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Forum ouvert coopération et attention à la diversité, retranscription de l’interview de Marie Hélène Pillot par Radio U au Forum des usages coopératifs, Brest 2024

9 septembre 2024 par Michel Briand Veille 301 visites 0 commentaire

Un article repris de http://www.cooperations.infini.fr/s...

Durant le 11 ème Forum des usages coopératifs qui s’est déroulé à Brest du 2 au 4 juillet 2024, Radio U a réalisé une dizaine d’interviews aujourd’hui mises en ligne. Pour faciliter la diffusion de ces contributions au Forum sur les "pas de côté", j’ai entrepris de les retranscrire (avec les limites du passage d’un oral à l’écrit).

Pour continuer cette série, voici la transcription de l’interview de Marie Hélène Pillot, co-animatrice avec Audrey Auriault des deux temps de Forum ouvert qu’elle va nous présenter ici.

Forum ouvert et attention à la diversité, retranscription de l’interview de Marie Hélène Pillot

Voici la transcription légèrement revue, réalisée avec l’aide du logiciel libre Scribe et en cours de validation par la personne interviewée

Introduction par Radio U

Du 2 au 4 juillet 2024, s ’est déroulé le Forum des Usages Coopératifs à Brest. Pour cette 11e édition, organisée par le service médiations et usages numériques de la ville de Brest, c’est sous le thème des pas de côté que les participants et participantes ont abordé différentes manières de coopérer sur des sujets d’actualité et de société.

Rencontres, échanges, forums ouverts, conférences ou encore ateliers, Radio U a suivi plusieurs acteurs et actrices qui ont fait vivre ces journées.

Marie-Hélène Pillot Je suis Marie-Hélène Pillot médiatrice territoriale, j’accompagne les dynamiques de coopération autour des enjeux de transition écologique et sociale. Je vais soit accompagner des collectifs, soit accompagner du multi-acteurs sur un territoire, c’est-à-dire des collectivités, avec agents et élus, mais aussi travailler avec des acteurs socio-économique et des habitants et habitantes. Comment, on peut réfléchir, penser, co-élaborer, co-décider ensemble sur des projets autour de ces enjeux de transition écologique et sociale.

Radio U : De ce que j’ai compris, le forum des usages de la coopération a un temps de forum ouvert depuis cette année et que tu co-animais ce matin. Pour toi , en quoi consiste un forum ouvert ?

Oui on était deux à le co-animer avec Audrey Auriault. Un forum ouvert, c’est une technique d’animation qui permet aux personnes qui sont présentes, donc aux participants, de pouvoir être force de proposition des sujets. Là, on l’a fait sur un petit temps, c’est une demi matinée, et demain une autre demi matinée. On peut faire un forum ouvert sur une journée, sur deux jours. Il n’y a aucun programme à part le début du forum ouvert, les sessions d’ateliers et la fin du forum ouvert.

L’idée, c’est vraiment de laisser la liberté aux personnes présentes, d’être force de proposition, de pouvoir dire voilà, moi, j’ai envie de travailler sur ça ou de réfléchir sur ce sujet, qui a envie de le faire avec moi ? Et ensuite, tout le monde part en atelier. La philosophie de cette technique d’animation, c’est de dire les réunions, comme l’expliquait Audrey ce matin, les réunions, c’est bien, mai sil y a un sujet défini, un ordre du jour, et on le suit. Mais en fait, il y a plein de moments où les sujets ou les solutions qu’on va trouver se trouvent près de la machine à café.

J’ai travaillé dans la recherche avant et c’est vrai qu’on avait un coin café et c’est dans ces endroits que l’on discutait des recherches sur lesquelles on travaillait ou les problématiques qu’on rencontrait. C’est souvent dans ces espaces, autour d’un café, d’un thé, etc., en discutant avec des collègues ou d’autres gens qu’on ne connaissait pas vraiment, qui ne travaillent pas vraiment sur la même thématique, qu’on arrive finalement, avec un regard extérieur, à trouver des solutions.

