Un article, sous licence CC by
publié par la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire par
Charlaine ST-JEAN, Université du Québec à Rimouski et
Marilyn DUPUIS BROUILLETTE, Université de Sherbrooke
Introduction
En tant qu’enseignantes et professeures universitaires, nous prenons conscience à chaque étape du processus d’élaboration des cours universitaires de l’ampleur du travail accompli, et ce, tout particulièrement dans le contexte singulier de la pandémie. Nous saisissons d’ailleurs cette occasion pour décrire et analyser le contexte actuel et les changements qu’il a occasionnés sur nos pratiques pédagogiques.
D’abord, la scolarisation des élèves et des étudiants québécois se poursuit malgré la propagation de la pandémie. Force est donc de constater qu’un ensemble de mesures ont été mises en place pour réduire au maximum cette propagation tout en permettant les apprentissages et le développement des compétences. Le gouvernement a procédé à la fermeture de tous les établissements des différents ordres d’enseignement au Québec dès la mi-mars (Gouvernement du Québec, 2020). Certains établissements d’enseignement supérieur ont toutefois continué d’enseigner en offrant la formation à distance aux étudiants, et ce, par différents moyens pédagogiques tels que des travaux individuels à faire au rythme de l’étudiant ou des rencontres par visioconférence, que ce soit avec des cours synchrones ou asynchrones. Cette décision d’opter pour la formation à distance semble également se poursuivre pour le trimestre d’automne 2020. Ces mesures, bien évidemment, ont un impact important sur l’organisation universitaire et les pratiques pédagogiques que les professeurs mettent en place pour poursuivre le développement des compétences des étudiants.
En réponse à ce nouveau contexte d’enseignement universitaire qu’apporte la formation à distance, nous nous sommes questionnées sur les méthodes à utiliser pour favoriser l’engagement des étudiants et le développement de compétences professionnelles dans un contexte significatif. Les objectifs sont dès lors de dresser un portrait de l’ensemble des pratiques pédagogiques universitaires possibles et de positionner le choix que nous avons fait en tant qu’enseignantes à l’université concernant les pédagogies actives. Pour mieux démontrer ces choix pédagogiques, nous décrivons également deux activités réalisées dans des cours d’éducation préscolaire. Ces différentes justifications des choix pédagogiques et des activités bien contextualisées permettent de mieux comprendre l’opérationnalisation des pédagogies actives en contexte d’enseignement universitaire, et ce, même en formation à distance.
Un changement dans les pratiques pédagogiques universitaires
De ce fait, les pratiques pédagogiques des professeurs doivent changer : ils doivent revoir leur planification et adapter leurs activités d’enseignement et d’apprentissage pour faire face à cette réalité d’enseignement à distance et parfois asynchrone, et ce, tout en conservant l’expérience significative de l’étudiant dans ses apprentissages. C’est un réel défi et il doit s’opérationnaliser rapidement vu le contexte de la pandémie.
Ce changement de pratiques peut placer les enseignants et les professeurs universitaires devant un grand nombre de possibilités de pratiques pédagogiques. En effet, ils peuvent tendre vers des moyens numériques où ils réalisent un cours magistral que les étudiants peuvent consulter en ligne à leur rythme. Certains professeurs peuvent choisir d’utiliser d’autres moyens numériques en sollicitant la participation plus active des étudiants. Notons, par exemple, la participation à des forums de discussion et des visioconférences ou encore la réalisation de travaux qui demandent à l’étudiant un investissement et une réflexion plus importants que la seule écoute d’un cours. Bien évidemment, le choix d’un moyen numérique particulier ne peut garantir la participation active de l’étudiant ; lui seul détient le pouvoir de s’engager dans la tâche significativement. Toutefois, certains des derniers moyens énumérés favorisent cette participation plus active des étudiants (Simard et al., 2019 ; Svinicki et McKeachie, 2011). Nous choisissons d’illustrer ces différents choix qui appartiennent à des courants éducatifs différents.
La figure 1 représente, sur un continuum, les approches pédagogiques les plus courantes. Le haut du continuum correspond à des visées plus centrées sur l’enseignement et le savoir à enseigner (approches plus passives pour les étudiants), et le bas correspond à des visées centrées sur l’apprentissage actif (approches plus actives pour les étudiants).
