Cécile Morzadec, « Francisco Ferrer, une figure inspirante pour les mouvements de rénovation pédagogique de la transition démocratique espagnole ? (1975-1978) », Éducation et socialisation [En ligne], 74 | 2024, mis en ligne le 19 décembre 2024, consulté le 30 janvier 2025. URL : http://journals.openedition.org/edso/29695 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12yxh
Introduction
Francisco Ferrer y Guardia (ou Francesc Ferrer i Guàrdia en catalan) [1], le fondateur de l’École Moderne à Barcelone en 1901, demeure une icône de l’éducation en Espagne. Sa condamnation à mort en 1909 à Barcelone après un simulacre de procès en a fait un martyr dont la légende a survécu à travers les âges (Molares, 2010). Il a été non seulement une figure centrale pour le mouvement des écoles rationalistes entre 1901 et 1938, mais il a également influencé la réforme du CENU (Conseil de l’École Nouvelle Unifiée), qui a constitué une expérience éducative démocratique inédite durant la Révolution sociale de 1936-1938 en Catalogne. Après la mort de Franco en 1975, lors de la transition démocratique, comment la figure de Ferrer a-t-elle été récupérée par les acteurs de l’éducation en Espagne, qu’ils soient chercheurs, militants pédagogiques ou enseignants ordinaires ?
En nous référant aux travaux sur les circulations des idées et des pratiques en éducation (Hofstetter et al., 2019 ; Riondet et al., 2018) nous croiserons les témoignages oraux et les archives écrites afin de saisir comment les itinéraires de militants rencontrent les analyses des historiens et comment la mémoire individuelle s’articule à la mémoire collective. Nous nous pencherons ainsi sur deux types de sources écrites : les revues pédagogiques de l’époque telles que Cuadernos de pedagogía, Perspectiva escolar, Colaboración, Aula libre, ainsi que cinq préfaces publiées entre 1975 et 1976, qui offrent un éclairage particulier sur la réactualisation du mythe de Ferrer. De nombreux entretiens menés en 2021-2022 avec des témoins de la rénovation pédagogique post-franquiste nous permettront d’affiner ou de contraster nos observations.
Dans une démarche sociohistorique, nous nous questionnerons également sur les conditions qui ont facilité ou entravé l’élévation de Francisco Ferrer au rang de figure inspirante pour les mouvements de rénovation pédagogique. L’héritage de Ferrer est pluriel, parfois ambivalent : de son image mythifiée ou de son modèle d’école, qu’ont retenu les différents acteurs de la transition démocratique dans le nouveau contexte qui était le leur ?
Ainsi cette étude se propose d’explorer la dynamique complexe qui lie mémoire historique, éducation et politique dans l’Espagne post-franquiste.
L’École Moderne de Barcelone : un modèle d’éducation pour et par la socialisation démocratique ?
Avant de se demander en quoi l’école de Francisco Ferrer a pu être un modèle inspirant pour d’autres, il est intéressant d’observer que Ferrer lui-même l’a conçue comme un modèle en son temps, ou plutôt comme le contre-modèle de deux formes scolaires traditionnelles que sont les écoles religieuses et les écoles d’État. Ce projet de faire de son École Moderne un exemple à suivre est clairement souligné dans ses écrits, réunis entre 1907 et 1909, qui constituent un recueil intitulé L’École moderne (Ferrer Guardia et al., 2009) publié à titre posthume en 1911. Toutefois Ferrer ne fait pas de son école un prototype d’école idéale, mais un laboratoire d’idées nouvelles, son modèle est conçu de manière dynamique, non figée, comme le suggère l’adjectif « moderne » qui renvoie à l’idée d’un renouvellement continu. Il écrit ainsi que l’École Moderne « ne devait pas être la future école type de la société raisonnable, mais son précurseur, son adaptation rationnelle à l’environnement » (Wagnon et al., 2013, p. 175).
Ferrer justifie dans un chapitre intitulé « La rénovation de l’école » (Wagnon et al., 2013) sa volonté de créer un modèle d’école indépendant tant des écoles religieuses que des écoles étatiques. S’il veut fonder un enseignement laïc, radicalement opposé au dogme catholique, il considère également que l’éducation prise en charge par les États ne peut en aucun cas favoriser l’émancipation des enfants, les dirigeants n’ayant d’autre objectif, selon lui, que de servir leurs propres intérêts, l’école d’État est donc également un symbole de domination. Il revendique ainsi la nécessité de créer une école dont le programme se situera à égale distance de ces deux modèles.
Dans le chapitre « Fermeture de l’École moderne » qui clôt l’ouvrage, Ferrer évoque la diffusion internationale de son modèle avec la création de la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance et ses revues publiées à Bruxelles, Barcelone et Rome (Wagnon et al., 2013, p. 285). Si après sa mort, de nombreuses écoles furent créées en Espagne, mais également dans le reste de l’Europe, en Amérique Latine et aux Etats Unis (Marcos Alvarez et al., 2009, p. 102-103), les idées de Ferrer furent aussi une source d’inspiration majeure pour le mouvement anarchosyndicaliste en Espagne (Cortavitarte Carral, 2019, p. 31) et se trouvent au cœur de la réforme éducative du CENU mise en place après la révolution sociale qui éclate à Barcelone en juillet 1936 en réponse au soulèvement nationaliste (Cortavitarte Carral, 2019, p. 36).
Après 1939, pendant la période franquiste, l’héritage de Ferrer est passé sous silence, avant d’être récupéré par certains acteurs de la rénovation pédagogique aux alentours de 1975. Mais avant de nous interroger sur cette réappropriation, il nous faut nous pencher sur le programme de l’École Moderne : dans quelle mesure a-t-il été celui d’une école pour et par la socialisation démocratique ?