Pour moi, c’est une méthode d’animation qui montre vraiment l’intelligence collective, qui amène des très belles choses.

Radio U : Les temps que l’on appelle machine à café qui sont à peu près tous les temps informels- Comme je discutais avec jean-michel Cornu juste avant, finalement entre associations, des fois, c’est autour d’une bière que tout se joue. C’est vraiment là-dessus qu’il faut insister et, en fait, c’est ça aussi un usage coopératif.

Oui, tout à fait, pour apprendre à coopérer ensemble, il faut d’abord apprendre à se connaître, se reconnaître. Ce n’est pas vraiment dans des espaces de travail cadrés qu’on apprend à vraiment à se connaître. Pour coopérer, il faut de la confiance, il faut du lien, et cela c’est souvent justement dans les espaces informels. Je suis restée soft avec le thé, le café, mais effectivement, souvent, tu vas boire une bière le soir, tu vas jouer un billard, tu vas faire un foot, etc. Quelle que soit l’activité physique, ou juste dans un bar, tu crées du lien parce que tu apprends à plus connaître la personne. Et parce que tu vas la connaître, dans des moments de travail ou de réunion, c’est ça aussi qui est intéressant, quand la personne peut être avec des émotions qui peuvent être un peu complexes, ou de la fatigue, de stress, ou après une mauvaise nouvelle ; dans le cadre de la réunion, parce que tu la connais, tu ne vas pas prendre pour toi une réaction qui peut être un peu bizarre et incompréhensible. Quand tu connais mieux la personne, tu sais quand tout va bien, voilà, tout est parfait, tout va bien, c’est génial, mais quand il y a un petite couac, un petit grain de sable, parce qu’on connaît cette personne, on peut dire oui, je sais qu’il se passe ça, ou je sais que machin est derrière, on n’a pas notre ego qui va être un petit peu pincé, et du coup, cela ne va pas bloquer la confiance et la coopération derrière.

En fait, la coopération, c’est apprendre à se connaître, se reconnaître, se faire confiance, créer du lien et après, en fait, cela amène une fluidité, une facilité. Il y a des techniques d’animation qui permettent ça, mais les techniques d’animation ne sont que des outils, sans le lien humain, le lien social, on n’arrive pas à aller dans la coopération.

Radio U : C’est aussi ce qui permet de totalement libérer la parole, ou presque totalement..

Oui, alors il y a le lien, la confiance et il y a le cadre de confiance ou de sécurité qu’on peut se donner.. J’étais dans un atelier où on parlait justement des personnes en minorité et comment on peut, non pas les inclure, mais comment on peut faire avec ces personnes, comment nous aussi, on peut aller vers, sortir de notre entre-soi, de notre zone de confort, ouvrir les espaces. Mais du coup, ce cadre de sécurité pour libérer la parole, c’est aussi se dire : je vais accueillir ce que la personne en face de moi va dire, quel que soit son niveau d’étude, quel que soit son corps de métier, quel que soit son grade dans l’entreprise, quelles que soient ses origines culturelles, etc.

Le cadre de sécurité va permettre de dire : je parle en mon « je », toutes les questions qui vont être posées ne sont pas des mauvaises questions, tous les apports qui vont être proposés sont intéressants. Il n’y a pas de personnes naïves ou de personnes expertes, on a toutes et tous une expertise technique, une expertise d’usage ou autre, et, en fait, c’est cette diversité de prises de parole, d’apports, qui fait l’intelligence collective et qui fait qu’à un moment donné, on va pouvoir proposer des solutions qui vont correspondre aux besoins des gens.