Figure 1 : Continuum des approches pédagogiques en éducation (tiré de St-Jean et Dupuis Brouillette, 2020)
À cet effet, un enseignant ou un professeur universitaire s’inscrivaient dans certaines approches de ce continuum bien avant la venue de cette pandémie. Toutefois, ce contexte particulier de formation à distance peut faire émerger des pratiques pédagogiques qui sont semblables ou différentes des pratiques habituelles. Cette occasion d’innover peut être perçue comme une occasion de perfectionner les cours donnés.
Même si l’enseignement postsecondaire ne cible aucune approche d’enseignement ou d’apprentissage en particulier, les différents ordres d’enseignement du primaire et du secondaire s’orientent vers le paradigme constructiviste (Bednarz, 2002). Dans le contexte actuel, nous choisissons de situer les activités d’apprentissage analysées dans cet article dans le paradigme des pédagogies actives. Afin d’analyser les activités offertes dans la formation à distance de cet article, il importe de situer le contexte. Ainsi, un cours d’éducation préscolaire est précisément ciblé dans un département des sciences de l’éducation d’une université québécoise. Ce cours d’éducation préscolaire est donné dans le cadre du baccalauréat pour les enseignants de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire qui mène au brevet d’enseignement dans la province de Québec, au Canada. En fonction des fondements de l’éducation préscolaire, basés notamment sur l’approche développementale préconisée par le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) (Ministère de l’Éducation, 2006), nous choisissons donc d’enseigner, par moments, avec cette approche plus ouverte centrée sur les besoins des enfants du préscolaire (et des étudiants universitaires dans notre cas) afin que les apprenants y soient mieux sensibilisés. En ce sens, Svinicki et McKeachie (2011) soulignent également que les activités d’enseignement en contexte universitaire peuvent dépendre du développement des compétences visé pour les étudiants du programme. Ces auteurs situent d’ailleurs un exemple concret en éducation : « Par exemple, si j’enseigne un cours de psychologie sur le développement de la petite enfance et que je veux que les étudiants comprennent les types d’activités d’apprentissage qui conviennent à différents âges, je peux leur assigner la conception d’un terrain de jeu pour une garderie qui répondrait aux besoins de tous les enfants et enseignants1 » (p. 205). Ce choix est significatif pour accompagner les étudiants dans la compréhension et la réflexion sur les fondements et l’opérationnalisation concrète de l’approche développementale à l’éducation préscolaire. Somme toute, à travers ces approches, l’idée principale est de placer l’étudiant au centre de ses apprentissages et, pour le professeur, d’agir comme un accompagnateur lors des activités d’apprentissage et d’enseignement, terme utilisé à l’éducation préscolaire.
Les pédagogies actives
Les pédagogies actives se distinguent par des pratiques pouvant être qualifiées de plus passives ou plus magistrales par différentes caractéristiques (Khan et al., 2017 ; Svinicki et McKeachie, 2011). Parmi ces caractéristiques, la place de l’apprenant (que ce soit l’enfant du préscolaire ou l’étudiant à l’université) est centrale sachant qu’il doit être actif et engagé dans ses apprentissages. Par exemple, dans le contexte des cours à l’éducation préscolaire, ce dernier est amené à travailler et expérimenter pour trouver une solution à l’activité d’apprentissage proposée par son professeur. Les idées viennent donc de lui et de ses coéquipiers. L’étudiant doit être actif et engagé ; il doit fournir des propositions et réfléchir sur l’opérationnalisation de cette activité par un enfant d’âge préscolaire.
Plus précisément, Svinicki et McKeachie (2011) définissent les pédagogies actives à l’aide de cinq caractéristiques :
1. L’apprentissage utilise des situations, des problèmes, des équipements ou des actions du monde réel dans la mesure du possible.
2. Les situations impliquent des problèmes complexes et peu définis qui n’ont pas de réponses simples et peuvent même avoir plus d’une réponse possible.
3. Les situations impliquent les étudiants dans la résolution d’un problème qui reflète les types de problèmes qu’ils rencontreraient dans le monde réel en utilisant les vrais outils de la discipline.
4. Le professeur est une ressource, mais n’est pas le chef de file de la tâche de résolution de problèmes.
5. Lorsque les étudiants sont parvenus à une solution, ils passent autant de temps à réfléchir à la manière dont ils ont atteint leur solution et à obtenir des commentaires sur la qualité de la solution proposée. (p. 204-205)
Ces cinq caractéristiques offrent donc une structure pour mieux définir les pédagogies actives. Toutefois, elles se situent à un niveau théorique et ne suggèrent pas explicitement de stratégies d’enseignement ou d’activités d’enseignement et d’apprentissage qu’il est possible de mettre en place pour respecter ces caractéristiques des pédagogies actives. Une revue de littérature montre que plusieurs activités peuvent s’inscrire dans cette approche. Il est donc question de définir certaines de ces stratégies (tableau 1).
