un articlerepris du blog tad de Jacques Rodet, une publication sous licence by nc nd
La formation comodale consiste à offrir aux apprenants, de manière simultanée, une même formation selon trois modalités : présentiel, mixte et à distance. Brian Beatty en a posé les principes fondamentaux dès 2010 :
Donner le choix à l’apprenant : Donner la possibilité à l’apprenant de choisir la modalité de diffusion de la formation en fonction de ses besoins et préférences sans avoir à l’annoncer à l’avance ou à justifier son choix.
Équivalence des activités : Quelle que soit la modalité, les activités d’apports, d’apprentissage et d’évaluation doivent être conçues pour permettre à l’apprenant d’atteindre les objectifs pédagogiques de la formation.
Réutilisation du matériel : Toutes les ressources conçues pour la formation sont accessibles à tous les apprenants. Ainsi, les classes virtuelles sont systématiquement enregistrées et les autres ressources médiatiques sont mises à disposition de manière asynchrone.
Accessibilité : Afin d’assurer un accès optimal aux ressources de la formation et aux outils utilisés, les normes d’accessibilité doivent être respectées ainsi que les bonnes pratiques de la pédagogique inclusive.
À l’examen de ces principes, il apparait que la comodalité relève davantage de l’ingénierie de formation que de l’ingénierie pédagogique et qu’elle ne semble pas s’intéresser à l’accompagnement des apprenants.
Donner le choix. Ceci s’inscrit dans une démarche d’une plus grande flexibilité de la formation en agissant principalement sur son mode de diffusion. Notons bien que la possibilité de choix est strictement réduite à cela. Ainsi, les autres éléments de la flexibilité d’une formation tels qu’ils sont modélisés dans l’illustration ci-dessous, ne sont que très partiellement pris en compte (cf. Rodet, J. Les caractéristiques de l’apprenant, élément de la flexibilité d’une FOAD – Tutorales n° 13).
Équivalence des activités. La notion d’équivalence des activités est peu précise. S’agit-il d’activités distinctes selon les modalités ? D’activités transposées d’une modalité à l’autre ? Du recours à des outils et médias distincts pour supporter ces activités ? Si de nombreuses activités peuvent permettre d’atteindre un même objectif, elles nécessitent des scénarisations pédagogiques et de l’accompagnement des apprenants bien différentes selon la modalité de diffusion.
Prenons l’exemple des activités de socialisation en début de formation. En présentiel, au-delà du traditionnel tour de table, le brise-glace peut prendre des formes très diverses engageant spatialement les apprenants. L’accompagnement des apprenants par le formateur durant l’activité est synchrone à celle-ci. En distanciel synchrone, nombre des activités de brise-glace similaires au présentiel sont transposables, à l’exception de celles qui demandent aux apprenants de bouger et à la réserve près qu’une grande part de la communication non verbale disparaît. L’accompagnement des apprenants durant ces activités demande alors une formalisation plus grande. En amont, transmettre l’invitation à la classe virtuelle, donner des conseils pour s’y connecter voire transmettre des tutoriels, rappeler les objectifs de cette classe virtuelle… Pendant la classe virtuelle, s’assurer que tous les apprenants sachent utiliser les fonctions à leur disposition, fixer les règles de prise de parole, être attentif aux signaux faibles de passivité… En distanciel asynchrone, cette activité peut prendre la forme d’un forum de présentation des apprenants. L’accompagnement des apprenants est également à formaliser : message de présentation de l’activité, se présenter soi-même pour donner l’exemple, réagir aux contributions des apprenants, relancer les inactifs, produire une synthèse « panorama du groupe »…
Il est visible que pour atteindre un même objectif, qu’elle que soit la modalité de diffusion, il est nécessaire de concevoir des activités différentes, un accompagnement différent, et donc des ressources différentes.
Réutilisation du matériel. S’il est de bons sens de vouloir réutiliser les ressources afin d’en amortir le coût de production, est-ce réaliste ? Cela présuppose que les caractéristiques des ressources pouvant être utilisées, avec une réelle plus-value pédagogique, en présentiel, à distance synchrone et à distance asynchrone, soient les mêmes. Or il n’en est rien et le principe de « réutilisation du matériel » n’est pas entièrement opérant à moins de faire l’impasse sur les exigences propres à chaque modalité.
Par exemple, si un diaporama peut être suffisant en présentiel, car accompagné des commentaires du formateur, il nécessitera, a minima, pour être utilisé en asynchrone, un ajout de voix-off, et plus probablement une refonte complète sous forme de vidéo ou de clip. Utiliser l’enregistrement d’une classe virtuelle en asynchrone ne garantit pas l’équivalence. En effet, la plus-value pédagogique d’une classe virtuelle est intrinsèquement liée à son caractère synchrone qui autorise les interactions immédiates entre le formateur et les apprenants et entre ces derniers. Plus-value qui disparaît en mode asynchrone mais dont l’absence peut être compensée par l’adjonction d’un espace d’échanges asynchrones conjoint à l’enregistrement de la classe virtuelle. Là encore les actions d’accompagnement des apprenants seront alors spécifiques aux différentes modalités.
Accessibilité. Ce principe n’est pas propre à la formation comodale mais est plus relatif à la volonté de rejoindre tous les publics potentiels, au respect d’obligations réglementaires, et partant constitue un argument commercial indéniable. Les conséquences de ce principe sur la production des ressources ne sont pas négligeables et amènent parfois à renoncer à certaines mises en forme du contenu peu accessibles aux personnes ayant tel ou tel trouble cognitif ou physique. L’accompagnement de ces publics demandent une conception différente et doit être davantage personnalisé que pour les autres apprenants.
Conclusions intermédiaires
Il n’est pas anodin que la comodalité ait vu le jour au sein de l’université dans la mesure où ces organisations ont une logique d’offre de cursus dans lequel le contenu a la primauté. Une fois le contenu divisé en blocs, en unités d’enseignement, en cours présentant une répartition définie de cours magistraux, de travaux dirigés et de travaux pratiques, la mise en place de la comodalité revient à réaliser des actions d’ingénierie de formation aboutissant à un planning cohérent entre les différentes modalités de diffusion. Il est possible de s’interroger sur son adaptation à la formation professionnelle dans la mesure où il s’agit d’abord de répondre à une demande plutôt que de présenter une offre. C’est particulièrement le cas pour les formations intra, l’AFEST et toute formation où les apprenants sont amenés à jouer un rôle actif dans la construction du contenu.
Ce billet, qui pointe certaines des questions et limites que j’entrevois à la comodalité mériterait davantage d’investigations auprès des acteurs qui y ont recours pour analyser plus précisément le suivi des principes initiaux de la comodalité, les solutions mises en place en matière de scénarisation pédagogique, de production des ressources et des dispositifs mis en place pour accompagner et assurer le suivi des apprenants.
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