Si nous reprenons la thèse de Guy Vincent selon laquelle la forme scolaire traditionnelle ne répond pas aux exigences de la socialisation démocratique, nous pouvons faire l’hypothèse que l’école de Ferrer, en prenant le contrepied de cette forme scolaire, cherche justement à construire un modèle d’école socialisante et démocratique. Ainsi, son école constituerait ce que Guy Vincent nomme un « contremodèle » (Vincent, 2021, p. 111-129). En effet c’est contre l’école « coercitive » et « soumise à des règles impersonnelles », que Guy Vincent associe à la forme scolaire, que s’est élevé Francisco Ferrer, plaçant au cœur de son école, la Raison contre les dogmes et les superstitions, l’éducation intégrale [2] ? Nous examinerons dans un premier temps la résurgence de la figure de Ferrer et de son École Moderne dans deux sources écrites que sont les revues pédagogiques et les préfaces de plusieurs ouvrages en nous concentrant sur la période 1975-1978 afin d’étudier précisément les premiers surgissements d’une mémoire en train de se reconstruire à un moment où l’ouverture démocratique reste encore toute relative. En effet les trois premières années après la mort de Franco sont marquées à la fois par une effervescence certaine des milieux éducatifs qui sont à la fois portés par les promesses de la nouvelle Loi Générale d’Éducation de 1970 et en même temps éminemment critiques (Lázaro Lorente, 2005), et par de nombreuses entraves à la liberté d’expression car ce que l’on appelle communément « transition démocratique » n’a été pour certains qu’une confiscation de l’espoir démocratique dans la mesure où le « pacte de l’oubli [3] » a permis à de nombreux dirigeants franquistes de maintenir leur pouvoir (López Lerma, 2011). La période 1975-1978 couvre donc la période qui va de la mort du dictateur aux accords de la Moncloa d’octobre 1977 et à la constitution de 1978 qui marquent l’entrée de l’Espagne dans un régime de monarchie parlementaire, tandis que les ministres de l’éducation de cette période sont encore des membres de la haute administration franquiste.
La mémoire de Ferrer dans les revues pédagogiques de la transition démocratique espagnole
Il nous semble utile de préciser dans un premier temps comment s’est opéré le choix des revues. Nous avons sélectionné quatre revues publiées peu de temps après la mort de Franco qui sont représentatives des mouvements de rénovation pédagogique (dorénavant MRP) en Espagne et qui reflètent en même temps une variété d’approches [4]. Cuadernos de pedagogía est la plus emblématique en termes de rayonnement, en effet tirée à ses débuts à 7000 exemplaires et distribuée sur tout le territoire national, elle donne la parole à des chercheurs et des praticiens engagés dans la revendication d’un nouveau modèle d’école publique participative et démocratique (Torrego Egido, 2021). La revue Perspectiva escolar qui est celle du mouvement Rosa Sensat [5] — né dès 1965 — est celle qui se rapproche le plus de Cuadernos de pedagogía en termes de diffusion et de pluralisme pédagogique, mais elle s’adresse à un public catalan (Poch i Comas, 2019). Colaboración constitue la reprise de la revue du mouvement Freinet des années 1935-1936 (Jiménez Mier Terán, 1996), publiée à 6000 exemplaires, elle s’adresse aux adhérents d’ACIES (Asociación por la cooperación y la imprenta en la escuela) qui devient ensuite le MCEP (Movimiento cooperativo de escuela popular) (Costa Rico & Sampedro Garrido, 2022). Enfin la dernière revue choisie, Aula libre, est plus confidentielle puisque tirée seulement à 700 exemplaires. Créée à l’initiative de la CNT (Confederación nacional del trabajo) de Zaragoza, elle est ancrée dans la pédagogie libertaire et se fait l’écho assez rapidement de propositions pédagogiques issues de la pédagogie Freinet (Lorenzo Lacruz & Bernat Montesinos, 2012).
Nous constatons d’emblée que la mémoire de Ferrer apparait dès le premier ou deuxième numéro de trois de ces quatre revues engagées dans un courant de rénovation pédagogique qui cherche à promouvoir des alternatives à la fois pédagogiques et politiques après la mort du dictateur (Lázaro Lorente, 2005). Ainsi, le numéro 2 de Cuadernos de pedagogía, revue pluraliste qui n’appartient à un aucun MRP, publié en février 1975 soit dix mois avant le décès de Franco, contient un long article de Pere Solà i Gussinyer [6] intitulé « Francesc Ferrer i Guàrdia y la Escuela Moderna » (Solà i Gussinyer, 1975a). Pere Solà ne se contente pas en tant qu’historien de dresser un tableau de ce que fut l’École Moderne, mais il revendique la modernité de l’expérience de Ferrer qui apparait comme un modèle pour « la politique éducative de la gauche révolutionnaire » espagnole, il resitue le débat dans le contexte de l’époque en citant dès la première phrase de son introduction la nouvelle Loi Générale d’Éducation (LGE) de 1970. Selon lui Ferrer suscite un intérêt croissant parmi la jeunesse universitaire et certains groupes d’enseignants. Il énumère ensuite les pratiques pédagogiques de l’École Moderne qui trouvent un écho dans les préoccupations des enseignants de l’époque, à savoir « l’importance du jeu dans le processus éducatif » ainsi que l’apprentissage individualisé favorisant « le développement spontané des facultés de l’enfant ». Dans le même numéro, Joan Senent Josa signe un autre article sur l’enseignement des sciences naturelles dans l’École Moderne de Ferrer y Guardia dont la didactique des sciences serait encore d’une grande actualité.
La revue Perspectiva escolar, liée au mouvement catalan Rosa Sensat, mentionne également Ferrer dans ses premiers numéros de 1975. Le numéro 3 consacré aux cinq ans de la LGE fait référence à la préoccupation de Ferrer pour la coéducation des classes sociales (Subirats, 1975, p. 48). Dans le numéro suivant dédié à la rénovation de l’école publique, l’École Moderne est citée comme un exemple d’école privée qui ne peut pourtant pas être taxée d’école bourgeoise (Janer, 1975, p. 88).