Tableau 1 : Quelques stratégies d’enseignement cohérentes avec les pédagogies actives. Sources : Bissonnette et Gauthier, 2012 ; Cambridge et Suter, 2005 ; Kennedy, 2007 ; Prégent et al., 2009 ; Svinicki et McKeachie, 2011
Il est possible pour un professeur de choisir différentes stratégies selon les contenus d’apprentissage proposés dans les cours. Certains cours pourront se prêter davantage à des stratégies qui demandent des compétences plus complexes que d’autres (se référer à la taxonomie de Bloom, par exemple). Selon les choix pédagogiques du professeur cohérents avec les pédagogies actives, les étudiants auront plusieurs bénéfices : augmentation de l’engagement et de la motivation et préparation plus significative à l’insertion professionnelle, avec des contextes authentiques notamment (Jung et al., 2017 ; Khan et al., 2017).
Nous nous permettons ici de faire des constats comme bien d’autres auteurs (Khan et al., 2017 ; Simard et al., 2019). D’une part, il importe de reconnaître que les pédagogies actives peuvent être présentes à tous les niveaux d’enseignement, du préscolaire à l’universitaire. L’opérationnalisation des activités d’apprentissage et les compétences à développer sont certes différentes selon les niveaux scolaires, mais l’élève ou l’étudiant reste tout de même au centre de ses apprentissages. D’autre part, la contextualisation de ces pédagogies actives peut se faire dans bien des contextes d’enseignement. Il est courant de penser que cette approche peut se mettre en place dans les cours en présence, par exemple, mais certains auteurs, dont Khan et ses collaborateurs (2017), mentionnent également que les pédagogies actives peuvent se réaliser dans un contexte de formation à distance.
Typiquement, les pédagogies actives ne sont pas associées à un environnement d’apprentissage en ligne ou mixte. Cependant, il existe plusieurs stratégies pour intégrer et pratiquer efficacement l’apprentissage actif dans des contextes non en présentiel, notamment l’utilisation de discussions, le travail de groupe ou la création d’un environnement collaboratif qui encourage et favorise une communauté d’apprentissage. Il est essentiel de développer l’apprentissage actif à travers les principales composantes d’un cours en ligne ou mixte, y compris les discussions, les travaux et les évaluations pour promouvoir un niveau élevé d’engagement des étudiants. (p. 107)
Ce constat est pertinent à la suite de la description des différentes stratégies d’enseignement prônant des pédagogies actives de l’apprentissage des étudiants. Dans le contexte actuel de la pandémie où les cours universitaires se font pour la majorité à distance, les pédagogies actives apparaissent donc comme étant tout aussi pertinentes et viables, voire même favorables au développement des compétences des étudiants en formation.
Nous nous permettons également de faire un constat supplémentaire. Comme abordé précédemment par Svinicki et McKeachie (2011), le choix de ces pédagogies actives est significatif pour accompagner les étudiants dans la compréhension et la réflexion sur les fondements et l’opérationnalisation concrète de l’approche développementale à l’éducation préscolaire. Dans cet ordre d’idées, parmi l’ensemble de ces pédagogies actives recensées précédemment, certains auteurs font des liens explicites entre l’approche exploratoire et d’autres types d’approches pédagogiques telles l’approche par découverte et l’approche par problème (Clements et Sarama, 2009 ; Small, 2018). On y distingue cependant quelques nuances, dont la place centrale du questionnement dans l’approche exploratoire, ce qui est moins prôné dans les deux autres approches (St-Jean et Dupuis Brouillette, 2020), qui laissent malgré tout une place centrale aux étudiants dans leurs apprentissages.
