Nous sommes de plus en plus souvent contactés par des inspecteurs pour mettre en place des dispositifs de formation s’appuyant sur m@gistère (plateforme de formation s’appuyant sur Moodle). Bien que ces demandes soient légitimes, il nous semble important de ne pas partir de l’outil (m@gistère) mais du besoin et de proposer une démarche structurée pour concevoir de tels dispositifs en visant le développement professionnel des personnels. Voici quelques réflexions…
1 – L’adulte en formation
Comprendre et connaître les caractéristiques d’un adulte en formation nous semble un préliminaire essentiel pour ne pas passer à côté de l’objectif. François Muller propose 7 caractéristiques de l’adulte en formation qui a de nombreux besoins :
- Être convaincu que les informations ou apprentissages proposés ont du sens et sont utiles dans son activité professionnelle ;
- Participer activement à la formation et savoir à tout moment où il en est de ses connaissances et compétences ;
- Saisir la relation entre ce qu’il maîtrise déjà et ce qu’il apprend ;
- Comprendre en quoi ce qu’il apprend lui permettra de résoudre des problèmes ;
- Appliquer au plus vite ses apprentissages ;
- Recevoir une rétroaction le plus rapidement possible après la mise en pratique.
Tous ces éléments doivent nous guider dans la conception de notre dispositif. Le premier qui tient au sens et à l’utilité perçue du dispositif est essentiel pour ‘assurer’ l’engagement des enseignants.
En parallèle de ces différents besoins, il faut garder en tête que chaque adulte s’est construit des représentations mentales et des stratégies d’apprentissage qui lui sont personnelles et nous devons l’intégrer dans chaque formation.
2 – L’objectif visé par le dispositif
Avant de construire un dispositif, il est indispensable de savoir quel est l’objectif visé. Il nous semble que 5 objectifs principaux peuvent être poursuivis :
- Développer les compétences des personnels ;
- Produire des documents de travail (scénarios pédagogiques, trames de projets, …) ;
- Transmettre des informations ;
- Tisser des liens entre les personnels ;
- Mobiliser les personnels en développant l’engagement et la persévérance.
Il est rare qu’un dispositif ne vise qu’un seul de ces objectifs mais il est important de les prioriser car c’est à partir des objectifs définis lors de la conception que l’on pourra définir les critères d’évaluation.
3 – Croisement des deux dimensions besoins – objectifs
Il est compliqué de faire coïncider assurément les besoins et attentes de formations des enseignants et les objectifs visés par les cadres. Il est ainsi intéressant d’envisager une offre de formation diversifiée, en croisant les approches disciplinaires, pilotées par les inspecteurs et locales, pilotées par les chefs d’établissement, pour que chaque enseignant trouve la proposition qui lui convient le mieux. Ainsi les réformes, l’arrivée de nouveaux programmes, le projet d’établissement, et par là même, tout événement local ou national, sont des opportunités pour la mise en place de tels dispositifs.
4 – Le contexte du dispositif
Une fois les objectifs définis, il est temps de prendre en compte le contexte du dispositif prévu : nombre de personnes concernées, modalités d’inscription (désigné ou inscription libre), répartition géographique des personnes, besoins en matériels ou logiciels spécifiques, contraintes temporelles, …
Ces éléments sont essentiels à préciser au plus vite pour définir le cadre de liberté dans lequel pourra se construire le dispositif.
Les différents éléments que nous venons d’aborder (adultes en formation, objectifs visés, caractérisation du contexte) correspondent à la phase d’Analyse du modèle ADDIE.
5 – Une démarche pragmatique
La deuxième étape du modèle ADDIE est l’étape de Design. Nous avons l’habitude, à ce stade, de nous appuyer sur les travaux de John Biggs et de Marcel Lebrun pour travailler la conception pédagogique à partir du schéma ci-dessous.
Trois points nous semblent particulièrement importants à noter :
- La diagonale de Biggs est centrée sur les activités (M. Lebrun parle plutôt de cohérence objectif / méthode / évaluation) car elle a été envisagée dans une logique de formation. Si l’on vise un autre objectif que le développement de compétence, il faut centrer cette diagonale sur l’élément visé pour assurer la cohérence de notre dispositif.
- Le modèle IMAIP de Lebrun peut s’appliquer à tout dispositif, de la réunion locale de travail au MOOC en passant par toutes les hybridations envisageables et peut aussi s’envisager au niveau macro d’une année de formation ou micro pour une séance particulière.
- Ce modèle pourrait aussi être pertinent pour organiser le travail (ou au moins des temps de travail) afin de pouvoir rendre apprenantes les situations professionnelles comme abordé dans cet article.
Ce schéma nous permet de séquencer les différents temps de la conception à partir du questionnement qui suit. Les questions sont posées dans un ordre cohérent mais il peut être nécessaire de reboucler le questionnement car tous les éléments sont étroitement liés.
a) La diagonale de Biggs (Objectifs / Activités / Évaluation)
- Les objectifs ont été définis auparavant, ils servent de base de travail …
- Quelles activités peuvent permettre de développer les compétences et ou connaissances visées et mettre en place l’évaluation envisagée ?
- En quoi consiste ce que l’on cherche réellement à évaluer : La production finale des participants ? Le processus (= la démarche) mise en œuvre ? La réflexion des participants autour de l’activité (= le propos) ?
- Comment peut-on évaluer l’atteinte de l’objectif visé ?
b) La ligne droite de Lebrun (Informations / Activités / Production)
- En fonction des éléments définis au niveau de l’évaluation, quelle(s) production(s) faut-il envisager ?
- Quelle production peut donner du sens aux activités prévues ci-avant ?
- Quelles activités permettent de réaliser la(les) production(s) attendue(s) ?
- Quelles ressources sont nécessaires aux stagiaires pour atteindre les objectifs ? (textes, vidéos, consignes, guidances, documents de travail, …)
c) Les deux ‘moteurs’ de Lebrun (Motivation / Interactions)
- Quelles interactions sont prévues ? Entre participants ? Avec le formateur ? Avec d’autres personnes ? Avec la machine ?
- Quels éléments font que la tâche proposée va susciter l’engagement des participants ?
6 – Reconnaissance du développement professionnel des participants
Il nous semble important, dans une logique de développement professionnel, de reconnaître le travail réalisé par les participants et les apprentissages qui en ont découlé en s’appuyant, par exemple, sur des openbadges. Nous avons repéré deux écueils importants à éviter :
- Ces badges ne sont pas des attestations de présences : ils permettent de présenter les productions et/ou apprentissages réalisés.
- Ces badges ne sont pas des preuves de compétences : ils participent au faisceau de preuves qui justifient la maîtrise de la compétence.
Cette logique sous-tend que nous ne ‘badgeons’ personne mais nous proposons des badges aux personnes qui peuvent les endosser.
Conclusion
Comme vous pouvez le constater, nous ne parcourons pas encore toutes les étapes du modèle ADDIE : nous n’avons pas (encore) une démarche systématique pour les aborder. En l’état, cette démarche nous semble cohérente mais peut-être avez-vous une autre approche ou des remarques à nous partager. N’hésitez pas, nous avons encore beaucoup à apprendre !
PS : Cet article a initialement été publié sur le blog de la DANE de DIjon : http://dane.ac-dijon.fr/2019/11/07/concevoir-un-dispositif-pour-des-enseignants/
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