Le tout premier numéro de la revue Colaboración, la revue du mouvement Freinet en reconstruction, consacre un article aux écoles rationalistes qui, selon l’auteur, méritent d’être sorties de l’oubli dans lequel elles ont été plongées car elles constituent « une authentique rénovation pédagogique ». Il ajoute que ce sont les maitres rationalistes qui ont introduit les techniques Freinet en Espagne (« Las escuelas racionalistas », 1976, p. 21). Le reste du numéro est consacré au bilan du troisième congrès de l’ACIES et aux méthodes Freinet telles que le tâtonnement expérimental, le texte libre, le calcul vivant, l’imprimerie scolaire, la correspondance, ou les réunions de coopérative appelées « asambleas ».
Aula libre, la revue du secteur éducation de la CNT de Zaragoza, cite Ferrer dès son premier numéro. En effet ce numéro (« Libros », p. 19‑20) contient un schéma récapitulatif des tendances éducatives liées aux syndicats que sont la CNT et la UGT (Union générale des Travailleurs, syndicat lié au Parti Socialiste espagnol) depuis les années 1930, sur lequel apparait clairement la filiation avec l’École Moderne de Ferrer et les écoles rationalistes. La bibliographie jointe au schéma mentionne le livre de Pere Solà, Las escuelas racionalistas en Catalunya, ainsi que la réédition de l’ouvrage de Ferrer, La Escuela Moderna, tous deux publiés en 1976 par la maison d’édition catalane Tusquets. Il est aussi à noter que le schéma est accompagné d’un slogan qui fait référence à mai 68 et lie quête de liberté et refus des manuels scolaires.
On constate donc à travers ces différents exemples, que la mémoire de Ferrer est revisitée, hybridée avec d’autres courants pédagogiques comme le mouvement Freinet, actualisée et traversée par des préoccupations contemporaines liées à la quête de liberté, à l’épanouissement individuel, dans la continuité de mai 68 dont les slogans ont pénétré jusque dans l’Espagne franquiste.
Après ces premiers numéros, Ferrer continue à être régulièrement cité dans les revues pédagogiques des années 1976-1978 bien qu’il ne fasse plus l’objet d’articles à part entière, exception faite d’un article de Pere Solà dans le numéro 24 de Cuadernos de pedagogía pour commémorer l’anniversaire de l’École Moderne (Solà i Gussinyer, 1976a). Dans cette même revue, Ferrer apparait encore avant 1978 dans deux témoignages. Le premier est celui de Rafael Adell qui écrit à Pere Solà pour réagir à la publication de son ouvrage sur les écoles rationalistes en tant qu’ancien membre de la commission de l’école Natura du quartier El Clot à Barcelone (Adell, 1977). Le deuxième témoignage est celui de Federica Montseny, célèbre représentante de la CNT, qui fait référence à Ferrer lorsqu’on l’interroge sur l’histoire de l’éducation dans le mouvement anarchosyndicaliste (Jacas, 1977).
Dans les autres revues, c’est dans Perspectiva Escolar, du mouvement Rosa Sensat, que Ferrer est le plus abondamment cité après 1976. Son nom est lié à l’histoire des syndicats enseignants avant 1939, à la didactique des sciences naturelles et du jeu, et également à une autre grande figure de la rénovation pédagogique, Pau Vila, 95 ans en 1977, auquel la revue dédie un long article sous la plume de Jaume Carbonell, dans son numéro 12 (Carbonell, 1977, p. 60). Pau Vila, a connu Ferrer qui lui a même confié la direction d’une succursale de l’École Moderne de Barcelone en 1902, l’école del Foment Martinenc.
Dans la revue du mouvement Freinet, Colaboración, si de nombreux articles sont dédiés à la pédagogie autogestionnaire, on trouve peu d’allusions à Ferrer entre 1976 et 1978, son nom apparait dans une bibliographie (« Bibliografía », 1977) à l’occasion de la sortie du livre Ferrer Guardia y la pedagogía libertaria (Monés i Pujol-Busquets et al., 1977) et comme étant l’inventeur de la dénomination « École Moderne » reprise par le mouvement Freinet (Launay, 1977, p. 10) [7]Cette affirmation qui circule abondamment ne semble pas avoir de réalité historique..
Cette brève analyse des revues confirme donc la place donnée à Ferrer, celui d’une figure tutélaire, dont l’école sert de modèle, notamment sur les sujets de mixité sociale et de didactique des sciences, et dont le souvenir est entretenu par des historiens, mais aussi des témoins célèbres ou anonymes, dont on recueille la parole dans un souci de mémoire après l’effacement des années du franquisme. Pour vérifier ces premières observations, nous avons fait le choix de nous concentrer sur cinq préfaces de livres publiés entre 1975 et 1978. Ces écrits liminaires permettent en effet de jeter un éclairage sur la réactualisation du mythe.
Les trois rééditions de La Escuela Moderna de 1976
Il est intéressant de comparer les préfaces des trois rééditions de l’œuvre posthume de Ferrer y Guardia qui apparaissent presque simultanément en 1976 chez Tusquets, Zyx et Júcar. Celles-ci sont très différentes, à l’image de la réception de Ferrer pendant la transition démocratique. Afin d’éclairer l’importance de ces trois rééditions, il faut noter l’absence quasi-totale de référence à Ferrer dans les ouvrages publiés en Espagne avant 1976, la bibliographie proposée dans deux ouvrages de 1977-1978 (Monés i Pujol-Busquets et al., 1977 ; Solà i Gussinyer, 1978) nous permet d’identifier deux ouvrages antérieurs, celui de l’historienne américaine Joan Connelly sur la semaine tragique à Barcelone (Connelly Ullman, 1972) ainsi que la traduction du livre du syndicaliste français Maurice Dommanget sur les grands socialistes et l’éducation (Dommanget, 1972). Il faut attendre 1976 pour que deux auteurs espagnols – cités par Monés, Solà et Lázaro (Monés i Pujol-Busquets et al., 1977) - écrivent sur le mouvement anarchiste (Alvarez Junco, 1976 ; Cuadrat, 1976). Si certaines éditions clandestines de La Escuela Moderna circulaient pendant le franquisme (Lázaro Lorente, 2005) elles n’étaient connues que dans certains cercles de militants. En somme, c’est Pere Solà, à travers trois ouvrages (Monés i Pujol-Busquets et al., 1977 ; Solà i Gussinyer, 1976, 1978) et plusieurs articles (Solà i Gussinyer, 1975a, 1975b), qui peut être considéré comme un des principaux artisans de la récupération de la mémoire de Ferrer.