L’approche exploratoire, tout comme la pédagogie par projet et l’approche par découverte, s’oriente vers une construction active des savoirs par les étudiants. Ils ne reçoivent pas des connaissances passivement. La réflexion et la recherche menées par les étudiants favorisent la création de nouvelles connaissances. À cet effet, ils sont amenés à faire des relations entre les différents concepts présentés et peuvent effectuer des généralisations et des abstractions lorsqu’ils intègrent ces nouvelles connaissances au sein de leur structure mentale (St-Jean et Dupuis Brouillette, 2020). Ainsi, bien que dans les pédagogies actives les étudiants apprennent les uns des autres, la réorganisation des connaissances, soit des nouvelles structures mentales, est unique et propre à chaque étudiant (Clements et Sarama, 2009 ; Small, 2018). Ainsi, en définitive, ces connaissances sont intériorisées par l’étudiant de façon autonome vis-à-vis de son professeur et de ses pairs, mais il bénéficie des interactions avec ses pairs et le milieu pour les confronter ou les valider (Small, 2018). Dans les pédagogies actives, le professeur n’est donc pas la seule source de savoir. En effet, l’étudiant partage ses observations, il décrit les relations observées, il explique ses procédures et défend les processus qu’il utilise. Les pédagogies actives permettent donc aux étudiants d’explorer des concepts, de trouver des réponses ou des solutions aux problèmes et de soulever ou de poser des questions. Alors, on peut se demander comment mettre en place concrètement les pédagogies actives dans le cadre de cours universitaire en contexte de formation à distance.
Contextualisation de différentes activités selon les pédagogies actives
Afin de mieux contextualiser les stratégies d’enseignement basées sur les pédagogies actives, nous contextualisons deux activités réalisées dans le cadre d’un cours universitaire en formation à distance (en ligne, asynchrone). Avant toute chose, il importe de rappeler que ce cours universitaire vise les étudiants qui enseigneront à l’éducation préscolaire. Sans décrire et analyser en profondeur l’alignement pédagogique de ce cours universitaire, nous avons choisi quelques situations d’enseignement pertinentes afin d’illustrer les choix pédagogiques et les effets de ces choix sur la place des étudiants. Les activités proposées ciblent donc des apprentissages anticipés par des enfants d’âge préscolaire, mais ici, elles sont réalisées par les étudiants universitaires afin qu’ils comprennent les enjeux pédagogiques de l’activité.
Dans cette prochaine section, nous présentons en profondeur deux activités qui s’inscrivent dans les pédagogies actives, et plus précisément dans l’approche par problème. À la suite de cette description, nous analyserons en quoi elles s’inscrivent dans une perspective d’apprentissage actif et de développement de compétences.
Activité 1 : Construction d’un sablier avec de l’eau – Un eauier
Cette activité permet aux étudiants de créer un eauier à la manière d’un sablier. Ils peuvent utiliser le matériel qu’ils désirent et trouver une ou plusieurs façons de mesurer le temps avec de l’eau. En utilisant du matériel accessible à la maison, ils expérimentent et réfléchissent à la construction de leur eauier. Ce matériel peut prendre la forme de bouteilles, de boîtes de conserve, de bols ou de tout autre récipient qui permet de recevoir l’eau. Plusieurs ont fait un ou des trous, à l’aide de ciseaux ou d’outils, pour permettre à l’eau de s’écouler. Lors de l’échange sur le forum du cours et en observant les photos et les vidéos, nous avons réalisé que plusieurs ont utilisé des bouteilles ou des contenants vides. En perçant un petit trou, ils pouvaient créer une mesure du temps semblable au sablier. En tant qu’accompagnateur, notre rôle est de poser des questions afin de diriger la discussion. Est-ce que vous pensez que vous utilisez tous la même quantité d’eau pour mesurer deux minutes ? En doublant le temps mesuré, est-ce que la quantité d’eau double également ? Est-ce qu’il y a des eauiers qui utilisent plus d’eau, pourquoi dans ce cas ?
Activité 2 : Construction d’un parcours – La bille doit descendre
Une autre activité proposée aux étudiants est de construire une structure qui permet à une bille de glisser de leur bureau de travail jusque sur le plancher de la classe. Cette bille ne doit pas faire de bruit lorsqu’elle touche le sol. Ainsi, en utilisant des objets de la maison, les étudiants ont créé des glissades, des parachutes ou des dispositifs de retenue. Les étudiants ont fait quelques recherches, ont réfléchi et ont fait des essais-erreurs afin de respecter la consigne relative au bruit. Ils ont filmé le résultat final et c’est à partir du visionnement que les échanges ont débuté. Quels sont les matériaux qui ont été utilisés ?
Est-ce qu’il y a eu des ajustements lors des essais ? Est-ce que les billes descendent à la même vitesse selon les créations ? Est-ce que la hauteur du meuble d’où la bille commence à glisser peut faire une différence ? Une carte conceptuelle a ensuite été créée de façon collective afin de réfléchir sur les assises théoriques qui soutiennent cette activité.