Et pour moi, c’est ça qui est intéressant, c’est aussi de sortir de cette catégorie ou cette parole, de dire : je suis expert, donc je sais, parce que je suis ingénieur, parce que j’ai un niveau d’études, parce que je travaille dans ce métier depuis des années, etc., donc je sais forcément mieux que toi. Et en fait non, et c’est ça que je trouve intéressant aussi dans mon métier, c’est que justement, quand on fait travailler des professionnels d’un sujet avec des élus, des agents, des acteurs sociaux, économiques et des habitants qui ne sont pas du tout du sujet, cela amène une richesse qui est géniale.

Donc, si on propose un cadre de sécurité, qui est aussi le cadre qu’on propose dans le forum ouvert de, « pas de jugement, », « je parle en mon je », « J’ai une parole concise », on fait attention à ce que la parole tourne et que ce ne soit pas toujours les mêmes personnes qui prennent et monopolisent la parole, cela amène des choses magnifiques et la création de belles pépites.

Radio U En fait, tu disais tout à l’heure qu’un des enjeux, c’est aussi sortir de l’entre-soi, etc.
et sur ce forum, j’avais l’impression qu’il y a quand même une certaine transversalité avec une diversité de profils ?

Alors, on est quand même un peu dans l’entre-soi. Ce forum ouvert, il est quand même particulier parce que c’est un format un peu réduit : est-ce qu’il allait avoir lieu ? ou ne pas voir lieu ? C’était la question. Normalement, je crois que c’est trois ou quatre cents personnes qui sont là. Ici, on est cent cinquante, ce qui est super pour une édition qui a failli ne pas fonctionner. Je ne pourrais pas dire si le forum des usages coopératifs, habituellement, a plus de diversité que là, mais il y a quand même des profils un peu homogènes. Oui, tu as des hommes et des femmes blancs, peu de personnes racisées. En termes d’âge, est-ce que on touche vraiment tous les âges ? Je ne connais pas les corps de métier de chacun, mais on est quand même tous familiers des usages coopératifs ou numériques. Donc, du coup, c’est quand même aussi une forme d’entre soi. Mais après, c’est difficile d’avoir aussi une diversité. Si tu ne travaille pas sur ces sujets, tu te dis "ce forum, il n’est pas fait pour moi" ; qu’est-ce que je vais aller apporter, qu’est-ce que je vais y trouver, quelle est ma place en fait ? Ça, c’est une vraie question. Ce qu’il doit être ouvert à tout le monde, est-ce que c’est l’enjeu ou l’objectif ? Je ne sais pas. Ce n’est que ma première session.

Ou est-ce qu’on reste dans ce contexte ? ça dépend des sujets qu’on veut traiter, ça dépend de la mission et de l’objectif qu’on veut donner à ce forum.

Radio U : Tu parlais de l’atelier auquel tu as assisté. Du coup, je voulais savoir si cela avait fonctionné sur ce forum ouvert et permis d’une certaine manière de libérer la parole, d’avoir une forme de transversalité ?

Dans l’atelier où j’étais effectivement, la parole, c’est répartie. Ce qu’on a aussi mis en place comme animation c’était un temps de réflexions sur des post-it. On s’est dit : voilà, on se distribue des post-its, on réfléchit chacune de son côté, et le fait de proposer un temps de réflexion individuel, permet aux personnes qui ont besoin de prendre ce temps de réflexion, de pouvoir être sur un pied d’équivalence par rapport aux autres personnes qui réfléchissent plus vite. Parce qu’on a toujours dans un groupe, les lions et les gazelles. Les lions ou les lionnes, ce sont les personnes qui vont avoir de la réactivité, la facilité à prendre la parole en public, etc. Et les gazelles se font bouffer par les lions et les lionnes, et vont avoir tendance à ne pas souvent prendre la parole, ne pas oser et s’exprimer moins. Et c’est intéressant d’avoir des méthodes d’animation qui permettent justement à chacune de pouvoir prendre la parole et s’exprimer, de partager ses idées en équivalence. On ne va pas chronométrer le temps de parole, mais il y a des animatrices ou des animateurs qui sont là pour y veiller.