C’est justement Solà qui signe la préface de la réédition de La Escuela Moderna aux éditions Tusquets, qui n’est autre que la reprise d’un article publié l’année précédente (Solà i Gussinyer, 1975b). Dans ce texte intitulé « La Escuela y la educación en los medios anarquistas de Cataluña, 1909-1939 » l’universitaire dresse un rapide historique du rationalisme et montre les liens entre l’école fondée par Ferrer et le réseau des écoles laïques déjà existant, puis décrit son influence en Europe et au-delà, par l’exportation de son modèle d’école. Il souhaite rétablir la vérité sur les écoles rationalistes restées trop longtemps dans l’oubli et considère que l’école voulue par Ferrer est beaucoup plus inspirante que le discours d’Ivan Illich [8] présenté comme novateur par de nombreux « Instituts de Sciences de l’Education [9] ». Cette comparaison entre Ferrer et Illich, référence majeure en éducation dans les années 1970, est intéressante car elle est reprise par d’autres auteurs pour souligner la modernité de Ferrer.
L’introduction des éditions Zyx de septembre 1976 n’est pas signée, elle a été rédigée par le comité éditorial. Cette maison d’édition a été créée par des militants ouvriers chrétiens et des prêtres de la HOAC (La Hermandad Obrera de Acción Católica) en 1963. Selon les auteurs, l’École Moderne a été novatrice sur le plan pédagogique par la place donnée aux jeux, aux expérimentations pratiques — par opposition au savoir livresque — et au contact avec la nature. En revanche certaines critiques peuvent être émises. Les avancées de Ferrer auraient été limitées par le soutien de la bourgeoisie laïque de l’époque. En outre, la suspicion de Ferrer à l’égard des écoles d’Etat, sujet au cœur de l’actualité éducative de la transition, doit être réexaminée car le débat serait mal posé par Ferrer. Tant que l’État est au service de la classe dominante, on ne peut pas lui confier les rênes de l’École, mais cela ne signifie pas qu’il faille être absolument contre une intervention de l’Etat. Les auteurs critiquent également le manque de liberté réelle des élèves et des ouvriers dans les choix pédagogiques et l’absence d’une instance de décision et d’organisation partagée dans l’Ecole Moderne. Enfin le dogmatisme de Ferrer est mis sur la sellette : bien loin de la neutralité proclamée, les bulletins de l’école laissent clairement entrevoir un prosélytisme, au point que l’on puisse parler d’une « école confessionnelle » dans laquelle certaines valeurs auraient remplacé la religion. Les auteurs de cette préface, qui sont pourtant des militants antifranquistes affirmés, ayant créé la maison d’édition Zyx dans la clandestinité, se démarquent donc d’une quelconque mythification de Ferrer, en n’hésitant pas à écorner son image.
La troisième réédition de La Escuela Moderna aux éditions Júcar, est préfacée par Carlos Díaz [10] (Díaz, 1976). Son titre tranche avec les préfaces déjà étudiées : « Ferrer Guardia, ¿arcángel o satanas ? » (« archange ou satan ? »). D’emblée Carlos Díaz prend ses distances avec le mythe en évoquant les relations de Ferrer avec les femmes et la manière dont il a délaissé ses propres enfants. Il reconnait que les détracteurs comme les partisans de Ferrer ont été excessifs et annonce son intention de s’élever au-dessus du débat. Dans une conclusion assez énigmatique il compare Ferrer à Socrate contraint à boire la cigüe, et ajoute qu’il « lutte avec lui et comme lui » pour « une école de la raison » capable de « tuer la vieille société ». Selon lui, le peuple espagnol ne tolérera plus que l’histoire se répète. On peut se demander si cette comparaison avec Socrate n’est pas une preuve de la censure qui continue à sévir en 1976. En outre, son identification finale à Ferrer va à l’encontre de son intention initiale de prendre de la distance, l’image de Ferrer serait-elle tellement prégnante, qu’il serait difficile d’échapper à son influence ?
Trois préfaces de livres consacrés à Ferrer entre 1976 et 1978
La préface du livre Escuelas racionalistas (Solà i Gussinyer, 1976b) est une reprise de l’article publié par Pere Solà dans le numéro 2 de Cuadernos de pedagogía. La publication du livre vise à redonner toute sa place au courant de l’école rationaliste dans la philosophie et l’histoire de l’éducation, sans pour autant de mythifier ces écoles, car il faut trouver un juste équilibre entre « la mémoire nécessaire et la mythification ». Lorsque Pere Solà publie Ferrer i Guàrdia i l’escola moderna deux ans plus tard (Solà i Gussinyer, 1978), le ton se fait plus revendicatif. En tant qu’universitaire il précise qu’il a financé sa recherche tout seul car l’université espagnole, « sclérosée » selon lui, ne veut pas « déterrer les morts gênantes ». Il considère que la figure de Ferrer est un « mythe tenace » qui appartient à l’imaginaire collectif et a résisté au « lavage de cerveau » franquiste.