À la suite de la brève description de ces deux activités réalisées dans un cours universitaire à l’éducation préscolaire, il est possible de faire une analyse des caractéristiques des pédagogies actives décrites par Svinicki et McKeachie (2011). Force est de constater que ces activités ont permis de respecter ces différentes caractéristiques abordées.
1. Les situations proposées sont réelles et authentiques, sachant que les enfants du préscolaire pourraient les vivre. Donc, les étudiants universitaires auront à planifier et à piloter ce genre d’activités s’ils deviennent enseignants dans une classe de maternelle. En ce sens, différents auteurs qui valorisent l’approche développementale à l’éducation préscolaire affirment que les situations authentiques sont nécessaires pour le développement des compétences des enfants (Clements et Sarama, 2009 ; Clements et al., 2012 ; Clements et al., 2016 ; Miller et Almond, 2009). L’expérimentation de ces activités (soit par les enfants du préscolaire ou les étudiants universitaires) entre également en cohérence avec un développement plus authentique et réel des compétences ciblées (Clements et Sarama, 2009).
2. Les situations proposées sont complexes parce que plusieurs solutions sont possibles. Cette caractéristique entre en cohérence avec les propos de Thirumurthy (2003) qui souligne que l’approche développementale ne suggère pas nécessairement de modèle à suivre. Van de Walle (2008) abonde également en ce sens en affirmant qu’une approche centrée sur l’apprenant ne dicte ni démarche à suivre ni résultat à imiter. Certaines contraintes peuvent être présentes, comme c’est le cas de ces deux activités, mais elles n’incitent pas à développer un résultat restreignant quant à la solution finale.
3. Les situations proposées demandent de projeter des problématiques qui pourraient survenir lors de l’enseignement de cette activité avec des apprenants d’âge préscolaire (4 à 6 ans).
4. Le professeur est une ressource dans cette activité, mais ce sont les étudiants qui réalisent les constructions, et ce, sans modèle d’aucune sorte. Ceci entre également en cohérence avec les propos de Clements et Sarama (2009) et Clementset al. (2016) qui prônent la place centrale de l’apprenant et l’accompagnement au besoin de l’adulte (professeur ou enseignant).
5. Les travaux proposés à la suite de ladite construction permettent aux étudiants de développer une réflexion critique sur la nature de l’activité et son déroulement. Ils peuvent également, par ces réflexions, recevoir une rétroaction de la part de leurs pairs ou de leur professeur.
Somme toute, plusieurs liens peuvent être réalisés avec les approches éducatives intégrées (Cheng et al., 2013 ; Vaizan, 2003) prônées à l’éducation préscolaire. En effet, celles-ci postulent que l’étudiant apprend davantage dans un environnement où il peut expérimenter, manipuler, prendre des initiatives et interagir avec ses pairs (Miller et Halpern, 2013). De plus, elles encouragent l’enfant à apprendre à socialiser, à raisonner, à expérimenter et à découvrir (St-Jean et Dupuis Brouillette, 2020). Ainsi, les pédagogies actives sont en cohérence avec les approches éducatives intégrées prônées dans les classes à l’éducation préscolaire. En effet, il importe que les étudiants soient actifs cognitivement, qu’ils se questionnent, qu’ils raisonnent et qu’ils expérimentent, tout comme le feraient les enfants dans les classes du préscolaire.
Il importe également de constater que ces activités, s’inspirant de l’approche par problème, s’inscrivent dans un contexte de cours universitaire beaucoup plus large. Les pédagogies actives sont donc toujours prônées dans les différentes activités d’apprentissage universitaire, mais elles se traduisent différemment. Pour ce faire, la structure du cours a été mise en place afin de procéder par rubrique d’apprentissage. Khan et ses collaborateurs (2017) abondent en ce sens en affirmant qu’« une autre façon de créer de la transparence dans les relations entre les étudiants et les professeurs est l’utilisation de rubriques. Les rubriques permettent une articulation claire des attentes du travail en guidant les étudiants dans la performance globale et en fournissant une cohérence » (p. 111). Ainsi, ces rubriques permettent à l’étudiant d’anticiper les différents contenus et travaux à réaliser lors du cours et d’aller à son propre rythme et selon différents niveaux d’autonomie. Elles sont conçues pour regrouper des thématiques, des compétences et des savoirs. Comme nous l’avons décrit précédemment, chaque rubrique comporte minimalement une activité qui s’inscrit dans une approche par problème, où les étudiants explorent. Pour compléter chacune de ces sections, d’autres activités sont également proposées, telles que celles qui ont été présentées précédemment au tableau 1. Par exemple, la création de cartes conceptuelles est utilisée en préalable à l’ouverture d’une rubrique. Cette activité de création d’une carte conceptuelle se base sur les principes de la pédagogie inversée (Bissonnette et Gauthier, 2012). Toujours selon ces auteurs, en effet, les étudiants doivent mobiliser leurs expériences et leurs connaissances antérieures avant de s’immerger dans le nouveau contenu et d’ainsi faire des liens avec les nouvelles connaissances. Par ailleurs, la réalisation de lectures et la participation à des forums de discussion sont également des activités d’apprentissage présentes dans chacune des rubriques (Khan et al., 2017 ; Svinicki et McKeachie, 2011). Ces activités permettent de varier les méthodes d’apprentissage et d’enseignement tout en gardant les étudiants actifs dans leur apprentissage selon la thématique de la rubrique d’apprentissage.