C’est pour cela qu’on a aussi défini des rôles au démarrage : un rôle de script, c’est important de capitaliser, de garder trace de ce qui est dit et partagé, pour que ceux qui ne sont pas dans l’atelier puissent ensuite en avoir connaissance. Quelqu’un qui anime, qui va veiller à ce que tout le monde se sente bien, puisse parler, etc. Et une personne qui va garder le temps pour justement se dire : attention, là il faut faire tourner, là il nous reste tant de temps pour passer à la synthèse, etc. Cela permet aussi de ne pas avoir des réunions, des temps qui sortent du cadre qu’on s’était donné qui épuisent les gens, ne pas avoir des gens qui monopolisent la parole et des frustrations en face.

Radio U Ces techniques d’animation viennent de l’éducation populaire ?

Oui, tout à fait, ce sont des techniques d’animation qui viennent de l’éducation populaire et celle-ci vient des États-Unis. De manière un peu bizarre ou contradictoire, elle vient du monde de l’entreprise. C’est assez intéressant de se dire que, finalement, il y a des techniques qui sont soit du monde associatif ou de l’entreprise, et qu’elles peuvent voyager de l’un à l’autre. Tout est ouvert, comme le forum ouvert.

Radio U : Peut-être pour conclure, je ne sais pas si t’as eu l’occasion d’avoir des retours des participants ou participantes pour qui c’était la première fois qu’elle ou il participait à un forum ouvert.

Est-ce que j’ai déjà eu des petits retours ? Non, pas du tout, je viens juste de redescendre en récupérant tout le matériel, donc, je ne saurais pas dire. Après, nous, dans l’atelier, les personnes étaient assez satisfaites puisque, du coup, on a mis en place ce que je t’ai dit. Sur la question, en plus de faire, de pouvoir coopérer avec les personnes en minorité. On est parti sur une animation : « l’opposé des contraires » : comment faire au mieux pour éviter l’ouverture et rester vraiment dans l’entre-soi. C’est intéressant parce qu’on peut lister plein de choses qui font que là, on est sûr qu’on restera entre nous. Puis après, bien sûr, on va chercher les contraires, ce qui peut permettre justement d’ouvrir. Dans cet atelier, les personnes semblaient satisfaites.

Après, l’ambiance avait l’air bonne en bas, devant le buffet ; donc, jusqu’ici tout va bien.

Radio U : Est-ce que tu as un message à faire passer aux auditeurs et auditrices de manière large, que ça concerne les usages coopératifs, les forums ouverts ?

Peut-être un message sur la coopération. Pour moi, ce qui est important, c’est que, face aux crises et au contexte sociétal dans lequel on est à l’heure actuelle : dérèglement climatique, crises économiques et sociales, avec une perte de biodiversité, etc. Je pense que, oui, on a tous, une contribution à apporter, une richesse à amener, et je pense, que c’est important que, dans ces espaces, on puisse avoir beaucoup plus de diversité, parce que c’est comme ça que, justement, on arrivera à être force de proposition : en se rassemblant, en recréant du lien. En réfléchissant ensemble, on pourra proposer des solutions qui seront adaptées à tout le monde et pas uniquement à une petite catégorie de la population qui aura pensé avec son prisme et son biais ; biais dû à l’éducation, dû à plein de choses, ce qui est normal ? nous ne sommes que des êtres humains. Mais dans le monde animal non humain, la coopération est quand même quelque chose. En période de crise, ce n’est pas la compétition qui prime, c’est vraiment la coopération.

Je pense que moi, ce serait ça le message : "mais allons-y tous et toutes ensemble".

sur le Forum ouvert
Le Forum Ouvert, fiche sur le site collaboratif de partage de ressources Interpöle
Le forum ouvert pour brainstormer en toute liberté article du Living lab du CNAM (cc by nc nd) du 10 juin 2024.
La Fiche pratique Organiser un forum ouvert par Les Colibris

sur les pas de cöté
Le pas de côté, Nadège Pierotti, Dans La chaîne d’union 2018/1 (N° 83), pages 82 à 88.

