Introduction
J’ai la chance d’animer des ateliers pour des formateurs et formatrices. L’apprentissage avec les réseaux sociaux (RS) en fait partie. En sept ans, le scénario pédagogique de cette formation a beaucoup évolué. Il s’adapte mieux aux besoins des participant·e·s et aux nouveautés en termes d’outils, mais aussi de pratiques.
Ce qui n’a pas changé, par contre, c’est que je remarque toujours des avis très tranchés envers l’introduction des réseaux sociaux dans la pédagogie.
Ce nouveau vocabulaire, souvent “anglicisé” comme hashtag, troll, feed…peut s’avérer être un frein..
Je connais beaucoup de personnes qui ont l’impression que les RS forment un monde à part et n’osent pas y faire les premiers pas. Parfois, ils n’y voient pas d’intérêt ou jugent ces outils comme "peu sérieux". Ou alors, certains soulignent un autre aspect négatif : le risque addictogène que peuvent comporter les RS. Ceci peut s’avérer parfois compliqué à gérer et devient source de stress et de dépression
En bref, les réseaux sociaux jouissent d’une image assez sombre, et par conséquent, semblent peu adaptés dans un usage pédagogique. J’entends fréquemment par exemple “il ou elle ne fait rien, il ou elle est occupé·e à être sur Facebook”. Mais, passer du temps sur les réseaux sociaux, est-ce vraiment une perte de temps ?
La grande force des RS
La première force des RS est le nombre de personnes qui les utilisent : dans le monde, nous sommes 4,2 milliards à y être au niveau de différentes plateformes et nous y passons en moyenne 145 minutes par jour (chiffre de 2020).
L’idée de pouvoir interagir, avec toute la planète, sur tous les sujets, constitue une opportunité fabuleuse. Dans ces interactions, ce n’est pas uniquement prendre (pull) qui est intéressant, mais aussi toute la dimension de partage ! (push)
Le projet européen etwinning qui propose des activités à travers des échanges entre élèves européen·e·s connaît par exemple un réel succès. Il est basé sur une pédagogie par projet et une collaboration entre élèves. Sa force se trouve dans des interactions de la vie réelle, contrairement à une situation artificielle qu’on pourrait imaginer en classe.
Les RS peuvent aussi favoriser un accès à certaines personnalités, leader d’opinions, expertes, dont les travaux ou vidéos sont souvent diffusés dans une classe. Ces personnes y sont bien présentes et notamment sur Twitter et LinkedIn. Il est très simple de les accoster en mode "public", en les notifiant et en leur suggérant d’intervenir en salle de classe avec une intention pédagogique précise. Ces personnalités tiennent à leur branding . Il y a donc de fortes chances qu’elles acceptent votre invitation. J’insiste sur le caractère de post public et non la messagerie privée, car la demande peut alors avoir plus de poids, ou générer d’autres pistes..
Le partage et les RS
Tout comme les réseaux sociaux, le cœur de l’apprentissage se vit d’abord par le partage : l’être humain a besoin de se sentir accompagné et particulièrement dans un espace social pour communiquer, interagir et apprendre. La puissance des réseaux sociaux, si on les utilise à bon escient, est incommensurable.
Le fait de partager un outil ou une pratique, qu’elle soit la nôtre ou venant d’une autre personne, nous met dans une posture positive. Non seulement on dépose une connaissance à autrui, mais aussi, cette connaissance peut faire l’objet de réactions ou de commentaires qui pourront la démultiplier. Et comme l’écrit Jean-Hugues Roca : « Si tu ne sais pas, demande. Si tu sais, partage ! » telle pourrait être la devise d’un réseau social dédié à la gestion des apprentissages et à la formation.
Le paradigme de l’apprentissage prend alors une nouvelle tournure avec l’avènement des RS. Des configurations comme la diversification des sources d’information ou le fait de faire appel aux pairs sont intégrés dans ce contexte.
Le lien social joue un rôle fondamental dans l’apprentissage coopératif et collaboratif. Grâce à cela, l’apprenant·e développe des compétences telles que l’esprit critique ou la créativité.
Un exemple de co-construction d’un projet sur lequel les participant·e·s analysent, critiquent et corrigent les différentes contributions.
Tout le monde peut y trouver sa place !
Des études ont montré que seuls 5 % des membres d’une communauté ou d’un groupe de réseaux sociaux sont proactif·ve·s. Ils ou elles sont 10 à 20 % à être réactif·v·es. 70%, soit la grande majorité, observent, sans forcément réagir aux posts sur ces réseaux sociaux. Enfin, 10 % des inscrit·e·s restent dans l’inactivité ou l’abandon.
Loin des clichés de "toxicité", la pratique des RS peut même augmenter le bien-être si nous sommes dans des relations sociales positives. D’une part, le fait de trouver rapidement l’information avec sa communauté peut nous rendre assoiffé·e de savoir. On rentre dans une dynamique motivationnelle, on veut en savoir plus et ensemble !. D’autre part, on partage nos connaissances et nos astuces pour redevenir une source parmi des milliers d’émetteur·ice·s du savoir.
Une nouvelle tendance utilisée comme ressource pédagogique : Tiktok ! Pour cela, les responsables de la plateforme accompagnent de nombreux expert·e·s, des associations de premier plan, des créateur·ice·s présent·e·s sur la plateforme et des acteur·ice·s de la culture, de la connaissance et du savoir. Tous et toutes partagent avec la communauté TikTok des contenus surprenants, divertissants dans le but de découvrir et de partager le plaisir d’apprendre.