La préface que Jaume Carbonell, directeur de la revue Cuadernos de pedagogía, rédige pour le livre Ferrer Guardia y la pedagogia libertaria (Monés i Pujol-Busquets et al., 1977) file aussi la métaphore du silence et de la nuit, dont Ferrer, « pédagogue maudit », commencerait tout juste à sortir. Il lance ensuite un appel à la libre circulation et à la confrontation de toutes les idées, sans tabou, pour qu’enfin l’héritage pédagogique espagnol reprenne la place qui lui revient. En effet, si la mémoire de Ferrer a été totalement effacée pendant la dictature, les écrits d’Alexander Neill [11] et Ivan Illich ont en revanche été diffusés en Espagne, preuve selon Carbonell que leurs idées pédagogiques ne sont pas « mal vues » par la classe dominante, autrement dit qu’ils ne sont pas vraiment subversifs. Dans sa préface il souligne aussi un regain d’intérêt pour Ferrer en évoquant les trois rééditions récentes de son livre, de nombreux articles dans la presse, des publications qu’il qualifie de « semi-légales », des colloques et de nombreux séminaires qui lui sont consacrés. Selon lui certains cercles militants revendiquent même le modèle des écoles rationalistes comme alternative à l’école franquiste. L’exemple de l’École Moderne semble donc bien inspirer les militants pédagogiques du post-franquisme, toutefois Carbonell insiste sur la nécessité d’adopter un regard critique. Pour lui la force de ce modèle réside dans sa capacité à ne pas pouvoir être « manipulé » par la bourgeoisie et à inspirer un projet d’école « publique, populaire et émancipatrice ».
Ces différentes préfaces nous renvoient à une image un peu encombrante de Ferrer, trop absente et trop présente à la fois, cette image qu’il faudrait sortir de l’oubli, pourrait aussi brouiller le débat pédagogique si on n’y prend pas garde. Les auteurs font ainsi tous le choix de prendre position, tout en annonçant leur intention de prendre de la hauteur, oscillant entre distance et identification. De fait, ce positionnement semble caractéristique des historiens du post-franquisme. Le Séminaire d’Enseignement de l’Histoire qui se constitue à Barcelone dès 1970 autour de la figure de Jordi Monès, dont Jaume Carbonell et Pere Solà sont des membres actifs, est emblématique de cette volonté quasi militante de certains historiens de l’éducation de redonner toute leur place à des figures pédagogiques comme celle de Ferrer et de défendre une vision de l’école « publique, laïque, catalane et démocratique » (Torrano, 2004).
Que nous disent les témoins de la rénovation pédagogique ?
Pour clore notre étude, nous nous proposons de donner la parole à quelques témoins de la rénovation pédagogique espagnole interrogés entre 2021 et 2022 au sujet de l’influence de Francisco Ferrer sur les MRP. Ces témoins qui ont en commun d’avoir été acteurs de la rénovation pédagogique des années 1975-1978 ont été choisis dans deux milieux, le milieu universitaire (pour Pere Solà et Luis Miguel Lázaro) et le milieu militant. Nous avons en effet interrogé des militants du MCEP — dont certains furent affiliés à la CNT — et du MRP Aula libre, afin de pouvoir croiser leurs témoignages avec les publications des deux revues de leur mouvement, mais également Jaume Carbonell en tant que directeur de la revue Cuadernos de pedagogía et Jaume Martínez Bonafé, militant bien connu des MRP de Valence, devenu professeur d’université, qui a participé avec Luis Miguel Lázaro à un cercle d’étudiants libertaires dans les années 1970. Les témoignages se rejoignent autour de plusieurs constats majeurs : Ferrer est à la fois une icône et une figure maudite, son modèle pédagogique a été gommé par la dictature et n’a que très peu inspiré les acteurs de la transition démocratique qui n’y ont pas trouvé de réponses concrètes à leurs préoccupations.
Les différents entretiens que nous avons menés mettent tous en évidence la dimension paradoxale de Ferrer, figure duelle, à la fois iconique et maudite, comme l’a suggéré Carlos Díaz dans son prologue. Jaume Carbonell , directeur de la revue Cuadernos de pedagogía pendant la transition, constate que pendant la transition Ferrer est une « icône », un « martyr », un « mythe », que tout le monde « en parle », « l’aime », que son nom « ressort tout le temps » dans les grandes manifestations, mais qu’en fin de compte personne ne l’a lu. Luis Miguel Lázaro, que nous avons déjà cité en tant qu’universitaire, et qui a commencé sa carrière comme instituteur, parle « d’occultation », « d’invisibilisation » de Ferrer, il considère que l’institution l’a « stigmatisé en tant qu’anarchiste ». Enrique Simón, membre actif du MCEP, le mouvement Freinet espagnol, et syndiqué à la CNT, reconnait que l’influence de Ferrer n’a pas dépassé le cadre du mouvement anarchiste car celui-ci était « fiché », connu pour avoir été fusillé plutôt que pour son action pédagogique, de telle sorte qu’en tant que militant cénétiste il ne s’y est lui-même pas vraiment intéressé.
Cette invisibilisation de Ferrer se manifeste également dans la formation professionnelle des enseignants de l’époque. Ainsi Luis Miguel Lázaro, nous a confié que l’histoire de l’éducation qu’on lui a enseignée à l’École Normale s’arrêtait à Saint Thomas d’Aquin, au treizième siècle. Mariano Coronas, membre du MRP Aula libre, qui a étudié à l’École Normale de Huesca en Aragon, où la répression franquiste contre les instituteurs de la Seconde République a été particulièrement forte, confirme l’absence dans sa formation des pédagogues qu’il qualifie d’alternatifs, et constate également que le franquisme a réussi à construire un « récit alternatif », une autre histoire de l’Éducation en Espagne [12].
