Atelier lirécrire d’ATD Quart-monde Brest, un pas de côté, pour l’émancipation et l’appropriation des outils numériques par Monique Argoualc’h et Gwendoline Mesnage

Les pas de côté, retranscription de l’interview de Monique Argoualc’h et Gwendoline Mesnage d’ATD Quart monde par Radio U au Forum des usages coopératifs, Brest 2024

Forum ouvert, avec la participation de l’atelier Lirecrired’ATD Quart monde Brest

Voici la transcription légèrement revue, réalisée avec l’aide du logiciel libre Scribe et en cours de validation

Introduction par Radio U

Du 2 au 4 juillet 2024, s ’est déroulé le Forum des Usages Coopératifs à Brest. Pour cette 11e édition, organisée par le service médiations et usages numériques de la ville de Brest, c’est sous le thème des pas de côté que les participants et participantes ont abordé différentes manières de coopérer sur des sujets d’actualité et de société.

Rencontres, échanges, forums ouverts, conférences ou encore ateliers, Radio U a suivi plusieurs acteurs et actrices qui ont fait vivre ces journées.

Radio U : Bonjour pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Monique Argoualc’h [1] et je fais partie du mouvement ATD Quart Monde où je co-anime des ateliers.« Lire, écrire « et maintenant « dire numérique ».

Bonjour, je m’appelle Gwendoline Mesnage et je fais partie aussi du mouvement ATD Quart Monde et je participe aux ateliers que Monique co-anime.

Radio U : Aujourd’hui on est au forum ouvert. Je précise, puisque c’est la première édition sous ce format, que ça s’appelle « forum ouvert des usages coopératifs ». J’ai envie de savoir qu’est-ce que vous venez chercher ici dans ce forum.

Monique  : Cela fait plusieurs années que ce Forum existe, étant à ATD Quart Monde, je trouve important que de tels lieux, de tels événements soient accessibles à toutes et à tous. En venant avec les valeurs d’ATD quart-monde, je me sens, pas garante, mais cela me permet effectivement d’associer et de montrer que de tels endroits sont aussi ouverts justement à tout public.

Radio U : C’est ce côté de dire il y a des collectivités locales, il y a des entreprises qui viennent, mais il faut aussi qu’il y ait des représentants et des représentantes du monde associatif ?

Monique  : Plus que même associatif, parce qu’il ne faut surtout pas laisser le numérique dans les mains de ceux qui savent ou qui pensent savoir des sachants. Il faut aussi que les personnes qui l’utilisent, les habitants, les jeunes, les gens, les citoyens se saisissent des questions du numérique, parce que le numérique est partout. Il y a vraiment des choix, des choses qui se passent et qui impactent leur vie au quotidien.

illustration de l’article de LireEcrire "nos pas de côté", extrait

Que signifie faire un pas de côté ?
Oser sortir des sentiers battus,
Oser faire un pas de côté,
Casser avec la routine, ne pas se laisser envahir par le quotidien.
Oser se lancer vers une autre voie, vers l’inconnu.
Quand on a le nez dans le guidon, qu’on continue à s’enfoncer, il faut, il faudrait avoir le courage de faire ce pas de côté, de traverser les barrages, de s’engager. Pas facile quand toutes les portes se ferment. Faire un pas de côté pour plus de liberté.
Faire un pas de côté pour éviter un obstacle, pour voir ce qu’il y a de l’autre côté. Franchir le pas.
Il faudrait se poser, se poser les bonnes questions et peut-être prendre un chemin de traverse pour enfin atteindre son but.

Radio U : Le titre du forum, c’est vraiment- en tout cas, moi je l’ai pris comme ça- usages coopératifs. Donc évidemment qu’on peut coopérer avec le numérique, mais peut-être que c’est aussi beaucoup plus ouvert sur la coopération, que ça va plus loin que le numérique ?