Durant le 11 ème Forum des usages coopératifs qui s’est déroulé à Brest du 2 au 4 juillet 2024, Radio U a réalisé une dizaine d’interviews aujourd’hui mises en ligne. Pour faciliter la diffusion de ces contributions au Forum sur les "pas de côté", j’ai entrepris de les retranscrire (avec les limites du passage d’un oral à l’écrit).

Pour continuer cette série, voici la transcription de l’interview de Marie Hélène Pillot, co-animatrice avec Audrey Auriault des deux temps de Forum ouvert qu’elle va nous présenter ici.

Forum ouvert et attention à la diversité, retranscription de l’interview de Marie Hélène Pillot

Voici la transcription légèrement revue, réalisée avec l’aide du logiciel libre Scribe et en cours de validation par la personne interviewée

Introduction par Radio U

Du 2 au 4 juillet 2024, s ’est déroulé le Forum des Usages Coopératifs à Brest. Pour cette 11e édition, organisée par le service médiations et usages numériques de la ville de Brest, c’est sous le thème des pas de côté que les participants et participantes ont abordé différentes manières de coopérer sur des sujets d’actualité et de société.

Rencontres, échanges, forums ouverts, conférences ou encore ateliers, Radio U a suivi plusieurs acteurs et actrices qui ont fait vivre ces journées.

Marie-Hélène Pillot Je suis Marie-Hélène Pillot médiatrice territoriale, j’accompagne les dynamiques de coopération autour des enjeux de transition écologique et sociale. Je vais soit accompagner des collectifs, soit accompagner du multi-acteurs sur un territoire, c’est-à-dire des collectivités, avec agents et élus, mais aussi travailler avec des acteurs socio-économique et des habitants et habitantes. Comment, on peut réfléchir, penser, co-élaborer, co-décider ensemble sur des projets autour de ces enjeux de transition écologique et sociale.

Radio U : De ce que j’ai compris, le forum des usages de la coopération a un temps de forum ouvert depuis cette année et que tu co-animais ce matin. Pour toi , en quoi consiste un forum ouvert ?

Oui on était deux à le co-animer avec Audrey Auriault. Un forum ouvert, c’est une technique d’animation qui permet aux personnes qui sont présentes, donc aux participants, de pouvoir être force de proposition des sujets. Là, on l’a fait sur un petit temps, c’est une demi matinée, et demain une autre demi matinée. On peut faire un forum ouvert sur une journée, sur deux jours. Il n’y a aucun programme à part le début du forum ouvert, les sessions d’ateliers et la fin du forum ouvert.

L’idée, c’est vraiment de laisser la liberté aux personnes présentes, d’être force de proposition, de pouvoir dire voilà, moi, j’ai envie de travailler sur ça ou de réfléchir sur ce sujet, qui a envie de le faire avec moi ? Et ensuite, tout le monde part en atelier. La philosophie de cette technique d’animation, c’est de dire les réunions, comme l’expliquait Audrey ce matin, les réunions, c’est bien, mai sil y a un sujet défini, un ordre du jour, et on le suit. Mais en fait, il y a plein de moments où les sujets ou les solutions qu’on va trouver se trouvent près de la machine à café.

J’ai travaillé dans la recherche avant et c’est vrai qu’on avait un coin café et c’est dans ces endroits que l’on discutait des recherches sur lesquelles on travaillait ou les problématiques qu’on rencontrait. C’est souvent dans ces espaces, autour d’un café, d’un thé, etc., en discutant avec des collègues ou d’autres gens qu’on ne connaissait pas vraiment, qui ne travaillent pas vraiment sur la même thématique, qu’on arrive finalement, avec un regard extérieur, à trouver des solutions.

Pour moi, c’est une méthode d’animation qui montre vraiment l’intelligence collective, qui amène des très belles choses.