Outre l’oubli de Ferrer, il faut souligner son inadéquation avec les besoins professionnels des enseignants au moment où, au sortir du franquisme, ils cherchent de nouvelles pistes pédagogiques concrètes. Tous les témoins interrogés soulignent le décalage entre les propositions de Ferrer et la réalité vécue dans leurs classes. Selon Luis Miguel Lázaro l’image de Ferrer est revendiquée comme une forme de « réparation » historique, mais dans la pratique, elle n’inspire pas les enseignants. Pour Enric Vilaplana, universitaire qui commença sa carrière d’instituteur en 1969 dans une école privée d’inspiration Freinet qu’il a cofondée, la Escola Nabí, le manque d’information sur les techniques de l’École Moderne explique pourquoi le modèle ferrériste n’a pas pénétré dans les salles de classe :
« Y de este momento en las escuelas más innovadoras, de Ferrer se habla poco, se contempla relativamente poco. Sí que seguramente muchos maestros tienen conocimiento y admiración por la labor de Ferrer con la escuela moderna, pero por otra parte, así como Montessori o Decroly o Freinet dan pautas, dan técnicas didácticas, no hay mucha información sobre las técnicas que se aplicaban dentro de la escuela moderna de Ferrer [13]. »
Paco Bastida, confondateur de l’école autogérée de Palomeras qui ouvre en 1969 dans la banlieue de Madrid, reconnait qu’il possède bien une biographie de Ferrer dans sa bibliothèque mais qu’il n’a pas approfondi la question car la connaissance de la pédagogie Freinet lui suffisait pour l’organisation démocratique de son école, notamment pour la mise en place des assemblées scolaires. Il y aurait donc une concurrence de Ferrer avec d’autres pédagogues liés à l’Éducation Nouvelle, ainsi qu’avec de nouvelles figures telles que Illich, Freire, le courant de la pédagogie critique nord-américaine (McLaren, Michael Apple) ou bien le courant autogestionnaire français (Michel Lobrot notamment). La diversité des MRP qui naissent à l’époque et les différences qui existent d’une région à l’autre expliquent aussi la faible diffusion du modèle ferrériste. Enric Vilaplana reconnait qu’en Catalogne le mouvement Rosa Sensat a exercé une forme de monopole sur le plan pédagogique, tandis que la région de Valence aurait reçu l’influence des mouvements pédagogiques français d’après Luis Miguel Lázaro.
D’autres témoins nous ont fourni d’autres explications à l’oubli de Ferrer pendant la transition. Certains lui reprochent son dogmatisme ou sa trop grande radicalité :
« Entonces yo creo que la pedagogía de Ferrer y Guardia, la escuela moderna, en la transición democrática de España no cabe. ¿Por qué no cabe ? No cabe básicamente porque los que reivindican una escuela pública, reivindican una escuela pública, pluralista, científica, laica, pero no anticlerical, ojo, no anticlerical, que es muy distinto, ¿no ? […] Por otro lado, hay que ver que Ferrer y Guardia es un pensamiento autoritario, dogmático, ¿no ? Ojo, que se entiende en su contexto, se entiende, pues, a principios del siglo 20, tú tenías que responder con otros dogmatismos, ¿no [14] ? »
On peut faire l’hypothèse qu’en sortant de quarante ans d’une dictature qui a fait suite à une guerre fratricide, les enseignants aient envie de reconstruire un système éducatif qui respecte les sensibilités de chacun. Pour autant la radicalité de Ferrer continue d’exercer un pouvoir de fascination, la tension entre radicalité et pluralisme serait-elle représentative des débats politiques de la transition en Espagne ?
Les réticences de Ferrer vis-à-vis du catalan pourraient être une autre explication du désintérêt de certains pour son œuvre. On se souvient que Ferrer méprisait l’usage du catalan, qu’il considérait comme une « mesquinerie régionaliste » (Ferrer Guardia et al., 2009, p. 9) [15], or comme le souligne un autre militant du MCEP, Abel Roberto Flores, les « vents de la rénovation pédagogique » ont soufflé depuis la Catalogne où était « défendue l’identité catalane », c’est la raison pour laquelle selon lui Ferrer a été « mis à l’écart ».
En dehors de cette diversité des explications de l’oubli de Ferrer, c’est la variété des modalités d’accès à son œuvre et à sa pensée pédagogique qui ressort le plus des entretiens. Plusieurs voies ont permis de récupérer la figure de Ferrer à la fin du franquisme et au début de la transition : les publications d’abord clandestines puis les rééditions de son livre et les articles de revues, l’appartenance à des cellules anarchistes clandestines, la rencontre avec des anarchistes par le biais d’autres engagements militants et le rôle joué par certains universitaires. La plupart des personnes interrogées mentionnent des lectures, notamment les différentes rééditions de La Escuela Moderna en 1976. Ainsi, Julio Rogero et sa femme Emilia García racontent qu’ils ont lu, comme beaucoup de militants à l’époque, l’ouvrage de Ferrer de la maison d’édition Zyx qui regroupait des membres de la HOAC et des militants anarchistes. Emilia García appartenait à un groupe d’enseignants qui se réunissait clandestinement dans des collèges catholiques grâce au soutien des prêtres de la HOAC, elle se souvient des débats autour de la transformation de l’école et de l’intérêt de ses camarades pour Ferrer, mais c’est la pédagogie Freinet qui répondait à l’époque à ses questionnements de maîtresse d’école rurale.
Jaume Martínez Bonafé se rémémore la publication clandestine de La Escuela Moderna dès 1974 ou 1975 par deux enseignants anarchistes qui utilisaient pour éditer des livres un limographe, appelé en espagnol « vietnamita ». Il relate ses différentes manières d’entrer en contact avec Ferrer, le découvrant d’abord grâce à son travail dans « une usine de conserves » où il intègre une « cellule anarchiste » qui lui fournit de la presse clandestine, puis à l’École Normale grâce à la rencontre avec une figure majeure, Gonzalo Anaya, professeur de l’Université de Valence. En effet un petit groupe d’étudiants se réunit autour de l’universitaire et constitue un séminaire de recherche autour de la figure de Ferrer. Ainsi, lors de la toute première « Escola d’Estiù » (école d’été) organisée à Valence en 1976, le groupe propose un séminaire en deux parties sur Ferrer intitulé « Seminario Ferrer y Guardia ». Luis Miguel Lázaro a fait partie du même groupe d’étudiants et nous a partagé la même expérience, ajoutant que leur « cercle de lecture » se réunissait chaque semaine avec Gonzalo Anaya, un « professeur très singulier » qui selon lui « leur a ouvert les yeux [16] ».
