se rapprocher de l’organisation du travail embarqué, les élèves sont autorisés et encouragés à réaliser du « benchmarking » auprès des autres, en allant chercher les informations dans les autres groupes, questionner et générer des échanges plus larges et plus qualitatifs.
L’enseignant-animateur charge les élèves compétents dans un domaine particulier (les pairs-référents) de former les apprenants des autres groupes, lorsqu’ils sont en difficulté. Ces pairs-référents déplacent leur tableau blanc, partagent leur savoir avec leurs pairs et s’assurent, par une évaluation formative, de leur compréhension. Ainsi, chaque groupe est au moins une fois référent dans un domaine. L’élève devient alors professeur et le professeur, élève. La classe est renversée (Caillez et Hénin, 2017). Ce type d’activité permet aux élèves de reformuler leur savoir en l’enseignant eux-mêmes. Ce faisant, ils affinent leur compréhension du cours et en améliorent la mémorisation. Le sujet technique attribué en début de cours les incite à réfléchir sur une thématique. Sa restitution sous la forme d’une séance de formation facilite les échanges et les questionnements envers les pairs-référents et, en fin de séance, l’évaluation formative se fait par équipe (la compétition entre les équipes améliore l’engagement).

4. RESULTATS ET ANALYSE DU DISPOSITIF

Nous avons tenté d’évaluer la pertinence de notre dispositif sur le plan qualitatif, à l’aide d’un questionnaire de satisfaction (réalisé en fin de semestre), et quantitatif, par une comparaison des notes obtenues à l’évaluation finale. Plus informellement, nous avons régulièrement invité les élèves à nous faire part de leur opinion sur le dispositif.
4.1. Évaluation du dispositif
4.1.1. Questionnaire de satisfaction, commentaires des apprenants
Un questionnaire de satisfaction (n= 155) a été réalisé en fin de semestre. Les résultats montrent que 100% des élèves sont « satisfaits » ou « très satisfaits » des séances. Les commentaires libres, indiquent que le dispositif a su leur faire apprécier la matière. 98.25% des répondants ont estimé que le dispositif leur a permis de mieux appréhender les installations propulsives.
Le nouveau dispositif pédagogique semble également avoir donné envie aux élèves d’explorer le domaine. En témoignent les nombreux mails reçus par l’enseignant, les visites incessantes des apprenants dans son bureau pour parler de mécanique et lui faire part de leurs recherches personnelles. De même, des groupes d’apprenants s’investissent désormais dans des projets personnels autour de la mécanique et se documentent sur le sujet.
4.1.2. Comparaison des résultats au test final
Afin de déterminer l’efficacité du dispositif, nous avons comparé les performances des apprenants lors du test final à ceux des promotions précédentes. Le groupe de contrôle (n=403) est constitué d’élèves ayant reçu la formation sans la RV (durant les 3 années précédant le dispositif). Le groupe expérimental (n=349) est constitué d’élèves ayant bénéficié du dispositif (depuis 2016). Cependant, il nous est difficile de comparer les résultats des deux groupes parce que, du fait de l’amélioration de l’implication des apprenants, nous avons eu tendance à aller plus loin, élevant ainsi le niveau de difficulté du test final.

Figure 6 : Les effets du dispositif sur les résultats à l’évaluation finale

Néanmoins, les résultats à l’examen sont meilleurs dans le groupe test, de presque 2 points (sur 20). L’amplitude moyenne entre les notes les plus hautes et les notes les plus basses a fortement diminué (passant de 11 à environ 7 points), ce qui pourrait indiquer que le nouveau dispositif permet aux élèves les plus en difficulté de combler une partie de leur retard. De plus, aucun élève n’a échoué à l’examen, ce qui semble indiquer un bon alignement entre les tâches d’apprentissage et les objectifs vérifiés par l’évaluation. Ces bons résultats nous semblent attribuables à l’augmentation du niveau d’engagement et de persévérance des apprenants de façon générale et des moins performants en particulier. Ils confirment les résultats de Planté (2012).

4.2. Discussion

4.2.1. La RV, levier de la motivation
Pensée, au départ de l’initiative, comme l’élément central capable de contextualiser la formation et d’éveiller la motivation des élèves, la RV est désormais considérée comme un outil essentiel à la coopération. C’est à partir de ces supports communs que s’engage le travail coopératif autour du jeu de piste et que les apprenants échangent, discutent et débattent. Les photos 360° imprimées leur servent de support de co-élaboration. L’ensemble des activités (le sujet technique, la formation au profit des pairs) sollicitant la coopération, sont appuyées et valorisées par la réalité virtuelle. C’est un élément de facilitation à la coopération. Grâce à la RV, le lien à l’emploi est signifiant et authentique aux yeux des apprenants : ils sont immergés dans leur futur environnement professionnel et savent que l’activité est importante pour eux, perçoivent l’adéquation entre la tâche d’apprentissage et les tâches professionnelles de la vie réelle.
Malgré ces avantages, il nous semble important de souligner que la RV seule ne suffit pas. Seuls, sans consignes claires explicitant l’intérêt de cette technologie, les élèves ont tôt fait d’abandonner. Sans un scénario pédagogique adapté, faisant appel à la RV de façon pertinente, l’attrait des apprenants n’ira pas au-delà de celui qu’ils auraient pour un gadget technologique.
4.2.2. L’importance d’un espace d’apprentissage adapté
La forme du cours axée sur une pédagogie coopérative s’est accompagnée d’une réflexion sur les espaces d’apprentissage et le matériel pédagogique. Un espace aux tables alignées en rangées, sans mobilier spécifique ni écrans collaboratifs, permet difficilement le travail d’équipe. La réorganisation en ilots ouverts, avec écrans partagés, tournés vers le centre de la pièce, avec ajout de paperboards, de tableaux blancs pour coopérer et d’un TBN, favorise un AC de qualité. L’ensemble du volume de la classe est utilisé par les élèves pour travailler, échanger et coopérer. Les productions sont visibles par tous, à disposition de tous et incitent au débat. (Figure 7).