Radio U : Les temps que l’on appelle machine à café qui sont à peu près tous les temps informels- Comme je discutais avec jean-michel Cornu juste avant, finalement entre associations, des fois, c’est autour d’une bière que tout se joue. C’est vraiment là-dessus qu’il faut insister et, en fait, c’est ça aussi un usage coopératif.

Oui, tout à fait, pour apprendre à coopérer ensemble, il faut d’abord apprendre à se connaître, se reconnaître. Ce n’est pas vraiment dans des espaces de travail cadrés qu’on apprend à vraiment à se connaître. Pour coopérer, il faut de la confiance, il faut du lien, et cela c’est souvent justement dans les espaces informels. Je suis restée soft avec le thé, le café, mais effectivement, souvent, tu vas boire une bière le soir, tu vas jouer un billard, tu vas faire un foot, etc. Quelle que soit l’activité physique, ou juste dans un bar, tu crées du lien parce que tu apprends à plus connaître la personne. Et parce que tu vas la connaître, dans des moments de travail ou de réunion, c’est ça aussi qui est intéressant, quand la personne peut être avec des émotions qui peuvent être un peu complexes, ou de la fatigue, de stress, ou après une mauvaise nouvelle ; dans le cadre de la réunion, parce que tu la connais, tu ne vas pas prendre pour toi une réaction qui peut être un peu bizarre et incompréhensible. Quand tu connais mieux la personne, tu sais quand tout va bien, voilà, tout est parfait, tout va bien, c’est génial, mais quand il y a un petite couac, un petit grain de sable, parce qu’on connaît cette personne, on peut dire oui, je sais qu’il se passe ça, ou je sais que machin est derrière, on n’a pas notre ego qui va être un petit peu pincé, et du coup, cela ne va pas bloquer la confiance et la coopération derrière.

En fait, la coopération, c’est apprendre à se connaître, se reconnaître, se faire confiance, créer du lien et après, en fait, cela amène une fluidité, une facilité. Il y a des techniques d’animation qui permettent ça, mais les techniques d’animation ne sont que des outils, sans le lien humain, le lien social, on n’arrive pas à aller dans la coopération.

Radio U : C’est aussi ce qui permet de totalement libérer la parole, ou presque totalement..

Oui, alors il y a le lien, la confiance et il y a le cadre de confiance ou de sécurité qu’on peut se donner.. J’étais dans un atelier où on parlait justement des personnes en minorité et comment on peut, non pas les inclure, mais comment on peut faire avec ces personnes, comment nous aussi, on peut aller vers, sortir de notre entre-soi, de notre zone de confort, ouvrir les espaces. Mais du coup, ce cadre de sécurité pour libérer la parole, c’est aussi se dire : je vais accueillir ce que la personne en face de moi va dire, quel que soit son niveau d’étude, quel que soit son corps de métier, quel que soit son grade dans l’entreprise, quelles que soient ses origines culturelles, etc.

Le cadre de sécurité va permettre de dire : je parle en mon « je », toutes les questions qui vont être posées ne sont pas des mauvaises questions, tous les apports qui vont être proposés sont intéressants. Il n’y a pas de personnes naïves ou de personnes expertes, on a toutes et tous une expertise technique, une expertise d’usage ou autre, et, en fait, c’est cette diversité de prises de parole, d’apports, qui fait l’intelligence collective et qui fait qu’à un moment donné, on va pouvoir proposer des solutions qui vont correspondre aux besoins des gens.

Et pour moi, c’est ça qui est intéressant, c’est aussi de sortir de cette catégorie ou cette parole, de dire : je suis expert, donc je sais, parce que je suis ingénieur, parce que j’ai un niveau d’études, parce que je travaille dans ce métier depuis des années, etc., donc je sais forcément mieux que toi. Et en fait non, et c’est ça que je trouve intéressant aussi dans mon métier, c’est que justement, quand on fait travailler des professionnels d’un sujet avec des élus, des agents, des acteurs sociaux, économiques et des habitants qui ne sont pas du tout du sujet, cela amène une richesse qui est géniale.

