TikTok est l’application la plus téléchargée au monde, avec déjà plus de 1,6 milliard de téléchargements à son actif depuis le début de l’année, selon le cabinet Sensor Tower. Présente dans 150 pays, elle compte environ 150 millions d’utilisateurs journaliers actifs. Avant de s’imposer en Europe, elle était très prisée en Asie, en particulier en Chine et au Japon.
Avec plus de 2,5 millions de téléchargements ces derniers mois dans l’Hexagone, TikTok tient une place majeure aujourd’hui dans les smartphones des adolescents français. Spécialisée dans la musique et la danse, elle leur permet de se filmer en train de chanter en play-back ou d’exécuter une chorégraphie.
Il s’agit de la troisième application la plus populaire auprès des 12-16 ans (69 %), juste derrière Instagram, (84 %) et Snapchat (80 %). Quels sont les ressorts d’une telle adhésion ?
Le goût des challenges
D’abord, il faut voir que la plate-forme propose sans cesse à tous les « TikTokeurs » de répondre à des challenges. Ces derniers suscitent un très fort engagement chez les adolescents.
Le type de défis dans lesquels les adolescents s’engagent diffère selon le genre. Les garçons sont plus attirés par ceux qui les invitent à reproduire des actions dangereuses en vidéo, notamment le « Skull Breaker Challenge », très dangereux, qui circule actuellement (dont le principe est de faire un double croche-pied par surprise à une personne qui saute sur place, pour diffuser la vidéo sur le réseau).
Chez les filles, la plate-forme est plutôt le théâtre de l’expression d’un narcissisme à outrance où prime le culte du corps. Par exemple, le challenge « prettierchallenge » ou « le challenge pour devenir jolie » est devenu populaire aux États-Unis, incitant les jeunes filles à poster des vidéos d’elles-mêmes dans l’espoir de récolter le plus de likes et de commentaires positifs sur leur apparence physique.
Pourquoi les adolescents aujourd’hui se prêtent-ils autant à ces jeux ? Être une fille ou un garçon change-t-il le degré d’implication sur la plate-forme ? Rappelons qu’à l’adolescence, les défis sont appréhendés comme des moyens de construire son identité. Les adolescents cherchent à découvrir le monde qui les entoure en explorant de nouvelles expériences ; ce qui conduit généralement à l’imprévisible et à l’incontrôlable, et donc à l’adoption de comportements à risque sous forme de challenges.
L’adolescence est aussi un moment où on affirme sa personnalité, en transgressant les règles et les limites, tout en cherchant à se construire une image positive auprès des copains et copines. En résumé, il existe deux sphères de vulnérabilité, en lien direct avec les différentes sphères de construction identitaire du sujet : le social (la pression du groupe de pairs et le besoin de transgression), et l’intime (l’estime de soi).
La souffrance des filles aurait plus tendance à s’intérioriser tandis qu’elle emprunte chez les garçons plutôt la forme de démonstrations de force, comme des conduites de provocation, de défi, de transgression.
Bricolage et phénomène générationnel
TikTok libère une nouvelle forme de créativité dans les contenus partagés par les adolescents. En effet, de nouveaux challenges sont mis quotidiennement en avant comme imiter un robot, illustrer son été, ou se vieillir, et la plate-forme offre pour les réaliser un logiciel de montage intégré, simple et performant. Les autres réseaux n’auraient pas 10 % de ce potentiel créatif. Les adolescents vont sur TikTok pour jouer, bouger, mais aussi bricoler.
Le numérique peut aider les jeunes à développer polyvalence et créativité. Ils participent au processus de co-création de produits et de campagnes de communication en ligne. Ces spécificités n’ont pas échappé aux marques qui veulent elles aussi surfer sur les tendances et toucher des audiences plus jeunes.
Avant que l’on passe deux mois en confinement au printemps dernier, parents et enfants avaient chacun leurs propres réseaux sociaux : les adultes étaient plutôt sur Facebook et les adolescents sur Snapchat et TikTok. Le confinement a mis les familles à l’épreuve et les lignes de démarcation sont devenues plus floues à certains égards : on voit l’arrivée massive des parents et des grands-parents sur les réseaux des plus jeunes.
Certains ont utilisé TikTok pour des challenges et des chorégraphies créant des moments de complicité en famille. Des célébrités comme Jessica Alba, Naomi Watts, Laetitia Hallyday ou encore Christina Milian se sont prêtées au jeu avec leurs enfants pendant le confinement. La crise du coronavirus a ainsi mis l’accent sur une légèreté du réseau qui peut séduire un plus large public.
Elodie Gentina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.
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