Figure 7 : L’espace d’apprentissage : une ergonomie facilitant la coopération

4.3. Composition et gestion des groupes, évaluation de la capacité à coopérer
Laissée à la diligence des élèves, la constitution des équipes par affinités s’est révélée être un frein à l’AC lors de la phase test. Le manque d’hétérogénéité, ainsi que l’absence d’interaction entre les groupes ont pénalisé les séances dans les premiers temps. En effet, les groupes par affinités posent davantage de problèmes d’indiscipline. Les groupes constitués par l’enseignant en fonction des compétences ou de la personnalité des élèves semblent donner de meilleurs résultats (Ballantine & McCourt Larres, 2007 ; Slavin, 2011). Ainsi, nosgroupes sont volontairement hétérogènes (nationalité, genre) et constitués en associant volontairement des apprenants de niveaux différents, aux compétences complémentaires (organisation, bureautique, sciences, prise de parole, etc.).
Habitués à un enseignement souvent vertical et transmissif, les apprenants sont parfois peu enclins (et peu aptes) à collaborer. Ils peuvent manquer d’organisation, ce qui peut limiter les bénéfices de l’AC. De plus, pour certains apprenants, ces méthodes collaboratives sont superflues, ou inutiles. Certains (souvent plutôt bons élèves) préfèrent travailler seuls, ne pas partager leurs connaissances et leur travail avec leurs pairs. Comme nous n’avons pas évalué leur capacité à coopérer (nous ne savions ni sur quels critères le faire, ni comment le faire de façon juste), ils n’éprouvent pas le besoin, de collaborer ou de coopérer avec leurs pairs.
La répartition des tâches et des rôles dans l’équipe clarifie les attentes et favorise le travail en équipe (Oakley et al., 2004). Cette répartition des tâches et des rôles est laissée à la diligence des élèves (cette compétence organisationnelle étant un objectif secondaire du dispositif), mais des consignes claires permettent l’implication de tous, favorisée par la sollicitation constante des plus passifs.
Notre prochain objectif est donc de réfléchir à l’évaluation de ces compétences transverses et à leur prise en compte dans l’évaluation finale.

5. CONCLUSION

La RV peut permettre de contextualiser les enseignements avec une immersion propice à la découverte de l’environnement professionnel. Elle permet de s’affranchir des contraintes de temps, de déplacement, de disponibilité ou d’accessibilité de certains lieux. Ces avantages sont transférables à de nombreux champs d’enseignement-apprentissage.
Les méthodes et outils coopératifs utilisés lors des séances de RV sont transposables à d’autres disciplines ou d’autres contextes professionnels. La quasi-totalité des étudiants (98%) est convaincue de l’utilité de la RV et des outils collaboratifs et s’accorde à dire qu’ils leur ont permis de mieux appréhender l’ensemble des installations propulsives. Le principal obstacle est de convaincre les apprenants de l’utilité de l’apprentissage coopératif, et les enseignants de la « rentabilité » de ces méthodes. Pour de nombreux enseignants du supérieur, le cours magistral reste un moyen privilégié pour « transmettre le savoir », et la coopération lorsqu’elle n’est pas évaluée est, de fait, perçue comme secondaire, et sous-estimée. En outre, le faible sentiment de compétence professionnelle des enseignants limite considérablement le
recours à l’AC en classe (Abrami et al., 2004). Ce manque de confiance serait notamment dû au fait que les enseignants perçoivent un certain décalage entre la théorie prometteuse de l’AC et la réalité des milieux scolaires (Plante, 2012). L’AC est également perçu comme chronophage et facilitant l’indiscipline.
De plus, la mise en oeuvre de ce type de méthodes n’est pas toujours aisée. Il ne suffit pas d’organiser les apprenants en groupes pour susciter des échanges utiles et un travail d’équipe efficace. Pour ce faire, de bonnes conditions de mise en oeuvre (notamment des espaces adaptés), des outils de facilitation (numériques ou non), et une animation de séance propice au développement de l’apprentissage coopératif, sont nécessaires.

NOTE : Tous visuels © P. Mouneyrou. Les auteurs remercient Lydie Heliès et Jean-Yves Floc’h de la cellule pédagogique de l’Ecole Navale, pour leur précieuse contribution à l’élaboration du dispositif décrit dans cet article.

Références bibliographiques

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Licence : CC by-nc-sa

Notes

[1“(…) work in groups toward a common goal or outcome or share a common problem or task, in such a way that they can only succeed in completing the work through behavior that demonstrates interdependence”. (Notre traduction).

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