Donc, si on propose un cadre de sécurité, qui est aussi le cadre qu’on propose dans le forum ouvert de, « pas de jugement, », « je parle en mon je », « J’ai une parole concise », on fait attention à ce que la parole tourne et que ce ne soit pas toujours les mêmes personnes qui prennent et monopolisent la parole, cela amène des choses magnifiques et la création de belles pépites.

Radio U En fait, tu disais tout à l’heure qu’un des enjeux, c’est aussi sortir de l’entre-soi, etc.
et sur ce forum, j’avais l’impression qu’il y a quand même une certaine transversalité avec une diversité de profils ?

Alors, on est quand même un peu dans l’entre-soi. Ce forum ouvert, il est quand même particulier parce que c’est un format un peu réduit : est-ce qu’il allait avoir lieu ? ou ne pas voir lieu ? C’était la question. Normalement, je crois que c’est trois ou quatre cents personnes qui sont là. Ici, on est cent cinquante, ce qui est super pour une édition qui a failli ne pas fonctionner. Je ne pourrais pas dire si le forum des usages coopératifs, habituellement, a plus de diversité que là, mais il y a quand même des profils un peu homogènes. Oui, tu as des hommes et des femmes blancs, peu de personnes racisées. En termes d’âge, est-ce que on touche vraiment tous les âges ? Je ne connais pas les corps de métier de chacun, mais on est quand même tous familiers des usages coopératifs ou numériques. Donc, du coup, c’est quand même aussi une forme d’entre soi. Mais après, c’est difficile d’avoir aussi une diversité. Si tu ne travaille pas sur ces sujets, tu te dis "ce forum, il n’est pas fait pour moi" ; qu’est-ce que je vais aller apporter, qu’est-ce que je vais y trouver, quelle est ma place en fait ? Ça, c’est une vraie question. Ce qu’il doit être ouvert à tout le monde, est-ce que c’est l’enjeu ou l’objectif ? Je ne sais pas. Ce n’est que ma première session.

Ou est-ce qu’on reste dans ce contexte ? ça dépend des sujets qu’on veut traiter, ça dépend de la mission et de l’objectif qu’on veut donner à ce forum.

Radio U : Tu parlais de l’atelier auquel tu as assisté. Du coup, je voulais savoir si cela avait fonctionné sur ce forum ouvert et permis d’une certaine manière de libérer la parole, d’avoir une forme de transversalité ?

Dans l’atelier où j’étais effectivement, la parole, c’est répartie. Ce qu’on a aussi mis en place comme animation c’était un temps de réflexions sur des post-it. On s’est dit : voilà, on se distribue des post-its, on réfléchit chacune de son côté, et le fait de proposer un temps de réflexion individuel, permet aux personnes qui ont besoin de prendre ce temps de réflexion, de pouvoir être sur un pied d’équivalence par rapport aux autres personnes qui réfléchissent plus vite. Parce qu’on a toujours dans un groupe, les lions et les gazelles. Les lions ou les lionnes, ce sont les personnes qui vont avoir de la réactivité, la facilité à prendre la parole en public, etc. Et les gazelles se font bouffer par les lions et les lionnes, et vont avoir tendance à ne pas souvent prendre la parole, ne pas oser et s’exprimer moins. Et c’est intéressant d’avoir des méthodes d’animation qui permettent justement à chacune de pouvoir prendre la parole et s’exprimer, de partager ses idées en équivalence. On ne va pas chronométrer le temps de parole, mais il y a des animatrices ou des animateurs qui sont là pour y veiller.