En conclusion
Pour affiner notre analyse, il faudrait pouvoir mesurer l’écart qui existe entre les témoignages que nous avons recueillis auprès de militants pédagogiques ou de chercheurs engagés et l’expérience des enseignants ordinaires. En effet, bien que les témoins que nous avons interrogés aient eu connaissance de Ferrer, ils sont unanimes : leur cas est particulier et c’est le hasard de leurs engagements qui les a amenés à découvrir Ferrer, figure méconnue pour la très grande majorité des enseignants à l’époque. On peut donc s’étonner du contraste entre le nombre de publications consacrées à Ferrer entre 1975 et 1978 et cet oubli qui semble quasi-total. Comment expliquer que les nombreux articles et rééditions de La Escuela Moderna n’aient pas eu plus de répercussions parmi les enseignants ordinaires ? Les conditions n’étaient-elles pas réunies pour permettre cette diffusion ? Les différents témoins nous ont livré certaines pistes de compréhension en évoquant notamment la stigmatisation du mouvement anarchiste par le régime franquiste, la faiblesse de la formation dans les Écoles Normales, l’inadéquation du modèle ferrériste avec les besoins des enseignants, et la concurrence avec d’autres modèles pédagogiques (notamment la pédagogie critique de Freire et ses déclinaisons nord-américaines et la pédagogie autogestionnaire française).
Les auteurs des articles et des prologues, pour la plupart historiens engagés pour une éducation publique émancipatrice, insistent sur leur volonté de reconstruire la mémoire de Ferrer, de mettre en lumière ce que ses thèses éducatives peuvent apporter à la rénovation pédagogique, mais ces efforts n’ont visiblement pas porté leurs fruits. Après le franquisme, les enseignants sont dans une sorte d’urgence pour refonder l’école et ils recherchent des exemples pratiques qu’ils trouvent davantage dans des mouvements pédagogiques comme Rosa Sensat ou le MCEP. Ainsi la mémoire de Ferrer resurgit bien au moment de la transition démocratique, comme une figure un peu encombrante, que l’on veut rétablir mais dont la radicalité dérange, et comme on l’a vu, elle ne parvient pas à inspirer les pratiques enseignantes. Le modèle de l’École Moderne, conçu par Ferrer pour essaimer et demeurer éternellement moderne, est devenu une image mythifiée, parfois vidée de sa substance, que l’on brandit pour servir un discours politique sur l’école, mais qui n’aide pas à penser les transformations éducatives.
Bibliographie
Des DOI (Digital Object Identifier) sont automatiquement ajoutés aux références par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition.
Les utilisateurs des institutions abonnées à l’un des programmes freemium d’OpenEdition peuvent télécharger les références bibliographiques pour lesquelles Bilbo a trouvé un DOI.
Adell, R. (1977). Mi escuela racionalista. Cuadernos de pedagogía, 29.
Alvarez Junco, J. (1976). La ideología política del anarquismo español (1868-1910) (1. ed). Siglo Veintiuno de España Editores.
Anaya, G., Martínez Bonafé, J. i Delgado, C. (2004). Gonzalo Anaya : Converses amb un mestre de mestres. Tàndem Publicacions Universitat de València.
Antich, José. (1915). La pedagogía de Francisco Ferrer. Casa Editorial Publicaciones de la Escuela Moderna.
Beas Miranda, M. (2010). Formación del Magisterio y reformas educativas en España : 1960-1970. Profesorado, Revista de Currículum y Formación del Profesorado, 14(1), Article 1.
Bibliografía. (1977). Colaboración (Boletín Informativo del Movimiento Cooperativo de la Escuela Popular), 7, 26.
Carbonell, J. (1977). Pau Vila. Perspectiva escolar, 12, 60.
Checa Godoy, A. (2002). Historia de la Prensa Pedagógica en España | Editorial de la Universidad de Sevilla.
Connelly Ullman, J. (1972). La Semana Tragica. Estudio sobre las Causas Socioeconomicas del Anticlericalismo en España. Ariel.
Cortavitarte Carral, E. (2019). Movimiento libertario y educación en España (1901-1939). Calumnia Edicions.
Costa Rico, A. y Sampedro Garrido, A. (2022). El Movimiento Cooperativo de Escuela Popular (MCEP) y la revista Colaboración (1976-1985) : Educación y renovación pedagógica en la España del posfranquismo. Cabás. Revista Internacional sobre Patrimonio Histórico-Educativo, 27, Article 27.
Cuadrat, X. (1976). Socialismo y anarquismo en Cataluña (1899-1911) : Los orígenes de la C.N.T. Ediciones de la Revista de Trabajo.
Depoil, M., Groeninger, F., Patry, D. et Wagnon, S. (2022). L’éducation intégrale : Pour une émancipation individuelle et collective. Atelier de création libertaire.
Díaz, C. (1976). Prólogo. Ferrer Guardia, ¿arcángel o satanas ? La escuela moderna. Júcar.
Díaz, C. y García, F. (1979). Ensayo de pedagogía libertaria. Zero.
Dommanget, M. (avec Muñoz Alonso, M.). (1972). Los grandes socialistas y la educación : De Platón a Lenin. Fragua.
Ferrer, S. (avec Bontemps, C.-A., et Aurouet, A.). (1962). La vie et l’œuvre de Francisco Ferrer un martyr au XXe siècle. Librairie Fischbacher.
Freire, P. (1972). El mensaje de Paulo Freire : Teoría y práctica de la liberación. Marsiega.
Freire, P., Fiori, H. y Fiori, J. L. (1973). Educación liberadora. Zero.
González Pérez, T. (2018). El discurso educativo del nacionalcatolicismo y la formación del magisterio español. Historia Caribe, 13(33), Article 33.
DOI : 10.15648/hc.33.2018.5
Hofstetter, R., Depaepe, M., Droux, J., Dugonjić L., et Fontaine, A. (avec Haenggeli-Jenni, B., Huber, V., Matasci, D., Mole, F., Moody, Z., Rodriguez, M. C., Simon, F., et Vinck, Honoré.). (2019). Globalisation des mondes de l’éducation : Circulations, connexions, réfractions (XIXe et XXe siècles). Presses universitaires de Rennes.
Illich, I. (1974). La sociedad desescolarizada (1. ed). Barral Editores.
Jacas, G. (1977). La escuela anarquista ayer. Entrevista a Federica Montseny. Cuadernos de pedagogía, 28 (extra).
