un article repris des Carnets de François Jourde, une publication sous licence CC by nc sa
Les technologies éducatives ont pu ressembler par le passé à des machines de Rube Goldberg, et n’être utilisables que par des enseignants particulièrement volontaires (voir par exemple la frise chronologique proposée par Audrey Waters, The History of Teaching Machines).
Comme toute technologie de grande diffusion, elles deviennent cependant plus faciles à utiliser, voir intuitives (dans le meilleur des cas, un mode d’emploi peut n’être pas nécessaire). Et comme tout un chacun, les enseignants emploient préférentiellement en classe des technologies de bonne utilisabilité, à l’instar d’une télévision ou d’un téléphone.
De manière synthétique, on peut dire qu’une bonne technologie éducative fonctionne généralement par elle-même, qu’elle n’exige pas de formation technique particulière pour être utilisée et qu’elle ne détourne l’attention ni l’enseignement, ni des apprenants.
Quels sont donc les critères d’une bonne technologie éducative, qui la distinguent d’une technologie stupide ? Stephen Downes propose 9 règles pour identifier la bonne technologie en éducation (Nine Rules for Good Technology, 2000 ; j’en propose une mise en carte en anglais). Je propose ici une adaptation de son texte.
« My Nine Rules […] focus on selecting technologies according to their affordances, and will result in a certain amount of serendipity and new discovery. As new technologies should. »
1. Une bonne technologie est toujours disponible.
Par exemple, le chariot d’équipement (ordinateurs portables, tablettes, projecteur…) est une mauvaise technologie. Une bonne technologie ne nécessite pas de réservation, de déménagement ni d’installation. Imaginez ce que serait la vie si nous devions planifier notre utilisation de l’ascenseur, ou faire des réservations pour utiliser le téléphone…
2. Une bonne technologie est toujours activée.
Elle ne doit pas exiger des procédures de branchement ou d’initialisation longues ni complexes. Si elle n’est pas toujours allumée, une bonne technologie peut l’être immédiatement ou, mieux encore, démarrer automatiquement lorsque le besoin s’en fait sentir. Par exemple, le téléphone est efficace car nous n’avons pas besoin de lancer un système d’exploitation avant de passer un appel… C’est aussi le cas, par exemple, avec un éclairage activé par un capteur de mouvement.
Il faut bien entendu favoriser des technologies faiblement consommatrices d’énergie dans leur mode de veille.
3. Une bonne technologie est toujours connectée.
C’est par exemple des téléphones, qui sont utiles parce qu’aucune procédure n’est nécessaire pour les connecter au système téléphonique.
4. Une bonne technologie est standardisée.
Par exemple, un téléphone se connecte à n’importe quel autre téléphone dans le monde, ou une marque d’essence alimente n’importe quelle voiture.
Une technologie stupide, au contraire, exigera que vous possédiez un système d’exploitation particulier (Apple OS, Windows, Chrome OS…) pour visionner une vidéo ou lire un document.
La standardisation favorise l’interopérabilité et le choix.
5. Une bonne technologie est simple.
Les meilleures technologies peuvent être comprises via leur interface, et non en étudiant un manuel. La bonne technologie est intuitive : pour utiliser un ascenseur, j’appuie sur le numéro d’étage. Simple. Pour passer un appel téléphonique, je compose le numéro. Facile.
La simplicité va de pair avec la variété des fonctions : le problème de nombreux logiciels, par exemple, est qu’ils essaient de tout offrir à tout le monde. Les fonctions que vous n’utilisez jamais vous gênent, et elles rendent la technologie compliquée et encombrante. Lorsque vous recherchez une bonne technologie, recherchez une technologie qui fait exactement ce que vous voulez : ni plus, ni moins.
6. Une bonne technologie ne nécessite pas de composants.
Par exemple, vous n’avez pas besoin de remplacer ni d’entretenir quoi que ce soit dans votre téléphone pour qu’il fonctionne.
Faut-il acheter régulièrement quelque chose pour pouvoir utiliser votre technologie ? Devez-vous remplacer quelque chose qui s’use ou qui s’épuise, ou qui peut être perdu ou volé ? Moins vous avez de temps à acheter ou à remplacer, meilleure est votre technologie ; la meilleure technologie n’exige pas d’achats ni de remplacements continus.
Si une technologie nécessite des pièces, celles-ci doivent être au moins universelles et standardisées.
7. La bonne technologie est personnalisée.
Par exemple, les guichets automatiques bancaires ne seraient d’aucune utilité s’ils n’ouvraient pas votre compte bancaire – et seulement votre compte bancaire. Un traitement de texte vous permettant d’enregistrer vos propres mots dans un correcteur orthographique est une bonne technologie.
Au contraire, la mauvaise technologie vous oblige à vous adapter à ses exigences.
8. Une bonne technologie est modulaire.
“Modulaire” signifie composé de pièces distinctes, chacune travaillant indépendamment les unes des autres et pouvant être agencée dans la configuration souhaitée avec un minimum d’effort.
En ce sens, la prise USB représente une bonne technologie, parce qu’elle permet d’assembler à volonté des systèmes numériques et électroniques.
9. Une bonne technologie fait ce que vous voulez qu’elle fasse. Et pas autre chose.
Une bonne technologie minimise le risque d’erreur de l’opérateur et donc la possibilité de conséquences inattendues. Une bonne technologie est également robuste, moins sujette aux pannes et aux dysfonctionnements, et fiable.
Un logiciel qui plante au lieu de fonctionner est évidemment une mauvaise technologie.
La technologie doit faire exactement ce que vous voulez qu’elle fasse. Une technologie qui fait autre chose, que ce soit par dessein ou par accident, n’est pas une bonne technologie.
Conclusion
Il est important de se rappeler qu’aucune technologie n’est parfaite. Aucune technologie ne satisfera aux neuf règles. Cependant, certaines technologies répondront à plus de règles que d’autres, et certaines technologies pourront même enfreindre une règle ou deux, tout en restant de très bonnes technologies (ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas de meilleure alternative). Ceci étant, les enseignants doivent insister pour obtenir une bonne technologie telle que définie ci-dessus.
N.B. ce texte est aussi disponible ici au format Google Doc, permettant des commentaires ciblés.
Illustration d'en-tête : Derrick Bostrom.
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