Monique  : Nous à ATD Quart Monde, on anime un atelier demain [2] et le thème du forum cette année, c’est les « pas de côté ». On sait bien que des personnes issues de la grande pauvreté ou qui sont dans la précarité, ou qui ont vécu la précarité un moment dans leur vie, peuvent imaginer que le numérique, ce n’est pas pour eux, ils en ont peur ; à l’école, ça n’a pas été très simple. Donc, si, d’emblée, on met ces personnes-là devant un ordinateur pour, en plus, faire des choses qui peuvent être pas agréables- j’ose pas dire chiante, mais c’est un peu cela : déclaration d’impôts, etc. on va avoir un blocage et ce qui va se passer, c’est que les personnes vont laisser faire et on ne va pas vers l’émancipation et du coup, donc pas vers l’autonomie.

Nous, dans nos ateliers on a fait un pas de côté. On a démarré par des ateliers d’écriture, c’est-à-dire que il y a des militants d’ATD qui souhaitaient mieux lire, mieux écrire pour mieux suivre la scolarité de leurs enfants. Et nous, on a dit : tant qu’à écrire, autant être lu par quelqu’un, on a ouvert un site internet et on a commencé à publier les écrits qui étaient faits à l’atelier. Et puis les personnes ont publié, se sont saisis de l’ordinateur et finalement, ils ont fait du numérique sans s’en rendre compte. Et puis, au bout d’un moment, elles ont pensé mais au fait, on peut tout faire avec les ordinateurs, pourquoi on ne ferait pas aussi des démarches administratives, de la création et donc, ça fait sept ans que nos ateliers sont ouverts et on voit l’évolution.

Mais on n’est pas allés au frontal avec le numérique. On n’est pas contre le numérique, loin de là. On veut que les personnes aient le choix, mais par contre, il faut que le numérique soit accessible à toutes et à tous, comme on a de l’eau ou de l’électricité.

Radio U : On parle d’usage Coopératif, vous coopérez, j’imagine, vous, sur le territoire, avec d’autres associations, des entreprises, avec les collectivités locales, territoriales. ?

Monique  : A Brest, c’est un petit peu particulier, parce que, depuis 2003, un appel à projets, permet de développer des actions pour rendre le numérique accessible à toutes et à tous. Et donc on se connaît, parce qu’il y a quarante à cinquante projets chaque année et tous les projets qui sont proposés sont retenus, sans compétition. On se connaît, et, du coup, on a un réseau qui est actif. Par exemple, vendredi dernier, on a fait une deuxième émission de radio, un podcast, et on a pu bénéficier du matériel de la coopérative numérique, parce qu’on se connaît, on se fait confiance, et puis on mutualise un peu nos compétences, nos envies, nos projets, et c’est comme ça qu’effectivement, c’est beaucoup plus riche.

Radio U Toi Gwendoline ? toi, tu participes à des ateliers de des quart-monde, tu peux nous raconter un peu comment ça se passe ? en quoi consistent ces ateliers ?

Gwendoline  : Je participe avec la particularité, c’est que là, je suis un peu les ateliers à distance, puisque j’ai repris le travail. Mais quand je participais, ce qui est bien dans les ateliers c’est que chacun vient avec son niveau, peu importe s’il s’y connaît ou pas en informatique. C’est pas des cours où on va apprendre telle ou telle chose. On fait en fonction des envies de chacun par exemple : quelqu’un a envie de découvrir comment on crée une carte. Ce n’est pas forcément des choses embêtantes comme les papiers administratifs. Cela peut être : on veut créer une carte d’anniversaire et on va vous montrer comment on peut créer une carte d’anniversaire sur un logiciel.

Et puis, ce qui est bien aussi, c’est que petit à petit, avec la personne, on ne va pas prendre la souris et faire à sa place, on va lui montrer une fois et lui dire tu as vu comment faire, fais. C’est ça que je trouve bien, qu’ on essaye avec la personne qui va pouvoir le refaire chez elle après. J’ai appris des choses, grâce à Monique, que j’ai pu ensuite apprendre à d’autres et d’autres ont pu m’apprendre d’autres choses. Vraiment l’atelier est très ouvert et chacun vient avec ses idées, on les partage, et puis on apprend aussi à faire, et qu’on puisse faire après la maison.