C’est pour cela qu’on a aussi défini des rôles au démarrage : un rôle de script, c’est important de capitaliser, de garder trace de ce qui est dit et partagé, pour que ceux qui ne sont pas dans l’atelier puissent ensuite en avoir connaissance. Quelqu’un qui anime, qui va veiller à ce que tout le monde se sente bien, puisse parler, etc. Et une personne qui va garder le temps pour justement se dire : attention, là il faut faire tourner, là il nous reste tant de temps pour passer à la synthèse, etc. Cela permet aussi de ne pas avoir des réunions, des temps qui sortent du cadre qu’on s’était donné qui épuisent les gens, ne pas avoir des gens qui monopolisent la parole et des frustrations en face.

Radio U Ces techniques d’animation viennent de l’éducation populaire ?

Oui, tout à fait, ce sont des techniques d’animation qui viennent de l’éducation populaire et celle-ci vient des États-Unis. De manière un peu bizarre ou contradictoire, elle vient du monde de l’entreprise. C’est assez intéressant de se dire que, finalement, il y a des techniques qui sont soit du monde associatif ou de l’entreprise, et qu’elles peuvent voyager de l’un à l’autre. Tout est ouvert, comme le forum ouvert.

Radio U : Peut-être pour conclure, je ne sais pas si t’as eu l’occasion d’avoir des retours des participants ou participantes pour qui c’était la première fois qu’elle ou il participait à un forum ouvert.

Est-ce que j’ai déjà eu des petits retours ? Non, pas du tout, je viens juste de redescendre en récupérant tout le matériel, donc, je ne saurais pas dire. Après, nous, dans l’atelier, les personnes étaient assez satisfaites puisque, du coup, on a mis en place ce que je t’ai dit. Sur la question, en plus de faire, de pouvoir coopérer avec les personnes en minorité. On est parti sur une animation : « l’opposé des contraires » : comment faire au mieux pour éviter l’ouverture et rester vraiment dans l’entre-soi. C’est intéressant parce qu’on peut lister plein de choses qui font que là, on est sûr qu’on restera entre nous. Puis après, bien sûr, on va chercher les contraires, ce qui peut permettre justement d’ouvrir. Dans cet atelier, les personnes semblaient satisfaites.

Après, l’ambiance avait l’air bonne en bas, devant le buffet ; donc, jusqu’ici tout va bien.

Radio U : Est-ce que tu as un message à faire passer aux auditeurs et auditrices de manière large, que ça concerne les usages coopératifs, les forums ouverts ?

Peut-être un message sur la coopération. Pour moi, ce qui est important, c’est que, face aux crises et au contexte sociétal dans lequel on est à l’heure actuelle : dérèglement climatique, crises économiques et sociales, avec une perte de biodiversité, etc. Je pense que, oui, on a tous, une contribution à apporter, une richesse à amener, et je pense, que c’est important que, dans ces espaces, on puisse avoir beaucoup plus de diversité, parce que c’est comme ça que, justement, on arrivera à être force de proposition : en se rassemblant, en recréant du lien. En réfléchissant ensemble, on pourra proposer des solutions qui seront adaptées à tout le monde et pas uniquement à une petite catégorie de la population qui aura pensé avec son prisme et son biais ; biais dû à l’éducation, dû à plein de choses, ce qui est normal ? nous ne sommes que des êtres humains. Mais dans le monde animal non humain, la coopération est quand même quelque chose. En période de crise, ce n’est pas la compétition qui prime, c’est vraiment la coopération.

Je pense que moi, ce serait ça le message : "mais allons-y tous et toutes ensemble".

sur le Forum ouvert
Le Forum Ouvert, fiche sur le site collaboratif de partage de ressources Interpöle
Le forum ouvert pour brainstormer en toute liberté article du Living lab du CNAM (cc by nc nd) du 10 juin 2024.
La Fiche pratique Organiser un forum ouvert par Les Colibris

sur les pas de cöté
Le pas de côté, Nadège Pierotti, Dans La chaîne d’union 2018/1 (N° 83), pages 82 à 88.

Licence : CC by-sa

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