Janer, O. (1975). Moviments de renovació pedagògica. Perspectiva escolar, 4, 87.
Jiménez Mier Terán, F. (1996). Freinet en España : La revista Colaboración. EUB.
Las escuelas racionalistas. (1976). Colaboración (Boletín informativo A.C.I.E.S), 1, 21.
Launay, M. (1977). El Movimiento de Escuela Moderna en la Universidad. Colaboración (Boletín informativo A.C.I.E.S), 3, 10.
Laval, C. et Vergne, F. (2021). Éducation démocratique : La révolution scolaire à venir. La Découverte.
Lázaro Lorente, L. M. (2005). Política y educación : La renovación pedagógica en España 1970-1983. Actas de V Encontro Ibérico de História da Educaçao, 2005, 347‑394.
Libros. (s. d.). Aula libre (sindicato de enseñanza CNT v. del Ebro), 1, 19‑20.
López Lerma, M. (2011). The Ghosts of Justice and the Law of Historical Memory. Conserveries Mémorielles. Revue Transdisciplinaire, 9, Article 9.
Lorenzo Lacruz, J. y Bernat Montesinos, A. (2012). El movimiento de renovación pedagógica « Aula Libre » (1975-2000) : Contexto, discursos y prácticas. Universidad de Zaragoza, Prensas de la Universidad.
Marcos Alvarez, V., Rieu, A. et Marcos, J. (2009). Francisco Ferrer i Guardia : 1859-1909, une pensée en action. Le Coquelicot rouge.
Molares, M. T. (2010). Mémoire et oubli de Francisco Ferrer en Espagne. Liberté de pensée et construction de la citoyenneté. Dans A. Morelli et J. Ch. Lemaire (dir.), Francisco Ferrer, cent ans après son exécution. Les avatars d’une image : Vol. 54ème année (p. 249‑262). EME Editions.
Monés i Pujol-Busquets, J., Solà i Gussinyer, P. y Lázaro Lorente, L. M. (1977). Ferrer Guardia y la pedagogía libertaria : Elementos para un debate. Icaria.
Movimiento de Renovación Pedagógica « Aula Libre ». (2005). Aulas libres. Departamento de Educación, Cultura y Deporte.
Negrín Fajardo, O. y Vergara Ciordia, J. (2009). Historia de la educación. Editorial Universitaria Ramón Areces.
Neill, A. S. (1972). Hijos en libertad (4. ed). Granica.
Orts-Ramos, A. y Caravaca, F. (1932). Francisco Ferrer Guardia, apóstol de la razón : Vida, obra y doctrinas del famoso martir español. Maucci.
Poch i Comas, A. (2019). Revista. Jordi Tomàs (1974-1996). 50 anys de Rosa Sensat : 1965-2015, 400. https://www.rosasensat.org/revista/50-anys-de-rosa-sensat-1965-2015-num-400/revista-jordi-tomas-1974-1996/
Pompeu Fabra i Poch | enciclopedia.cat. (s. d.). Consulté 9 août 2024, à l’adresse https://www.enciclopedia.cat/gran-enciclopedia-catalana/pompeu-fabra-i-poch
Riondet, X., Hofstetter, R. et Go, H. L. (2018). Les acteurs de l’Éducation nouvelle au XXe siècle : Itinéraires et connexions. Presses universitaires de Grenoble.
Rosa Sensat i Vilà | enciclopedia.cat. (s. d.). Consulté le 5 août 2024, à l’adresse https://www.enciclopedia.cat/gran-enciclopedia-catalana/rosa-sensat-i-vila
Schneider, K. (1971). Francisco Ferrer y la pedagogia antiautoritaria. La Escuela Moderna.
Solà i Gussinyer, P. (1975a). Francesc Ferrer i Guàrdia y la Escuela Moderna. Cuadernos de pedagogía, 2.
Solà i Gussinyer, P. (1975b). La escuela y la educación en los medios anarquistas de Cataluña, 1909-1939. CONVIVIUM, 44, 36‑54.
Solà i Gussinyer, P. (1976a). En el 75 Aniversario de la Fundación de la Escuela Moderna. Cuadernos de pedagogía, 24.
Solà i Gussinyer, P. (1976b). Las escuelas racionalistas en Cataluña (1909-1939). Tusquets.
Solà i Gussinyer, P. (1978). Francesc Ferrer i Guàrdia i l’escola moderna. Curial.
Solà i Gussinyer, P. (2001). Francisco Ferrer Guardia : La Escuela Moderna, entre las propuestas de educación anarquista. El legado pedagógico del siglo XX para la escuela del siglo XXI, 2001, 41‑68.
Subirats, M. (1975). De la renovaciò pedagògica a Catalunya. Perspectiva escolar, 3, 45.
Tiana Ferrer, A., Ossenbach Sauter, G., Sanz Fernández, F. y Escolano Benito, A. (2012). Historia de la educación : (Edad contemporánea). UNED - Universidad Nacional de Educación a Distancia.
Torrano, C. V. i. (2004). Jordi Monés i el Seminari d’Història de l’Ensenyament : Quan la història de la pedagogia esdevé història social de l’educació. Educació i Història : revista d’història de l’educació, 5, Article 5.
Torrego Egido, L. (2021). Querido Cuadernos de Pedagogía. Una mirada desde la añoranza. Aula, 27, 49‑59.
Un martyr des prêtres : Francisco Ferrer, 10 janvier 1859-13 octobre 1909 : sa vie, son œuvre. (1909). Schleicher frères.
Vincent, G. (2008). La socialisation démocratique contre la forme scolaire. Éducation et francophonie, 36(2), 47‑62.
DOI : 10.3406/diver.2009.3075
Vincent, G. (2021). Recherches sur la socialisation démocratique. Presses universitaires de Lyon.
DOI : 10.4000/books.pul.10299
Wagnon, S., Ferrer Guardia, F. et Bouzas González, V. (2013). Francisco Ferrer : Une éducation libertaire en héritage. Atelier de création libertaire.
Répondre à cet article
Suivre les commentaires : |