Radio U : C’est vraiment une transmission de savoir.. Y a quelqu’un qui- et on ne va pas dire expert, mais qui connaît un petit peu mieux que les autres qui va dire tiens, moi, j’ai trouvé cette solution : on teste, ça bidouille, chacun bidouille de son côté et puis, après, donne des conseils aux autres.

Gwendoline  : C’est exactement cela. Le but, c’est que pour des personnes qui auraient vraiment peur du numérique, c’est de montrer aussi que le numérique peut être utile, qu’on peut faire des choses, qu’il ne faut pas en avoir peur, avoir les bonnes clés et les bonnes façons de faire.

Radio U ; Toi, par exemple ; on a eu l’exemple de de la carte d’anniversaire., est ce que t’aurais un autre exemple concret à donner aux auditeurs ou auditrices de quelque chose que tu as appris ou ou qui tt’a plu et que tu as plus envie de partager ?

Gwendoline  : Vraiment, j’avais appris à monter du son sur Audacity. J’avais réussi à le faire toute seule, j’étais contente d’avoir réussi à le faire, même si le logiciel, je ne le connaissais pas, et là, je vois que même, dans mon entreprise, je réutilise aussi Canva et je peux faire des affiches, des choses que j’ai apprises dans les ateliers.

Radio U : Des choses qui sont utiles pour la vie personnelle, et puis on s’en sert dans la vie professionnelle, etc.

Monique  : Je crois que c’est très important de dire que dans nos ateliers, on se fait plaisir, on passe des bons moments, c’est très, très convivial. Il y a aussi une particularité, c’est que ça regroupe une très grande mixité sociale avec des gens qui sont dans la grande pauvreté, d’autres pas du tout, d’autres qui sont dans le mouvement d’ATD Quart Monde, d’autres qui ne sont pas et qui sont arrivés par des ateliers délocalisés et qui restent. Il y a une grande mixité sociale et on se rend compte que ça fonctionne super bien.

Il y a aussi une mixité générationnelle, parce que dans les écrits, par exemple, la plus petite participe à des écrits avec nous, elle a dix ans et la plus âgée à quatre-vingt treize ans.

On se rend compte que si on crée des opportunités de rencontres entre des personnes qui normalement ne se côtoient pas trop dans la vie ordinaire, les rencontres se font et elles sont hyper riches. C’est ça qui permet justement de vivre ensemble, il ne suffit pas de décréter qu’on veut vivre ensemble, mais il faut aussi faire ensemble. Si on ne fait pas ensemble, on ne peut pas vivre ensemble.

Radio U : Est ce que pour conclure, vous auriez envie de passer un message aux auditeurs ou auditrices de radio U su ATD Quart-monde ou sur les usages coopératifs ou de manière générale, sur le numérique. ?

Monique : On a un super site à l’atelier où on met tous nos écrits, qui s’appelle Lirecrire. Et si on tape lire écrire avec comme mot clé ATD Quart Monde Brest, vous arrivez sur notre site, et vous pouvez même laisser un commentaire ce qui fait énormément plaisir aux gens qui écrivent, parce qu’un peu d’encouragement. ça fait de mal à personne et pour l’estime de soi, c’est important, et l’estime de soi, c’est un moteur dans la vie.

Radio U : Gwendoline un message aussi ?

Gwendoline  : Peut-être de venir nous voir, si vous avez la possibilité d’aller voir un atelier Papi [3] le vendredi matin ou un atelier Lire, écrire le jeudi matin de 9h30 à 11h30 dans les locaux de l’association Infini [4], au-dessus de la médiathèque des Quatre Moulins.