Les twittclasses sont un exemple de dispositif qui utilise Twitter à des fins pédagogiques. Il s’agit de productions d’écrits qui sont publiées sur Twitter. Les meilleures phrases le sont selon trois catégories (la plus réussie, la plus drôle et le coup de cœur)
Un autre argument qui illustre les interactions pouvant être multiples. Un groupe privé Facebook peut devenir une vraie communauté d’apprentissage. Un formateur couvreur dans mon organisme de formation partage avec ses stagiaires des nombreuses productions liées à la construction. Il leur permet aussi de commenter et de partager leurs propres trouvailles. Non seulement, il est dans une démarche d’offrir la possibilité à ses apprenant·e·s de contribuer et de partager des informations à tous et à toutes, mais aussi de rester en veille et d’apprendre via les commentaires.
La veille et les RS
Les RS, j’en suis convaincu, peuvent constituer une réelle valeur ajoutée dans l’apprentissage personnel ou la veille.
De mon côté, en 5 ans avec Twitter, je pense avoir appris plus que j’en ai appris durant toute ma vie. Ce travail de veille, d’interactions sociales avec des personnes du monde entier et surtout de partage m’a été bénéfique. En effet, à force d’interagir et de retrouver des contributions des mêmes personnes, on finit par se créer une communauté ou faire partie d’un groupe qui se retrouve dans différents contextes en ligne et parfois même en présentiel.
Souvent, en scrollant le fil d’actualité de son réseau social, on découvre et on apprend, par sérendipité, des nouvelles choses : J’utilise des outils, tels que les flux RSS, pour effectuer ma veille technopédagogique. Cette méthode correspond à environ 70 % de l’ensemble de ma veille. Le reste, en parcourant mon fil Twitter ou ma timeline LinkedIn ou mon fil Facebook (groupes auxquels je suis abonné), j’apprends des choses que je n’ai pas forcément cherchées.
Je vous partage une petite anecdote : ma directrice m’a demandé de lui transmettre des contacts que j’aurais dans le cadre d’un voyage sur Lyon qu’elle devait effectuer. Vu le temps réduit que j’avais devant moi pour accomplir cette tâche et en plus avec ma responsable, j’étais un peu stressé. Finalement, j’avais la réponse devant les yeux via une recherche ciblée sur LinkedIn (dans mon réseau, il fallait juste filtrer les contacts avec des filtres précis), j’étais content de pouvoir lui transmettre les informations sur ces contacts. L’opération n’a duré que quelques minutes pour répondre favorablement à une question qui pouvait paraître ardue.
Points de vigilance
Attention, si on se retrouve observateur et particulièrement avec une attitude de comparaison aux autres. Cette manière de regarder les autres, de temps en temps, de les envier, ne va pas dans le sens de l’épanouissement individuel.
Il est aussi important de préserver son identité numérique (e-réputation) puisque tout ce que l’on y met reste traçable sur la toile. La bienveillance demeure de mise. L’expérience m’a montré qu’il faut éviter de rentrer dans les débats stériles où les trolls se font un plaisir de surenchérir sur d’éventuelles polémiques.
Aussi, soyons vigilants avec les fake news qui ont émergé intensément avec la pandémie. Ces informations sont partagées, et ont fleuri notamment sur les réseaux sociaux, dans le but de semer la peur ou parfois avec un but financier, voire une intention malveillante. Ceci exige plus d’analyse critique et de savoir-être comme l’éthique ou la bienveillance.
Conclusion
La grande majorité des habitants de la planète utilise les réseaux sociaux. Leur grande valeur ajoutée est finalement la possibilité d’interagir avec n’importe qui dans le globe de façon à ce que l’on puisse apprendre les un·e·s des autres.
De nombreux cas d’usages sont possibles dans le milieu de l’éducation et permettent souvent aux apprenant·e·s de mieux s’engager dans les tâches qui leur sont confiées. Il est ainsi important de mettre en place des dispositifs de formation aux réseaux sociaux et leurs usages pour le corps enseignant.
Les plateformes Twitter et LinkedIn constituent un hub de connaissances si l’on les utilise efficacement. J’aime beaucoup assister à des webinaires réguliers, sur LinkedIn, le midi, sur des thématiques en lien avec la technopédagogie. Osons également poser des questions sur des cas d’usages très techniques sur ces plateformes. Il y aura toujours quelqu’un qui se fera un plaisir d’y répondre.
Dans cet article, nous nous sommes posés la question sur l’utilité de ces réseaux sociaux et leur valeur ajoutée pour l’apprentissage. Finalement, tout dépend de l’usage qu’on en fait et de leur exploitation dans notre environnement familial ou de travail.
Même s’il faut faire attention à sa e-réputation, il n’en demeure pas moins de garder sa personnalité. Oscar Wilde a dit : “Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris !”
Si vous souhaitez vous engager sur les réseaux sociaux, ne tombez surtout pas dans le piège de penser que personne ne vous suivra ou ce que vous apportez n’intéresse personne !
Même si le nombre de followers ou de like peut décourager, voire dénaturer la notion de partage, le but premier reste noble : apprendre et partager... et ces deux valeurs sont multiplicatrices et interconnectées !
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