Ces activités, que ce soit l’approche par problème, les lectures ou les forums de discussion, permettent aux étudiants de raisonner et de se questionner par et pour eux-mêmes, et de favoriser le développement de leurs compétences (Vaizan, 2003). Le questionnement lors du retour leur permet de réfléchir sur les processus de compréhension et d’apprentissage des différents concepts (Clements et Sarama, 2009). Ils devront également expliquer ces concepts et répondre aux questions de leurs élèves éventuellement. Ainsi, ces méthodes d’enseignement placent les étudiants dans une posture où ils pourront les réinvestir dans leur classe à l’éducation préscolaire. En effet, à l’éducation préscolaire, les principes pédagogiques et le programme de formation prônent une approche centrée sur l’apprenant (Cheng et al., 2013 ; Ministère de l’Éducation, 2006 ; Vaizan, 2003). Ainsi, la diversité des méthodes d’apprentissage présente dans chacune des rubriques permet aux étudiants universitaires d’être actifs dans le développement de leurs compétences et de mieux comprendre la posture développementale de l’enseignant à l’éducation préscolaire.
De ces quelques exemples de pratiques situées dans les pédagogies actives, nous tirons des caractéristiques qui permettent aux activités de s’inscrire dans l’approche exploratoire et le constructivisme. D’abord, les étudiants conservent une certaine latitude dans leur expérience éducative. Par exemple, en grand groupe, lors des rencontres hebdomadaires par le biais d’une plateforme d’échanges ou sur des forums de discussion, ils peuvent mettre en commun leur apprentissage sur un problème donné selon les recherches réalisées. Ils peuvent créer une carte conceptuelle collective et la nourrir. Par la suite, la communication reste présente par le partage des idées et la confrontation des explications notamment. Ces pratiques sont tout à fait possibles en contexte de distanciation sociale. L’ensemble des méthodes d’enseignement, cohérentes avec les pédagogies actives, présentées dans cet article démontrent qu’il est possible que les apprenants soient actifs tout en respectant le contexte de distanciation sociale et la formation à distance. D’autre part, les ressources nécessaires pour les méthodes d’enseignement sont facilement accessibles et disponibles pour les étudiants. En ce sens, l’utilisation de matériel « maison » et facilement accessible reste donc possible et bénéfique pour appuyer les apprentissages des étudiants.
Conclusion
Somme toute, sachant que la situation peut être ardue parce qu’elle est plutôt inusitée pour les enseignants et les professeurs, ce changement de pratiques peut parfois paraître un défi complexe à relever. La distanciation sociale amène des changements dans les pratiques quotidiennes des professeurs avec la formation à distance et les cours en ligne, changements qui requièrent des efforts et du temps (Cox et Egbue, 2014). Les réflexions que nous présentons ciblent la description et l’analyse d’activités pédagogiques selon les fondements des pédagogies actives. Il est toujours possible de mettre en place ces pédagogies dans le contexte actuel malgré les ajustements demandés pour les mesures d’hygiène et de distanciation sociale notamment.
La planification d’un enseignant ou d’un professeur pour un cours de formation en ligne doit donc être réfléchie et analysée en profondeur. En effet, « certains des éléments clés des cours en ligne sont la conception de matériel pédagogique pour l’enseignement de contenu, l’évaluation du matériel par les étudiants, la gestion des discussions, la gestion du temps et la gestion des frustrations » [traduction libre] (Khan et al., 2017, p. 107). Cependant, cet article ajoute un élément important à cette liste : l’engagement des étudiants. Il revient par contre aux étudiants de s’engager dans leur développement de compétences. Le professeur peut favoriser un contexte, mais il n’est pas le maitre des apprentissages.
Références
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